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Résultats 2019 – La BRED affiche une très forte hausse du résultat net 2019 de 11 % à 307 M€ pour un PNB en progression de 5 % à 1 252 M€

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Retrouvez ici le communiqué de presse annonçant les résultats 2019 de la BRED Banque Populaire.

 
Retrouvez l’intégralité du communiqué de presse ici : 20200227 – BRED – FR – Résultats 2019

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Banque Conjoncture Politique Economique

« Les risques de la banque commerciale face à la nouvelle structure des taux d’intérêt et à la montée du digital ».

Je donne le 24 septembre prochain, pour l’Association des Diplômés du CESB (Centre d’Etudes Supérieures de Banque), une conférence ayant pour thème : « les risques de la banque commerciale face à la nouvelle structure des taux d’intérêt et à la montée du digital ».

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Banque Conjoncture Economie Générale Zone Euro

J’étais l’invité de Jean-François Bodin sur Radio Rythme Bleu pour parler économie calédonienne, stratégie bancaire, guerre commerciale Etats-Unis/Chine

À l’occasion de ma visite en Nouvelle-Calédonie, j’ai eu le plaisir d’être accueilli par Jean-François Bodin sur Radio Rythme Bleu pour y parler économie mondiale, guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine, stratégie bancaire ou encore situation actuelle de l’économie calédonienne.

Interview à retrouver ici : https://bit.ly/30B7AoT

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Zone Euro

La Ligue Européenne de Coopération Économique a organisé au Sénat un colloque sur les questions d’immigration en Europe. Retrouvez le résumé des débats ici.

La section française de la Ligue Européenne de Coopération Économique, que je préside, a organisé le 25 février 2019 au Sénat un colloque sur les questions d’immigration, avec les interventions de :

  • Monique BARBUT, directrice générale du Fonds pour l’environnement mondial et Secrétaire exécutive de la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification ;
  • Olivier BERGEAU, membre du Cabinet du Commissaire Dimitris Avramopoulos, Commission Européenne ;
  • Georg FELSHEIM, ministre-conseiller et chef du service politique auprès de l’Ambassade d’Allemagne à Paris ;
  • Gerald KNAUS, chercheur spécialisé sur les sujets d’asile et des frontières et président fondateur de l’Initiative européenne pour la stabilité (ESI) ;
  • Hippolyte d’ALBIS, économiste, directeur de recherche au CNRS ;
  • Jean-Christophe DUMONT, directeur de la division des migrations internationales à l’OCDE.

Résumé

Jean-Christophe DUMONT

Quelques éléments chiffrés :

  • La population (ou « stock ») de migrants dans l’Union Européenne (UE) est de 60 millions, ce qui représente environ 10 % de la population totale ; la France est dans la moyenne européenne. Cependant en comptant les enfants nés de parents immigrés, on arrive 18% dans l’UE, mais à 27 % en France.
  • Le « flux » annuel moyen de personnes qui s’installent en France est 0,4 % de la population française (250 à 260 000) ; pour l’UE, ce taux est autour de 0,7 %. Dans ce flux, la part des demandeurs d’asile a été maximale en 2015-2016, atteignant 1,2 million environ dans les pays de l’UE, avec de grandes différences entre Etats membres : la France, 0,4 % (pas de pic) ; mais la Suède a accueilli des réfugiés totalisant presque l’équivalent de 3 % de sa population, l’Allemagne et l’Autriche, autour de 2 %. On est revenu à une sorte de normale, avec un peu moins de 600 000 demandes d’asile pour l’UE en 2018.
  • En plus du flux d’immigrés permanents, il faut ajouter les personnes qui viennent de manière temporaire : travailleurs saisonniers ; travailleurs se déplaçant à l’intérieur des firmes ; mais également travailleurs détachés : c’est environ 1,5 million de personnes qui sont détachées chaque année au sein de l’UE.

Monique BARBUT

Il faut sonner l’alarme face aux deux évolutions redoutables qui prennent l’Afrique en étau :

  • une augmentation de la température moyenne de 2 degrés centigrades à l’échelle de la planète signifiera une augmentation de 4 degrés en moyenne sur le continent africain, et davantage encore au sud du Sahara, provoquant une diminution considérable de la surface et de la productivité des terres cultivables ;
  • la population totale africaine est en forte augmentation ; selon les projections médianes de l’ONU, elle pourrait passer de 1,2 milliards d’habitants actuellement à 2 milliards en 2050 et 4 milliards en 2100.

Ces deux phénomènes vont exercer une forte pression migratoire sur les Africains. Selon une étude que nous avons menée avec le ministère britannique de la Défense sur la période qui va d’aujourd’hui à 2045, 60 millions d’entre eux seront dans l’obligation de migrer et ils migreront pour l’essentiel vers l’Europe.
Au-delà des solutions court-termistes du type sécurité à la frontière, il va nous falloir prendre d’autres décisions :

  • aujourd’hui, on peut restaurer des terres en Afrique pour moins de 200 dollars l’hectare, à comparer aux 35 euros par jour que coûte un migrant illégal qui est arrivé dans un port en Italie. Il faut donc augmenter substantiellement les financements « climat » publics et privés consacrés à l’atténuation des dommages créés par le réchauffement climatique ;
  • d’un point de vue politique, il faut reconnaître un statut de réfugiés climatiques, à côté de celui de réfugiés politiques et à côté des migrations économiques.

La France, qui va présider le G7, devrait pousser vigoureusement dans ce sens. 

Olivier BERGEAUD

Dès le début de son mandat (26 octobre 2014), la Commission européenne a pris une approche très globale sur les questions migratoires, s’appuyant sur quatre piliers.

  • Premier pilier : renforcer nos partenariats avec un certain nombre de pays le long des routes migratoires, comme déjà fait avec la Turquie, en cours avec la Libye et le Niger, en discussion avec le Maroc.
  • Deuxième pilier : protéger les frontières extérieures européennes. C’est essentiel pour préserver l’espace Schengen. Porter l’effectif des garde-frontières de 1 500 à 10 000 ; renforcer le système informatisé ESTA, pour mieux contrôler les entrées et les sorties.
  • Troisième pilier : mettre en place une politique européenne de l’asile. La Commission a présenté 7 propositions législatives, notamment, pour : essayer de renforcer l’harmonisation entre les législations des différents États membres ; renforcer le rôle de l’Agence Européenne en matière d’asile ; réformer le règlement de Dublin. C’est sûrement le plus difficile actuellement. On s’oriente désormais vers des arrangements très flexibles entre les États membres de bonne volonté, qui seraient prêts à participer à un système de redistribution sur une base entièrement volontaire. Ce sera sûrement un défi important pour la prochaine Commission de faire avancer les réformes de l’asile.
  • Quatrième pilier : réguler l’immigration légale. Au sein de l’UE, chaque État membre garde la prérogative de déterminer combien de personnes il admet sur son territoire. La seule chose que la législation européenne peut faire, c’est d’essayer de rapprocher les droits et les obligations selon lesquels les immigrés légaux sont admis dans les Etats membres.

Georg FELSHEIM

Dans une situation tout à fait particulière, à la fin de 2015, le gouvernement allemand a décidé d’accueillir un grand nombre de réfugiés en provenance essentiellement de Syrie. En 2015 et en 2016, plus d’un million de personnes sont arrivées en Allemagne et cela s’est traduit dans plus d’un million de demandes d’asile qui ont été déposées par la suite. À titre de comparaison en 2018, 190 000 personnes ont demandé l’asile en Allemagne.

  • L’État fédéral a mis à disposition d’importants moyens financiers pour l’intégration des réfugiés. En 2017 et en 2018, 15 milliards d’euros par an ont été dégagés dans le budget fédéral, dont 8 milliards pour l’intégration des réfugiés en Allemagne. À cela s’ajoutent 5 milliards d’aide aux Länder et aux communes.
  • La nouvelle loi sur l’intégration répond à un double principe : soutenir les immigrés et exiger d’eux quelque chose en contrepartie. Ainsi, des cours de langue sont assurés à raison de 600 unités d’enseignement de 45 heures, de même que des cours d’orientation qui visent à favoriser la transmission des valeurs de la société allemande. Ne pas participer à ces cours peut mener à une réduction des prestations accordées aux réfugiés.
  • Selon un sondage publié la semaine dernière, presque la moitié des entreprises en Allemagne ont donné en 2018 des formations professionnelles actuellement à des migrants. Ce chiffre était de seulement un tiers en 2016.

Un Conseil franco-allemand de l’Intégration a été créé à la suite d’une décision du Conseil de ministres franco-allemand en avril 2016. Son objectif consiste à insuffler un élan commun pour faire face à ce défi qui touche la société dans son ensemble, grâce à l’échange d’expériences entre l’Allemagne et la France.

Pour conclure, l’intégration des réfugiés et des migrants reste un grand défi pour l’Allemagne et aussi pour d’autres pays. Nous sommes encore très loin d’une politique d’asile commune au sein de l’Union européenne. Théoriquement, les demandeurs d’asile dont la demande a été déboutée devraient retourner dans leur pays d’origine, ce qui ne se fait pas aujourd’hui de manière convaincante.

Gerald KNAUS

During the last five years, 1,8 million people crossed the Mediterranean sea, most of them in a very short period: in 15 months, more than 1,1 million came to Greece, another 650 000 to Italy. They arrived in a way that caused more than 17 000 people died.

And the majority of those who arrived from Africa did not get refugee protection, but stay. So hundreds of thousands of people are staying, in Italy, France, or Germany, for many years, without any settled status: this creates a deadly magnet. The countries of origin do not co-operate; they do not take any interest in really helping us return citizens who, they think, are going to send them some money. And today, the interior ministers in a lot of European countries say the only way to stop migration is to give up the right to asylum.

So, not having a credible response that stops people who do not need protection from coming without violating our core values is, politically, is a critical problem.

Our asylum procedures take too long and we have inhuman conditions in our camps (like Lesbos), to try to deter people. We need to do better; to have fast asylum procedures; to be able to return those who do not need protection. To be realistic, we need an alliance -as we had in the creation of Schengen- of a few member states that have a common interest, a clear strategy, and share common values. France and Germany have to be at the centre: to show to the rest of Europe is that we are able to rescue people; but to take them to a reception centre of decent conditions; and decide within a few weeks who needs protection and who does not. In the Netherlands and in Switzerland, asylum systems have been designed to decide within a few weeks. If we have agreements with the major countries of origin (Senegal, Gambia, Ivory Coast, Nigeria), so that they have an interest to take back their citizens from those centres because we offer them something attractive, which is the secret to the EU-Turkey Agreement, then the flow will stop…

This could be a big European project that is doable and shows that values and security can be combined. If Germany and France take the lead on this, with the Netherland, Spain and Greece on board (even without Italy at this moment), Swiss might be part of it.
Here I end with an idea. Why isn’t such a centre being set up in Corsica?

Hippolyte d’ALBIS

Je vais essayer de parler d’économie et migrations….La plupart des gens pensent que l’immigration est un coût, un fardeau économique…Deux craintes s’expriment très fortement : les immigrés prennent les emplois des Français, et ils prennent nos allocations… Vrai ou faux ?

Prenons la première : ils prennent nos emplois. Or, on le sait, les personnes immigrées sont très souvent discriminées sur le marché du travail. Elles ont moins de chance d’obtenir un emploi. Dès lors, comment la personne discriminée pourrait-elle prendre l’emploi du natif ? C’est impossible, c’est même le contraire : la personne discriminée prend l’emploi que le natif ne veut justement pas, et c’est parce qu’elle va prendre finalement un emploi vacant qu’elle peut être un bénéfice pour l’économie.

Autre exemple, la protection sociale. L’image répandue est celle d’un chômeur avec beaucoup d’enfants, qui touche annuellement beaucoup d’allocations familiales. Or, les migrants lorsqu’ils arrivent sont plutôt jeunes que la moyenne de la population ; donc oui, ils ont plus de chance d’avoir des enfants, et ils pèsent plus que la moyenne sur les dépenses liées à la famille ; mais ils pèsent moins que la moyenne sur les dépenses de santé et les retraites. Et le solde est plutôt positif.

Passons à la macroéconomie. Les personnes immigrées ont des salaires plus faibles que le reste de la population ; donc si l’on admet plus de personnes immigrées, le salaire moyen va baisser. Mais une personne immigrée qui va travailler dans une crèche, par exemple, va rendre un service à la communauté en gardant des enfants, ce qui va permettre à une femme ou un homme de travailler plus. Le résultat global n’est donc pas systématiquement négatif.

La moitié de la migration extra-européenne est une migration familiale et au sein de cette moitié, il y en a encore la moitié qui relève du regroupement familial. C’est souvent perçu comme étant une catastrophe économique. Pourtant, une personne qui fait venir sa famille va consommer son salaire en France ; tant que sa famille était à l’étranger, il envoyait une part de son salaire à l’étranger. Il y a donc un effet sur la consommation à l’intérieur du pays, qui est positif.

L’’École d’économie de Paris a utilisé des méthodes d’évaluation des politiques publiques pour évaluer les conséquences fiscales ou macroéconomiques des flux migratoires. Les résultats sont relativement favorables à la migration, y compris pour le droit d’asile.

Pour conclure, je ne veux pas faire jouer à la migration et surtout à la demande d’asile, le rôle qui n’est pas le sien. La politique migratoire n’est pas là pour relancer notre économie. Mais ces flux migratoires n’ont pas d’effet économique négatif. On peut donc se débarrasser d’un préjugé.

En revanche, il faut aussi s’intéresser à l’intégration des populations immigrées et notamment de leurs enfants. Il y a aussi des dimensions spatiales à considérer : parmi les étrangers extra-communautaires qui vivent en France métropolitaine, 45 % sont en Ile de France, et 17 % sont en Seine-Saint-Denis ; il y a donc très forte concentration de cette population extra-européenne. 

Jean Christophe DUMONT

Selon une enquête Ipsos-Mori qui, de 2011 à 2017, couvre à peu près tous les pays de l’OCDE, une proportion très importante de personnes, souvent une majorité, pensent que l’immigration a un impact plutôt négatif, en particulier sur les finances publiques ; et cette perception est stable sur la période.

L’enquête Eurobaromètre, produite par la Commission Européenne, se concentre cette année sur les questions d’intégration…Quand on interroge les gens sur la proportion de ressortissants de pays tiers en Europe, ils la situent en moyenne 17 %, alors que d’après Eurostat c’est 7 % ; ceux qui ont un niveau d’éducation faible (niveau collège) répondent 21 % ; ceux qui ont la plupart du temps des difficultés à payer leurs factures estiment même la proportion immigrée à 24 %. Il y a aussi un manque de discernement sur les différentes catégories de migrants ; le droit d’asile, ce n’est qu’une très petite proportion des migrants ; l’immigration légale représente 90 % de l’immigration en Europe.
Il faut aussi resituer les ordres de grandeur des flux…Typiquement, seulement 0,4 % de la population vient chaque année immigrer de manière permanente en France (même pourcentage qu’aux Etats-Unis) ; certes, cela représente 260 000 personnes, l’équivalent de la ville et la banlieue de Rennes ; mais si on divise par le nombre de communes françaises, on a un chiffre beaucoup plus petit. En outre, il ne faut pas confondre migrations brutes et migrations nettes : il y a des gens qui repartent.

Pourtant, tout n’est pas faux dans les perceptions.,.Les effets macroéconomiques ne sont pas ceux que les gens perçoivent et cela ne veut pas dire qu’ils se trompent. Il faut aussi être attentif aux effets de concentration….On n’a pas les données qui permettraient, au niveau des secteurs, des impacts locaux, d’identifier les gagnants et les perdants.

Mais fondamentalement, le plus important, ce n’est peut-être pas l’économie, ce sont les aspects culturels, les valeurs…Interrogés pour savoir si l’intégration fonctionne, la moitié des gens répondent oui, l’autre moitié répond non ; et ce, dans quasiment tous les pays de l’OCDE. La question de l’intégration est donc absolument centrale.

Considérons le taux d’emploi. En France, il est de 56 % pour les immigrés et de 66 % pour les « natifs » (nés en Europe) : il y a 10 points d’écart, c’est considérable…Et dans tous les pays de l’OCDE, l’écart de taux d’emploi entre les natifs et les immigrés est plus élevé parmi les diplômés du supérieur que parmi les qualifications moindres : cet écart est en moyenne de 8 points de pourcentage ; pour la France, c’est 12 points.

L’’intégration prend du temps. Il faut en moyenne en Europe 10 ans pour que la moitié des réfugiés ou des migrants familiaux aient un emploi ; et il faut 15 à 20 ans pour que leur taux d’emploi soit le même que celui du reste de la population. Réduire ce retard est l’enjeu des politiques d’intégration, s’appuyant prioritairement sur la maîtrise de la langue, sur un bilan de compétences et sur un accompagnement vers une compétence renforcée, répondant aux besoins du marché du travail.

Dans l’enquête Pisa, qui mesure la performance des élèves à 15 ans dans le système scolaire, entre 2006 et 2015, les enfants de parents immigrés nés en Allemagne ont gagné un an en termes de résultats, donc le progrès est très net ; en France, c’est seulement un trimestre.

Mais ce qui est préoccupant, c’est que les taux d’emploi par niveau d’instruction chez les personnes immigrées se retrouvent chez les enfants d’immigrés, qui sont nés dans le pays de destination. En France, les enfants qui sont nés en France de parents immigrés, et qui sont diplômés du supérieur en France, ont un taux d’emploi inférieur de 10 points de pourcentage au taux d’emploi diplômés de l’enseignement supérieur enfants de « natifs ».

En conclusion, il me paraît nécessaire de remettre l’accent sur cette question de l’intégration, particulièrement en France, qui fait partie des pays qui ont le plus de difficultés dans ce domaine. Pour moi, cette question de l’intégration est centrale et j’espère qu’il y aura une place pour elle dans le débat européen.

Vous pouvez télécharger le résumé ainsi que la transcription des interventions ici.

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Événement Zone Euro

La question de l’immigration en Europe

La section française de la Ligue Européenne de Coopération Economique, que je préside, organise un colloque sur les questions d’immigration en Europe :

le 25 février prochain entre 17h45 et 20 heures au Sénat.

Il fera intervenir un panel de spécialistes de la question de l’immigration en Europe, de ses causes et de ses effets, mais aussi des solutions à apporter pour gérer au mieux cette question.

Dans le panel d’intervenants , seront présents :

Monique Barbut, secrétaire exécutive de la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification, participera à ces échanges. Elle a joué un rôle clef, au sein de la délégation du Gouvernement français au Sommet de la Terre de Rio en 1992, dans la conduite des négociations sur le financement, et comme négociatrice active de la création du Fonds pour l’environnement mondial, dont elle a été nommée Directrice générale en 2006.

Le Professeur autrichien Gerald Knaus, président fondateur de ESI (European Stability Initiative) et chercheur spécialisé sur les sujets d’intervention et sur la construction de l’Etat en Europe du Sud-Est

Hippolyte d’Albis, économiste, professeur à PSE-École d’économie de Paris et auteur du rapport « Macroeconomic evidence suggests that asylum seekers are not a “burden” for Western European countries »

Jean-Christophe Dumont, économiste et chef du département migrations à l’OCDE, en charge de la rédaction d’un rapport annuel « Perspectives des migrations internationales 2018 » sur les conséquences économiques des migrations nous fera aussi l’honneur de sa présence.

L’objectif de ce colloque est ainsi de  dépassionner la question de l’immigration qui aujourd’hui fait peur, sans bien sûr atténuer l’importance des enjeux et conséquences, notamment si les efforts d’intégration des populations immigrées sont insuffisants. Les questions cruciales sur l’immigration en Europe seront abordées sans angélisme ni diabolisation, avec une approche factuelle et raisonnée.

Le contexte à venir des élections européennes rend l’organisation d’un tel colloque particulièrement intéressante.

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Economie Générale Politique Economique

La question des inégalités : inégalités des revenus – inégalités des chances

Le thème des inégalités recouvre par nature plusieurs aspects. Si l’on se situe au plan mondial, les inégalités entre les pays pauvres et les pays riches se sont considérablement réduites depuis les années 80. D’après la Banque mondiale, en 1981, 40 % de la population mondiale vivaient en dessous du seuil de l’extrême pauvreté, contre seulement 11 % aujourd’hui. Le taux de croissance des pays émergents a donc considérablement réduit les inégalités entre les niveaux de vie moyens des différents pays. Et si l’on se concentre simplement sur la Chine et l’Inde, qui ont connu et continuent à connaître les plus forts développements économiques depuis les années 80, on dénombre 2 milliards de personnes qui sont passées au-dessus du seuil de pauvreté. Cela constitue un formidable progrès et c’est l’un des bienfaits évients de la mondialisation.

Cela est vrai pour les revenus mais aussi pour la santé. Mes données sont moins récentes et cela s’est encore amélioré depuis lors. En 1940, l’espérance de vie dans les pays en développement était de 44,5 ans. Dans les années quatre-vingt, elle atteint 64,3 ans. Elle a donc augmenté de 20 ans pendant ces 40 années. Dans le même temps, dans les pays développés, on vit 9 ans de plus. On voit donc, là aussi, se réduire les inégalités dans le domaine de la santé et de l’espérance de vie.

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En revanche, au sein de chaque pays, développé ou émergent, les inégalités ont en moyenne augmenté avec la mondialisation et la croissance. Car, si le processus de croissance permet au plus grand nombre d’accroître son niveau de vie, certains au sein de chaque pays progressent plus vite que d’autres, et dans certains pays, on accède à une plus grande part du revenu national qu’avant lorsqu’on est au sommet de la pyramide. Donc, le niveau de vie a bien augmenté pour tout le monde ou presque. Mais, les inégalités ont pu croître quand même, tout simplement parce que certains ont vu leur situation s’améliorer plus rapidement que d’autres. Ainsi va le bonheur, mesuré par les économistes de façon instructive. Toutes les études montrent que le bonheur est relatif. On est heureux quand, d’une part, on va mieux et, d’autre part, que sa situation s’améliore plus vite que celle des autres. Autrement dit par comparaison. En relatif. Ainsi l’accroissement des inégalités, même si tout le monde voit son niveau de vie augmenter, devient-il vite un sujet social et politique.
On assiste donc à un phénomène à bien clarifier : une inégalité très largement réduite entre les pays et des inégalités croissantes au sein des pays, même si le niveau de richesse et de bien-être a globalement monté.


On peut donc aborder et analyser la question des inégalités de différentes manières.

Les inégalités de revenu peuvent être mesurées en considérant la part prise par le top 1 % de la population dans les revenus du pays. On peut aussi mesurer beaucoup plus finement, et sans doute de façon plus pertinente, les inégalités avec l’indice de Gini. Gini est un économiste –statisticien qui a inventé la méthode qui consiste à étudier la répartition des inégalités sur l’ensemble de la population. On relève en fait les écarts entre tout le monde pris deux à deux et l’on fait une moyenne des écarts de chacun à chacun. Si la moyenne des écarts est égale à zéro, cela signifie que tout le monde a exactement le même revenu, si cette même moyenne est de 1, cela traduit l’inégalité la plus totale. Ces indices sont mesurés sur tous les pays de l’OCDE.

Enfin, une troisième manière de faire ne s’intéresse pas à l’inégalité des revenus mais à l’inégalité des chances. On parle là, bien sûr, de la mobilité sociale, des « trappes à la pauvreté » dans lesquelles des générations peuvent s’enfoncer. L’égalité des chances est évidemment cruciale, parce qu’elle participe du pacte républicain, du pacte social, de la capacité à vivre ensemble, et évidemment, qu’elle est fondamentale pour la santé d’une société, pour sa cohésion. Quand il y a une faible inégalité des chances, cela permet de mobiliser plus de personnes. Cela signifie que quel que soit le milieu dans lequel on est né, si l’on a du talent, si l’égalité des chances existe, on arrivera à progresser. Ainsi, non seulement la conviction que chacun a les mêmes chances est-il un facteur de cohésion sociale important, mais, en plus, cela permet de favoriser la croissance, parce que cela mobilise tous les talents où qu’ils soient. Donc la question de l’inégalité des chances est cruciale. Il s’agit, on le comprend bien, de savoir si ce sont toujours les mêmes et leurs enfants qui ont toutes leurs chances de réussite ou bien si les parcours peuvent être fluides sans détermination trop forte pour le milieu social d’origine. Et l’on va voir qu’en France, il y a une adhérence forte en haut, comme en bas.

Les constats :

Je vais d’abord présenter quelques chiffres, puis quelques éléments d’analyse.

En France, si l’on se compare aux pays voisins, l’inégalité de revenu après répartition est plutôt faible, tandis que l’inégalité de revenu avant répartition est plutôt forte. L’inégalité des chances, quant à elle, est plutôt forte.

Et c’est autour de ces constats que l’on va essayer de raisonner pour trouver éventuellement des conclusions en termes de politique économique et de réformes indispensables.

Prenons d’abord la mesure de l’inégalité des revenus avant répartition et après répartition.
Avant répartition, il est évident, par exemple, que l’inégalité est plus grande si les salaires vont de 1 à 1 000, plutôt que de 1 à 100. Mais il faut aussi considérer les personnes qui ne travaillent pas et qui ont de ce fait de très maigres revenus. Plus il y a de gens exclus de l’emploi, plus l’inégalité des revenus avant redistribution est forte.
Et plus le système de redistribution, que ce soit par les impôts, les revenus de soutien, etc.-, est puissant, plus on réduit l’inégalité des revenus après distribution.

Avant répartition, l’indice GINI, qui était à 0,477 aux États-Unis en 1996, est passé à 0,507 en 2016. Au Royaume-Uni, il a peu augmenté, contrairement à ce que l’on pourrait penser. En zone euro, il est passé de 0,473 à 0,504 ; au Japon de 0,409 à 0,488. Donc, que constate-t-on ? Les inégalités ont effectivement monté un peu partout. Et aux États-Unis, cela n’a pas monté beaucoup plus qu’ailleurs, avant répartition. Le niveau d’inégalité n’y est pas tellement plus élevé, en outre, que dans la zone euro alors qu’au Japon, il est plus bas.

Après répartition, les Etats-Unis passent en 2016 de 0,507 à 0,391. On voit donc l’effet de la répartition, qui, évidemment, réduit l’inégalité de revenu. Au Royaume-Uni, on note une forte baisse aussi. La zone euro, après répartition, s’avère un système beaucoup plus égalitaire que les États-Unis puisqu’il y est bien plus bas après répartition. L’Europe a donc un système qui réduit davantage les inégalités. Et le Japon se situe entre les deux.

Analysons la France. Avant redistribution, l’indice Gini est passé de 0,490 en 1998 à 0,516 en 2015. Donc une assez faible évolution à la hausse des inégalités. Ces inégalités sont-elles fortes ou faibles par rapport aux autres pays? En 2015, la France est un peu plus inégalitaire avant redistribution que les États-Unis. Est-ce parce que l’éventail des salaires est plus fort ? Non, bien entendu. C’est parce qu’il y a beaucoup plus de personnes sans emploi. Ce qui est un problème essentiellement français. Les autres pays ayant très souvent un taux d’emploi de 10 points supérieurs (75 %, contre 65 % en France). L’Allemagne est presque au niveau des États-Unis. Et l’on sait bien que le niveau de chômeurs y est très élevé. L’Espagne connaît un niveau d’inégalité avant redistribution plus fort encore que la France. La Suède, même avant répartition est, sans surprise, un pays plus égalitaire. On constate donc que la France se place avant répartition, à des niveaux élevés d’inégalité.

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Mais après redistribution, quel est le constat ?

La France en 2015 est à 0,295, parmi les indices les plus bas de tous les pays pris en compte. On passe donc d’un indice parmi les plus élevés en termes d’inégalité avant redistribution à un indice parmi les plus bas après redistribution. Ainsi donc en France, la redistribution est-elle très forte. Aux États-Unis, le niveau des inégalités après redistribution est beaucoup plus élevé qu’en France. Mais en Espagne, en Italie, en Allemagne, le niveau d’inégalité des revenus après redistribution est à peu près identique à celui la France. Et l’on se retrouve à des niveaux, toujours après redistribution, assez comparables à ceux de la Suède.

La France connaît ainsi une politique de redistribution, ramenée au PIB, parmi les plus élevées de tous les pays de l’OCDE. L’avantage en est de réduire les inégalités, mais cela a aussi des inconvénients. Cela implique, en effet, des impôts beaucoup plus lourds, des prélèvements obligatoires beaucoup plus importants, ce qui n’est pas sans conséquences. On peut ainsi corréler aisément l’indice Gini après redistribution et le poids des prestations sociales sur le PIB. Et c’est ainsi, grâce à l’une des plus fortes redistributions des pays de l’OCDE, que la France connaît l’une des plus faibles inégalités des revenus, seuls le Danemark, la Finlande et la Suède connaissant un niveau encore inférieur.

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Considérons maintenant la proportion du revenu national reçu par 1 % des individus touchant le plus de revenu national. En France, ils touchaient 9 % des revenus nationaux en 1995. En 2015, ils en touchent 10,5 %. Si l’on compare avec la Suède, ce pays connaissait en 1995 le pourcentage le plus bas de 6 % du revenu national, contre 9 % en France, et, en 2015, 8 % contre 10,5 % en France. Ce n’est pas extrêmement éloigné. Regardons les États-Unis, en 1995, les 1 % les plus riches obtenaient 15 % du revenu national. Et en 2015, ce pourcentage atteint un peu plus de 20 %. C’est évidemment frappant. 2 fois plus qu’en France. Et l’augmentation de la part reçue par le 1 % les plus riches a été beaucoup plus brutale. En Allemagne, la progression a été un peu plus vive que chez nous, 9 % aussi en 1995 mais 13 % en 2015. On est cependant très loin des États-Unis. Au total donc, les 1 % les plus riches ont donc obtenu une portion croissante du revenu national. Mais le phénomène est bien plus visible aux Etats-Unis qu’en Europe.

Une autre façon d’analyser les inégalités est de regarder le pourcentage d’individus qui se situent au seuil de pauvreté.

La façon habituelle et internationale de le calculer peut être remise en question, mais, au moins, c’est un indicateur utilisé partout. On se place en pourcentage du revenu médian des Français ou des Américains, par exemple. A moins de 50 %, ou bien 60 % comme dans nos chiffres de ce revenu medium, on est considéré comme pauvre. C’est une notion relative de la pauvreté.

En France, peu de gens se situent en-dessous du seuil de pauvreté, c’est-à-dire en-dessous de 60 % du revenu médian français. Alors qu’en Espagne, le pourcentage est plus élevé, de même qu’en Italie. Aux Etats-Unis, il est également plus fort. Et le pourcentage de la population française en-dessous du seuil de pauvreté a même baissé entre 1998 et 2016. Il a, sur la même période, augmenté en Allemagne.
Donc, là encore, on ne peut pas dire que la pauvreté soit forte ni qu’elle se soit accrue en France. Ce que l’on entend parfois dans les médias est tout simplement statistiquement faux.

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En revanche, en France, l’inégalité des chances, elle, est plutôt forte, comparée aux pays similaires.

Selon les sondages d’opinion réalisés par l’OCDE, 44 % des Français interrogés considèrent que l’éducation transmise par les parents est importante pour progresser dans la vie. Au sein de l’OCDE, qui comprend aussi bien le Chili que le Mexique que tous les pays européens, les États-Unis, etc., l’opinion moyenne est à 37 %. Ce qui reflète en France un sentiment d’inégalité des chances assez élevé. Et malheureusement, l’opinion a raison. En France, le statut socio-économique se transmet plus fortement qu’ailleurs d’une génération à l’autre. Le niveau de revenu relatif se transmet plus fortement d’une génération à l’autre que dans les autres pays. Enfin, le niveau d’éducation, de diplôme, se transmet plus fortement de parents à enfants que dans les autres pays. En fonction de ces 3 critères, l’inégalité des chances s’avère plus forte en France qu’ailleurs.

Evidemment, l’inégalité des chances existe partout puisque le milieu socio-culturel compte beaucoup dans la vie et le développement des enfants. Mais la façon dont on parvient à corriger partiellement le phénomène peut être plus ou moins forte. Cela a été calculé par l’OCDE qui a publié une note sur ce sujet. L’OCDE a pris en compte la mobilité intergénérationnelle. Et l’on regarde combien de générations il faut à une famille qui part du bas de l’échelle pour arriver à la moyenne. Evidemment, plus faible est le nombre de générations pour arriver à la moyenne, en appliquant la mobilité moyenne de la société, moins il y a d’inégalité des chances. Plus il faut de générations pour y parvenir, plus on est cantonné au bas de l’échelle, ou protégé symétriquement en haut de l’échelle.

Au Danemark cela prend 2 générations.
En Norvège, 3 ; en Finlande, 3 ; en Suède, 3 ; en Espagne, 4.
En Nouvelle Zélande, Canada, Grèce, Belgique, Australie, Japon, Pays-Bas, 4.
Aux États-Unis, 5.
Et en France, 6.

Six générations pour que quelqu’un qui se situe tout en bas de l’échelle des revenus ait une chance que ses arrières petits enfants arrivent au revenu moyen, eu égard à la mobilité française. L’Allemagne ne fait pas mieux et le Chili non plus ! Et l’OCDE, en moyenne, se situe entre 4 et 5.

Des études parviennent aux mêmes conclusions quant à l’inégalité des chances en France, par rapport à celle de pays comparables, en calculant les corrélations entre le revenu des parents et celui des enfants devenus adultes. De même pour les corrélations des niveaux de diplômes.

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Quelles réformes de structures faudrait-il faire pour lutter contre l’inégalité des chances ?

Il faut évidemment évoquer la réforme de l’éducation nationale. On a beaucoup moins de mobilité et d’égalité des chances en France qu’il y a de nombreuses années, quand on parlait des « hussards de la République » pour désigner les instituteurs qui accompagnaient et poussaient loin leurs élèves méritants. Cet état d’esprit n’est pas abandonné, mais il est bien moins répandu et l’éducation nationale, en réalité, a baissé en efficacité globale pour de nombreuses raisons que l’on peut expliquer plus ou moins aisément. L’efficacité de l’éducation est mesurée et comparée par des tests de niveau réalisés internationalement par l’OCDE.

Les études comparatives montrent qu’il faut que l’éducation nationale puisse consacrer un peu plus de moyens aux enfants des quartiers ou des milieux défavorisés. On sait également que beaucoup se joue au début de la vie, à la maternelle et à l’école élémentaire. C’est là où il faut davantage de moyens. Mais ne nous trompons pas, c’est bien une question d’efficacité et non de moyens globaux au sein de l’éducation nationale en France qui a un budget sur PIB bien supérieur aux autres pays européens pour un résultat décevant aux tests.
Il faut également accompagner les gens au cours de leur parcours professionnel pour qu’ils puissent progresser. La formation professionnelle en France est très inefficace et en voie d’être réformée.

Certains pays font tout cela remarquablement bien : la Corée du Sud par exemple, ou encore les pays nordiques. Ils se donnent ainsi les moyens d’assurer un bon degré de mobilité sociale dans leur pays. Ce qui est utile, je le répète, non seulement pour la cohésion sociale, mais aussi pour l’économie parce qu’on va chercher des talents qui, autrement, ne pourraient s’exprimer, et qui contribuent, évidemment, à la croissance générale.

Il faut par ailleurs réduire le chômage de longue durée, ce qui implique un accompagnement plus efficace du retour à l’emploi et de meilleures incitations à prendre un emploi. On sait en outre très bien qu’en France, après 4 mois de travail, on a droit au chômage. C’est l’un des rares pays où il faut aussi peu de temps pour ouvrir un droit au chômage. C’est à regarder. Et, bien sûr, aussi, il faut faciliter ce qui contribue à la création d’emplois…

Il est aussi important de travailler sur les inégalités territoriales, parce qu’elles existent.

Donc, en général, en France, la mobilité sociale est plutôt plus faible que dans d’autres pays comparables, et cela se traduit, à travers les revenus, les diplômes et les catégories socio-professionnelles, dans l’évolution entre les générations.

Et l’on sait aussi que la faible mobilité est non seulement intergénérationnelle, mais aussi qu’il y a en France moins de chances qu’ailleurs de pouvoir évoluer au cours de sa vie.


Deux analyses :

J’en tire deux analyses qui, à mon sens, amènent à réfléchir.

La première est le lien existant entre croissance, innovation et égalité des chances. La deuxième, la forte redistribution qui réduit grandement les inégalités initiales conduit à un cercle vicieux.

Premier angle d’analyse, le lien entre croissance, égalité et innovation. Nous vivons, depuis maintenant 20 ans, dans un contexte de mondialisation et dans une révolution technologique liée au digital. Ces deux phénomènes suppriment de plus en plus le travail répétitif et les postes correspondants.

Aujourd’hui, pour croître dans une économie qui n’est plus une économie de rattrapage comme après-guerre, il faut être innovant. L’innovation est cruciale, c’est actuellement le moteur de la croissance des pays à la « frontière technologique » (1). Les pays développés sont rattrapés par les pays émergents, la seule façon pour les premiers de continuer à croître alors que les pays émergents croissent très vite, c’est d’innover en permanence.

Nous sommes donc dans une économie du savoir, de l’innovation, seule façon de créer de la croissance et de la richesse.

De ce fait, il faut que l’on s’assure que l’on favorise l’innovation, dans notre économie, dans ses institutions (modes d’organisation, marché du travail, cadre législatif…). Et il y a un lien avec l’égalité des chances car, quand il y a de la croissance, il est plus facile évidemment de lutter contre la pauvreté. Et il est aussi plus facile d’assurer la promotion sociale, de procurer de la mobilité sociale. Si l’on ne se place plus au niveau d’un pays mais de l’entreprise, on sait bien que dans une entreprise qui ne se développe pas, il est très difficile de promouvoir et de faire évoluer les collaborateurs. Alors que dans une entreprise en croissance, on peut faire progresser tous ceux qui sont motivés et talentueux.

Donc, on a besoin de croissance pour diminuer l’inégalité des chances et permettre la promotion et la mobilité sociales. Si l’on n’a pas suffisamment de croissance, d’innovation, on aboutit à une société bloquée, une société grippée, une mobilité sociale insuffisante, et, par construction, cela crée beaucoup de problèmes de cohésion sociale. En outre, comme déjà évoqué, plus on parvient à promouvoir l’égalité des chances, plus nombreux sont les talents mobilisés, autant d’énergies qui vont contribuer à la croissance. On voit donc bien le lien vertueux existant entre ces différents éléments.

Qui plus est, les innovations créent des ruptures, en créant de nouvelles sources de croissance et de richesse. L’innovation entraîne donc des remises en cause des rentes acquises. Et c’est aussi cela qui permet la mobilité sociale. Aux États-Unis, si l’on voit tout à coup des gens apparaître dans les classements de fortune et développer très vite de nouvelles affaires, c’est parce qu’ils saisissent des innovations et elles peuvent connaître des évolutions personnelles fulgurantes.

Je ne dis pas que cela constitue un modèle en soi, mais simplement que, même à des échelles moindres, c’est indispensable. Plus il y a d’innovation, de capacité à inventer et plus il y a de croissance. Plus il est possible de dépasser les rentes et de favoriser la mobilité sociale.

Donc, il faut savoir assurer des politiques qui facilitent l’innovation et qui favorisent ce phénomène. A nouveau, l’économie de l’innovation, c’est l’économie du savoir, c’est l’éducation, c’est la formation professionnelle et c’est la promotion de tous les talents. C’est également la suppression des « trappes à la pauvreté » par, je l’ai déjà dit, une meilleure incitation à travailler, un meilleur soutien pour retrouver un emploi et faciliter les changements d’emplois dans des économies mouvantes.

Et cela aussi fait partie des réformes structurelles nécessaires. Pour encourager le progrès technique et les innovations, il faut aussi encourager la compétitivité par l’investissement.

La deuxième réflexion est de bien analyser les inégalités de revenu avant répartition et après répartition et le coût de cette répartition (2).

L’inégalité de revenu plutôt élevée avant répartition est compensée en France par la redistribution, une redistribution forte parce qu’on n’aime pas les inégalités en France. Ce qui est honorable, c’est un choix collectif, en quelque sorte. Mais une redistribution forte a un coût élevé en termes de prestations sociales, donc naturellement, en termes de cotisations sociales et d’impôts. Et, comme cela entraîne beaucoup de prélèvements sur les entreprises, cela rejaillit sur la compétitivité. Et une moindre compétitivité se traduit par moins d’emplois. Et on boucle ainsi. Car si l’on a moins d’emplois, on a des poches beaucoup plus fortes de pauvreté, donc de fortes inégalités de revenus avant distribution. Et on a du chômage de longue durée que l’on doit compenser par plus de redistribution, donc plus de coûts des entreprises. On rentre ainsi dans un cercle vicieux.

Ainsi, l’objectif devrait-il être très probablement d’éviter de trop réparer. Réparer est bien normal, mais mieux encore est de mieux faire en amont, pour réduire l’inégalité des revenus avant redistribution et éviter de tomber dans ce cercle vicieux. Plutôt prévenir que de beaucoup réparer.

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Le taux d’emploi de la France est de 65 %. On se situe à environ 10 % de moins que celui des pays comparables. C’est une situation inacceptable en soi. En France, il n’y a pas assez de gens en âge de travailler qui exercent un emploi. Si l’on considère les deux extrêmes, entre 60 ans et 65 ans, il y a beaucoup moins de gens qui travaillent en France qu’ailleurs. Bien moins qu’en Allemagne, sans parler de la Suède, en se comparant toujours à des pays à modèles comparables. De même, il est très difficile pour des jeunes de trouver un emploi. Et on voit bien la corrélation : plus le taux d’emploi est faible, plus les prestations sociales sont fortes, pour compenser les inégalités ainsi créées.

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Considérons maintenant la corrélation entre les taux d’emploi et la taille des politiques distributives. C’est-à-dire, en fait, les taux d’emploi et les différences entre les indices GINI avant et après répartition. La France affiche les plus fortes politiques de redistribution et les plus bas taux d’emploi.

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La corrélation est évidente là encore pour les pays de l’OCDE. En raison de notre importante politique de redistribution, les cotisations sociales sont en France à peu près 60 % plus chères que la moyenne de la zone euro, donc que les cotisations des pays voisins et comparables.

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Les entreprises sont ainsi structurellement moins compétitives. Ainsi, après cotisations sociales, part-on avec un désavantage considérable, en termes de coût global du travail. Cela se paye donc en manque d’emplois. Ce qui entraîne de fortes inégalités de revenu avant redistribution. D’où le fait que l’on redistribue fortement… Je ne pense pas qu’il faudrait arrêter la redistribution, ce n’est pas du tout mon propos. Mais que, pour faire une redistribution saine, normale, qui ne coûte pas en termes de croissance et d’emplois, il faut s’efforcer de permettre à beaucoup plus de gens de travailler, et ainsi à nos entreprises d’être plus compétitives. Sinon, on entre dans un cercle vicieux.
L’enjeu est donc de faire en sorte qu’en amont même de la redistribution, on ait moins d’inégalités parce beaucoup plus de gens travaillent. Agir en amont pour moins réparer, c’est entrer dans un cercle vertueux, et c’est évidemment permettre à beaucoup plus de monde de travailler, donc de subir moins d’inégalités de revenu avant redistribution et, dans le même temps, accroître par là-même l’égalité des chances. Plus de gens qui travaillent entraîne plus de gens autonomes, bien moins de poches de pauvreté et beaucoup plus de gens socialisés, parce que le travail est une des principales formes de socialisation.


Espérons que ces chiffres et ces constats, parfois inattendus, parce que peu connus, comme ces analyses pourront contribuer à un débat utile quant aux réformes efficaces à mener, sans idées préconçues ou confusions entre l’objectif final, réduire les inégalités, au premier rang desquelles l’inégalité des chances forte en France, et les moyens à utiliser pour y parvenir.
Bossuet écrivait déjà : « Dieu se rit de ceux qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes ».

(1) Voir à ce sujet la théorie de la croissance, de type Schumpétérienne, de Philippe Aghion.

(2) – L’analyse du coût de la redistribution et du cercle vicieux créé entre les inégalités de revenu avant et après redistribution et le manque de compétitivité des entreprises françaises a été développée par Patrick Artus dans plusieurs « flash économie ».