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Dette et déficit publics : comment éviter le précipice

5,5 % du PIB en 2023 : le taux de déficit public français s’affiche à un niveau inattendu et comme l’un des plus élevés de l’Union européenne. Pourquoi est-ce un sérieux problème ? Quelles sont les possibilités de sortir d’une impasse dans laquelle le France s’enfonce depuis longtemps ?

Un déficit peut être souhaitable lorsque la politique budgétaire joue son rôle contracyclique lors de récessions, par exemple. Toutefois, si la croissance française et européenne s’est avérée faible en 2023, la récession crainte du fait de la remontée historique des taux d’intérêt ne s’est pas produite. Après les années de déficits publics très élevés (6,6 % en 2021 et 4,8 % en 2022), il était espéré que celui de l’année passée s’établirait à un niveau bien moindre et que sa décrue soit programmée et crédible pour les années suivantes. La France enchaîne sans discontinuer les déficits publics depuis 1974, or, empiriquement, il n’y a pas de corrélation positive à long terme entre les déficits publics et le taux de croissance.

Si le taux d’endettement public était faible, ou même moyen, quelques années de déficits publics à des niveaux élevés ne seraient pas dangereuses. Mais notre endettement public (système de protection sociale inclus) dépasse les 110 %. Notre déficit primaire (avant paiement des intérêts de la dette) s’approche de 4 % du produit intérieur brut (PIB). Notre croissance potentielle est faible et le taux d’intérêt réel long terme est devenu légèrement positif. Nous sommes sortis durablement de la période de taux bas. L’argent gratuit ayant disparu, le coût de l’endettement public est passé de 34 milliards d’euros en 2020 à plus de 50 milliards en 2023 et atteindra plus de 70 milliards en 2027. Il n’y a plus d’argent magique. Cette combinaison très défavorable pourrait ainsi nous amener à connaître un effet boule de neige de la dette publique, qui consiste à emprunter davantage encore pour payer les intérêts de la dette elle-même, dans une croissance sans fin et très déstabilisante de la dette publique. Le taux de la dette publique française s’élevait à 20 % du PIB en 1980, à 60 % en 2000 (idem en Allemagne) et 110,6 % en 2023 (contre environ 65 % en Allemagne). Enfin, si le taux d’endettement public a monté de 25 points de PIB environ pour l’ensemble de la zone euro depuis 2000, il a monté de 50 points pour la France, soit du double.

Il existe des possibilités de sortir de l’impasse, à l’abri certes de l’euro qui nous a protégés dès 2000, mais qui pourrait tôt ou tard ne plus suffire.

Pas de marge de manœuvre

L’annulation de la dette détenue par la banque centrale est non seulement hautement périlleuse, mais en outre inutile car les intérêts perdus par l’autorité monétaire le seraient à l’identique par l’État qui reçoit en recettes les résultats de l’institut d’émission.

La montée des impôts serait une solution si la France ne connaissait déjà un taux de prélèvement obligatoire (43,5 % du PIB en 2023) parmi les plus élevés dans le monde. Mais aujourd’hui, cela conduirait à ralentir la croissance et à détériorer tôt ou tard encore déficit et dette. Et dégrader encore davantage le taux d’emploi. Soit, retomber dans le cercle vicieux français. Cette recette ne peut fonctionner que lorsqu’il existe une marge de manœuvre. Ce n’est plus le cas pour la France.

Le taux d’imposition des revenus pour plus de la moitié des ménages est nul en France et les taux sont plus faibles que dans le reste de la zone euro pour les premières tranches du barème. Mais le taux marginal sur les revenus des ménages s’élève en France à 55,2 % contre 47,5 % en Allemagne ; il est également plus élevé en France qu’en Italie, en Espagne, aux Pays-Bas ou en Belgique. Il ne semble donc guère faisable de provoquer encore davantage de distorsions en augmentant les barèmes des ménages les plus aisés. Le taux de taxation du capital, quant à lui, reste encore supérieur à la moyenne européenne. En outre, le niveau d’inégalité des revenus en France est l’un des plus bas européens.

Les entreprises, quant à elles, malgré les efforts des dernières années connaissent encore des prélèvements bien au-dessus de leurs concurrents européens : les impôts sur la production, par exemple, sont encore en 2022 supérieurs de 2,4 points de PIB par rapport à la moyenne de la zone euro et de 3,7 points par rapport à l’Allemagne.

En 2022, le taux de prélèvement obligatoire était de 6,1 points de PIB supérieur au taux moyen de la zone euro. Il est le plus élevé de l’Union européenne. L’arme budgétaire peut être d’une grande utilité, mais seulement si l’on est capable de la recharger régulièrement.

Baisser significativement le niveau des dépenses publiques par rapport au PIB est ainsi souhaitable lorsque l’on atteint ces sommets. Dans le cas de la France, il faudrait procéder notamment à une réingénierie de l’organisation territoriale comme de la gestion des services publics. Ce qui ne peut que prendre du temps et provoquer des mécontentements. Pourtant, la nécessité en est grande et la méthode du rabot très limitée en efficacité.

Cependant, il n’est pas raisonnable, avec une croissance bien faible, de procéder à une baisse rapide et indifférenciée des dépenses publiques car elle peut engendrer à court terme une récession qui aurait des effets négatifs sur les déficits eux- mêmes. Stabiliser leur niveau en volume et les réallouer est en revanche particulièrement souhaitable. Et en améliorer fortement leur efficacité. En associant les salariés des services publics (y compris ceux de la sécurité sociale au sens large) pour leur en montrer les bénéfices qu’ils pourraient eux-mêmes en tirer. En travaillant administration par administration et transversalement par thème, sereinement mais sans tergiverser ni procrastiner. Avec l’appui des outils numériques, entre autres, c’est possible sans dégâts humains. Le dire et le faire de façon crédible s’impose. La crédibilité est, en effet, clé pour la stabilisation financière.

Au moins trois leviers

Cela peut-il suffire ? Non. Deux leviers supplémentaires sont nécessaires, à jouer conjointement avec le précédent, et à annoncer publiquement, en affichant une détermination sans faille et une programmation claire. Il y va de la crédibilité indispensable des pouvoirs publics pour convaincre l’ensemble des parties prenantes.

Poursuivre les réformes structurelles qui permettent d’augmenter la croissance, soit accroître la quantité de personnes disponibles au travail et augmenter les gains de productivité. Le surplus de croissance engendrée permettrait de soulager le taux de déficit et l’endettement public par la hausse du dénominateur.

Mais face au retard français et européens en termes d’innovations technologiques et d’industries du futur, ces seules actions ne suffiraient à nouveau probablement pas.

Le développement de programmes du type de l’IRA américain, adossé à une politique industrielle bien pensée serait incontournable, mais illusoire avec l’endettement actuel. Il est également probablement illusoire de penser que l’Union européenne accepterait de lancer un second emprunt commun semblable à celui lancé pendant la pandémie.

Seule la concomitance de ces trois axes d’actions peut éviter une catastrophe prévisible. Il faut allier les investissements de croissance et de compétitivité dont le financement serait gagé sur une baisse récurrente des dépenses de fonctionnement par rapport au PIB, la plus grande efficacité des services publics (dans la santé, comme dans l’éducation par exemple, les dépenses publiques françaises sur PIB sont parmi les plus hautes en Europe, avec pourtant une forte dégradation ressentie comme mesurée) et l’amélioration de la croissance potentielle grâce aux réformes structurelles.

La dette publique, lorsqu’elle n’est plus soutenable, entraîne les pires conséquences économiques et sociales. Le désordre monétaire et financier dû à un endettement trop longtemps excessif et non soutenable peut induire brutalement des ruptures dans la confiance des citoyens, comme des marchés financiers (qui financent plus de 50 % de l’endettement public français). Et à défaut d’une rupture brutale, un endettement non maîtrisé peut conduire à un déclin inexorable, dont les conséquences économiques et sociales sont, in fine, tout aussi mauvaises, sinon brutales. Seul l’engagement d’une conduite claire et programmée des trois plans d’actions ici décrits, bref seule la présentation d’une trajectoire lisible et crédible, car solidement étayée, semble pouvoir éviter un tel risque.

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Olivier Klein, l’art du passage

Directeur général de Lazard Frères Banque et associé gérant, après avoir incarné la Bred durant plus de dix ans, Olivier Klein poursuit son enseignement et son travail d’auteur. Il a publié, il y a quelques mois, « Crises et mutations : petites leçons bancaires ». Sa lecture fluide est à savourer.

Olivier Klein, récemment nommé directeur général de Lazard Frères Banque, enseigne la macroéconomie financière et la politique monétaire à HEC, écrit de nombreux articles de stratégie bancaire, de politique monétaire, d’économie monétaire et de réformes structurelles, et participe à de nombreux colloques où il adore « frotter sa pensée » avec les plus grands économistes et les dirigeants des institutions financières. Enfin, il a publié il y a quelques mois un essai majeur chez Eyrolles et RB Édition, Crises et mutations : petites leçons bancaires. Il faut lire ce livre ! Olivier Klein a le sens de la formule et le goût des citations bien choisies. Surtout, ce professeur-banquier, à partir de son expérience de terrain, fort bien documentée, propose des analyses qui renouvellent la pensée stratégique. À titre d’exemple, comment changer sans casser ? Les adeptes de l’approche « parties prenantes » comme les partisans du respect de l’identité des entreprises y trouveront des arguments forts.

Au-delà des idées foisonnantes qui structurent ce livre, c’est cette capacité de l’auteur à agir, à formuler une pensée, et à enseigner qui retient l’attention. Olivier Klein est, à n’en pas douter, un « passeur » et notre société manque aujourd’hui de ce type de profils. Nous avons d’excellents chercheurs, qui publient dans les meilleures revues scientifiques, nous avons des dirigeants d’entreprise de très haut niveau, mais le problème du « passage » entre théorie et pratique comme celui entre recherche et pédagogie restent subtils et complexes.

Le parcours d’Olivier Klein, comme ses travaux sont, à maints égards, des exemples de « passage » réussi et peuvent nous éclairer sur l’importance de cette notion.

D’abord, parce que son parcours comme sa démarche dans ses articles de macroéconomie nous montrent comment la pratique s’enrichit des démarches scientifiques et des modèles produits par la recherche. À la lecture de son livre, on voit bien qu’il n’y a pas d’acte qui ne soit posé sans référence à ce qui apparaît comme un savoir. Chris Argyris, professeur à Harvard et l’un des théoriciens de l’apprentissage organisationnel, parlait d’« une théorie d’usage ». Ainsi, la pratique, si elle ne peut se résoudre à « rentrer » dans un seul paradigme, s’appuie obligatoirement sur des modèles, sur des théories.

Des sciences à la pratique

Encore faut-il être capable de transférer au moindre coût ces modèles dans la pratique. « Au moindre coût » signifie ici « en minimisant le risque d’une mauvaise interprétation des résultats scientifiques disponibles ». C’est ce que réussit, brillamment de surcroît, Olivier Klein. Cela n’est pas aisé, ne serait-ce que parce qu’un seul discours scientifique ne peut résoudre simultanément tous les problèmes posés au praticien. Cette difficulté se traduit souvent par une frustration qui porte certains à jeter le bébé avec l’eau du bain, c’est-à-dire à rejeter en bloc tout apport de la théorie et de la science, sous prétexte que celles-ci ne peuvent résoudre tous les problèmes du moment. C’est ici que réside l’apport du « passeur ». Il doit aider au passage entre les sciences et la pratique. Il doit choisir les aspects les plus performants de la théorie, proposer une interprétation rigoureuse des faits et enfin, participer au nuancement des catégories de la pensée. Il doit, en quelque sorte, proposer ce que nous appellerons une « leçon ». C’est-à-dire que sa démarche doit être analogue à celle des « bons essais ». On sait que les « bons essais » sont ceux qui, avec rigueur, choisissent certaines parties de théories pour les confronter sans complaisance à une situation particulière, située dans le temps et dans l’espace. Le « bon essai » doit aussi proposer de gommer avec rigueur certaines frontières entre les différentes sciences. Si celles-ci sont en effet structurées en termes de paradigmes, le « passeur » devra être à même de proposer une synthèse « négociée », c’est-à-dire nourrie d’influences diversifiées, combinant des échelles d’analyses multiples et orientée vers la prescription. Il ne s’agit donc pas d’une vulgarisation de la science car le « passeur » doit faire preuve d’une grande vigilance intellectuelle pour articuler dans une vision globale plusieurs référents théoriques, plusieurs éclairages et plusieurs habitudes d’interprétation propres à chaque pratique. Là aussi, c’est ce que réussit Olivier Klein, en particulier dans son livre, et cela manifeste une grande rigueur de pensée. Le Capitole est en effet proche de la Roche tarpéienne : le travail difficile de « traduction » risque de se transformer en récupération hâtive des dernières modes et en interprétations cursives de théories mal assimilées. Le « passeur » peut, s’il n’y prend garde, devenir un « vendeur de soupe ». C’est ce qu’évite, page après page, démonstration après démonstration, Olivier Klein.

Pour conclure sur la fonction de « passeur » d’Olivier Klein, je crois qu’il est important de souligner que ses textes nous éclairent certes, mais surtout, et c’est là un point majeur, qu’ils nous incitent à nous tourner vers le futur. Notre temps a peur de la modernité qui exclut, qui remplace l’homme, qui explore les confins, qui bâtit un ordre menaçant contre, apparemment, « le bon vieux temps ». La tentation est grande de la réaction et de la condamnation. Dans la pensée d’Olivier Klein, qui nous invite à habiter l’avenir, l’optimisme (ou le pessimisme) n’est jamais la question de fond. Il faut « simplement » comprendre notre monde, et nous engager alors pour exercer notre liberté à inventer des moyens nécessairement nouveaux ! Olivier Klein est sans conteste un « passeur » qui mobilise.

Revue Banque – Bernard Ramanantsoa
Article publié le 15 septembre 2023.


Références

  • Argyris Ch., avec des contributions de Moingeon B & Ramanantsoa B. (1995), Savoir pour agir. Surmonter les obstacles de l’apprentissage organisationnel, trad. de Loudière G.), lnterEditions.
  • Boutinet J.-P. (ed.) (1985), Du discours à l’action.
    Les sciences sociales s’interrogent sur elles-mêmes, Logiques Sociales, L’Harmattan.
  • Geertz C. (1986), Savoir local, Savoir global. Les lieux du savoir, Puf.
  • Cain T., Wieser C. & Livingston K. (2016), « Mobilising Research Knowledge for Teaching and Teacher Education », European Journal of Teacher Education, vol. 39, no 5, p. 529-533.
  • Gaussel M. & Rey O. (2016), « The Conditions for the Successful Use of Research Results by Teachers: Reflections on some Innovations in France », European Journal of Teacher Education, vol. 39, n° 5, p. 577-587.
  • Gaussel M., Gibert A-F., Joubaire Cl., & Rey O. (2017), « Quelles définitions du passeur en éducation ? »,
    Revue française de pédagogie, 201-2017, 35-39.
  • Munérol L., Cambon L. & Alla F. (2013), « Le courtage en connaissances, définition et mise en œuvre : une revue de la littérature », Santé publique, vol. 25, no 5, pp. 587-597.
  • Ward V. L., House A. O. & Hamer S. (2009), « Knowledge Brokering: Exploring the Process of Transferring Knowledge into Action », BMC Health Services Research, vol. 9.
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Finance Politique Economique

Texte de mon intervention à la conférence d’EURO 50 de juin 2023

Can the risk of financial instability come from Non-Bank Financial Institutions?  (NBFIs)

Market finance and NBFIs (pension funds, insurers, investment funds, hedge funds) have seen a sharp increase in their share worldwide since the Great Financial Crisis.
It now accounts for around 50% of global financing and 30% in the corporate sector.
Obviously, because banks alone cannot guarantee the full amount to be financed, it is very useful that the NBFIs, as major players on the financial markets, take part in financing.
As the NBFIs sector accounts a lot in global financial assets, the correct functioning of the non-bank sector is crucial  for financial stability.

However, NBFIs potential fragility has been increasing for the last 15 years or so.
All in all, there is a high level of financial vulnerabilities in the financial system. Recent stresses at some banks remind us of the elevated financial vulnerabilities built over years of too low for too long interest rates and ample liquidity.
The recent manifestations of these strains – Silicon Valley Bank being a good example – appeared to be more idiosyncratic. This bank was in fact very badly managed and severely undersupervised. But, this bank was not the only bank to face this situation and the fast contagion we witnessed, shows in my opinion, that we are facing a potential systemic issue, rather than a simple idiosyncratic problem.

As a matter of fact, as I said, too low for too long interest rates, with very abundant liquidity have led to a high level of vulnerabilities in many balance sheets.
On the liability side, numerous firms and states, and even sometimes individuals, in both Advanced and Emerging Countries, have been able to run up debts painlessly, until over-indebtedness is proven when interest rates normalize.
On the asset side, because of zero, or even negatives rates, final investors or their asset managers were incited to take more and more risk to get a little return. By lengthening the maturities, by increasing the mismatch between the asset and liability duration, by choosing higher and higher leverage, including by using more and more derivatives, etc.

The rapid rise in rates has of course brutally interrupted this too long period of too low rates, during which the accumulation of vulnerabilities took place.
As far as banks are concerned, since the Great Financial Crisis, the bank regulation has increased significantly, notably through the increase in the required capital adequacy ratios and the setting of restrictive ratios limiting liquidity risks.
So, on average, banks are much more solid than before the Great Financial Crisis. But, there is no such regulation for non-bank financial institutions,  and specifically for funds.

So, the former financial environment led the NBFIs, on behalf of savers, to seek returns, but increasingly taking on risks.
Let me be more explicative:
1st. In terms of credit risks – including higher and higher leverage ratios, with squashed risk premiums.
2nd. In terms of liquidity, by further extending the securities of bonds or credit, and by lowering the expected level of their liquidity. And doing so, endangering their liquidity risk, with bigger and bigger liquidity mismatching.
3rd.The funds’ use of derivatives (futures, repo, etc.) amplified tremendously their own leverage. For example, between 2015 and 2022, the financial leverage (measured by derivatives over total assets) of macro-hedge funds came from 15% to more than 30%. And for relative value funds: from 15% to 25%.
On top of that, Margin calls as well as collateral calls may be fatal.


All this has been highlighted by numerous organisations in charge of supervising financial stability around the world.
So, all in all, financial risk could have been partly pushed out of the banking system onto NBFIs, without control.

A piece of evidence:
The violent financial crisis of March 2020, triggered by the expected impact of the pandemic, was fortunately brought swiftly under control by the Central Banks. They acted very strongly and very quickly. The violence of this flash crisis was much more due to the vulnerability of many funds, than to banks which demonstrated, by the way, their resilience.
Central Banks had to buy very large amounts of securities, including high yield bonds, from funds in difficulty.
Central Banks had to prevent a catastrophic chain of events, due in particular to sudden withdrawal from final investors, that these funds could not absorb without incurring excessive losses or without a major liquidity crisis.

Of course, additionally, high levels of interconnectedness among NFBIs and with banks can also be a crucial channel of financial stress.

And, obviously, possible repeated Central Banks’ interventions to provide them with liquidity support during systemic stress events could bring a very dangerous moral hazard effect !

So, some ideas arising from these facts and analyses, converging with the IMF proposals:
1st.Robust surveillance, regulation (capital and liquidity requirements) and supervision are needed.
2nd.Public data disclosures are required to post the liquidity mismatch chosen, the level of leverage (including derivatives), etc.
3rd.Only under these conditions, access to Central Banks facilities liquidity at a high interest rate and/or fully collateralized should be envisaged. Otherwise, there would be a free option!

As NBFIs became more and more important in the financial intermediation, and because of their systemic risk and potential vulnerabilities, an appropriate international regulation of the NBFIs seems to me a priority.

Finally, I’d like to say that prudential and macro-prudential regulation cannot do everything. But it is essential to mitigate the intrinsic procyclicality of finance and to prevent -better then to cure-financial instability, as much as possible.
So, in my opinion, prudential and macro-prudential regulation must now be extended and adapted notably to investment and hedge funds.

> Ordre du jour de la dernière conférence d’EURO 50, tenue le 19 juin à la BEI au Luxembourg

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Banque Finance

Une vie de banquier

Ce professeur d’économie a transformé la BRED, qu’il a dirigée pendant plus de dix ans.

Il arrive légèrement essoufflé, s’excusant de son retard dans un grand sourire. Élégant dans son costume sombre et sa cravate en soie bleu ciel, Olivier Klein, le directeur général de la BRED, invite à entrer dans son bureau contemporain dominant la Seine et peuplé de statues africaines dont il fait la collection. Mais la vraie passion de cet amateur des arts premiers est la banque, et en particulier la sienne, qu’il dirige de main de maître depuis plus de dix ans, avec succès puisque le produit net bancaire a augmenté de 70% en une décennie. Ce patron est également professeur à HEC et auteur de nombreuses publications. Une vie bien remplie, « un accomplissement », dit-il, dont il est fier. Il peut ainsi passer des heures à parler des marchés mondiaux, multipliant les traits d’humour et usant de pédagogie pour décoder un monde complexe fermé aux profanes.

Pourtant, à 65 ans, après un parcours exemplaire à la tête de grands établissements, il a dû quitter la BRED, à la fin mai. Lorsqu’il évoque ce départ imminent, en ce jour d’avril, les yeux de cet homme au caractère joyeux se voilent. « Ce n’est pas facile de partir », avoue-t-il sans détour. Ayant atteint la limite d’âge, il a laissé à regret son poste. Un petit moment d’abandon vite oublié lorsqu’il se met à raconter son épopée bancaire, commencée au début des années 1980.

Spécialiste des fusions-acquisitions

L’économie, rien que l’économie. Lorsqu’Olivier Klein sort diplômé de l’École nationale de la statistique et de l’administration (ENSAE), du cycle d’études supérieures d’HEC et d’une licence à l’université Panthéon-Sorbonne, il hésite. Va-t-il devenir un économiste distingué, plongé dans les études et les prévisions? Tentant, mais le jeune homme préfère finalement la banque, située « au carrefour de l’économie ». Il se souvient : « J’avais besoin d’agir, de réaliser des choses concrètes ». En 1985, il intègre donc la Banque française du commerce exté- rieur (BFCE), devient directeur du département de conseil en gestion de risque de change et de risque de taux d’intérêt et construit des offres complexes pour les grands groupes. Puis il crée la banque d’affaires de la BFCE, qu’il dirige. Ce métier le comble. Mais cela ne suffit pas à son bonheur. Alors, pour continuer à plancher sur la macroéconomie et satisfaire sa grande curiosité, il devient professeur affilié à HEC : « Je ne joue pas au golf, je n’ai pas de hobby, mais j’ai besoin de réfléchir et de transmettre; cela me permet d’être un meilleur banquier », plaide- t-il, affirmant qu’il a su prévoir la crise financière de 2008, grâce à une veille permanente, à l’appréhension globale du système et à un regard toujourscritique. « Constammentàl’écoutedes signaux faibles du marché, c’est un visionnaire ; il sait anticiper puis décliner sa stratégie », observe Françoise Epifanie, directrice du développement de la BRED. Une double vie qui le rend atypique dans l’univers de la banque : « Il est à la fois un intellectuel, professeur d’économie, et un opérationnel très précis : un équilibre très rare ! », confie Éric Lombard, directeur général de la Caisse des dépôts. Accrocheur, bosseur – « Il a une capacité de travail hors‐norme », dixit un cadre dirigeant –, il n’a jamais lâché le professorat. Même lorsqu’il intègre le groupe Caisse d’Epargne, en 1998, où il est d’abord nommé président du directoire de la Caisse d’Epargne Île-de-France Ouest avant d’être dépêché à Lyon. Pource Parisien depuis quatre générations, c’est le premier job hors de la capitale. Mais ce gourmand, amateur de bons vins, adore l’endroit et « prend conscience du fait régional français », affirme-t-il. Olivier Klein réalise que c’est la forte implication des directeurs d’établissement partout en province qui explique le succès des banques de détail. Spécialiste des fusions-acquisitions, il est chargé de marier la Caisse d’Epargne des Alpes et celle de Rhône-Alpes Lyon. Un prélude aux futurs rapprochements, comme celui des Banques Populaires avec les Caisses d’Epargne en 2008 (devenu la BPCE), auquel il a activement participé.

Directeur général en charge de la banque commerciale et des assurances au sein du groupe nouvellement constitué, Olivier Klein lorgne très vite sur la BRED –dont il a fait « un petit bijou », admire Edmond Alphandéry, ancien ministre de l’Économie, qui fut son professeur. Profitant du départ à la retraite de son prédécesseur, il prend sa tête en 2012. C’est une banque entrepreneuriale, « la plus complète du groupe BPCE », se réjouit-il. Il la développe à marche forcée, à contre-courant de l’ensemble du secteur bancaire, pressé de privilégier le digital au détriment des établissements physiques. Lui, au contraire, maintient les agences en place, en ouvre d’autres et augmente le nombre d’employés. Sûr de sa stratégie, il lance le concept de « banque sans distance », par opposition aux pure players (à distance) et augmente son budget formation de 40%, afin de permettre à ses salariés d’accompagner au mieux leurs clients dans leurs projets de vie. « Il a compris que la réussite d’une entreprise passait par la qualité de ses équipes », souligne un proche. Lui veut faire de la BRED une banque 100% conseil, au grand dam de son équipe, qui le trouve un peu trop audacieux et pressé.

Perfectionniste

Pourtant, la crise du Covid-19 lui donne raison et accélère la transformation. L’ambitieux décide également de conquérir de nouveaux marchés et accélère au Cambodge et aux îles Fidji : « Il s’est installé dans des endroits où les banquiers ne vont généralement pas, et il a eu raison », constate Edmond Alphandéry. Sans fausse modestie, Olivier Klein se réjouit lui aussi de ses résultats, qu’il envoie à tous ses proches! Son goût pour la haute stratégie ne l’empêche pas de suivre quotidiennement la vie de l’entreprise. Il fait souvent le tour des agences en régions et commence toujours ses visites par la vérification des guichets automatiques. Homme de communication – et de discours –, il apprécie ces tournées au cours desquelles il échange avec ses salariés, les rassure et les mobilise. En revanche, ce perfectionniste ne supporte pas l’à-peu-près. « Il ne lâche rien, il est sur tous les fronts, quelle que soit l’activité », reconnaît Françoise Epifanie, qui plaisante : « C’est un peu Monsieur Plus. » Et s’il sait déléguer lorsqu’il a confiance, le patron bienveillant garde toujours un œil sur tout. Même en vacances, il a du mal à décrocher.

À l’approche de son départ, le sexagénaire se sent en pleine forme. Il a beau adorer sa collection de statues africaines comme celles de Papouasie-Nouvelle-Guinée qui trônent chez lui dans une pièce dédiée, Olivier Klein est prêt à repartir vers de nouvelles aventures.

L’Hémicycle – Corinne Scemama
Article publié le 19 juin 2023.


Dates clés

  • 15 juin 1957 : Naissance à Paris.
  • 1985 : Directeur du département de conseil en gestion de risque de change et de risque de taux d’intérêt des grands clients de la Banque française du commerce extérieur (BFCE), puis de la banque d’affaires qu’il crée au sein du groupe.
  • 1985 : Professeur affilié à HEC.
  • 1998 : Président du directoire de la Caisse d’Epargne Île-de-France Ouest, puis de la Caisse d’Epargne Rhône-Alpes Lyon.
  • 2010 : Directeur général du groupe BPCE, en charge de la banque commerciale et des assurances.
  • 2012 : Directeur général de la BRED.
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« L’entretien HEC » – replay

J’ai eu le plaisir d’être invité par Hedwige Chevrillon, Rédactrice en Chef du Grand Journal de L’Eco chez BFM Business et Vincent Beaufils, Directeur de la publication de Challenges en tant que Grand invité de l’émission « l’entretien HEC » diffusé sur BFM Business et le site internet du magazine Challenges.

Au sommaire de cette interview de nombreux sujets liés à la banque et l’économie en général.

Actualité : impact du conflit en Ukraine sur la bourse, sur les entreprises, dépendance au réseau SWIFT des banques, inflation, croissance, enjeux pour les banques centrales.

Echange avec Ada Di Marzo, Directrice générale de Bain & Company

Business : ma stratégie pour la BRED, l’investissement dans la valeur ajoutée et l’humain, le rôle du conseiller, l’intégration du digital, l’engagement pour l’égalité des chances.

Questions d’étudiants et alumni HEC dont Bertrand Badré, Fondateur du fonds Blue like an Orange et Jeremy Ghez, Professeur d’économie et d’affaires internationales : attentes vis-à-vis de la banque, économie durable, soutien à l’économie des DOM, évolution des taux d’intérêt, réglementation bancaire, enseignement, stratégie internationale.

Enfin j’ai pu présenter et partager mes réflexions sur mon essai « Crises et mutations : petites leçons bancaires » un essai publié par la Revue Banque associée aux éditions Eyrolles.

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Le risque d’instabilité financière peut-il venir des non-banques ?

Les pratiques, mais aussi les règles comptables, ont leur influence dans le comportement des banques et du secteur non bancaire, deux segments complémentaires tout en étant concurrents. La réglementation a aussi son rôle. D’où la nécessité de réfléchir à une réglementation pour les non-banques.

Faire correspondre les capaci­tés de financement des uns et les besoins des autres, telle est l’ambition du système finan­cier. Autrement dit, des banques et des marchés financiers. Ces deux composants ont des rôles pour partie identiques et pour partie distincts. Les deux contribuent au financement des acteurs économiques. La part de la finance de marché a fortement monté dans le monde depuis la grande crise financière. Elle atteint jusqu’à envi­ron 50 % des financements en géné­ral, et 30 % pour le segment des cor­porate. Il est d’ailleurs utile que les fonds de placements, les gestion­naires d’actifs et les investisseurs institutionnels – acteurs majeurs des marchés financiers – prennent leur part dans les financements. Car les banques ne peuvent suffire à elles seules à assurer la totalité à financer.

Les marchés acceptent des risques refusés par les banques

De plus, ils peuvent apporter des capitaux à des entreprises plus dif­ficiles à financer par les banques, notamment aux start-up ainsi qu’à l’innovation en général. Explication : le risque de crédit de ces secteurs est généralement trop élevé pour les banques, vu la contrainte de protection des dépôts qui leur sont confiés. Les fonds d’investissement peuvent accepter de perdre davantage si, en moyenne dans le temps, les gains en capital réalisés sur les entreprises qui survivront et réussiront sont supérieurs aux pertes et si leurs détenteurs acceptent de prendre ce risque.

Les deux types d’acteurs composant le système financier sont en outre différents du point de vue de la stabi­lité financière. D’une part, parce que les banques inscrivent à leur bilan la valeur historique des crédits accordés. Elles doivent provisionner le risque de façon statistique, mais aussi au cas par cas en fonction de leur appréciation d’une éventuelle dégradation com­promettante de la capacité de rem­boursement de chaque emprunteur. En revanche, les fluctuations des opi­nions moyennes sur la qualité du risque ne sont pas prises en compte et n’en­traînent aucune variation comptable.

Une appréhension différente du risque

L’approche est totalement différente du côté des fonds : ils doivent enregis­trer à chaque instant la variation de la valeur de marché de leurs investisse­ments financiers, en application des règles comptables de fair value. Cela induit une différence de comporte­ment considérable entre les banques et les fonds. Les banques choisissent de faire crédit en fonction de leur ana­lyse de la capacité de remboursement dans le temps de l’emprunteur. Les fonds, eux, choisissent d’acheter des obligations en fonction de ce qu’ils pensent de l’évolution de l’opinion majoritaire du marché quant à la valeur de la prime de risque affec­tée à l’emprunteur. Pourquoi prêter si l’on pense que la valeur de l’obli­gation s’abaissera prochainement même si l’on ne craint pas in fine un non‑remboursement ? Sauf à ce qu’il soit conditionné fortement par la perspective de la titrisation des crédits octroyés ou de la revente des risques par CDS[1], le comportement des banques est donc bien plus stable par construction que celui des fonds. Les mécanismes de valorisation de ces derniers sont en effet beaucoup plus volatils, car liés aux phénomènes auto-référentiels des marchés.

En outre, les fonds ne prennent pas les risques financiers sur eux-mêmes. Tant les risques de crédit, de taux d’intérêt que de liquidité sont effectivement laissés dans les mains des investisseurs finaux, ménages ou entreprises. Alors que dans le cas de l’intermédiation bancaire, les banques prennent à leur charge ces risques sur leurs propres comptes de résultats. Et elles le font de façon professionnelle, réglementée et supervisée. Permettant ainsi aux ménages et aux entreprises n’en ayant pas la compétence ou le désir de ne pas les prendre.

Prise de risque accrue des taux très bas

Les banques et les intermédiaires financiers non bancaires comme les fonds sont donc tous les deux très utiles, tout à la fois concurrentiels et complémentaires. Mais la proportion accordée à chacun dans le système financier global participe fortement à la stabilité ou l’instabi­lité d’ensemble. Ajoutons un point fondamental, sur lequel les grandes banques centrales sont en train de se pencher. Depuis la grande crise finan­cière de 2007-2009, la réglementation des banques s’est significativement renforcée, notamment via les ratios de solvabilité exigés (plus de capitaux propres pour des risques identiques) et l’établissement de ratios contrai­gnants limitant le risque de liquidité. Il n’existe pas de réglementation de ce genre pour les intermédiaires finan­ciers non bancaires.

Or, la politique monétaire de taux très bas très longtemps a conduit progressivement les acteurs finan­ciers, pour le compte des épargnants, à rechercher du rendement, en pre­nant de plus en plus de risque. En termes de risque de crédit – incluant des effets de levier de plus en plus élevés – avec des primes de risque écrasées. Comme en termes de risque de liquidité, en allongeant toujours plus les durées de titres de crédit et en abaissant le niveau attendu de leur liquidité. Les actifs des fonds sont ainsi devenus plus vulnérables dans une proportion non négligeable, ainsi que le sou­lignent toutes les études des orga­nismes chargés de la supervision de la stabilité financière dans le monde. Le risque peut ainsi être repoussé hors du système bancaire vers les agents financiers non bancaires, sans contrôle.

Attention à l’aléa moral !

Due à l’impact envisagé de la pan­démie, la violente crise financière de mars 2020 a été heureusement très vite maîtrisée par les banques cen­trales. Elles ont agi très fortement et très rapidement. Mais cette crise a aussi montré la résilience des banques et, parallèlement, la vulnérabilité de nombre de fonds. Les banques cen­trales ont dû acheter des montants très élevés de titres aux fonds en difficul­tés, y compris high yield. Il fallait évi­ter un enchaînement catastrophique, dû notamment à des retraits brutaux d’investisseurs finaux auxquels ne pouvaient pas faire face ces fonds sans accuser de pertes trop importantes ou sans crise de liquidité majeure.

La réglementation prudentielle et macroprudentielle ne peut pas tout, mais elle est essentielle pour atténuer la procyclicité naturelle de la finance et pour prévenir autant que possible le risque d’instabilité financière.

Elle doit impérativement aujourd’hui être étendue et adaptée aux intermé­diaires financiers non bancaires. Elle est en outre indispensable pour lutter contre l’aléa moral, car sans régle­mentation préventive et avec des sau­vetages lors des grandes crises, la prise de risque peut être toujours plus élevée, et ce sans limite ou presque, grâce à une option gratuite donnée par les banques centrales contre les accidents graves. Enfin, la propor­tion entre banques et non-banques dans le système financier pris dans son ensemble doit faire également l’objet d’une analyse et d’une poli­tique adéquates pour définir l’équi­libre le plus favorable, à la fois à la croissance et à la stabilité finan­cière.