Catégories
Conjoncture Economie Générale Zone Euro

Les réformes structurelles sont indispensables pour sauvegarder la protection sociale 

La notion de réformes structurelles est mal comprise. Les réformes structurelles ont pourtant pour objet d’augmenter le potentiel de croissance d’une économie. Elles n’imposent en rien d’abaisser le niveau des salaires et de protection sociale par des politiques d’austérité. Tout au contraire ! La confusion est nuisible au débat.

Pourquoi est-il indispensable d’augmenter le potentiel de croissance de la France ? D’abord pour faire chuter le taux de chômage structurel. Malgré sa baisse récente, il reste trop élevé, à 7 % environ. Et le chômage constaté des jeunes, à environ 18 % (contre 5 % en Allemagne), se situe à un niveau peu acceptable. La deuxième raison est d’assurer un meilleur profil de solvabilité de l’État, des collectivités locales et de la sécurité sociale. Et par là même d’accroître la soutenabilité de la protection sociale et des retraites. Séparer en effet la question financière de la capacité à maintenir un haut niveau de protection sociale n’a aucun sens. 

En outre, et c’est la troisième raison : chercher une compétitivité « par le haut ». Deux possibilités s’offrent : baisser le coût du travail et le niveau des protections sociales, donc le niveau de vie, par des politiques d’austérité. Cela a été le cas de l’Espagne ou du Portugal par exemple, lors de la crise de leur dette et du financement de leur déficit du commerce extérieur, pendant la crise de la zone euro des années 2010. Ou, à l’opposé, grâce aux réformes structurelles, améliorer « par le haut » le rapport qualité-prix des produits et services nationaux en développant la valeur ajoutée, la gamme de la production, par l’innovation notamment. Et en gérant au mieux les dépenses publiques pour qu’elles soient les plus efficaces possibles. Et de fait qu’elles n’entraînent pas des taux d’imposition qui, trop élevés en soi comme en comparaison avec des pays similaires, réduisent la compétitivité et l’emploi. En affaissant ainsi la soutenabilité de la protection sociale. 

L’Allemagne a bien réussi en la matière depuis 2000, avec des réformes qui ont renforcé sa compétitivité, malgré un coût du travail qui est l’un des plus élevés en Europe, par une industrialisation fondée sur une forte valeur ajoutée. Avec en retour un excédent commercial élevé, un taux de chômage structurellement bas, un taux d’endettement public relativement faible…

La France a un coût du travail proche de celui de l’Allemagne, mais développe une gamme de production moyenne, à des exceptions près remarquables. Donc elle offre un rapport qualité-prix peu compétitif. Avec, en conséquence, un faible niveau d’industrialisation et un déficit commercial qui ne cesse de se dégrader. Et son insuffisance de réformes structurelles depuis quelques dizaines d’années a conduit à un taux de chômage trop élevé, un taux d’emploi parmi les plus faibles des pays comparables (68 %, contre 77 % en Allemagne et en Suède ou 82 % aux Pays-Bas) et un fort déficit budgétaire permanent, donc à un niveau de dette publique trop important et en hausse régulière. 

Le taux de croissance potentielle est, en résumé, l’addition du taux de croissance de la population au travail et des gains de productivité. Plusieurs réformes structurelles ont donc été mises en œuvre ou sont à réaliser à cette fin. Il s’agit d’augmenter la quantité de travail, en France l’une des plus faibles par rapport à sa population (610 heures de travail par an et par habitant, contre plus de 700 en Allemagne ou de 750 à 900 aux Pays-Bas, en Suède ou au Portugal), afin que la protection sociale de tous et les services publics puissent être financés et qu’ainsi leur niveau ne s’abaisse pas. À cette fin, il est et doit être recherché un meilleur fonctionnement du marché du travail. Ce qui permettra en outre que cesse le paradoxe d’un taux de chômage encore trop élevé coexistant avec une forte proportion d’entreprises ne pouvant recruter autant qu’elles le souhaitent. Contraignant ainsi l’offre et la croissance, et aujourd’hui facilitant l’inflation.


De plus, la remontée du taux d’emploi doit se faire en facilitant l’arrivée des jeunes sur le marché du travail et en accroissant les années passées au travail avant de pouvoir prendre pleinement sa retraite, comme tous nos voisins l’ont fait. La France a un taux d’emploi très décalé des deux côtés des âges de la vie (pour les 60-64 ans : environ 35 % contre 62 % en Allemagne ou 70 % en Suède). Insistons aussi sur la formation, tant initiale que professionnelle. Elle doit redevenir un point fort de la France. Les comparaisons internationales lui sont à ce titre de moins en moins favorables. Et ce n’est pas dû à un budget insuffisant, quand on le compare au budget de l’éducation sur PIB des autres pays européens qui font mieux que nous (environ 1 point de PIB en plus en France qu’en Allemagne). Là encore, les réformes sont indispensables, même si la remontée du niveau de formation ne peut être que lente. L’efficacité de la formation conditionne le nombre d’emplois comme leur qualification, ce qui à son tour influe sur la gamme de notre production et sur son rapport qualité-prix.

Enfin, n’oublions pas les réformes permettant les gains de productivité, autre facteur essentiel de la croissance potentielle. La France a beaucoup progressé dans sa capacité à faire naître des entreprises « tech », et le crédit d’impôt recherche, par exemple, est précieux. Notons cependant que le taux de profit est l’un des déterminants de la quantité de recherche et développement des sociétés. Après avoir été longtemps inférieur à celui de pays voisins, il s’est amélioré depuis la mise en place du CICE, comme de l’abaissement du taux d’IS.

En revanche, l’efficacité des dépenses publiques reste très en deçà du souhaitable. Sur le podium des taux de dépenses publiques (environ 8 points de PIB de plus qu’en Allemagne, 9 qu’en Suède ou 13 qu’aux Pays-Bas), la France a une qualité mesurée seulement moyenne de ses dépenses publiques (sécurité sociale comprise) comparativement aux pays de l’OCDE, et ressentie comme en baisse. Ce niveau de dépenses publiques engendre de plus un taux de prélèvement lui aussi quasiment le plus élevé (plus de 6 points de PIB au-dessus de celui de la zone euro hors France) et est ainsi un handicap certain à la compétitivité. En outre, les prélèvements obligatoires, bien que très élevés, ne couvrent pas les dépenses, ce qui induit un déficit public permanent et un endettement public, rapporté au PIB en croissance permanente. Notre croissance est donc obtenue au prix d’un taux d’endettement sans cesse en hausse, donc tôt ou tard insoutenable. Depuis 2000, les pays de la zone euro ont connu un accroissement de leur dette publique de 25 points de PIB, celle de la France de 50, soit deux fois plus. Le taux d’endettement public français était au début des années 2000 identique à celui de l’Allemagne, à environ 60 %. Aujourd’hui il est d’environ 110 % en France et 70 % en Allemagne… La réforme de l’État et des collectivités locales, alliée à celle des systèmes sociaux, permettrait donc, non pas d’abaisser le haut niveau de protection sociale des Français, mais de le protéger, en lui évitant de décliner.


La recherche de l’efficacité, de même que celle du respect des devoirs de chacun face à ce bien commun qu’est la protection sociale, n’est donc en rien une recherche du moins disant social, mais au contraire la seule voie possible pour préserver ce qui est précieux pour tous. Méconnaître ou nier l’utilité des réformes structurelles serait jouer la politique du pire.

Catégories
Conjoncture Crise économique et financière

La fin durable de l’argent gratuit

C’est entendu. L’inflation doit être combattue et la politique des banques centrales va y contribuer activement. Mais les marchés financiers anticipent que, lorsque l’inflation reviendra vers sa cible, les banques centrales rebaisseront leurs taux d’intérêt et les taux longs reviendront progressivement par anticipation – ils le font déjà pour partie – à des niveaux bas, en se référant ainsi à la dernière décennie.

Analysons pourquoi il n’en sera probablement pas ainsi. Les années 2010 à 2021 ont connu des taux longs très bas pour plusieurs raisons conjuguées. Nous étions dans une phase qui se prolongeait de mondialisation et de révolution technologique. Cela poussait ainsi les prix vers le bas et ne permettait pas aisément de hausse des salaires. L’inflation étant très basse, elle induisait des taux d’intérêt très faibles. Et les banques centrales craignant à juste titre dans un premier temps la déflation, puis faisant face à une inflation en-deçà de leur cible, ont baissé à zéro ou même en territoire négatif leurs taux directeurs, tout en initiant une politique de « quantitative easing », prenant ainsi peu ou prou le contrôle des taux longs et des primes de risque.

Mais à partir de 2016-2017, alors que la croissance se normalisait après la très grave crise de 2007- 2009 et que les crédits reprenaient une bonne dynamique, les taux longs se sont installés à des niveaux très (trop) bas, très (trop) longtemps, certes avec une inflation obstinément très (trop) basse. Or, des taux longs durablement crantés en-dessous du taux de croissance, hors période de crise ou de convalescence, déclenchent la montée de l’instabilité financière. C’est-à-dire un endettement en croissance permanente et difficilement soutenable en cas de remontée significative des taux ; l’endettement public et privé a ainsi crû de plus de 45 points de PIB dans les pays avancés et de 60 dans les pays émergents entre 2008 et 2021. Et le développement de bulles sur les actions et l’immobilier ; les prix de l’immobilier résidentiel ont crû de plus de 40 % dans les pays avancés entre 2008 et 2021 et de 35 % dans les pays émergents. L’ensemble s’accompagnant de primes de risque trop faibles.

La remontée actuelle des taux d’intérêt correspond ainsi à une normalisation tout autant qu’à une lutte contre l’inflation. S’est abaissée progressivement la composante de l’inflation qui est due à une offre insuffisante – car disloquée partiellement par l’effet des mesures contre la contagion – et à une demande qui a rebondi fortement à l’issue des confinements. Mais quelques facteurs structurels vont probablement perdurer. Les effets d’un mouvement de démondialisation partielle et du coût durable de la transition énergétique. Comme ceux de l’indexation partielle des salaires et probablement d’une meilleure capacité des salariés à l’avenir à négocier le partage de la valeur ajoutée, qui s’est déformé depuis 30 ans en faveur des profits dans l’OCDE (sauf en France et en Italie notamment). L’inflation structurelle s’établira ainsi sans doute entre 2 et 3 %. Une fois l’inflation revenue vers ces niveaux, et hors effets du cycle des affaires, les taux longs normalisés s’établiront en moyenne probablement au taux de croissance potentielle, soit en zone euro entre 1 et 1,5 %, auquel il convient d’ajouter le taux d’inflation, soit 2 à 3 %. Des taux longs ainsi à 4 % environ devraient redevenir la norme à travers les cycles. Ils ne conduiraient pas à faciliter le développement de cycles financiers, qui passent de phases de croissance à des phases d’euphorie, entraînant un surendettement progressif et la constitution de bulles. Ce qui engendre des crises financières et économiques violentes. Les taux courts pourront toutefois monter au-delà pour mordre sur l’inflation, puis rebaisser quelque peu ensuite.

Nous assistons très probablement à la fin durable de l’argent gratuit.

Catégories
Conjoncture Politique Economique Zone Euro

« Inflation, taux d’intérêt et dette »

Présentation mise à jour le 02/02/2023

Catégories
Conjoncture Politique Economique Zone Euro

« Inflation, taux d’intérêt et dette »

Catégories
Conjoncture Politique Economique

Interrogation d’un banquier – économiste dans un contexte de guerre

Economiste, directeur général de la Bred et professeur à HEC, Olivier Klein décrypte les enjeux financiers d’une crise ukrainienne qui désarçonne les marchés. Rencontre.

Le climat est fébrile sur le plateau de BFM Business. Nous sommes le 8 mars. Journalistes et analystes sont encore abasourdis par l’explosion de la guerre en Ukraine, l’évolution de l’armée russe sur le terrain et l’essaim de sanctions occidentales ouvrant une « guerre économique et financière totale », selon les mots du président américain Joe Biden. Sur les marchés, la panique est palpable : le rouble connaît une évolution abyssale et l’indice CAC 40 a perdu 10 % de sa valeur en deux semaines. Olivier Klein, économiste et directeur général de la Bred (banque appartenant au groupe BPCE), invité de L’Entretien HEC-Challenges sur BFM Business, partageait son diagnostic avec Hedwige Chevrillon, journaliste et présentatrice de l’émission, et Vincent Beaufils, directeur de la publication de Challenges. « La Bourse était auparavant surévaluée, affirme-t-il. Un événement tel qu’une guerre envoie immédiatement au marché le signal qu’il faut dégonfler la bulle. En janvier déjà, la volatilité était très forte, ce qui laissait comprendre que la Bourse était fragile. »

« Moyens indécelables »

Presque un mois plus tard, le CAC 40 a retrouvé ses niveaux d’avant-crise, entre violences sur le théâtre des opérations et perspectives de négociations entre le président ukrainien Volodymyr Zelensky et Vladimir Poutine. Challenges a donc repris contact avec Olivier Klein pour évoquer les derniers atermoiements de la finance. « Je crains que l’euphorie boursière soit revenue par anticipation d’une résolution négociée de la guerre, nous écrit l’économiste entre deux réunions. Mais la volatilité restera forte et l’inquiétude des marchés reprendra en fonction de la crédibilité qu’ils accordent aux intentions d’apaisement. »

Sur le plan géopolitique, les tensions ne semblent guère se calmer : l’Union européenne mène des inspections surprises au siège allemand de Gazprom, suspecté d’avoir fait monter les prix du gaz en Europe ; Vladimir Poutine a annoncé exiger que les paiements occidentaux de l’énergie russe soient désormais effectués en roubles, en violation avec les contrats en vigueur. Bruxelles a – pour l’instant – refusé la requête de Moscou et se prépare à faire face à une pénurie de gaz, dont les effets se feront sentir à l’hiver prochain. Il n’en demeure pas moins qu’un phénomène étrange est en train d’avoir lieu. Le cours du rouble est progressivement remonté à son niveau d’avantcrise, alors même que toutes les sanctions occidentales, d’une importance sans précédent contre un pays du G 7, ont été ciblées pour étrangler la monnaie russe : exclusion de sept banques du réseau de messagerie interbancaire Swift, gel des dollars et euros de la banque centrale russe (l’équivalent de 463 milliards de dollars), blocage des avoirs des oligarques proches du Kremlin. « C’est difficilement explicable, concède Olivier Klein. Soit les marchés anticipent la fin du conflit de manière étonnante, soit la banque centrale russe parvient à infléchir, via des moyens indécelables, le cours de sa monnaie et ainsi limiter l’atrophie de l’économie russe. » La Bred – qui compte 1,3 million de clients en France et un produit net bancaire d’1,4 milliard en 2021 – possède pour 40 millions d’euros d’encours sur des matériaux ou des matières premières agricoles, en train d’être achetées ou livrées en Russie avant le conflit. Et ce sont 800 millions de risques qui pèsent sur le groupe BPCE. « Naturellement, on s’interroge sur ce que cela va devenir », observe le banquier. Dans l’Hexagone, loin des combats, les inquiétudes des Français portent sur le pouvoir d’achat à l’approche de la présidentielle. Après une décennie de croissance et d’inflation atone combinée à une politique de création de monnaie menée par la Banque centrale européenne (BCE), le coût de la vie augmente subitement depuis cet été ; l’augmentation des prix de l’énergie et des matières premières depuis février porte aujourd’hui l’inflation à 4,5 % par an, selon les derniers chiffres de l’Insee. Autre facteur d’inflation, « les industriels ne peuvent plus éviter de répercuter sur leurs prix le poids de l’inflation sur leurs propres dépenses », juge Olivier Klein.

« Ligne de crête »

Tous les regards se portent sur la présidente de la BCE, Christine Lagarde, et ses prochaines décisions relatives à l’augmentation de ses taux directeurs. En dépendra l’évolution de la croissance de la zone euro. « La BCE est sur une ligne de crête, analyse le banquier, qui exerce aussi comme professeur de sciences de la décision à HEC. Elle doit à la fois préserver la solvabilité des Etats et la stabilité des marchés financiers, tout en montrant qu’elle luttera contre l’inflation. Cela passera immanquablement par une augmentation des taux, mais il ne faudra pas le faire trop rapidement ou trop fort, au risque de casser la croissance européenne. » Pour tenter de limiter cette éventualité, le gouvernement du président-candidat Emmanuel Macron a présenté mi-mars un plan Résilience : près de 26 milliards d’euros ventilés sous forme de « remises carburants » et mesures pour les secteurs en difficulté.

« A l’inverse, si la BCE tarde trop à relever ses taux, elle ne pourra éviter une augmentation des salaires pour 2023, qui alimentera l’inflation en retour dans une spirale nocive sur le pouvoir d’achat », note Olivier Klein. En face, les Etats devront, eux, gérer la hausse certaine de leur dette publique. « En France, cela passera par des réformes structurelles des dépenses publiques, et notamment par la réforme des retraites », estime l’économiste. Esther Attias

Esther Attias

Making of Nous avons rencontré Olivier Klein le 8 mars dans les locaux de BFM Business. A mesure que la guerre en Ukraine évoluait, il était devenu nécessaire d’échanger à nouveau avec l’économiste avant la publication de l’entretien. Une conversation téléphonique et plusieurs messages écrits ont permis d’actualiser l’interview initiale.

Voir la vidéo replay de l’entretien HEC
Catégories
Conjoncture Politique Economique Zone Euro

Sommes-nous en économie de guerre ?

Le conflit en Ukraine fait l’objet de nombreux débats dans les milieux diplomatiques et militaires. Mais chez les économistes aussi. Certains estiment même que nous sommes en économie de guerre. Que veulent-ils dire ?

Qu’en économie de guerre, l’Etat dépense massivement pour financer les équipements militaires, le soutien à ses alliés, l’accueil des réfugiés, l’indépendance énergétique. Il  y a des pénuries. Les prix montent.

Malgré cela, la Banque centrale fait tourner la planche à billets pour financer ces dépenses et ne se préoccupe plus de l’inflation, ce qu’elle fait d’habitude. Ce rôle revient à l’Etat, qui gère les conséquences en bloquant les prix – comme on le voit sur le gaz ou l’électricité – ou en instaurant des rationnements.

Quand on est en économie de guerre, la Banque centrale ne remonte donc pas les taux d’intérêt et ne demande pas aux Etats de surveiller leurs déficits.

Et qu’en pense Christine Lagarde, la présidence de la Banque Centrale Européenne ?

C’est très compliqué pour elle, car clairement, le mandat de la BCE n’a pas prévu qu’il y aurait un jour une guerre si proche en Europe. Juridiquement, sa seule mission est donc d’assurer la stabilité des prix, de lutter contre l’inflation, et elle n’a théoriquement pas le droit de financer les dépenses des Etats.

Pourtant on a vu pendant la pandémie qu’elle pouvait le faire en rachetant des obligations de la France ou de l’Italie. Tout le monde a donc le regard tourné vers elle.

Or jeudi dernier, elle a confirmé que la BCE voulait arrêter d’acheter des dettes publiques au troisième trimestre. C’est donc bien qu’à ses yeux, il est plus important de lutter contre l’inflation que de soutenir l’économie comme si on était en guerre. En tout cas, pour l’instant.

Et les économistes sont d’accord avec ça ?

Et bien, il y a deux camps. Ceux comme Patrick Artus conseiller de la banque Natixis, ou Xavier Ragot, qui dirige l’OFCE, l’institut de conjoncture rattaché à Sciences po. Pour eux nous sommes doublement en économie de guerre: pour soutenir l’Ukraine et pour lutter contre le réchauffement climatique.

Et à l’opposé, il y a des économistes comme Olivier Klein, prof à HEC et directeur de la Bred, banque du groupe Banque Populaire, ou Philippe Aghion, professeur au Collège de France, qui sont beaucoup plus prudents et qui considèrent qu’il faut faire attention aux dépenses et à la hausse des prix. Plus de quoi qu’il en coûte, donc. Sinon, tôt ou tard, les investisseurs et tous les Européens pourraient perdre confiance dans leur monnaie, l’euro.

Ils préféreraient alors des placements en or, en franc suisse, qui a déjà beaucoup monté, ou en dollar. C’est vrai que le conflit est plus proche de nous que de Washington. Ce débat, Mathilde, ne fait que commencer.