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La cryptomonnaie Libra – mon intervention sur BFM Business

Retrouvez l’intégralité de mon intervention ici :
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La planète finance ou la finance de l’économie réelle

Retrouvez mon intervention sur le rôle essentiel des banques régionales lors d’un colloque organisé par l’Institut des hautes études de l’aménagement des territoires (Ihedate) en février 2019, ayant pour thème « Acteurs, logiques et territoires de la finance ».

A travers ce titre, « la planète finance ou la finance de l’économie réelle », mon discours n’est pas de défendre en lobbyiste le système bancaire mais d’expliquer l’utilité de la banque commerciale. Mais aussi d’expliquer qu’il existe, notamment en France, deux modèles bancaires, chacun d’eux ayant son intérêt et son utilité, bien qu’ils ne soient pas identiques.

Il y a d’un côté les banques ayant un modèle centralisé, telle que BNP Paribas ou Société Générale par exemple. Ces groupes sont cotés en Bourse.

Et de l’autre, un modèle différent qui est celui des banques coopératives ou mutualistes qui regroupent le Crédit Mutuel, le Crédit Agricole et BPCE, réunissant les Banques Populaires et les Caisses d’Épargne. Ces groupes ont une organisation différente, puisque dans chaque région, sur chaque territoire, une banque de plein exercice à leur enseigne y opère. La gouvernance y est en outre singulière. Chacune de ces banques régionales a un conseil d’administration ou un conseil de surveillance, local, qui contrôle son exécutif. Chaque banque régionale a ses sociétaires qui détiennent le capital de la banque. De surcroît, ce sont les banques régionales qui sont actionnaires de l’organe central au sein des groupes coopératifs ou mutualistes.

Ce système a pris régulièrement des parts de marché en France et affiche des ratios de gestion très performants.

La proximité relationnelle, décisionnelle et managériale des banques coopératives

Quelles sont alors les raisons fondamentales pour lesquelles le système des banques régionales se développe bien dans le métier de la banque de détail ? Ces raisons en sont assez simples.

La première, c’est la proximité décisionnelle. Dans les banques régionales, la décision de crédit, même la plus importante, est prise localement, dans la région. Les entreprises aiment aussi travailler avec des banques dont les centres de décision sont sur leur territoire.

La proximité managériale est également, à mon sens, un atout puissant, dont on parle pourtant trop peu. Dans les banques coopératives, les dirigeants et les cadres sont souvent dans la région pour longtemps. Ils participent à l’effort d’explication de la stratégie de la banque. Les décisions d’organisation de la banque sont également prises au plus près des collaborateurs. Cette proximité managériale est cruciale car la banque de détail est un métier de services. La capacité à mobiliser les équipes au profit des clients fait toute la différence. La mobilisation que l’on est capable de fournir est un des facteurs sensibles de différenciation des résultats.

Le troisième point qui me semble tout aussi fondamental est la proximité relationnelle. Elle s’exprime de façon multiple. La relation qui s’établit entre le client et la banque doit être durable. Elle conditionne notre capacité à bien faire notre métier de conseil, à fidéliser et à être durablement rentable. Pour répondre aux banques en ligne « low cost » qui faisaient encore il y a peu la une des journaux, la BRED a adopté le slogan « la Banque sans distance » : on peut travailler à distance, par téléphone ou courriel si le client ne veut plus ou ne peut pas venir à l’agence, mais il peut toujours y venir s’il le souhaite. Et toujours avec son conseiller dédié. On abolit les distances physiques. Mais on abolit aussi les distances relationnelles ; on ne met pas le client à distance. Et l’on tente de lui apporter de la valeur ajoutée, en lui procurant le meilleur conseil possible, le plus approprié. La proximité relationnelle se retrouve également à travers des réseaux d’agences plus denses. Les parts de marché en banque de détail sont aussi révélatrices de la densité des réseaux d’agences. Cela ne se dément pas. Enfin, le sens du long terme dans la relation entretenue entre le client et sa banque participe de la proximité relationnelle.

Cette proximité relationnelle s’entend aussi plus globalement. La congruence entre la banque et sa région, ses territoires, est essentielle. Si nous faisons bien notre métier, nous favorisons la croissance du territoire. Les banques coopératives sont ainsi en symbiose avec leur territoire. Si la région va bien, la banque va bien. Et réciproquement. L’intérêt du territoire et de la banque est convergent. Enfin, toutes les banques régionales sont d’une manière ou d’une autre engagées sociétalement sur chacun des territoires. Certaines choisissent le sport, d’autres la culture, l’éducation, l’égalité des chances, tous facteurs d’amélioration de la cohésion sociale et de l’attractivité du territoire.

J’ajoute à cela que, par construction, toutes ces banques de plein exercice ont à leur tête des responsables entrepreneuriaux, de vrais dirigeants d’ETI bancaires. Cela contribue à l’évidence à la performance de ce type de banques.

En outre, la gouvernance des banques, comme je l’ai évoqué en introduction, est primordiale. Leur conseil est composé de sociétaires clients, vivant sur le même territoire. La gouvernance même des banques coopératives est organisée de façon à ce que non seulement on pense client, puisque ce sont nos clients qui sont à notre conseil, mais en plus, on pense région, territoire, puisque ce sont les clients de la région qui composent les membres du conseil.

Je voudrais maintenant aborder l’utilité économique des banques territoriales. Vous le savez comme moi, la France est très centralisée au regard de ses modes de décision, ses ministères, les sièges des grandes entreprises… Il en va tout autrement en Allemagne, en Italie, en Espagne, en Suisse et dans bien d’autres pays encore. Les banques régionales sont importantes dans ces pays-là. Les entreprises et les grands centres de décisions y sont répartis bien davantage sur l’ensemble du territoire.

Les banques régionales, un antidote réel à la forte centralisation française

En France, les banques régionales sont un des antidotes possibles, mais réels, à la très forte centralisation.

Les banques régionales collectent l’épargne et octroient des crédits sur leurs territoires. Il est impensable d’allouer l’épargne collectée par exemple en Auvergne au financement de projets en Alsace ou l’inverse, au motif que ce serait plus rentable ici que là. C’est antinomique avec notre façon de raisonner, d’être et d’exister. Aujourd’hui, on vante les circuits courts, je ne sais pas si cela est forcément bien ou pas. Mais, en tout cas, nous assurons un circuit court. Et même la BRED qui est présente sur plusieurs territoires fonctionne ainsi sur chacun d’eux. Nous n’avons pas de réallocation au détriment de certains territoires. Il n’y a pas de fongibilité de l’épargne dans le système des banques régionales qui permettrait de déplacer et de réallouer l’épargne au détriment d’une région et en faveur d’une autre. Il est indispensable de le rappeler et de valoriser ce système, car il permet de bien soutenir et financer le tissu de PME en région.

Enfin, je souhaite revenir sur l’utilité des banques commerciales traditionnelles, coopératives ou pas. Je dis banque traditionnelle car, si elles se modernisent continuellement pour répondre  aux attentes et aux usages de leurs clients, elles continuent de faire le même métier de banque dans son essence, à savoir faire se correspondre, par leur intermédiaire, ceux (ménages comme entreprises) qui ont des capacités de financement et ceux qui ont des besoins de financement. C’est œuvrer tout simplement au financement de l’économie réelle.

Parfois, j’entends dire que les marchés financiers pourraient très bien remplacer les banques. C’est une aberration car il en résulterait surtout beaucoup d’épargne non mobilisée pour financer l’économie. Les marchés financiers fonctionnent bien pour un nombre, par construction, restreint d’acteurs économiques, tant parce que les émetteurs doivent avoir une taille suffisamment grande pour pouvoir y être référencés et emprunter que pour les épargnants qui, très majoritairement, n’ont pas les compétences nécessaires pour y faire des choix appropriés. Plus encore, les marchés financiers ne prennent pas, contrairement aux banques, les risques financiers à la place des acteurs de l’économie réelle. En effet, une très grande majorité d’acteurs disposant de capacité de financement ne peuvent pas aller sur les marchés financiers pour financer des particuliers, des professionnels et des PME, car ils ne peuvent en assurer l’analyse de crédit ni les suivre dans le temps. La banque, elle, s’est spécialisée dans le traitement d’informations permettant de le faire. Et, fait essentiel, elle supporte sur son compte de résultat les risques de crédit, de liquidité et de taux d’intérêt, qui sinon seraient encourus par les prêteurs ou les emprunteurs. La banque sert donc à prendre des risques que ne veulent pas prendre les entreprises ou les personnes physiques. Ce que ne font pas les marchés financiers. Le rôle bancaire est ainsi irréductible, que ce soit au niveau régional ou national.

Pour conclure, lorsque l’on s’attarde sur les travaux actuels, menés en particulier par Nicole Notat et Jean-Dominique Senard, pour redéfinir l’entreprise, repenser la gouvernance des entreprises en prenant en compte, non plus seulement les intérêts des actionnaires, mais également ceux de toutes les parties prenantes – salariés, clients, comme société -, on constate que les banques coopératives ont une modernité retrouvée, puisque par construction, leurs clients étant leurs sociétaires, et leurs représentants étant leurs administrateurs, elles intègrent dans leur mode de gouvernance même la nouvelle orientation souhaitée des entreprises. Comme nous l’avons vu enfin, elles participent pleinement à la finance territoriale, en prenant en compte l’intérêt des régions dans lesquelles elles sont inscrites.

Pour reprendre le thème général du colloque, la dynamique économique des territoires nécessite une finance de proximité. Les banques coopératives le font. Pas seules, certes. Mais c’est le cœur de leur vocation.

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« Les Cryptomonnaies, une utopie anarcho-capitaliste »

Les cryptomonnaies procèdent de l’utopie d’un monde dans lequel la monnaie fonctionnerait sans intermédiaire, partout, et en garantissant l’anonymat des transactions.

Les bitcoins et les autres cryptomonnaies du même type sont-elles de vraies monnaies ? Elles procèdent, au fond, de l’utopie d’un monde dans lequel la monnaie ne serait plus nationale mais universelle, valable pour tous les pays et pour tout le monde, transférable en toute sécurité et sans coûts.

Cette monnaie se passerait d’intermédiaires, sa valeur ne pourrait être manipulable par des gouvernements ou des banques centrales. Elle serait liée à des gestions décentralisées privées. Elle garantirait l’anonymat des transactions, et son gardien serait non pas une banque centrale mais un algorithme, supposé infaillible. Une forme d’anarcho-capitalisme.

Dans les années soixante-dix, Friedrich Hayek et l’école autrichienne recommandaient de dénationaliser la monnaie, en retirant « le monopole de la création monétaire des mains des gouvernements et en laissant cette tâche à l’industrie privée ». D’une certaine manière, le développement des cryptomonnaies pourrait être en train d’exaucer ce souhait.

L’or en contrepartie

Les premières monnaies bancaires étaient émises dans des quantités qui devaient être des multiples des avoirs des banques en métaux précieux, or et argent. Elles circulaient et étaient librement régulées par le jeu de l’offre et de la demande, sans intervention étatique ou centralisée.

Dans un second temps, la monnaie a été émise non en proportion des avoirs en or ou argent, mais en fonction du développement de l’économie. On crée ainsi de la monnaie à partir du crédit. Les crédits font les dépôts. Autrement dit, ce sont toujours les banques qui créent de la monnaie. Et ce système est régulé par une autorité institutionnelle externe, la banque centrale, puisqu’il n’y a plus d’autorégulation par le jeu de la conversion possible de chaque monnaie en or ou en argent.

Ce sont les très graves crises financières survenues à la fin du XIXe siècle qui ont abouti à la création des banques centrales, après les faillites répétées des banques qui émettaient des monnaies gagées sur l’or ou les métaux précieux. La banque centrale, en homogénéisant l’espace monétaire et en jouant, le cas échéant, un rôle de prêteur en dernier ressort, a donc créé la possibilité d’une stabilité. De l’utilité des institutions et des règles.

Un actif hyperspéculatif

Les cryptomonnaies, quant à elles, n’ont pour contrepartie ni l’or ni l’argent, pas davantage les besoins de l’économie puisqu’elles sont émises par des individus privés en fonction de règles qu’ils fixent arbitrairement. On fait face, de ce fait, à un foisonnement de « monnaies » privées (plus de 1.600 !). Et l’on comprend bien que si tout un chacun peut créer ex nihilo sa « monnaie », aucune ne peut gagner la confiance nécessaire de tous pour acquérir le véritable statut de monnaie.

En outre, si le système économique reposait uniquement sur ces monnaies privées sans aucune contrainte d’émission, il ne pourrait tout simplement plus fonctionner, car il n’y aurait plus de contrainte monétaire.

Ces « monnaies » n’en sont donc pas, elles sont au mieux des actifs financiers. Pour toutes les raisons évoquées précédemment, leur valeur est extrêmement instable. Il suffit en effet que la confiance diminue pour en voir baisser drastiquement la valeur ou que, voyant leur valeur augmenter, de plus en plus d’investisseurs en acquièrent, faisant croître leur prix sans limite apparente et « dans le vide ». Des bulles spéculatives peuvent alors se former et éclater à tout moment.

Il s’agit au fond d’un actif hyperspéculatif, comme le monde financier en crée de temps en temps lorsqu’il s’échappe complètement de l’économie réelle….

Pour autant, si ces pseudo-monnaies ne contribuent pas au bien commun, comme le dit Jean Tirole, la technologie de cryptage sur lesquelles elles reposent, la blockchain, a sans doute un bel avenir devant elle et les ICO (Initial Coin Offering), sous des conditions très strictes, sont un mode de financement de projets qui élargissent la palette des possibles. Ne les confondons pas avec les cryptomonnaies elles-mêmes qui ne sont que le fruit d’une utopie potentiellement très dangereuse.

Retrouvez cette tribune parue dans Les Échos ici

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Economie Générale Finance Management

Pour un capitalisme partenarial

Le chantier de la redéfinition de l’entreprise s’ouvre et avec lui, celui de la gouvernance. Les actionnaires restent au cœur de la gouvernance. La juste rémunération des risques impose de reconnaître leur rôle essentiel. Toute la question est de savoir comment mieux intégrer à leur côté l’intérêt des autres partenaires au sein de l’entreprise.

Longtemps, la question ne s’est pas posée. Wendel, Renault, Michelin… Actionnaires et dirigeants étaient les mêmes personnes, souvent des familles. Le capitalisme familial des origines ne connaissait pas de problème de gouvernance par construction. Mais, pour accompagner leur croissance, les entreprises ont ouvert leur capital, et, grâce à la bourse, ont offert à leurs actionnaires la possibilité de vendre leurs titres pour disposer de liquidités. L’actionnariat s’est dispersé. Son pouvoir sur les dirigeants s’est dilué.

Après-guerre, le capitalisme managérial s’est imposé majoritairement. Les dirigeants se sont émancipés des actionnaires et ont imposé leur contrôle sur l’entreprise fondé sur leur savoir-faire « technique ». C’est ainsi que s’est constituée la technocratie. Les intérêts des deux parties n’étaient plus alignés. Les dirigeants recherchaient la croissance et la pérennité de l’entreprise, insérant les salariés dans des organisations pyramidales. Mais cette configuration n’aboutissait pas toujours à la meilleure efficacité, ni à la meilleure rentabilité, créant des conglomérats souvent lourds et peu manœuvrant, qui délaissaient trop souvent l’intérêt des actionnaires.

Dans les années 80, en congruence avec la globalisation financière, les actionnaires ont rappelé aux dirigeants leur existence et la priorité de maximisation de la richesse. Cette évolution s’est traduite par la création de comités (audit, rémunération et nomination, stratégie…) et le développement de mécanismes d’incitation (primes, stock-options…), afin d’aligner les intérêts des dirigeants sur ceux des actionnaires. Toute une série d’indicateurs s’est imposée (return on equity, taux de distribution…), au même titre qu’est née la doctrine de la création de la valeur. Et si les résultats n’étaient pas au rendez-vous, les actionnaires permettaient des « raids » qui organisaient des prises de pouvoir offensives afin d’optimiser la valeur, parfois en découpant les groupes antérieurement constitués. Parallèlement, ces différents outils de rémunération fondés sur l’évolution de la valeur de l’entreprise ont favorisé l’innovation, en permettant aux « start-up » de recruter des talents qui participaient au risque de l’entreprise, alors que les salaires seuls n’auraient pas permis de les attirer.

Mais le capitalisme actionnarial a trouvé rapidement ses limites. Parce que les rendements financiers attendus semblaient garantis, la spéculation l’a souvent emporté sur les paris raisonnables. Pour respecter des normes minimales de rentabilité à court terme (15 %, quels que soient les secteurs d’activité et les taux d’intérêt sans risque, dans les années 90 et 2000), beaucoup d’entreprises se sont mises à racheter leurs actions pour soutenir leurs titres et/ou à augmenter leur ratio de levier. Le revenu des dirigeants a connu une évolution difficilement justifiable. En 1965, le revenu moyen d’un PDG de grand groupe américain représentait 44 fois celui d’un ouvrier. En 2000, 300 fois les plus bas salaires. Plus grave encore, face à ces attentes de rendements déconnectés de la réalité, on a vu apparaître des comportements non éthiques de créativité comptable : Enron, Worldcom, Parmalat et d’autres encore très récemment. A certains égards, les subprimes et leurs conséquences relèvent du même phénomène.

Les crises de 2000-2003 et de 2007-2009 en ont résulté, directement ou indirectement, avec leurs lots de très lourds coûts économiques et sociaux.

S’ouvre ainsi la nécessité d’aborder un nouvel âge de la gouvernance, celui d’un véritable capitalisme partenarial, à même de remettre, aux côtés des actionnaires, notamment les clients, les salariés et l’environnement de l’entreprise, selon un modèle mieux adapté aux révolutions commerciales, comportementales, éthiques, managériales et technologiques en cours.

L’actionnaire doit toujours occuper une place centrale en tant que mandant des dirigeants. Parce qu’il assume en théorie le risque sans disposer d’aucune certitude sur son rendement futur. La pratique a fait en sorte que les actionnaires soient, pour partie, protégés contre les évolutions négatives de la conjoncture, en reportant partiellement le risque sur les autres parties prenantes de l’entreprise. Sur les salariés, dont la variabilité de la rémunération ou de l’emploi a augmenté. Sur les sous-traitants, dont les marges de négociation vis-à-vis de leurs donneurs d’ordre se sont fortement affaiblies. Les clients sont parfois également des variables d’ajustement, à travers la moindre sécurité des produits ou l’obsolescence accélérée qui leur est imposée. L’environnement climatique est aussi l’un des impacts des choix des entreprises.

Ces partenaires doivent donc pouvoir être mieux pris en compte dans le cadre d’une gouvernance équilibrée, puisqu’ils prennent également une part du risque de l’entreprise. Mais aussi, parce que, sur le long terme, une entreprise est la rencontre de l’ensemble de ces parties prenantes. Et que les modes de régulation qui permettent d’atteindre les meilleurs compromis entre eux sont garants du développement durable et rentable de l’entreprise.
A ce titre, les banques, coopératives ou mutualistes, sans rien sacrifier de leur efficacité, de par le fait que leurs clients en sont les propriétaires et élus aux conseils d’administration, de par leur modèle décentralisé qui renforce la proximité relationnelle non seulement avec les clients qu’elles servent, mais aussi avec les territoires sur lesquels elles opèrent en symbiose, enfin de par l’attention et la place qu’elles donnent aux salariés, représentent une des formes intéressantes possibles de la redéfinition de l’entreprise à gouvernance élargie. A elles de tirer avantage des nouvelles technologies qui permettent de renforcer encore la validité de leur modèle et leur pleine modernité.
A chaque type d’entreprise, cotée, privée ou coopérative, grande ou petite, de réinventer la définition de l’entreprise et de sa gouvernance, de façon à la rendre partenariale. L’avenir de nos économies ouvertes et de nos sociétés démocratiques passe aussi par là.

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Conjoncture Finance Politique Economique Zone Euro

La sortie de la politique monétaire très accommodante de la BCE : Enjeux et Défis par Olivier klein

Revue D’Économie Financière – Extrait du numéro 127 – Article Olivier Klein
 

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Conjoncture Finance Politique Economique Zone Euro

La sortie de la politique monétaire non conventionnelle de la BCE est nécessaire mais difficile

La BCE (Banque Centrale Européenne) annoncera probablement le 26 octobre la façon dont elle compte recalibrer sa politique monétaire aujourd’hui très accommodante. Cette politique, qui consiste principalement en un achat massif d’obligations souveraines et privées par la BCE et en la mise en place de taux négatifs, s’est avérée utile pour lutter contre le risque déflationniste et de désintégration de la zone euro. Un bilan positif, donc.

Désormais, son retrait progressif apparaît  nécessaire. En effet, la crainte déflationniste est maintenant dernière nous. La croissance de la zone euro s’affirme, avec une baisse notable du taux chômage. Bien que nous connaissions une faiblesse persistante de l’inflation, le maintien de cette politique comporte des risques importants.

Par une politique de taux très bas, voire négatifs, en-dessous du taux de croissance nominal, la BCE, en soutenant les emprunteurs, affecte  la rémunération des épargnants et des prêteurs. L’Allemagne, pays à démographie déclinante, donc plus sensible à cette situation, le rappelle régulièrement à la banque centrale. En outre, les investisseurs institutionnels (assureurs, gestionnaires de retraite…), tenus ou non de délivrer un rendement minimum contractuel, peuvent ainsi avoir tendance à rallonger les durées de leurs placements et à accepter des risques de contrepartie plus élevés en échange d’une rémunération meilleure. Cette politique, si elle devait durer au-delà du nécessaire, pourrait engendrer une instabilité financière dans le futur.

En complément, une telle politique peut favoriser les comportements spéculatifs, facteurs de bulles, consistant à emprunter à taux bas pour acheter des actifs risqués (actions, immobilier) afin de gagner le différentiel de rendement. Or, si de telles bulles n’étaient pas encore apparues clairement jusqu’à récemment, certains actifs semblent voir leur prix s’envoler un peu rapidement depuis plusieurs mois, tant sur les marchés d’actions américains par exemple que sur le marché immobilier dans quelques grandes villes américaines et européennes (y compris en Allemagne).

Enfin, en cherchant à positionner les taux d’intérêt de long terme à un niveau très bas, elle écrase le différentiel entre les taux des crédits et les taux de collecte des ressources bancaires, alors même que le taux de rémunération des dépôts  bancaire des épargnants ne peut  concrètement être inférieur à zéro. Or cette marge d’intérêt constitue une base essentielle des revenus des banques de détail   .  Et cet effet défavorable, dans le cas français par exemple ,  n’est plus compensé depuis 2016 par l’accroissement des volumes de crédit et  l’abaissement du coût du risque de crédit, engendrés par ces mêmes taux très bas. Même si les résultats tirés de leurs autres activités (banque d’investissement, international, assurances…) leur ont permis de dégager au total de très bons résultats. En conséquence, la baisse des revenus bancaires tirés de leur activité de banque de détail sur leur marché domestique risque de freiner tôt ou tard leur capacité à suivre la croissance du crédit qui accompagne le regain de croissance, alors même que le ratio de solvabilité exigé par les règles prudentielles est en hausse.

Pour l’ensemble de ces raisons notamment, l’amorce d’une normalisation de la politique monétaire de la BCE devient donc nécessaire. Elle permettrait d’ailleurs à l’institution de se reconstituer d’indispensables marges de manœuvre pour prévenir un futur renversement de cycle, d’autant plus que la politique budgétaire de nombreux Etats européens apparaît aujourd’hui peu mobilisable, compte-tenu de leur niveau d’endettement public.

Pour effectuer ce virage, la Réserve Fédérale américaine a procédé à partir de 2014 à une réduction progressive (appelée tapering), puis à un arrêt de son programme d’achats de titres, enfin à une hausse progressive de ses taux directeurs (taux de court terme). L’annonce de la BCE présentant son tapering aura probablement lieu le 26 octobre. Par un choix de sortie certainement très progressif de son programme d’achat d’obligations, en stabilisant tout d’abord ses stocks, elle pourrait ainsi provoquer une remontée très prudente des taux longs au cours des prochaines années. Elle pourrait par ailleurs faire remonter parallèlement les taux négatifs vers zéro, situation qui ne peut être que très exceptionnelle. Le relèvement de ses taux directeurs d’interviendrait qu’après cette première étape.

La remontée des taux sera pilotée de façon très  prudente, car elle comporte elle-même des risques significatifs. Elle pourrait provoquer des chocs importants sur les marchés, si elle était brutale et mal anticipée. De même, compte-tenu du niveau d’endettement élevé des Etats comme des entreprises et des ménages, elle ne peut qu’être très progressive. Enfin, l’euro a déjà fortement remonté par rapport au dollar. Or la hausse de notre devise ayant clairement un effet qui peut contrecarrer le surcroît d’inflation envisageable à la  suite de la meilleure croissance de la zone, la BCE ne peut prendre le risque d’une accélération de la réévaluation de l’euro, alors qu’elle cherche à faire remonter le taux d’inflation vers 2%.

La politique menée par la BCE a de fait cherché à acheter du temps à la zone euro, pour permettre aux Etats de réaliser les réformes structurelles et les adaptations nécessaires du cadre institutionnel et organisationnel de la zone monétaire elle-même   . Cette politique ne pouvant être éternelle, il devient encore plus impératif pour les Etats concernés de conduire ces réformes pour accroître leur compétitivité (qualité/prix) et soutenir leur potentiel de croissance. Et ainsi, sans politique d’austérité, faire baisser les déficits publics, y compris sociaux, et les déficits structurels de balance courante. L’objectif doit être de créer les fondements d’une zone euro renforcée, car mieux coordonnée, plus solidaire et dont tous les membres auront accru leur potentiel de croissance.

Co-écrit avec Thibault Dubreuil, Majeure Finance d’HEC