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La Convergence économique et sociale de l’Union Européenne : illusion ou nécessité ?

La Commission a adopté un certain nombre de recommandations sur ce sujet majeur, pour plus de convergence au service d’une meilleure adhésion des populations à la construction européenne, ainsi que d’une croissance plus soutenue et plus inclusive en Europe.

J’ai participé au débat ainsi qu’aux recommandations en tant que Président de la Section française de la Ligue Européenne de Coopération Economique.

Les faits qu’on oublie :

  • Après un net rapprochement entre 2000 et 2007 (« spreads » quasi nuls, rattrapage économique des pays périphériques), les divergences, déjà patentes en terme de déficits publics et de comptes extérieurs, sont devenues graves depuis les crises de 2008 et de 2011 ; elles paraissent s’atténuer désormais, mais trop lentement.· Les écarts de niveau de vie au sein de l’UE se sont réduits (de 1 à 2 actuellement au lieu de 1 à 3 il y a vingt ans) mais restent marqués, entre le Nord et le Sud comme entre l’Ouest et l’Est européen. Surtout ils se sont en général accrus à l’intérieur même de chaque pays.
  • La monnaie unique a joué indéniablement un grand rôle pour rapprocher les économies de la zone euro ; mais l’unification incomplète du marché des capitaux reste un obstacle. De plus, les fonds structurels semblent avoir un rôle encore plus important pour favoriser la convergence.

Nos propositions :

  • Placer la convergence plus au centre des recommandations et actions de l’Union, en suivant sur une base annuelle les indicateurs d’investissement, de chômage, et de niveau de vie.
  • Réduire l’asymétrie entre les indicateurs et les politiques concernant les balances  des paiements.
  • Progresser rapidement dans l’intégration des marchés de capitaux et parachever l’Union bancaire européenne (mécanisme de résolution et garantie des dépôts).
  • Dégager des ressources propres communautaires permettant de porter le cadre financier pluriannuel à 1,5% du revenu brut européen pour permettre d’investir dans l’innovation, le numérique les liaisons transfrontières et les activités productives et concurrentielles.Renforcer la solidarité entre les Etats membres par des garanties d’investissement et une meilleure harmonisation fiscale et réagir en commun contre les tentatives d’imposer des sanctions extraterritoriales aux banques et aux entreprises européennes.

I. Elle en retire les constatations suivantes:

  1. La convergence économique des pays de l’Union Européenne – et, en son sein, celle des pays de la zone euro -, ont fait des progrès notables jusqu’à la crise de 2008-2009 : forte réduction des écarts de taux d’intérêt et d’inflation ; taux de croissance plus élevés dans les pays en rattrapage ; réduction générale des déficits publics et des endettements. Il n’en a en revanche pas été de même pour les balances des paiements et pour les comptes publics de quelques pays, conduisant à des fragilités dangereuses.
    Ces fragilités sont devenues patentes avec la crise économique et financière de 2008-2009, puis la crise des dettes souveraines de 2011-2012, qui ont conduit au retour de très fortes divergences et à une explosion de la dette et du chômage dans nombre de pays. Une nette atténuation de ces divergences s’est toutefois amorcée depuis 2014, grâce aux efforts de tous les gouvernements et avec le soutien de l’UE.
  2. Malgré cette évolution en dents de scie, la réduction des écarts de niveau de vie entre les pays qui composent actuellement l’Union Européenne a été considérable grâce au rattrapage rapide d’abord des pays du Sud, puis et plus encore des pays de l’Est européen, dont le degré d’ouverture aux échanges extérieurs s’est beaucoup accru : l’écart entre le revenu par tête du pays le plus pauvre de l’UE et le revenu par tête moyen de l’UE est ainsi passé de 1 à 3 en 1990 à 1 à 2 actuellement.
    Cependant, au sein de la zone euro les écarts de niveau de vie se sont de nouveau accrus à partir de 2010 entre les pays du Nord et ceux du Sud et se stabilisent à peine.
  3. Depuis sa création (1999), la monnaie unique a indéniablement été un facteur de rapprochement des pays membres de la zone euro, facilitant et fluidifiant les échanges entre eux et rapprochant leurs politiques économiques. Le pacte de stabilité et de croissance et les accords qui l’ont complété (« six pack », « two pack », etc.) ont conduit à une meilleure coordination des politiques budgétaires. En revanche, les situations de balance des paiements courants sont restées très divergentes et les politiques sociales n’ont fait l’objet que de rapprochements très limités, ce qui risque de conduire l’Union à péricliter.
    L’unification des marchés de capitaux est également restée très incomplète ; elle est insuffisante pour compenser la tendance naturelle à la concentration des forces productives dans les pays situés en position centrale et bénéficiant d’une longue tradition industrielle et de systèmes performants de formation professionnelle.
    Par ailleurs, l’effet des fonds structurels (FEDER, FSE, Fonds de Cohésion), dont l’apport a représenté pour certains pays jusqu’à 3 % du PIB, semble avoir été encore plus important pour faciliter le rattrapage économique des pays d’Europe centrale et orientale, ainsi que leur modernisation et la hausse de leurs revenus.
  4. Si les disparités entre pays européens ont été réduites, les inégalités de revenus par tête à l’intérieur de nos pays restent importantes ; elles se sont même plutôt creusées[1], quoique beaucoup moins qu’aux Etats-Unis. Notamment, les progrès enregistrés dans les pays périphériques de l’Union Européenne se sont accompagnés d’un fort accroissement des inégalités à l’intérieur de chaque pays. Tout se passe comme si seule une partie de la population de ces régions bénéficiait du processus de croissance et de convergence, le reste demeurant en grande difficulté.
  5. Au total, les inégalités sociales sont restées fortes. L’introduction d’indicateurs sociaux (taux de chômage, taux d’activité, taux de chômage longue durée, chômage des jeunes, évolutions de la productivité et des salaires nominaux) dans la « procédure concernant les déséquilibres macro-économiques » (Scoreboard européen) devrait cependant permettre des progrès à l’avenir.
    Les initiatives de la Commission visant à conférer à l’Union Européenne un « triple A social », l’élaboration d’un « socle européen des droits sociaux » et son adoption lors du Sommet social européen de Göteborg (17 novembre 2017) vont sensiblement renforcer l’attention apportée à la sauvegarde du « modèle social européen » et contribuer à dissuader de la course au moins-disant social. L’Europe sociale reste néanmoins encore en devenir et les projets tels qu’une assurance chômage commune européenne sont dans les limbes.

II. Souhaitant apporter sa contribution à l’élaboration de politiques permettant à l’Europe de faire face à ce défi multiforme, notre Commission formule les recommandations  suivantes :

  1. La convergence – expressément prévue par l’article 3 du Traité de l’U.E. – doit être placé davantage au centre des recommandations et des actions de l’Union Européenne. Les indicateurs du tableau de bord (Scoreboard) devraient être plus développés, annuels et pas seulement en moyenne triannuelle ; leur accès devrait être facilité et leur diffusion systématisée et élargie.
    En particulier, un suivi étroit doit être fait, au-delà des critères en matière de budget, de dette et de réformes structurelles, des questions de croissance, d’innovation et d’investissements, de chômage, dans l’appréciation des politiques des Etats membres et au niveau de chaque région. Une analyse précise de l’évolution des écarts de revenu par tête et de niveau de vie entre les pays comme à l’intérieur de ceux-ci devrait être faite chaque année et accompagnée de mesures incitatrices. De même, le budget de l’Union et le cas échéant celui de la zone euro doivent contribuer à l’ensemble de ces priorités.
  2. La surveillance de la balance des paiements doit recevoir une attention plus soutenue et les critères ne doivent plus être déséquilibrés. Il n’est notamment pas normal que les déséquilibres des balances de paiements considérés comme acceptables soient plus élevés lorsqu’il s’agit d’excédents que ceux qui sont retenus lorsqu’il s’agit de déficit (6% du PIB contre – 3%, chiffre porté à – 4%). C’est oublier en effet cette vérité de bon sens que les excédents des uns sont les déficits des autres, à l’échelle mondiale en tout cas. Réduire l’asymétrie des politiques d’ajustement entre les pays de la zone euro nécessite de mieux combiner qu’aujourd’hui le nécessité de la lutte contre l’aléa moral et l’indispensable partage des risques.
    Certains observent toutefois que ces chiffres sont peu significatifs et qu’il faut prendre en compte aussi la balance des capitaux ; les progrès principaux seraient donc à réaliser en direction de marchés de capitaux plus intégrés, pour favoriser l’investissement dans les pays européens de l’épargne surabondante dégagée dans certains pays. Le « Brexit » est une raison supplémentaire de pousser cette intégration des marchés de capitaux.
    Au total, afin de rendre soutenable la coexistence de déficits des paiements courants de certains pays de la zone euro et les excédents d’autres, il convient, d’une part, que ces soldes soient maintenus dans des proportions et des dynamiques raisonnables et, d’autre part, que le marché des capitaux intra-zone soit à nouveau fluide, comme il l’était avant la crise de la zone euro, afin que la capacité de financement de certaines nations puisse couvrir le besoin de financement des autres, notamment sous la forme d’investissements directs. Cette intégration des marchés financiers ne sera retrouvée que si chaque pays conduit une politique soutenable et si une solidarité intra-zone est affirmée, à la mesure des efforts de soutenabilité des politiques économiques de chacun.
    Nous recommandons par ailleurs que l’indicateur des paiements courants de chaque Etat membre de l’UE soit détaillé en fournissant le solde de ses paiements courants avec la zone euro dans son ensemble et, plus précisément, avec chacun des autres Etats membres de la zone euro en particulier. Il importe aussi de suivre de très près les évolutions de la productivité, des salaires annuels, et du partage de la valeur ajoutée au sein de chaque Etat membre de l’UE.
  3. Parallèlement, l’Union bancaire européenne doit être parachevée, en même temps que l’intégration de marché de capitaux, par la mise en place de l’étage de mutualisation de la garantie des dépôts, ainsi que par la réassurance en dernier ressort « final backstop » sur fonds publics prévue par la Commission européenne, afin de prévenir par des moyens communautaires un effet de contagion généralisée, en cas d’insuffisance des niveaux inférieurs (garantie des dépôts et mécanisme de résolution).
  4. Le cadre financier pluriannuel (CFP) pour 2021-2027 qui vient d’être présenté par la Commission Européenne prévoit – à côté de dépenses nouvelles tout à fait justifiées pour la Sécurité et la Défense européennes, le contrôle des migrations et l’appui aux réformes et aux investissements – une réduction significative (5% environ) de l’ensemble des allocations à la politique agricole commune et à la politique de cohésion. Cette réduction pourrait nuire aux efforts de convergence nécessaires entre nos économies, même s’il est possible d’améliorer les aides en les rendant plus distributives. Cette situation est aggravée par les lourdes conséquences budgétaires du retrait britannique.
    Il n’est possible de sortir de cette situation que par le « haut », c’est-à-dire en majorant le montant de ce budget prévisionnel. Les montants actuellement proposés pour le CFP 2021-2027 représentent 1 135 Md€ de crédits d’engagement, soit 1,11 % du revenu national brut des pays membres. Ce pourcentage, même s’il est encore plus faible pour le CFP 2014-2020 actuel (1,00%), doit être relevé, en développant davantage les ressources propres communes, comme cela est déjà amorcé dans le CFP 2021-2027 (redevance écologique par exemple). Un taux de 1,5 % du revenu national serait un minimum pour que l’action communautaire ait un vrai sens.
  5. Une partie de cet effort budgétaire indispensable devrait prendre la forme de garanties d’investissement visant à encourager le secteur privé à s’engager dans la construction et la rénovation d’infrastructures ainsi que d’autres projets porteurs dans l’énergie, le numérique (Internet à haut débit), les liaisons transfrontières et les activités productives et concurrentielles, notamment dans les pays actuellement les moins avancés, afin de faciliter leur rattrapage.
    Cette action serait un prolongement logique et une amplification du « Plan Juncker » d’investissement, dont les effets ont été positifs mais trop limités, surtout compte-tenu du fait que les pays les plus avancés de l’UE en ont absorbé la majorité. Le financement pourrait en être partiellement assuré sous forme de « project bonds » émis par les entreprises chargées des projets et bénéficiant en tout ou partie des garanties précitées.
  6. La convergence, c’est à dire le rapprochement progressif de nos sociétés, nécessite une vision à long terme. Une entité spécialisée devrait être constituée auprès de la Commission et du Conseil Européen pour en tracer les perspectives à moyen-long terme et en suivre concrètement d’année en année les progrès ; une alternative serait de confier cette fonction à une entité existante ou à un réseau d’instituts reconnus.
  7. Renouer avec une convergence économique, sociale et territoriale conforme aux objectifs fondamentaux de l’UE requiert aussi la mise en œuvre de nos recommandations précédentes ; notamment en matière d’harmonisation fiscale[2] (5 juin 2015), pour assurer la transparence et éviter le dumping fiscal ou le moins disant-social ; ou  concernant « l’avenir des échanges, des investissements et des négociations commerciales et internationales »(17 juin 2016), afin d’éviter des distorsions de concurrence engendrées par les inégalités sociales et de lutter contre les paradis fiscaux et plus largement, contre l’évasion fiscale. Il faut y ajouter les mesures indispensables pour lutter contre les tentatives d’imposer une souveraineté monétaire extérieure et/ou des sanctions extraterritoriales.

[1] Cf les mesures données par le « coefficient de GINI ».

[2] C’est-à-dire le rapprochement – et non l’unification – des taux et des assiettes des prélèvements publics.

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Les banques face à leur avenir proche

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Economie Générale Finance Management

Pour un capitalisme partenarial

Le chantier de la redéfinition de l’entreprise s’ouvre et avec lui, celui de la gouvernance. Les actionnaires restent au cœur de la gouvernance. La juste rémunération des risques impose de reconnaître leur rôle essentiel. Toute la question est de savoir comment mieux intégrer à leur côté l’intérêt des autres partenaires au sein de l’entreprise.

Longtemps, la question ne s’est pas posée. Wendel, Renault, Michelin… Actionnaires et dirigeants étaient les mêmes personnes, souvent des familles. Le capitalisme familial des origines ne connaissait pas de problème de gouvernance par construction. Mais, pour accompagner leur croissance, les entreprises ont ouvert leur capital, et, grâce à la bourse, ont offert à leurs actionnaires la possibilité de vendre leurs titres pour disposer de liquidités. L’actionnariat s’est dispersé. Son pouvoir sur les dirigeants s’est dilué.

Après-guerre, le capitalisme managérial s’est imposé majoritairement. Les dirigeants se sont émancipés des actionnaires et ont imposé leur contrôle sur l’entreprise fondé sur leur savoir-faire « technique ». C’est ainsi que s’est constituée la technocratie. Les intérêts des deux parties n’étaient plus alignés. Les dirigeants recherchaient la croissance et la pérennité de l’entreprise, insérant les salariés dans des organisations pyramidales. Mais cette configuration n’aboutissait pas toujours à la meilleure efficacité, ni à la meilleure rentabilité, créant des conglomérats souvent lourds et peu manœuvrant, qui délaissaient trop souvent l’intérêt des actionnaires.

Dans les années 80, en congruence avec la globalisation financière, les actionnaires ont rappelé aux dirigeants leur existence et la priorité de maximisation de la richesse. Cette évolution s’est traduite par la création de comités (audit, rémunération et nomination, stratégie…) et le développement de mécanismes d’incitation (primes, stock-options…), afin d’aligner les intérêts des dirigeants sur ceux des actionnaires. Toute une série d’indicateurs s’est imposée (return on equity, taux de distribution…), au même titre qu’est née la doctrine de la création de la valeur. Et si les résultats n’étaient pas au rendez-vous, les actionnaires permettaient des « raids » qui organisaient des prises de pouvoir offensives afin d’optimiser la valeur, parfois en découpant les groupes antérieurement constitués. Parallèlement, ces différents outils de rémunération fondés sur l’évolution de la valeur de l’entreprise ont favorisé l’innovation, en permettant aux « start-up » de recruter des talents qui participaient au risque de l’entreprise, alors que les salaires seuls n’auraient pas permis de les attirer.

Mais le capitalisme actionnarial a trouvé rapidement ses limites. Parce que les rendements financiers attendus semblaient garantis, la spéculation l’a souvent emporté sur les paris raisonnables. Pour respecter des normes minimales de rentabilité à court terme (15 %, quels que soient les secteurs d’activité et les taux d’intérêt sans risque, dans les années 90 et 2000), beaucoup d’entreprises se sont mises à racheter leurs actions pour soutenir leurs titres et/ou à augmenter leur ratio de levier. Le revenu des dirigeants a connu une évolution difficilement justifiable. En 1965, le revenu moyen d’un PDG de grand groupe américain représentait 44 fois celui d’un ouvrier. En 2000, 300 fois les plus bas salaires. Plus grave encore, face à ces attentes de rendements déconnectés de la réalité, on a vu apparaître des comportements non éthiques de créativité comptable : Enron, Worldcom, Parmalat et d’autres encore très récemment. A certains égards, les subprimes et leurs conséquences relèvent du même phénomène.

Les crises de 2000-2003 et de 2007-2009 en ont résulté, directement ou indirectement, avec leurs lots de très lourds coûts économiques et sociaux.

S’ouvre ainsi la nécessité d’aborder un nouvel âge de la gouvernance, celui d’un véritable capitalisme partenarial, à même de remettre, aux côtés des actionnaires, notamment les clients, les salariés et l’environnement de l’entreprise, selon un modèle mieux adapté aux révolutions commerciales, comportementales, éthiques, managériales et technologiques en cours.

L’actionnaire doit toujours occuper une place centrale en tant que mandant des dirigeants. Parce qu’il assume en théorie le risque sans disposer d’aucune certitude sur son rendement futur. La pratique a fait en sorte que les actionnaires soient, pour partie, protégés contre les évolutions négatives de la conjoncture, en reportant partiellement le risque sur les autres parties prenantes de l’entreprise. Sur les salariés, dont la variabilité de la rémunération ou de l’emploi a augmenté. Sur les sous-traitants, dont les marges de négociation vis-à-vis de leurs donneurs d’ordre se sont fortement affaiblies. Les clients sont parfois également des variables d’ajustement, à travers la moindre sécurité des produits ou l’obsolescence accélérée qui leur est imposée. L’environnement climatique est aussi l’un des impacts des choix des entreprises.

Ces partenaires doivent donc pouvoir être mieux pris en compte dans le cadre d’une gouvernance équilibrée, puisqu’ils prennent également une part du risque de l’entreprise. Mais aussi, parce que, sur le long terme, une entreprise est la rencontre de l’ensemble de ces parties prenantes. Et que les modes de régulation qui permettent d’atteindre les meilleurs compromis entre eux sont garants du développement durable et rentable de l’entreprise.
A ce titre, les banques, coopératives ou mutualistes, sans rien sacrifier de leur efficacité, de par le fait que leurs clients en sont les propriétaires et élus aux conseils d’administration, de par leur modèle décentralisé qui renforce la proximité relationnelle non seulement avec les clients qu’elles servent, mais aussi avec les territoires sur lesquels elles opèrent en symbiose, enfin de par l’attention et la place qu’elles donnent aux salariés, représentent une des formes intéressantes possibles de la redéfinition de l’entreprise à gouvernance élargie. A elles de tirer avantage des nouvelles technologies qui permettent de renforcer encore la validité de leur modèle et leur pleine modernité.
A chaque type d’entreprise, cotée, privée ou coopérative, grande ou petite, de réinventer la définition de l’entreprise et de sa gouvernance, de façon à la rendre partenariale. L’avenir de nos économies ouvertes et de nos sociétés démocratiques passe aussi par là.

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Gouvernance de la section française de la Ligue Européenne de Coopération Économique

Je suis très heureux d’accéder à la Présidence de la section Française de la Ligue Européenne de Coopération Économique. Nous vivons un moment clé de la construction européenne où il redevient possible de franchir de nouvelles étapes décisives. Cette prise de fonction représente pour moi un engagement et la manière d’y participer. Je veux rendre hommage au travail de Philippe Jurgensen dans ses fonctions de Président de la LECE. Il a assuré avec beaucoup de détermination et de talent la contribution de la section française au débat européen. Il devient Président honoraire et demeure Président de la Commission économique et sociale de la Ligue, qu’il en soit remercié.

Vous pouvez retrouver le Communiqué de Presse ici : Communiqué de Presse Olivier Klein devient Président de LECE France

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La sortie de la politique monétaire très accommodante de la BCE : Enjeux et Défis par Olivier klein

Revue D’Économie Financière – Extrait du numéro 127 – Article Olivier Klein
 

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La sortie de la politique monétaire non conventionnelle de la BCE est nécessaire mais difficile

La BCE (Banque Centrale Européenne) annoncera probablement le 26 octobre la façon dont elle compte recalibrer sa politique monétaire aujourd’hui très accommodante. Cette politique, qui consiste principalement en un achat massif d’obligations souveraines et privées par la BCE et en la mise en place de taux négatifs, s’est avérée utile pour lutter contre le risque déflationniste et de désintégration de la zone euro. Un bilan positif, donc.

Désormais, son retrait progressif apparaît  nécessaire. En effet, la crainte déflationniste est maintenant dernière nous. La croissance de la zone euro s’affirme, avec une baisse notable du taux chômage. Bien que nous connaissions une faiblesse persistante de l’inflation, le maintien de cette politique comporte des risques importants.

Par une politique de taux très bas, voire négatifs, en-dessous du taux de croissance nominal, la BCE, en soutenant les emprunteurs, affecte  la rémunération des épargnants et des prêteurs. L’Allemagne, pays à démographie déclinante, donc plus sensible à cette situation, le rappelle régulièrement à la banque centrale. En outre, les investisseurs institutionnels (assureurs, gestionnaires de retraite…), tenus ou non de délivrer un rendement minimum contractuel, peuvent ainsi avoir tendance à rallonger les durées de leurs placements et à accepter des risques de contrepartie plus élevés en échange d’une rémunération meilleure. Cette politique, si elle devait durer au-delà du nécessaire, pourrait engendrer une instabilité financière dans le futur.

En complément, une telle politique peut favoriser les comportements spéculatifs, facteurs de bulles, consistant à emprunter à taux bas pour acheter des actifs risqués (actions, immobilier) afin de gagner le différentiel de rendement. Or, si de telles bulles n’étaient pas encore apparues clairement jusqu’à récemment, certains actifs semblent voir leur prix s’envoler un peu rapidement depuis plusieurs mois, tant sur les marchés d’actions américains par exemple que sur le marché immobilier dans quelques grandes villes américaines et européennes (y compris en Allemagne).

Enfin, en cherchant à positionner les taux d’intérêt de long terme à un niveau très bas, elle écrase le différentiel entre les taux des crédits et les taux de collecte des ressources bancaires, alors même que le taux de rémunération des dépôts  bancaire des épargnants ne peut  concrètement être inférieur à zéro. Or cette marge d’intérêt constitue une base essentielle des revenus des banques de détail   .  Et cet effet défavorable, dans le cas français par exemple ,  n’est plus compensé depuis 2016 par l’accroissement des volumes de crédit et  l’abaissement du coût du risque de crédit, engendrés par ces mêmes taux très bas. Même si les résultats tirés de leurs autres activités (banque d’investissement, international, assurances…) leur ont permis de dégager au total de très bons résultats. En conséquence, la baisse des revenus bancaires tirés de leur activité de banque de détail sur leur marché domestique risque de freiner tôt ou tard leur capacité à suivre la croissance du crédit qui accompagne le regain de croissance, alors même que le ratio de solvabilité exigé par les règles prudentielles est en hausse.

Pour l’ensemble de ces raisons notamment, l’amorce d’une normalisation de la politique monétaire de la BCE devient donc nécessaire. Elle permettrait d’ailleurs à l’institution de se reconstituer d’indispensables marges de manœuvre pour prévenir un futur renversement de cycle, d’autant plus que la politique budgétaire de nombreux Etats européens apparaît aujourd’hui peu mobilisable, compte-tenu de leur niveau d’endettement public.

Pour effectuer ce virage, la Réserve Fédérale américaine a procédé à partir de 2014 à une réduction progressive (appelée tapering), puis à un arrêt de son programme d’achats de titres, enfin à une hausse progressive de ses taux directeurs (taux de court terme). L’annonce de la BCE présentant son tapering aura probablement lieu le 26 octobre. Par un choix de sortie certainement très progressif de son programme d’achat d’obligations, en stabilisant tout d’abord ses stocks, elle pourrait ainsi provoquer une remontée très prudente des taux longs au cours des prochaines années. Elle pourrait par ailleurs faire remonter parallèlement les taux négatifs vers zéro, situation qui ne peut être que très exceptionnelle. Le relèvement de ses taux directeurs d’interviendrait qu’après cette première étape.

La remontée des taux sera pilotée de façon très  prudente, car elle comporte elle-même des risques significatifs. Elle pourrait provoquer des chocs importants sur les marchés, si elle était brutale et mal anticipée. De même, compte-tenu du niveau d’endettement élevé des Etats comme des entreprises et des ménages, elle ne peut qu’être très progressive. Enfin, l’euro a déjà fortement remonté par rapport au dollar. Or la hausse de notre devise ayant clairement un effet qui peut contrecarrer le surcroît d’inflation envisageable à la  suite de la meilleure croissance de la zone, la BCE ne peut prendre le risque d’une accélération de la réévaluation de l’euro, alors qu’elle cherche à faire remonter le taux d’inflation vers 2%.

La politique menée par la BCE a de fait cherché à acheter du temps à la zone euro, pour permettre aux Etats de réaliser les réformes structurelles et les adaptations nécessaires du cadre institutionnel et organisationnel de la zone monétaire elle-même   . Cette politique ne pouvant être éternelle, il devient encore plus impératif pour les Etats concernés de conduire ces réformes pour accroître leur compétitivité (qualité/prix) et soutenir leur potentiel de croissance. Et ainsi, sans politique d’austérité, faire baisser les déficits publics, y compris sociaux, et les déficits structurels de balance courante. L’objectif doit être de créer les fondements d’une zone euro renforcée, car mieux coordonnée, plus solidaire et dont tous les membres auront accru leur potentiel de croissance.

Co-écrit avec Thibault Dubreuil, Majeure Finance d’HEC