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J’étais l’invité de Jean-François Bodin sur Radio Rythme Bleu pour parler économie calédonienne, stratégie bancaire, guerre commerciale Etats-Unis/Chine

À l’occasion de ma visite en Nouvelle-Calédonie, j’ai eu le plaisir d’être accueilli par Jean-François Bodin sur Radio Rythme Bleu pour y parler économie mondiale, guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine, stratégie bancaire ou encore situation actuelle de l’économie calédonienne.

Interview à retrouver ici : https://bit.ly/30B7AoT

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Réveiller l’Europe, c’est maintenant ! – Texte complet de l’article publié dans les Echos du 11 décembre 2018

C’est la première fois qu’un pays de l’Union veut la quitter. Le développement de l’illibéralisme de quelques pays pose la question de la signification de l’appartenance à l’Union Européenne. Les tensions Nord-Sud au sein de l’Union sur fond de méfiance réciproque ne permettent plus d’avancer dans la construction d’une zone euro, pourtant aujourd’hui encore bancale. Les pays du Nord craignent le non-respect des règles, notamment budgétaires, de vie en commun par ceux du Sud. Ceux du Sud, le manque de solidarité et une sorte de mépris de la part de ceux du Nord. Avec bien entendu, en point d’orgue, l’arrivée au pouvoir en Italie d’une coalition hétéroclite des extrêmes.

En outre, même si l’Europe n’en a en rien l’exclusivité, on assiste partout en Europe à la montée de mouvements populistes, recherchant des solutions simplistes à des problèmes réels et des boucs émissaires faciles. Ces mouvements sont la manifestation politique et électorale d’une demande d’identité, de sécurité et de protection. Conséquence elle-même, en Europe comme ailleurs, de la peur d’un affaiblissement des classes moyennes et d’une réponse perçue comme inadéquate ou insuffisante de la part des gouvernements. Mondialisation, révolution technologique, immigration mal maîtrisée et terrorisme islamiste sont les ferments de cette inquiétude. Le tout sur fond d’une déconstruction progressive des organisations multilatérales et des règles et principes de la communauté des nations établis après-guerre. Donc d’une montée de jeux non coopératifs potentiellement très dangereux. Qu’ils soient par exemple ceux des Etats- unis, proclamant qu’ « America first » est leur unique objectif, ou ceux à plus petite échelle de l’Italie qui présente une politique budgétaire dangereuse pour la zone euro ou, d’une certaine manière et dans un style opposé, de l’Allemagne, qui affiche depuis des années un excédent courant d’un niveau anormalement élevé.

Il est donc urgent de bien s’interroger en Europe sur la bonne façon de réagir à cette défiance. Deux types de réactions doivent être évités. Le premier serait de nier les défauts intrinsèques de l’Europe. Ce n’est pas en ignorant les problèmes ressentis par les gens qu’on les fait disparaître. Tout au contraire, on les aggrave. Il faut regarder en face les véritables problèmes et nommer les questions d’immigration mal gérées au niveau communautaire, les effets de l’élargissement européen qui a fait perdre de la lisibilité et a dégradé l’efficacité de la gouvernance de l’Union. De même, doit-on pointer la mise en place d’une zone euro qui, parce qu’incomplète, a engendré un certain nombre d’effets indésirables. Ainsi, mettre à plat les contre-vérités sur l’Europe est-il salutaire. Mais sembler en ignorer les difficultés serait dangereux.

A l’inverse, après avoir constaté le risque de délitement de l’Europe et ses défauts intrinsèques, la deuxième erreur consisterait à se contenter d’un pessimisme cultivé, qui pourrait donner la place à une contemplation tout à la fois complaisante et navrée des reculs successifs d’une Europe impuissante à poursuivre sa construction.

Même si elle est bien difficile, la seule voie possible est de rechercher inlassablement à mettre en place et à renforcer les jeux coopératifs en Europe. Face à l’entropie actuelle, il est urgent en premier lieu de rappeler avec force ce qui réunit les peuples européens et ce en quoi l’Europe leur apporte un mieux-vivre : la protection et l’efficacité d’une économie sociale de marché ; l’importance cruciale de l’Etat de droit, avec le caractère inaliénable de la liberté de la personne et de la liberté de la pensée critique, qui va de pair avec celle de la presse ; la laïcité qui permet le vivre-ensemble; les bienfaits du marché unique et de la libre circulation des personnes ; sans oublier la paix bien entendu. Faisons le pari qu’in fine les peuples européens instruits des menaces ne voudront pas de ces régressions.

Mais, plus les bienfaits de l’Europe sont considérés comme acquis, plus ils sont paradoxalement fragiles, tant la nature humaine est sujette à l’oubli. Il nous faut donc parler en outre du caractère indispensable d’une Europe forte demain. Nous assistons aujourd’hui à un gigantesque combat entre les Etats-Unis et la Chine pour un nouveau partage du monde. La rupture avec le multilatéralisme et l’affirmation assumée d’une attitude non coopérative, d’un côté. La nouvelle route de la soie, comme moyen d’expansion de la nouvelle puissance, de l’autre. Ouvrons vite les yeux, nous autres Européens, si nous voulons que nos peuples conservent la maîtrise de leur destin et pèsent encore sur le cours de l’histoire. Si nous voulons nous donner une chance de préserver les spécificités et les valeurs auxquelles nous tenons, qui nous rassemblent et nous distinguent, ce n’est pas moins d’Europe qu’il nous faut, mais davantage ! Pour exister entre les deux géants du nouveau monde, il nous faut une Europe forte économiquement, politiquement, diplomatiquement et militairement.

Industrie à forte valeur ajoutée, nouvelles technologies, transition écologique, défense commune comme vient de le proposer le couple franco-allemand, flux migratoires, etc., tels sont les thèmes qu’il nous faut travailler ensemble au plus vite, en instaurant de nouvelles règles communes et de nouveaux jeux coopératifs. Pour peser davantage sur le nouvel ordre du monde. Il nous faut, en outre, une vision propre de l’organisation du commerce international et une défense de nos intérêts en ce domaine. Construisons donc, au plus vite, une vision géostratégique partagée. Enfin, sur la base d’une zone monétaire complète et solide, recherchons une plus forte internationalisation de l’Euro. Appuyée sur une Europe stratège, un Euro plus utilisé mondialement est en effet utile pour éviter les inacceptables règles unilatérales d’extraterritorialité imposées par les Etats-Unis, facilitées par un dollar omniprésent.

Comment dès lors ne pas voir le besoin urgent d’Europe ? Pour les peuples européens eux-mêmes d’abord, mais aussi pour de nombreux autres qui ne veulent pas avoir à choisir entre les deux futurs maîtres du monde, si l’Europe ne jouait pas son propre jeu. Cette renaissance ne pourra se réaliser que si nous savons marier intelligemment une Europe des nations et une Europe stratège, qui seule peut faire face à la somme gigantesque des défis géopolitiques, industriels et écologiques qui sont les nôtres.

Face au délitement progressif, seule la combinaison d’une volonté déterminée de reconnaître et de corriger les défauts de l’Europe d’une part, d’une explication limpide des enjeux géostratégiques et des possibilités réelles de régression d’autre part et, enfin, d’hommes d’Etat courageux ayant une claire vision de l’avenir pourra renverser l’ordre des choses. Mais rien ne se fera sans que nous partions pragmatiquement de projets concrets sur les différentes thématiques pré-citées, en nous alliant avec nos voisins allemands. Ni sans que tous, où que nous soyons et qui que nous soyons, y concourions à notre mesure !

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Réveiller l’Europe, c’est maintenant ! – Retrouvez ma tribune parue le dans Les Echos du 11 décembre 2018

Les élections européennes approchent, alors que nous connaissons un moment de défiance à l’égard de l’Europe et une phase de retour en force des nations.

Pour la première fois  un pays de l’Union veut la quitter. Le développement de l’illibéralisme de quelques pays pose la question de la signification de l’appartenance à l’Union européenne. Les tensions Nord-Sud au sein de l’Union sur fond de méfiance réciproque ne permettent plus d’avancer dans la construction d’une zone euro, pourtant aujourd’hui encore bancale.

En outre, on assiste partout en Europe à la montée de mouvements populistes, recherchant des solutions simplistes à des problèmes réels et des boucs émissaires faciles. Ces mouvements sont la manifestation politique et électorale d’une demande d’identité, de sécurité et de protection. Conséquence elle-même, en Europe comme ailleurs, de la peur d’un affaiblissement des classes moyennes et d’une réponse perçue comme inadéquate ou insuffisante de la part des gouvernements.

Mondialisation, révolution technologique, immigration mal maîtrisée et terrorisme islamiste sont les ferments de cette inquiétude. Le tout sur fond d’une déconstruction progressive des organisations multilatérales et des règles et principes de la communauté des nations établis après-guerre. Donc d’une montée de jeux non coopératifs potentiellement très dangereux.

Ce qui réunit les peuples

Il est donc urgent de bien s’interroger en Europe sur la bonne façon de réagir à cette défiance. Il serait vain de nier les défauts intrinsèques de l’Europe. Il faut regarder en face les véritables problèmes et nommer les questions d’immigration mal gérées au niveau communautaire, les effets de l’élargissement européen qui a fait perdre de la lisibilité et a dégradé l’efficacité de la gouvernance de l’Union. De même, doit-on pointer la mise en place d’une zone euro qui, parce qu’incomplète, a engendré un certain nombre d’effets indésirables.

Même si elle est bien difficile, la seule voie possible est de rechercher inlassablement à mettre en place et à renforcer les jeux coopératifs en Europe. Face à l’entropie actuelle, il est urgent en premier lieu de rappeler avec force ce qui réunit les peuples européens et ce en quoi l’Europe leur apporte un mieux-vivre : la protection et l’efficacité d’une économie sociale de marché ; l’importance cruciale de l’Etat de droit, avec le caractère inaliénable de la liberté de la personne et de la liberté de la pensée critique, qui va de pair avec celle de la presse ; la laïcité qui permet le vivre-ensemble ; les bienfaits du marché unique et de la libre circulation des personnes ; sans oublier la paix bien entendu.

Ouvrir les yeux

Nous assistons aujourd’hui à un gigantesque combat entre les Etats-Unis et la Chine pour un nouveau partage du monde. Ouvrons vite les yeux, nous autres Européens, si nous voulons que nos peuples conservent la maîtrise de leur destin et pèsent encore sur le cours de l’histoire. Pour exister entre les deux géants du nouveau monde, il nous faut une Europe forte.

Industrie à forte valeur ajoutée, nouvelles technologies, transition écologique, défense commune comme vient de le proposer le couple franco-allemand, flux migratoires, etc., tels sont les thèmes qu’il nous faut travailler ensemble au plus vite. Pour peser davantage sur le nouvel ordre du monde. Il nous faut, en outre, une vision propre de l’organisation du commerce international. Enfin, sur la base d’une zone monétaire complète et solide, recherchons une plus forte internationalisation de l’euro. Appuyée sur une Europe stratège, un euro plus utilisé mondialement est en effet utile pour éviter les inacceptables règles unilatérales d’extraterritorialité imposées par les Etats-Unis.

Rien ne se fera sans que nous partions pragmatiquement de projets concrets sur les différentes thématiques précitées, en nous alliant avec nos voisins allemands. Ni sans que tous, où que nous soyons et qui que nous soyons, y concourions à notre mesure !

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« Italie, Brexit…où va la zone euro ? » Je répondais lundi 22 octobre aux questions de France Info.

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La sortie de la politique monétaire très accommodante de la BCE : Enjeux et Défis par Olivier klein

Revue D’Économie Financière – Extrait du numéro 127 – Article Olivier Klein
 

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La sortie de la politique monétaire non conventionnelle de la BCE est nécessaire mais difficile

La BCE (Banque Centrale Européenne) annoncera probablement le 26 octobre la façon dont elle compte recalibrer sa politique monétaire aujourd’hui très accommodante. Cette politique, qui consiste principalement en un achat massif d’obligations souveraines et privées par la BCE et en la mise en place de taux négatifs, s’est avérée utile pour lutter contre le risque déflationniste et de désintégration de la zone euro. Un bilan positif, donc.

Désormais, son retrait progressif apparaît  nécessaire. En effet, la crainte déflationniste est maintenant dernière nous. La croissance de la zone euro s’affirme, avec une baisse notable du taux chômage. Bien que nous connaissions une faiblesse persistante de l’inflation, le maintien de cette politique comporte des risques importants.

Par une politique de taux très bas, voire négatifs, en-dessous du taux de croissance nominal, la BCE, en soutenant les emprunteurs, affecte  la rémunération des épargnants et des prêteurs. L’Allemagne, pays à démographie déclinante, donc plus sensible à cette situation, le rappelle régulièrement à la banque centrale. En outre, les investisseurs institutionnels (assureurs, gestionnaires de retraite…), tenus ou non de délivrer un rendement minimum contractuel, peuvent ainsi avoir tendance à rallonger les durées de leurs placements et à accepter des risques de contrepartie plus élevés en échange d’une rémunération meilleure. Cette politique, si elle devait durer au-delà du nécessaire, pourrait engendrer une instabilité financière dans le futur.

En complément, une telle politique peut favoriser les comportements spéculatifs, facteurs de bulles, consistant à emprunter à taux bas pour acheter des actifs risqués (actions, immobilier) afin de gagner le différentiel de rendement. Or, si de telles bulles n’étaient pas encore apparues clairement jusqu’à récemment, certains actifs semblent voir leur prix s’envoler un peu rapidement depuis plusieurs mois, tant sur les marchés d’actions américains par exemple que sur le marché immobilier dans quelques grandes villes américaines et européennes (y compris en Allemagne).

Enfin, en cherchant à positionner les taux d’intérêt de long terme à un niveau très bas, elle écrase le différentiel entre les taux des crédits et les taux de collecte des ressources bancaires, alors même que le taux de rémunération des dépôts  bancaire des épargnants ne peut  concrètement être inférieur à zéro. Or cette marge d’intérêt constitue une base essentielle des revenus des banques de détail   .  Et cet effet défavorable, dans le cas français par exemple ,  n’est plus compensé depuis 2016 par l’accroissement des volumes de crédit et  l’abaissement du coût du risque de crédit, engendrés par ces mêmes taux très bas. Même si les résultats tirés de leurs autres activités (banque d’investissement, international, assurances…) leur ont permis de dégager au total de très bons résultats. En conséquence, la baisse des revenus bancaires tirés de leur activité de banque de détail sur leur marché domestique risque de freiner tôt ou tard leur capacité à suivre la croissance du crédit qui accompagne le regain de croissance, alors même que le ratio de solvabilité exigé par les règles prudentielles est en hausse.

Pour l’ensemble de ces raisons notamment, l’amorce d’une normalisation de la politique monétaire de la BCE devient donc nécessaire. Elle permettrait d’ailleurs à l’institution de se reconstituer d’indispensables marges de manœuvre pour prévenir un futur renversement de cycle, d’autant plus que la politique budgétaire de nombreux Etats européens apparaît aujourd’hui peu mobilisable, compte-tenu de leur niveau d’endettement public.

Pour effectuer ce virage, la Réserve Fédérale américaine a procédé à partir de 2014 à une réduction progressive (appelée tapering), puis à un arrêt de son programme d’achats de titres, enfin à une hausse progressive de ses taux directeurs (taux de court terme). L’annonce de la BCE présentant son tapering aura probablement lieu le 26 octobre. Par un choix de sortie certainement très progressif de son programme d’achat d’obligations, en stabilisant tout d’abord ses stocks, elle pourrait ainsi provoquer une remontée très prudente des taux longs au cours des prochaines années. Elle pourrait par ailleurs faire remonter parallèlement les taux négatifs vers zéro, situation qui ne peut être que très exceptionnelle. Le relèvement de ses taux directeurs d’interviendrait qu’après cette première étape.

La remontée des taux sera pilotée de façon très  prudente, car elle comporte elle-même des risques significatifs. Elle pourrait provoquer des chocs importants sur les marchés, si elle était brutale et mal anticipée. De même, compte-tenu du niveau d’endettement élevé des Etats comme des entreprises et des ménages, elle ne peut qu’être très progressive. Enfin, l’euro a déjà fortement remonté par rapport au dollar. Or la hausse de notre devise ayant clairement un effet qui peut contrecarrer le surcroît d’inflation envisageable à la  suite de la meilleure croissance de la zone, la BCE ne peut prendre le risque d’une accélération de la réévaluation de l’euro, alors qu’elle cherche à faire remonter le taux d’inflation vers 2%.

La politique menée par la BCE a de fait cherché à acheter du temps à la zone euro, pour permettre aux Etats de réaliser les réformes structurelles et les adaptations nécessaires du cadre institutionnel et organisationnel de la zone monétaire elle-même   . Cette politique ne pouvant être éternelle, il devient encore plus impératif pour les Etats concernés de conduire ces réformes pour accroître leur compétitivité (qualité/prix) et soutenir leur potentiel de croissance. Et ainsi, sans politique d’austérité, faire baisser les déficits publics, y compris sociaux, et les déficits structurels de balance courante. L’objectif doit être de créer les fondements d’une zone euro renforcée, car mieux coordonnée, plus solidaire et dont tous les membres auront accru leur potentiel de croissance.

Co-écrit avec Thibault Dubreuil, Majeure Finance d’HEC