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« Banque et nouvelles technologies : la nouvelle donne »

Les nouvelles technologies engendrent pour chacun un nouveau rapport au monde, une nouvelle façon de penser le temps et l’espace, une autre manière de concevoir l’information, les connaissances et l’autonomie d’action. De fait, elles induisent une série de révolutions en chaîne dans notre vie quotidienne, comme dans l’entreprise.

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La banque sans distance, le nouveau monde

Fait sociologique, les nouvelles technologies ont changé nos vies. Quels en sont les impacts sur celle de l’entreprise ?

Olivier KLEIN : C’est indéniable, les nouvelles technologies engendrent un nouveau rapport au monde. De fait, elles induisent une série de révolutions en chaîne, dans notre vie quotidienne, et dans l’entreprise en particulier. La première est une révolution commerciale, qui bouleverse les rapports de force entre les producteurs, les distributeurs et les consommateurs. Elle vient de la prise de pouvoir du client due précisément aux nouvelles technologies : plus avertis, plus informés, les consommateurs bénéficient d’une plus grande liberté de choix.

Le distributeur peut en sortir plus fort que jamais s’il s’avère capable de bien connaître et fidéliser ses clients. Appuyé sur une excellente maîtrise des données dont il dispose sur le comportement de chaque client, comme sur la relation qu’il entretient à long terme avec lui, il lui faut chercher la combinaison, en prix comme en qualité, de produits et de services qui correspond le mieux aux besoins du client individualisé et monter les solutions avec lui.

Ce qu’il faut bien percevoir dans ces nouveaux rapports de force, c’est que l’absence de valeur ajoutée apportée au client, c’est-à-dire l’absence de qualité du conseil comme l’absence de proposition des meilleures combinaisons de produits et de services adaptés à chacun, conduisent tout droit à la numérisation totale de la relation client-fournisseur. Et à la disparition du rôle économique du distributeur, avec l’apparition d’une relation directe producteur-client, ou avec l’apparition de pure-players Internet de la distribution, forme low-cost de la relation client.

Il y a les comportements du producteur, du distributeur, du client, qui évoluent. Qu’en est-il de ceux du collaborateur ?

O.K. : Justement. Autre conséquence pour l’entreprise, ce sont les changements de comportement des salariés. La révolution technologique positionne les collaborateurs au centre de l’entreprise, avec des impacts sur l’organisation. Aujourd’hui, par exemple, les cadres ne sont plus crédibles – et sont incapables d’entraîner leurs collaborateurs – s’ils ne fondent pas leur autorité sur la valeur ajoutée qu’ils apportent à leurs équipes, et non sur la détention d’informations qui circulent désormais librement et gratuitement dans toute l’entreprise.

’autant que les collaborateurs expriment un besoin accru d’autonomie, soutenu et renforcé par cette même révolution technologique. Développer l’esprit d’entreprendre est devenu un véritable enjeu pour les grandes entreprises. Aujourd’hui, les individus – et tout particulièrement les salariés des sociétés – aspirent à comprendre le sens de leur contribution à l’entreprise : ils souhaitent en partager la stratégie et le choix du mode d’organisation, pour y adhérer plus naturellement.

Cela n’implique-t-il pas de revoir les organisations traditionnelles ?

Bien évidemment, les organisations très hiérarchisées, verticales, nées des années 50/60, si elles n’ont pas su se moderniser, sont devenues moins efficaces et plus difficiles à gérer : elles mobilisent moins, car la proximité managériale est plus cruciale que jamais ; plus rigides, moins flexibles, elles ne sont plus en phase avec un monde et un environnement de plus en plus complexe et mouvant. A contrario, les entreprises organisées en réseau – réseau entre les différentes parties de l’entreprise ou entre différentes entreprises – sont plus adaptables plus agiles, absorbent mieux les chocs et gèrent mieux la complexité.

Et puis, il y a le facteur sociétal. Il doit être traité très sérieusement, car la société devient une véritable partie prenante de l’entreprise, Internet et réseaux sociaux obligent. La RSE, l’engagement sociétal, la réputation des entreprises sont devenues des facteurs importants de leur réussite.

En bref, il n’y a pas d’autre issue, pour se faire entendre dans ce nouveau monde, que de suivre ou plutôt même d’anticiper les usages des gens. Car c’est bien de cela qu’il s’agit : il n’y a pas d’un côté le digital, et de l’autre, la vie comme avant. Les nouvelles technologies ont changé nos façons d’agir et notre rapport au monde.

Une plus grande proximité managériale, une meilleure compréhension des attentes des clients, une ouverture au monde entrepreneurial, une forte capacité d’absorption des chocs, des mutations et de la complexité, tels sont les ingrédients de l’entreprise, aujourd’hui. Et la banque dans tout cela ?

O.K. : C’est aussi une entreprise… moteur de l’économie, qui plus est. L’entreprise-banque, et plus spécifiquement la banque commerciale, n’échappe pas à ces bouleversements, bien au contraire, étant au cœur de l’activité économique.

Qu’il s’agisse de la banque en ligne, du mobile banking, du paiement et, plus généralement, de la relation entre la banque et ses clients particuliers, l’accélération de la révolution numérique pousse à se demander s’il y a encore de la place pour des agences bancaires au coin de la rue. Pour moi, la réponse est positive.

Mais il faut bien se rendre à l’évidence : les nouveaux outils numériques ont altéré deux paramètres, le facteur-temps et le facteur-distance. La relation entre le client et sa banque est devenue immédiate, et l’achat de produits ou de services bancaires se fait maintenant à distance. Le client pousse de moins en moins la porte de son agence bancaire, sauf pour traiter de ses projets de vie significatifs. Et c’est bien là, le cœur du réacteur.

La banque doit donc se réinventer. Sans perdre de temps. Mais il convient de bien faire la distinction entre les pratiques dépassées et les pratiques qui restent indispensables parce qu’elles sont l’essence même du métier. Deux invariants sont les piliers de la banque commerciale. D’une part, la demande bancaire ne diminue pas en volume : elle s’exprime différemment, avec de nouvelles exigences. Les gens n’ont ainsi pas moins besoin de banques.

D’autre part, la relation intuitu personae reste un élément fondamental du métier de banquier de proximité. Car la banque n’est pas un métier de production de produits ; la banque est un métier de relations humaines, fondé sur la capacité à proposer le bon conseil et le bon service, au bon moment, quel que soit le canal proposé. Parce que la banque traite des projets de vie et d’entreprise – du temps long -, et que ce traitement implique une relation personnalisée et durable avec un conseiller bancaire pertinent. Ce sont nos clients qui le disent.

Alors, que faire ? Faut-il mettre en place des banques en ligne, sans contact humain, au détriment des agences ?

O.K. : La seule issue passe par notre agilité à réinventer la banque de proximité. J’insiste, la relation personnelle entre un conseiller et son client est non négociable. Surtout dans un groupe bancaire composé de banques régionales de proximité.

otre force réside dans notre capacité à promouvoir ce que j’appelle « la banque sans distance », par différence avec la notion de « banque à distance » qui fait l’hypothèse qu’une banque complète peut se passer totalement d’un réseau d’agences.

Que recouvre ce concept ? Tout naturellement ce qu’exigent les clients avec la révolution technologique, sans couper court avec une relation personnalisée forte : plus de praticité. Conserver un relationnel fort avec son conseiller bancaire, mais par le canal de son choix, téléphone, email ou en rendez-vous physique, en fonction du sujet que l’on veut traiter, du moment de la journée… Mais cela recouvre aussi une meilleure réponse au besoin d’un conseil encore plus avisé, plus pertinent, plus approprié. Fini les produits que les banques cherchaient à vendre par le biais de successions de campagnes indifférenciées.

Pourvu qu’elle soit plus agile, plus interconnectée et plus proactive, la banque de réseau a tout en main pour préserver sa relation fondamentale avec ses clients en croisant sa force – la proximité – avec les nouveaux outils – Internet, tablette, smartphone. En combinant le meilleur de la banque traditionnelle et le meilleur de la banque en ligne.

Concrètement, dans chaque agence, chaque conseiller devient ainsi le porteur du multicanal. Ce qui revient, comme je le disais, à offrir au client la possibilité de traiter, à son choix, les sujets d’importance avec son conseiller attitré en face à face, par téléphone ou par e-mail, sans se déplacer. Et, surtout, avec toujours le même conseiller. Le reste, c’est-à-dire la banque au quotidien, se traitant évidemment sur son téléphone mobile. On peut en outre parfaitement développer, parallèlement aux agences, des banques en lignes avec des conseillers attitrés pour les clients très mobiles ou très peu disponibles.

Quels risques encourez-vous en développant une telle stratégie d’entreprise ?

O.K. : Le plus grand risque serait de ne pas admettre qu’il est indispensable de changer. Mais il faut le faire en respectant les fondamentaux essentiels et pérennes. J’évoquerai aussi les investissements nécessaires. Un tel modèle de « banque sans distance » engendre automatiquement des coûts salariaux plus élevés que ceux d’une banque à distance de type low cost. Cela conduit la banque à concentrer ses ressources – à commencer par ses collaborateurs – sur l’apport d’une valeur ajoutée, pour justifier la rémunération du service proposé. Et, partant, à miser sur le capital humain, seul véritable facteur de différenciation dans la banque. La compétence, la réactivité et la proactivité sont clé. Tout comme l’utilisation intelligente et non intrusive d’un CRM pertinent – ou bigdata – pour anticiper au mieux les besoins de chaque client. Mais aussi, et surtout, en profilant les réseaux pour les rendre plus agiles, en répartissant mieux les expertises et en articulant de façon optimisée le physique et le numérique. L’agence n’est pas morte, loin de là. Mais elle doit fusionner dorénavant deux concepts : la e-agence et l’agence physique, c’est-à-dire le meilleur de la modernité et le meilleur de la tradition. Et elle doit être plus mobile, plus alerte.

Et tout cela, pour sortir par le haut. C’est aussi ce que peuvent permettre les nouvelles technologies. Elles ne sont pas qu’une menace. Car dans un environnement où le revenu bancaire a tendance à baisser indéniablement macro-économiquement, le défi majeur d’un tel modèle est stratégique. Si nous n’étions pas à la hauteur des attentes du client, ce dernier irait naturellement vers des pures banques en ligne moins chères. Sans état d’âme.
Cela relève donc de la transformation interne, c’est-à-dire de l’augmentation de la valeur ajoutée de chaque conseiller et de notre capacité à rendre nos réseaux plus agiles. Les nouvelles technologies nous y aident en retour.

Mais ne nous cachons pas la face, cette nouvelle orientation implique en outre plusieurs autres chantiers de longue haleine. En vrac : réétudier les outils pour mieux aider les commerciaux, revisiter les process en utilisant le numérique pour revoir les parcours clients, du « front » jusqu’aux « back offices ». Il s’agit par exemple de faciliter la vie des clients et des collaborateurs de la banque tout en maîtrisant les coûts, de faire participer les clients, qui y trouveront avantage, à l’élaboration même des contrats, de développer la signature électronique, etc. Une véritable réforme organisationnelle est en marche.

Quelle motivation mettez-vous en avant auprès de vos collaborateurs pour les faire adhérer à ce projet ?

O.K. : Les collaborateurs comprennent que, plus que toute autre, la banque doit être à l’écoute des nouveaux comportements et nouveaux usages de nos clients et de notre société, d’autant à nouveau que ce sont le mode relationnel et la qualité de la prestation qui sont les vrais atouts différenciants dans la banque. C’est donc vital.

Et ces réformes, en outre, permettent à chaque conseiller de développer un rôle d’entrepreneur de son propre portefeuille. Cette révolution technologique apporte en effet des degrés de liberté qui responsabilisent les commerciaux. Le métier de banquier est toujours plus passionnant. Et le métier de directeur d’agence reprend beaucoup de sens. N’est-ce pas la plus forte motivation pour chacun ? Vous savez, plus les institutions sont grandes, plus nous avons besoin de proximité, relationnelle avec les clients, managériale avec les collaborateurs. 

Cet article est la retranscription d’une conférence prononcée en décembre 2015 et qui a fait l’objet d’une publication dans des termes quasiment identiques dans la Revue d’Economie Financière de janvier 2016.

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Olivier Klein : « Les Banques Populaires ont soif de projets d’investissement à financer »

Olivier Klein, l’invité des Echos

La reconfiguration du réseau : « Si nous avons vu les revenus de nos réseaux d’agences progresser de 5 % en 2014, c’est parce que nous avons cherché à faire converger l’agence physique et le numérique. Le commercial est toujours le pivot de la relation, mais le client doit pouvoir le contacter par le canal le plus approprié (courriel, téléphone ou agence) selon le moment de la journée. Nous avons aussi reconfiguré notre réseau d’agences, avec des spécialistes sur un segment de clientèle qui peuvent se déplacer dans plusieurs agences en fonction des besoins. »

Une conjoncture difficile : « Les taux très bas laissant des marges très faibles, un marché hypermature, des réglementations de plus en plus contraignantes… Cela fait beaucoup de choses, mais, à la BRED, il y a encore beaucoup de potentiel de développement interne et externe. Nous avons encore des parts de marché à prendre et des clients avec lesquels nous n’avons pas encore de relations suffisamment intenses. »

L’octroi de crédits aux PME : « Des enquêtes de la BCE et de la Banque de France montrent que le niveau actuel d’octroi de crédits fait partie des plus élevés de notre histoire. Les banques populaires ont soif de projets d’investissements à financer ! Elles répondent « oui » dans 85 % des cas aux demandes de financement des projets d’équipement des PME et ETI. »

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« Oui, il y a encore de la place pour la banque de réseau »

Les nouvelles technologies bouleversent des pans entiers de l’économie de la distribution et des modèles de consommation. La banque de détail n’y échappera pas. Qu’il s’agisse de la banque en ligne, du « mobile banking », du paiement et plus généralement de la relation entre la banque et ses clients particuliers, l’accélération de la révolution numérique pousse à se demander s’il y aura encore demain de la place pour des agences bancaires au coin de la rue.

Les nouveaux outils numériques ont altéré le facteur temps – la relation entre le client et sa banque est devenue immédiate -, et celui du lieu – l’achat peut se faire à distance. Dans le même temps, ils poussent à une « hyperpersonnalisation » du service. « La banque n’est plus quelque part où vous allez. Elle est quelque chose que vous faites », a bien résumé Brett King, auteur de « Bank 3.0 ».

Le téléscopage entre ces innovations et les nouveaux modèles de consommation qu’elles façonnent se traduit par des ruptures encore inimaginables il y a peu. Le client pousse de moins en moins la porte de son agence bancaire, si ce n’est pour traiter de ses projets de vie significatifs.

La banque doit donc se réinventer. Mais il convient de bien faire le tri préalablement entre les pratiques dépassées et les pratiques qui restent indispensables parce qu’elles sont l’essence du métier. La banque commerciale s’appuie sur deux invariants. Primo, la demande bancaire ne diminue pas en volume. Elle s’exprime différemment avec de nouvelles exigences. Deuxio : la relation intuitu personae reste un élément fondamental de ce métier. La révolution numérique ne casse pas le lien entre le client et son banquier. Elle diversifie les canaux par lesquels cette relation s’organise. La banque n’est pas un métier de produits. Les produits bancaires se copient quasi instantanément, sans copyright. La banque est un métier de relations humaines fondé sur la capacité à proposer le bon conseil et le bon service, au bon moment, quel que soit le canal utilisé.

Alors, que faire ? Attendre passivement que le mauvais moment passe ? Ce serait suicidaire. Réduire nos capacités d’offre pour s’ajuster à la baisse possible ou déjà constatée des revenus bancaires ? C’est, à mon sens, une voie à elle seule peu porteuse d’avenir. La seule issue passe par notre capacité et notre agilité à réinventer la banque de proximité. Et pour cela promouvoir la banque sans distance plutôt que de nous jeter à corps perdu dans la banque à distance. Qu’exigent nos clients avec la révolution technologique ? Plus de praticité. Plus de conseil approprié. Pas des produits que nous chercherions à leur vendre coûte que coûte, dans des successions de campagnes commerciales indifférenciées.

Pourvu qu’elle soit plus agile, plus interconnectée et plus proactive, la banque de réseau a tout ce qu’il faut pour préserver sa relation fondamentale avec ses clients en croisant sa force (la proximité) avec les nouveaux outils (« smartphone », tablette, Internet…). Soit la possibilité pour le client, à son choix, de traiter les sujets d’importance avec son conseiller attitré en face à face, par téléphone ou par e-mail sans se déplacer. Le reste, c’est-à-dire la banque au quotidien, se traitant évidemment sur son téléphone mobile.

Un tel modèle de banque sans distance aux coûts salariaux nécessairement plus élevés que ceux de la banque à distance lorsqu’elle est low cost n’est concevable que si le client est prêt à rétribuer le service proposé. Cela doit conduire nos banques à concentrer leurs ressources, à commencer par leurs collaborateurs, sur l’apport de valeur ajoutée. Et, partant, à miser sur le capital humain, seul véritable facteur de différenciation dans la banque.

Tel est l’enjeu majeur des banques de réseau. Sortir par le haut. Eviter le repli du moins-disant. Chercher la meilleure valeur ajoutée pour le client. C’est possible.

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« Oui, il y a encore de la place pour la banque de réseau » (version complète)

Les nouvelles technologies bouleversent des pans entiers de l’économie de la distribution et des modèles de consommation. La banque de détail n’y échappera pas. Qu’il s’agisse de la banque en ligne, du mobile banking, du paiement et plus généralement de la relation entre la banque et ses clients particuliers, l’accélération de la révolution numérique pousse à se demander s’il y aura encore demain de la place pour des agences bancaires au coin de la rue.
Les nouveaux outils numériques ont altéré le facteur temps – la relation entre le client et sa banque est devenue immédiate, et celui du lieu – l’achat peut se faire à distance. Dans le même temps, ils poussent à une « hyperpersonnalisation » du service. «La banque n’est plus quelque part où vous allez. Elle est quelque chose que vous faites » a bien résumé Brett King, auteur de Bank 3.0.
Le téléscopage entre ces innovations et les nouveaux modèles de consommation qu’elles façonnent se traduit par des ruptures encore inimaginables il y a peu. Le client pousse de moins en moins la porte de son agence bancaire, si ce n’est pour traiter de ses projets de vie significatifs.

La banque doit donc se réinventer. Sans perdre de temps. Tout le monde le reconnaît. Mais il convient de bien faire le tri préalablement entre les pratiques dépassées et les pratiques qui restent indispensables parce qu’elles sont l’essence du métier. La banque commerciale s’appuie sur deux invariants. Primo, la demande bancaire ne diminue pas en volume. Elle s’exprime différemment avec de nouvelles exigences. Deuxio : la  relation intuitu personae reste un élément fondamental de ce métier. La révolution numérique ne casse pas le lien entre le client et son banquier. Elle diversifie les canaux par lesquels cette relation s’organise. La banque n’est pas un métier de produits. Les produits bancaires se copient quasi instantanément, sans copyright. La banque est un métier de relations humaines fondé sur la capacité à proposer le bon conseil et le bon service, au bon moment, quel que soit le canal utilisé. Parce qu’elle traite des projets de vie et d’entreprise, donc du temps long, et que ce traitement nécessite une relation personnalisée et durable avec son conseiller bancaire. Une relation plébiscitée par les clients.

Alors, que faire ? Attendre passivement que le mauvais moment passe ? Ce serait suicidaire. Réduire nos capacités d’offre pour s’ajuster à la baisse possible ou déjà constatée des revenus bancaires ? C’est, à mon sens, une voie à elle seule peu porteuse d’avenir. La seule issue passe par notre capacité et notre agilité à réinventer la banque de proximité. Et pour cela promouvoir la banque sans distance plutôt que de nous jeter à corps perdu dans la banque à distance. Qu’exigent nos clients avec la révolution technologique ? Plus de praticité. Plus de conseil approprié. Pas des produits que nous chercherions à leur vendre coûte que coûte, dans des successions de campagnes commerciales indifférenciées.

Pourvu qu’elle soit plus agile, plus interconnectée et plus pro-active, la banque de réseau a tout ce qu’il faut pour préserver sa relation fondamentale avec ses clients en croisant sa force (la proximité) avec les nouveaux outils (« smartphone », tablette, internet…). En proposant dans chaque agence la combinaison du meilleur de la banque traditionnelle et de la banque en ligne. La qualité renouvelée et renforcée du conseil personnalisé et la praticité de la banque sans distance. Soit la possibilité pour le client, à son choix, de traiter les sujets d’importance avec son conseiller attitré en face à face, par téléphone ou par e-mail sans se déplacer. Le reste, c’est-à-dire la banque au quotidien, se traitant évidemment sur son téléphone mobile.

Un tel modèle de banque sans distance aux coûts salariaux nécessairement plus élevés que ceux de la banque à distance lorsqu’elle est low cost n’est concevable que si le client est prêt à rétribuer le service proposé. Cela doit conduire nos banques à concentrer leurs ressources, à commencer par leurs collaborateurs, sur l’apport de valeur ajoutée. Et partant à miser sur le capital humain, seul véritable facteur de différenciation dans la banque. Sa compétence, sa réactivité et sa proactivité sont clé. Tout comme l’utilisation intelligente et non intrusive du « bigdata » pour anticiper au mieux les besoins de chaque client. Mais aussi en profilant les réseaux pour les rendre plus agiles, en répartissant mieux les expertises et en articulant de façon optimisée le physique et le numérique. Les nouvelles technologies le permettent.
Tel est l’enjeu majeur des banques de réseau. Sortir par le haut. Eviter le repli du moins-disant. Chercher la meilleure valeur ajoutée pour le client. C’est possible.

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« A quoi servent les banques ? Retour aux fondamentaux »

Coupables ! Les banques n’ont elles pas été accusées d’être responsables de la crise financière déclenchée en 2007 ? Utiles exutoires aux difficultés économiques, elles affrontent en permanence un procès en légitimité. Et pourtant, sans banques… pas d’économie.

Il me paraît  urgent de remettre à l’endroit deux ou trois idées.

Les banques commerciales jouent un rôle fondamental : elles collectent l’épargne et font des crédits, en servant d’intermédiaire entre les agents disposant de capacité de financement et ceux connaissant des besoins de financement. Dans les pays en développement, une partie importante de l’épargne nationale échappe à tout circuit d’allocation rationnel et efficace. La majorité de la population, non bancarisée, investit dans des biens patrimoniaux ou thésaurise en liquide ses avoirs. Ce système est inefficace puisque l’épargne n’est pas investie au bénéfice de la croissance, c’est-à-dire au service des projets des individus et des entreprises. Les marchés financiers sont de facto réservés à peu d’entreprises, de taille importante,  eu égard aux informations régulières  coûteuses à produire pour attirer les investisseurs sur les émissions obligataires.

Grâce à leur connaissance approfondie de leurs clients, ménages, professionnels, PME voire grandes entreprises, les banques peuvent mieux appréhender le profil de l’emprunteur, donc prendre raisonnablement en compte le risque de crédit. Elles sont, par construction, un réducteur de l’asymétrie d’information qui régit la relation entre l’emprunteur et le prêteur. Elles permettent ainsi à d’innombrables acteurs économiques de financer leurs projets.

En outre, en investissant dans des produits bancaires, les épargnants prennent un risque sur la banque et non sur la multitude d’emprunteurs auxquels la banque fait crédit. De par son activité d’intermédiation, la banque joue donc un rôle économique et social crucial.

La deuxième fonction de la banque commerciale est d’assumer le risque – dit de transformation – de taux d’intérêt et de liquidité. Ces risques découlent du fait que les ménages comme les entreprises privilégient le plus souvent les placements à court terme et disponibles alors que les emprunteurs souhaitent le plus souvent des financements de long terme, d’une durée suffisante pour rentabiliser un investissement ou dégager une capacité d’épargne pour rembourser un emprunt immobilier.

La banque commerciale agit donc au service de l’économie comme une centrale de risques, en prenant ces risques en lieu et place des acteurs économiques, facilitant ainsi la croissance. Les marchés financiers mettent quant à eux face à face directement emprunteurs et prêteurs suffisamment importants ou avertis, en laissant à leur compte l’ensemble de ces risques.

On comprend d’autant mieux l’enjeu de définir les réglementations  les plus adaptées pour que les banques remplissent au mieux le rôle qui est le leur, tout en assurant le maximum de sécurité à leurs clients déposants et au système financier dans son ensemble.

La dernière crise a confirmé l’instabilité intrinsèque de la finance. Et partant l’ardente nécessité d’une réglementation bancaire efficace.  Mais le dosage doit être habile. Surréagir, corseter trop fortement les risques pris par les banques ferait courir un autre danger tout aussi inquiétant : asphyxier l’activité économique en bridant les financements. Les marchés ne peuvent que dans certains cas se substituer aux banques.  Un carcan excessif peut aussi  pousser les banques à transférer les risques aux entreprises et aux particuliers en leur vendant directement ou indirectement leurs crédits titrisés ou, par exemple, en octroyant essentiellement des crédits immobiliers à taux variable. Cela peut aussi favoriser le développement d’une forme parallèle de financement, la « finance de l’ombre » (shadow-banking), quasi non régulée.

Trop réduire le risque bancaire, dans l’idée par ailleurs parfaitement légitime d’obtenir des « banques Phénix », renaissant toutes seules de leurs cendres (« bail in »)  et ne nécessitant pas le sauvetage des Etats (« bail out »), pourrait aboutir à déplacer le risque professionnellement pris par les banques commerciales sur les autres acteurs économiques, c’est-à-dire in fine sur les contribuables.

Il convient donc de bien analyser les situations pour trouver la juste réglementation. De bien comprendre le rôle indispensable et irréductible des banques dans l’économie pour ne pas parvenir éventuellement à un résultat qui n’irait pas dans le sens de celui recherché.

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