Les nouvelles technologies bouleversent des pans entiers de l’économie de la distribution et des modèles de consommation. La banque de détail n’y échappera pas. Qu’il s’agisse de la banque en ligne, du « mobile banking », du paiement et plus généralement de la relation entre la banque et ses clients particuliers, l’accélération de la révolution numérique pousse à se demander s’il y aura encore demain de la place pour des agences bancaires au coin de la rue.
Les nouveaux outils numériques ont altéré le facteur temps – la relation entre le client et sa banque est devenue immédiate -, et celui du lieu – l’achat peut se faire à distance. Dans le même temps, ils poussent à une « hyperpersonnalisation » du service. « La banque n’est plus quelque part où vous allez. Elle est quelque chose que vous faites », a bien résumé Brett King, auteur de « Bank 3.0 ».
Le téléscopage entre ces innovations et les nouveaux modèles de consommation qu’elles façonnent se traduit par des ruptures encore inimaginables il y a peu. Le client pousse de moins en moins la porte de son agence bancaire, si ce n’est pour traiter de ses projets de vie significatifs.
La banque doit donc se réinventer. Mais il convient de bien faire le tri préalablement entre les pratiques dépassées et les pratiques qui restent indispensables parce qu’elles sont l’essence du métier. La banque commerciale s’appuie sur deux invariants. Primo, la demande bancaire ne diminue pas en volume. Elle s’exprime différemment avec de nouvelles exigences. Deuxio : la relation intuitu personae reste un élément fondamental de ce métier. La révolution numérique ne casse pas le lien entre le client et son banquier. Elle diversifie les canaux par lesquels cette relation s’organise. La banque n’est pas un métier de produits. Les produits bancaires se copient quasi instantanément, sans copyright. La banque est un métier de relations humaines fondé sur la capacité à proposer le bon conseil et le bon service, au bon moment, quel que soit le canal utilisé.
Alors, que faire ? Attendre passivement que le mauvais moment passe ? Ce serait suicidaire. Réduire nos capacités d’offre pour s’ajuster à la baisse possible ou déjà constatée des revenus bancaires ? C’est, à mon sens, une voie à elle seule peu porteuse d’avenir. La seule issue passe par notre capacité et notre agilité à réinventer la banque de proximité. Et pour cela promouvoir la banque sans distance plutôt que de nous jeter à corps perdu dans la banque à distance. Qu’exigent nos clients avec la révolution technologique ? Plus de praticité. Plus de conseil approprié. Pas des produits que nous chercherions à leur vendre coûte que coûte, dans des successions de campagnes commerciales indifférenciées.
Pourvu qu’elle soit plus agile, plus interconnectée et plus proactive, la banque de réseau a tout ce qu’il faut pour préserver sa relation fondamentale avec ses clients en croisant sa force (la proximité) avec les nouveaux outils (« smartphone », tablette, Internet…). Soit la possibilité pour le client, à son choix, de traiter les sujets d’importance avec son conseiller attitré en face à face, par téléphone ou par e-mail sans se déplacer. Le reste, c’est-à-dire la banque au quotidien, se traitant évidemment sur son téléphone mobile.
Un tel modèle de banque sans distance aux coûts salariaux nécessairement plus élevés que ceux de la banque à distance lorsqu’elle est low cost n’est concevable que si le client est prêt à rétribuer le service proposé. Cela doit conduire nos banques à concentrer leurs ressources, à commencer par leurs collaborateurs, sur l’apport de valeur ajoutée. Et, partant, à miser sur le capital humain, seul véritable facteur de différenciation dans la banque.
Tel est l’enjeu majeur des banques de réseau. Sortir par le haut. Eviter le repli du moins-disant. Chercher la meilleure valeur ajoutée pour le client. C’est possible.