« A quoi servent les banques ? Retour aux fondamentaux »

14.01.2015 3 min
Article publié dans Les Echos du 12 janvier 2015

Coupables ! Les banques n’ont elles pas été accusées d’être responsables de la crise financière déclenchée en 2007 ? Utiles exutoires aux difficultés économiques, elles affrontent en permanence un procès en légitimité. Et pourtant, sans banques… pas d’économie.

Il me paraît  urgent de remettre à l’endroit deux ou trois idées.

Les banques commerciales jouent un rôle fondamental : elles collectent l’épargne et font des crédits, en servant d’intermédiaire entre les agents disposant de capacité de financement et ceux connaissant des besoins de financement. Dans les pays en développement, une partie importante de l’épargne nationale échappe à tout circuit d’allocation rationnel et efficace. La majorité de la population, non bancarisée, investit dans des biens patrimoniaux ou thésaurise en liquide ses avoirs. Ce système est inefficace puisque l’épargne n’est pas investie au bénéfice de la croissance, c’est-à-dire au service des projets des individus et des entreprises. Les marchés financiers sont de facto réservés à peu d’entreprises, de taille importante,  eu égard aux informations régulières  coûteuses à produire pour attirer les investisseurs sur les émissions obligataires.

Grâce à leur connaissance approfondie de leurs clients, ménages, professionnels, PME voire grandes entreprises, les banques peuvent mieux appréhender le profil de l’emprunteur, donc prendre raisonnablement en compte le risque de crédit. Elles sont, par construction, un réducteur de l’asymétrie d’information qui régit la relation entre l’emprunteur et le prêteur. Elles permettent ainsi à d’innombrables acteurs économiques de financer leurs projets.

En outre, en investissant dans des produits bancaires, les épargnants prennent un risque sur la banque et non sur la multitude d’emprunteurs auxquels la banque fait crédit. De par son activité d’intermédiation, la banque joue donc un rôle économique et social crucial.

La deuxième fonction de la banque commerciale est d’assumer le risque – dit de transformation – de taux d’intérêt et de liquidité. Ces risques découlent du fait que les ménages comme les entreprises privilégient le plus souvent les placements à court terme et disponibles alors que les emprunteurs souhaitent le plus souvent des financements de long terme, d’une durée suffisante pour rentabiliser un investissement ou dégager une capacité d’épargne pour rembourser un emprunt immobilier.

La banque commerciale agit donc au service de l’économie comme une centrale de risques, en prenant ces risques en lieu et place des acteurs économiques, facilitant ainsi la croissance. Les marchés financiers mettent quant à eux face à face directement emprunteurs et prêteurs suffisamment importants ou avertis, en laissant à leur compte l’ensemble de ces risques.

On comprend d’autant mieux l’enjeu de définir les réglementations  les plus adaptées pour que les banques remplissent au mieux le rôle qui est le leur, tout en assurant le maximum de sécurité à leurs clients déposants et au système financier dans son ensemble.

La dernière crise a confirmé l’instabilité intrinsèque de la finance. Et partant l’ardente nécessité d’une réglementation bancaire efficace.  Mais le dosage doit être habile. Surréagir, corseter trop fortement les risques pris par les banques ferait courir un autre danger tout aussi inquiétant : asphyxier l’activité économique en bridant les financements. Les marchés ne peuvent que dans certains cas se substituer aux banques.  Un carcan excessif peut aussi  pousser les banques à transférer les risques aux entreprises et aux particuliers en leur vendant directement ou indirectement leurs crédits titrisés ou, par exemple, en octroyant essentiellement des crédits immobiliers à taux variable. Cela peut aussi favoriser le développement d’une forme parallèle de financement, la « finance de l’ombre » (shadow-banking), quasi non régulée.

Trop réduire le risque bancaire, dans l’idée par ailleurs parfaitement légitime d’obtenir des « banques Phénix », renaissant toutes seules de leurs cendres (« bail in »)  et ne nécessitant pas le sauvetage des Etats (« bail out »), pourrait aboutir à déplacer le risque professionnellement pris par les banques commerciales sur les autres acteurs économiques, c’est-à-dire in fine sur les contribuables.

Il convient donc de bien analyser les situations pour trouver la juste réglementation. De bien comprendre le rôle indispensable et irréductible des banques dans l’économie pour ne pas parvenir éventuellement à un résultat qui n’irait pas dans le sens de celui recherché.

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Directeur Général de la BRED, Professeur d’Economie et Finance à HEC