Catégories
Economie Générale Management

Echanges avec Philippe Aghion sur le thème du « mouvement » – Convention Groupe BRED, décembre 2015

Intervention de Philippe Aghion

Je suis un théoricien de la croissance. J’ai développé le paradigme schumpetérien, c’est-à-dire une théorie de la croissance basée sur l’innovation. Pour moi, c’est ce que j’ai défini comme « l’innovation à la frontière » qui est le moteur à long terme de la croissance. Cela repose sur quelques idées importantes.

La croissance de long terme c’est l’innovation. La croissance ne tombe pas du ciel. Elle résulte d’investissements réalisés par des entrepreneurs en recherche de développement. C’est tout ce que vous faites pour améliorer votre productivité, trouver des nouveaux marchés, etc. Ces investissements sont motivés par la perspective d’obtenir une rente de l’innovation.

La politique économique est importante car elle influe sur les rentes de l’innovation. Si vous êtes dans un pays avec de l’hyperinflation, toute vos rentes de l’innovation seront absorbées. De la même façon, dans les pays qui ne respectent pas le droit de propriété, comme le Zimbabwe, il ne peut y avoir de rente de l’innovation. Les institutions politiques influent sur la croissance car leurs décisions influent sur « l’investment climate », c’est-à-dire sur tous les éléments qui vous encouragent à prendre des risques, à innover. Il y a donc un enjeu très important autour des « politiques de croissance ».

Enfin il faut aborder le thème de la destruction créatrice. Les nouvelles innovations rendent obsolètes les réalisations précédentes. Le nouveau remplace l’ancien. La croissance est un processus souvent conflictuel au cours duquel le nouveau et l’ancien se font concurrence. Cela introduit le sujet de l’économie politique de la croissance. Car si on veut obtenir un système qui favorise l’innovation, il est nécessaire de garantir le droit de propriété, les rentes de monopoles temporaires.

Mais les innovateurs d’hier mettent souvent des barrières à l’entrée pour les nouveaux. Et cela, ce n’est pas bon ! Il faut donc parvenir à garantir des rentes de l’innovation tout en limitant la possibilité de barrer la route aux nouveaux innovateurs.

C’est tout le processus de la destruction créatrice. Certaines institutions favorisent la destruction créatrice, d’autres pas.

La destruction créatrice, c’est également l’idée que grâce à l’innovation, il y a en permanence des destructions et des créations d’entreprises et d’emplois. Il faut adopter un système qui accommode ce mouvement. On parle beaucoup en France de la nécessaire sécurisation des parcours et de l’importance de la formation professionnelle. Dans un monde où l’on change souvent d’emploi, il est important de donner aux gens la possibilité de rebondir. Tout cela c’est l’économie politique de la croissance.

J’ajouterais une quatrième idée. Les politiques qui produisent de la croissance dans les pays en développement ou émergents ne sont pas les mêmes que celles des pays industrialisés.

Par exemple, en France, pendant les trente glorieuses, on a beaucoup innové mais il y avait beaucoup de rattrapage à réaliser. Et quand vous faites du rattrapage, le problème de la concurrence ne se pose pas. Il y en avait assez peu, d’ailleurs. La rigidité du marché du travail ne posait pas problème puisque tout le monde passait la totalité de sa carrière dans la même entreprise. Les faiblesses du système éducatif, notamment dans l’enseignement supérieur, ne posaient pas encore trop de problèmes.

De la même façon, ce n’était pas très grave d’avoir un système financier « frileux », qui ne mettait pas l’accent sur les investissements risqués.

Mais dans une économie de l’innovation, la concurrence est un stimulant. Elle devient très importante car elle est la clé de l’innovation à la frontière. On innove pour gagner des parts de marchés sur les autres. C’est l’environnement compétitif qui stimule la croissance. De même, il faut de la flexibilité sur le marché du travail.

Nous avions des institutions qui étaient bonnes pour la croissance des trente glorieuses. Mais maintenant nous devons devenir une vraie économie de l’innovation. Parce que le rattrapage est désormais le fait des pays émergents « imitateurs », qui le mènent à coûts plus faibles que les nôtres. Nous n’avons pas d’autre choix que d’être une économie d’innovation à la frontière. C’est l’objectif des différentes commissions, telle que celle d’Attali, de trouver des nouvelles voies car nous ne pouvons-nous contenter de reproduire ce qui a été fait dans le passé.

Le problème réside dans notre incapacité à changer nos structures. D’autres pays d’Europe comme la Suède, l’Allemagne, l’Italie ou l’Espagne se sont réformés de façon efficace.

En France, on l’a encore vu lors des dernières élections, il y a les tenants d’un retour au modèle d’organisation de l’Etat des trente glorieuses, ceux qui veulent fermer les frontières et les réformistes.

Mais comment concilier croissance et environnement, croissance et réduction des inégalités, croissance et création d’emplois ?

Pour répondre à cette question centrale j’ai développé le concept de « croissance schumpétérienne ».

Cette théorie permet deux choses. D’abord de comprendre certaines énigmes de la croissance. Par exemple, pourquoi des pays comme les pays asiatiques rattrapent-ils les pays développés alors que d’autres comme l’Amérique latine ou l’Afrique n’y arrivent pas ?

L’Argentine par exemple a connu une période de croissance rapide jusqu’aux années 30. Et depuis plus rien. On appelle cela la « middle income trap », la trappe du revenu moyen (médian). On peut se demander pourquoi le Japon a connu un croissante très forte jusqu’au milieu des années 80, puis plus rien et pour quelles raisons l’Europe est en panne de croissance.

En fait ces pays ont d’abord crû par accumulation du capital et par imitation technologique mais n’ont pas su adapter leurs institutions pour devenir des économies de l’innovation. C’est aujourd’hui le problème des Chinois. Peuvent-ils devenir une économie de l’innovation sans changer leurs institutions politiques qui brident la concurrence et la liberté académique ?

La stagnation séculaire constitue une autre énigme. A chaque grosse crise financière, il y a les tenants de la croissance, conçue comme une parenthèse qui a commencé au 19ème siècle et qui se termine maintenant. Une parenthèse courte finalement au regard de l’histoire de l’humanité. Robert Gordon pense que les grandes innovations ont été réalisées (la machine à vapeur, l’électricité, les ordinateurs) et que le ralentissement de l’innovation est la principale cause de l’affaiblissement de la croissance potentielle. Les inventions les plus faciles à mettre en œuvre auraient déjà été mises à jour. Comme si, sur un arbre fruitier, on avait cueilli tous les fruits les plus mûrs et les plus faciles à attraper.

Je ne suis pas d’accord avec cette analyse. Je pense que la révolution des TIC (technologies de l’information) a changé la technologie de production des idées. Elle s’est incroyablement améliorée grâce aux outils de communication à distance (Skype, Dropbox, etc.).

Ensuite, il y a des demandes énormes pour de grandes innovations comme par exemple produire de l’énergie renouvelable à bas coût ou dans le domaine de la santé guérir des cancers en faisant des greffes d’organes… On ne connait pas encore les technologies qui seront mises en œuvre mais il est évident que d’immenses progrès seront faits.

En réalité Gordon s’interroge sur le fait que les innovations actuelles ne se voient pas dans la croissance des Etats-Unis. Encore qu’avec plus de 2 points de croissance, les Etats-Unis surperforment largement l’Europe. On se contenterait de tels chiffres !

Je pense qu’il y a un problème de mesure. Quand on est dans un processus de destruction créatrice, de remplacement d’ancien par du nouveau, les outils statistiques ne permettent pas de bien mesurer les apports de l’innovation à la croissance.

Je travaille sur ces questions.

Quand on s’interroge sur les différentiels de croissance entre les Etats-Unis et l’Europe, on se rend vite compte que la France n’a pas mené les réformes structurelles nécessaires. J’entends bien les partisans de la relance de l’économie. Mais l’euro, le pétrole et les taux d’intérêts sont bas. Et pour autant, la croissance est atone. Cela ne suffit donc pas. Il est nécessaire de réformer le marché du travail pour le rendre plus flexible et plus dynamique. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas des politiques contracycliques, c’est-à-dire baisser les taux d’intérêt en période de récession, faire du quantitative easing, à savoir du rachat de dette d’Etat par la BCE, pour redonner un peu de souplesse budgétaire aux Etats. Je crois aux stabilisateurs automatiques pour les entreprises afin qu’elles puissent maintenir leur budget R&D tout au long du cycle économique. Je travaille à montrer qu’il y a complémentarité entre les politiques macroéconomiques contracycliques d’un côté et des réformes structurelles de l’autre. C’est ce que Mario Draghi, le patron de la BCE, disait il y a quelques années à Bretton-Woods, « moi je fais du quantitative easing, vous, les pays, vous devez faire votre partie du travail en faisant les bonnes réformes.»

Le premier problème de l’Europe est la différence de point de vue entre la France et l’Allemagne sur les réformes structurelles à entreprendre. Mais il faut aussi des politiques macroéconomiques plus proactives. Car il y a complémentarité entre l’un et l’autre. Aux Etats-Unis, les deux se complètent très bien. Ils mènent une politique macroéconomique plus proactive et encouragent un marché du travail, des biens et des services, plus efficace. De même les pays d’Europe du Nord sont plus résilients car ils ont su mettre en œuvre les deux.

Politique structurelle et relance doivent donc aller de pair.

S’agissant de la politique industrielle nous manions pendant les trente glorieuses une politique très Colbertiste. L’Etat choisissait les secteurs dans lesquels il voulait ses champions mondiaux. Une politique qui, par principe, fausse la concurrence. A bon droit, Bruxelles refuse cette politique Colbertiste. Mais l’Europe est allée un peu trop loin en refusant les aides des Etats à des secteurs définis. Car il y a des secteurs porteurs que l’on peut vouloir financer, à condition, bien sûr de préserver la concurrence.

Vous l’aurez compris, je plaide pour une nouvelle politique industrielle favorable à la concurrence. Au lieu d’aider quelques grands champions ma conviction est qu’il faut soutenir les nouveaux entrants, les petites entreprises. C’est d’ailleurs pour cela que la BRED, en tant que banque des petites entreprises, a un rôle essentiel à jouer pour être l’un des vecteurs d’une politique industrielle « pro concurrente ».

L’arbitrage ne se fait donc pas entre l’Etat Providence des trente glorieuses et l’Etat réduit à son rôle régalien. L’Etat doit investir dans l’éducation, dans la santé, dans tous ce qui implique des externalités. Si l’Etat investit sur moi, c’est pour moi, pour les gens qui travaillent avec moi, pour mes enfants, etc.

C’est pareil pour la santé et l’innovation. Elle a des externalités.

Il faut trouver une nouvelle manière d’organiser l’Etat.

Permettez-moi de dire un mot sur les inégalités.

Comment expliquer l’augmentation des inégalités ? Les révolutions technologiques nécessitent dans un premier temps des gens qualifiés pour les mettre en œuvre. Ce qui augmente les écarts salariaux entre les diplômés et les autres. Mais faut aussi prendre en compte le phénomène de la capacité d’adaptation. L’innovation donne un premium à ceux qui s’adaptent le plus vite et le mieux. L’innovation semble donc un facteur d’inégalités dans un premier temps.

Prenons le top 1% des gens les plus riches. Les revenus de cette catégorie ont fortement augmenté. Dans ce top 1 %, se trouvent des vrais innovateurs comme Steve Jobs, le fondateur d’Apple, et d’autres comme Carlos Slim, un milliardaire mexicain qui a fait fortune en développant l’ancien opérateur public de télécoms, et s’est contenté d’exploiter d’anciens monopoles.

Si l’on s’écarte de cet indicateur pour en prendre de plus larges, on constate que l’innovation bouleverse les hiérarchies. Et surtout elle génère de la mobilité sociale à cause de la destruction créatrice. Les endroits où il y a le plus d’innovation sont également ceux où il y a le plus de mobilité sociale (Californie, Massachussetts, etc.)

La fiscalité doit donc être adaptée pour permettre de faciliter l’émergence d’innovateurs tout en réduisant les inégalités.

La Suède, par exemple, s’est dotée en 1990 d’une fiscalité offrant une prime au risque et à l’innovation, avec une taxation progressive sur le revenu du travail avec un taux maximum à 57 %, une taxation forfaitaire sur les revenus du capital à 30 %, un impôt sur les bénéfices des sociétés à 20 %. Surtout, ils ne l’ont plus modifié depuis 1990 ! Au final les revenus fiscaux ont augmenté et permettent de financer la santé et l’éducation. Et la croissance a été multipliée par quatre. Le pays est l’un des moins inégalitaires au monde. L’homme le plus riche est désormais celui qui a inventé Skype. Alors qu’il n’existait pas il y a quinze ans, il a détrôné les grandes fortunes familiales comme les Wallenberg.

Voilà un exemple d’un pays qui a réconcilié redistribution et maîtrise des inégalités.

Je voudrais revenir sur le sujet de la finance.

Pour développer l’innovation, il faut bien sûr du « venture capital » et du « private equity », du capital risque pour investir dans des sociétés non cotées.

Pour les financer, vous devez bénéficier d’une part de « l’Upside », le potentiel de hausse de la valeur d’un actif, et de son contrôle.

Mais j’ai fait des études (sur la base de chiffres américains) pour montrer le rôle clé des investisseurs institutionnels dans le financement de l’innovation. Les managers ont souvent peur de prendre des risques de peur d’être licenciés en cas de mauvaises performances. L’investisseur institutionnel apporte une certaine sécurité au manager, ce faisant il lui permet de prendre davantage de risques. On revient toujours à l’idée que l’innovation et le risque sont indissociables. A condition de créer des filets de sécurité.

D’où l’importance de sécuriser les parcours professionnels pour offrir une garantie de revenus à ceux qui perdent leur emploi. Cela va de pair avec une formation professionnelle qui accompagne l’ensemble de la vie professionnelle. Il faut que la mobilité et l’innovation deviennent source de motivation et non d’angoisse.

Les réformes nécessaires doivent nous permettre de passer d’un monde corporatiste dans lequel les gens ne changent pas d’entreprise à une société plus ouverte et souple qui favorise la culture du risque.

Nous traiterons le risque environnemental par l’innovation, les inégalités aussi grâce à la mobilité sociale et d’éducation. Nous serons alors dans des conditions permettant une « croissance inclusive », une croissance qui ne laisse personne sur le bord de la route, notamment les générations futures, en ne les assommant pas avec nos dettes.

Des pays montrent le chemin. Nous avons notre génie pour nous, alors je suis résolument optimiste.

Echange entre Philippe Aghion et Olivier Klein

Olivier Klein :

Il me semble que le débat politiques de l’offre versus politiques de la demande est éculé. Ceux qui affirment qu’il ne faut que des politiques de l’offre ou que des politiques de la demande ne se posent pas les bonnes questions. Car si nous ne disposons pas d’un système économique compétitif -ce qui ne veut pas dire moins cher, mais un système au sein duquel le coût est compatible avec la valeur ajoutée offerte-, on se retrouve avec du chômage et une baisse de croissance, donc une demande plus faible. Mais un système économique compétitif a besoin symétriquement d’une demande suffisante. Sans quoi les investissements peuvent baisser et peu à peu l’économie être moins compétitive.

Deuxième point. Notre déficit de la balance courante ne s’améliore pas. Pour autant, avec un pétrole et une monnaie peu chers, si on augmentait seulement la demande on s’enfoncerait encore un peu plus.

La première des choses à faire est donc de travailler sur la demande et sur l’offre simultanément via l’investissement, par exemple en infrastructures liées à l’informatique et les télécoms et à l’éducation, donc à l’amélioration de la compétitivité, et parallèlement de réaliser les réformes de structure indispensables.

Philippe Aghion :

Evidemment on a besoin des deux leviers car les entreprises produisent pour répondre à la demande, c’est ce que l’on appelle le « market size effect ». Mais il faut être compétitif. C’est tout l’enjeu du débat sur la dévaluation fiscale. En Allemagne, les réformes Schröder ont fait baisser les coûts de production. Les allemands ont longtemps connu un coût du travail équivalent au nôtre mais en produisant du plus haut-de-gamme. Si nous avions conservé le franc, nous aurions dévalué notre monnaie. Du fait de l’euro, on procède autrement. On fait une dévaluation fiscale qui consiste en une réduction des charges. Certains affirment que la dévaluation fiscale n’est pas une bonne solution car elle réduirait la demande, donc la croissance. Je pense que c’est faux. Cette opération permet en fait de donner une bouffée d’air aux entreprises qui peuvent ainsi investir davantage, en R&D notamment. On transforme la compétitivité coût en compétitivité hors coût. Bien sûr la dévaluation a des effets temporaires car la demande est internationale. Mais la compétitivité est la clé. Il faut donc soutenir la demande en devenant compétitifs.

Olivier Klein :

Je voudrais parler de l’égalité des chances. Les rentes produisent de l’inégalité. Au vu des classements internationaux, la France est mal placée et recule sur les critères de mobilité sociale. Comment pourrait-on améliorer l’égalité des chances dans notre pays ? 

Philippe Aghion :

Nous sommes le pays de l’OCDE dans lequel la réussite scolaire dépend le plus de l’origine sociale. C’est un problème important.

Il faut changer les choses dès la maternelle. Prenons exemple sur les Finlandais qui dépensent autant que nous avec de biens meilleurs résultats. Ils mettent l’accent sur la qualité des professeurs (bac+5 et 18 mois de formation sur le terrain) qui évoluent par ailleurs régulièrement. Ils ont aussi un système de tutorat très efficace dès le plus jeune âge.

Nous pourrions tout à fait nous en inspirer et rebâtir les fondamentaux de l’éducation plutôt que de s’intéresser aux rythmes scolaires ou à l’enseignement de la RSE.

Il nous faut par ailleurs des universités autonomes, bien financées et bien gouvernées, avec des « boards », comme dans les entreprises. La séparation Grandes écoles/universités n’est pas bonne. De même la logique des « grands corps » n’a pas de sens. Il faut multiplier les passerelles entre l’université et les écoles, entre formation professionnelle et études générales. Nous avons érigé un système sans seconde chance. Son rang de sortie détermine toute sa carrière.

Il faut diversifier le recrutement des élites, faciliter les passerelles, la mobilité et les promotions dans l’entreprise. La libéralisation du marché des biens et des services est un facteur de mobilité sociale. 

Olivier Klein 

Je conclurai en disant que l’égalité des chances est nécessaire autant par éthique que par efficacité.

Télécharger le PDF

Catégories
Economie Générale

« Dans la crise, un espoir raisonné » publié dans Les Echos du 19 janvier 2016

Les changements accélérés, comme ceux liés à la mondialisation de l’économie et au développement des nouvelles technologies, sont autant d’occasions de se réinventer, d’innover, d’imaginer le monde, les nouveaux besoins ou les nouvelles façons de travailler. Ces moments de passage de l’ancien au nouveau sont importants, car ils remettent en cause les rentes, favorisent la mobilité sociale et l’égalité des chances, en donnant une prime à l’innovation, un avantage à ceux qui ne sont pas les seuls produits de la reproduction des acquis antérieurs, culturels, sociologiques ou économiques.

Mais pour profiter des bienfaits des révolutions technologiques et industrielles en cours, il faut libérer les énergies, donner l’envie et la possibilité aux très petites entreprises de grandir, de même qu’il faut favoriser l’innovation et la création. Ainsi, la qualité de l’environnement économique et social, en termes législatif, réglementaire et culturel, est-elle cruciale.

Les nouveaux moteurs de l’économie seront très certainement les biotechnologies et les nanotechnologies qui ouvrent entre autres, la possibilité de vivre mieux plus longtemps et de mieux prévenir ou guérir des maladies graves ; les technologies du stockage de l’énergie, celles des économies d’énergie et les énergies renouvelables elles-mêmes, sans l’ensemble desquelles il n’y a pas de transition énergétique possible et de développement durable ; le numérique et le « Big Data » pour créer de nouveaux services à partir des gisements massifs de données aujourd’hui stockées mais très partiellement utilisées, grâce aussi à la miniaturisation, pour développer encore davantage les robots et autres objets nomades et connectés. Tous ces secteurs pourront assurer la croissance de demain. Si nous les utilisons bien et si le contexte de leur émergence est bien pensé.

Ces espoirs peuvent en effet être contrariés par une utilisation dangereuse de ces nouvelles techniques qui pourraient aussi bien dériver vers des applications qui transformeraient peu à peu l’homme en machine ou qui seraient utilisées pour instaurer un contrôle de la société de type totalitaire. Leur utilisation éthique et humaniste est une nécessité qui doit être assurée. Mais ces espoirs pourraient être également anéantis si la mondialisation de l’économie engendrait de façon non contrôlable la méfiance, le repli sur soi ou le fanatisme religieux. De façon naturelle, la mondialisation des échanges, accélérée par les nouvelles technologies, entraîne un très fort besoin de proximité et de protection, dans une dialectique propre à l’histoire humaine.

Dans un monde plus ouvert et plus mobile, un renforcement de la proximité et de la capacité de protection des institutions peut être tout à la fois indispensable et créateur de richesses et de valeurs. Sans nuire pour autant à la responsabilité de chacun. Dans le domaine du travail par exemple, la flexi-securité peut être une réponse au besoin concomitant d’une fluidité et d’une prise de risque accrues et d’une protection des parcours professionnels individuels, dans une économie où la mobilité est plus nécessaire que jamais.

Si les craintes humaines se transforment en écoute plus attentive des propositions populistes ou des fanatismes religieux, si le cadre national ne peut donner une vision ouverte et, dans le même temps, une légitime et raisonnable protection des habitants, le monde se refermera et la crainte de l’avenir engendrera le refus du progrès. Quand le vieux monde se meurt et que le nouveau tarde à apparaître, dans ce clair-obscur surgissent les monstres, écrivait Gramsci.

Pour que cet espoir soit fondé, nous devons défendre avec force la vertu de nos valeurs humanistes et de la laïcité qui permet aux différentes religions de vivre ensemble. Mais il nous faut aussi appuyer notre confiance dans notre capacité à inventer le monde de demain sur une économie  et des institutions (marché et règles du travail, éducation, sécurité…) efficaces et proches des gens, permettant tout à la fois l’innovation et la création de valeur ajoutée, d’une part, et une meilleure sécurisation des parcours et l’égalité des chances de l’autre. Une société ouverte, fluide et dynamique, mais aussi juste et protectrice.

Télécharger l’article

Download the article

Catégories
Economie Générale Vidéos

« Réconcilier éducation et offre de travail » ; intervention aux rencontres économiques d’Aix, juillet 2015

Comment réconcilier formations et offres d’emplois, dont on a aujourd’hui le sentiment qu’elles ne sont pas nécessairement en phase ? Mais aussi comment mieux utiliser l’éducation pour développer la croissance et l’emploi ?

Dans un contexte de forte mondialisation et de révolution technologique, dans les pays développés, les emplois qui se développent sont des emplois à forte valeur ajoutée. Valeur ajoutée qu’il faut sans cesse rechercher dans l’innovation. Nous sommes dans une économie de l’innovation, car cela seul peut tirer la croissance aujourd’hui. Les emplois moyennement qualifiés ont tendance à diminuer. Les emplois peu qualifiés peuvent exister et même se développer, mais rencontrent des problèmes de coût du travail. On voit là l’équation générale, dans laquelle on comprend bien que le rôle de l’éducation est essentiel pour résoudre la question de l’emploi.

Je vais donc développer quelques idées forces « macros » -il existe deux corrélations fortes bien établies-, ainsi que quelques idées issues de nombreuses études publiées sur l’efficacité de l’éducation, afin de proposer quelques pistes de réflexion et d’ouvrir le débat.
Une première corrélation, très forte, a été établie entre la qualité de l’éducation et la croissance. Donc, entre la qualité de l’éducation et l’offre de travail, dès lors que l’on accepte une relation entre croissance et emploi, même si elle est plus lâche qu’avant.

On a notamment établi une corrélation entre la croissance moyenne du PIB par habitant dans les pays de l’OCDE et les scores aux tests PISA (Programme for International Student Assessment ou comparaisons internationales des performances éducatives), c’est-à-dire la qualité de l’éducation primaire et secondaire, mesurée auprès des élèves de 15 ans.

La France est confrontée à un problème concret : son score PISA s’avère moyen et baisse depuis 10 ans. Sur ces scores, qui mesurent les compétences de base (calcul, capacités « littéraires »…), la France était classée 13ème en 2000, avec 511 points, elle est passée au 25ème rang en 2012, avec 495 points. Elle a donc régressé.

Et l’on constate aussi que plus de 20% des élèves de 6ème ne maîtrisent pas les savoirs fondamentaux. On sait aussi, et c’est très intéressant pour la France, qu’il existe une très faible corrélation entre les montants investis dans l’éducation et la croissance. Autrement dit, bien sûr, il faut consacrer des montants suffisants à l’éducation, mais ce n’est pas en engageant toujours plus de moyens que l’on atteint la plus grande efficacité. Au sein même de l’Europe, certains pays, qui affichent le même taux de dépenses budgétaires sur PIB que celui de la France en matière d’éducation, obtiennent pour autant de biens meilleurs scores PISA. Ce qui évidemment pose question…

Une deuxième forte corrélation existe entre mobilité sociale (c’est-à-dire égalité des chances) et croissance, autrement dit entre mobilité sociale et, à nouveau, offres d’emploi. Evidemment la corrélation fonctionne dans les deux sens. C’est la croissance qui crée de la mobilité sociale. Mais la mobilité sociale induit aussi une fluidité dans les évolutions. Elle permet de lutter contre les rentes de situation des individus ou des professions établies. Ce qui favorise précisément l’innovation et le développement.

Or en France l’inégalité des chances est forte et elle s’aggrave.
Par exemple, si l’on considère le taux de corrélation entre le revenu des parents et le revenu des enfants, ou bien entre le diplôme des parents et celui des enfants, l’on voit bien que plus les corrélations sont fortes, moins il existe de mobilité sociale. En France, le taux de corrélation, qui était de 19,6% en 2003, atteint 22 ,5% en 2012. Alors que la moyenne de l’OCDE, qui se situait à 14,8% en 2003, descend à 14,6% en 2012. La France est donc mal placée, mais en outre régresse sur le plan de la mobilité sociale (i.e. de l’égalité des chances), ce qui signifie que la croissance, l’innovation, le développement sont freinés. Ajoutons qu’en France, le pourcentage d’élèves issus de milieux socioéconomiques défavorisés et faisant partie des 25% de jeunes atteignant les meilleurs scores se situe parmi les plus faibles de l’OCDE.

Il faut donc s’interroger, sans idéologie et avec beaucoup de pragmatisme, sur ce qui marche dans l’éducation, puisque l’on voit bien qu’une éducation efficace permet plus de mobilité sociale et induit plus de croissance, donc directement et indirectement plus d’emplois.

Les études les plus courantes et variées (sur plusieurs pays ou un seul, sur plusieurs expériences comparables, etc.) aboutissent en moyenne à des conclusions similaires. Ce qui permet d’ouvrir le débat.

  • Premier point : les pays qui réussissent le mieux ont toujours instauré un système de lutte contre l’échec scolaire dès le primaire.
  • Deuxième point, la qualité des enseignants : hautement qualifiés, responsabilisés, avec de l’autonomie, avec beaucoup de formation continue et évalués. Et certaines études le montrent très bien, il existe une corrélation entre leurs qualités et la façon dont sont établis leurs revenus, parfois en fonction de leurs performances.
  • Troisième point : une bonne articulation des niveaux de pouvoir : Ecole / Mairie/ Région/ Etat.
  • A l’inverse de ce que nous faisons, les universités les plus efficaces évitent une spécialisation trop précoce des étudiants.
  • Des informations sont données sur les contenus et la qualité des cours. Autrement dit, des évaluations sont effectuées pour chaque cours. Et elles sont diffusées. Cela, tant sur la qualité de la recherche que sur la qualité de l’enseignement. Cela permet aux étudiants de bien choisir, d’être plus sélectifs.
  • Une concurrence et une complémentarité sont instaurées entre les différentes universités. Une sorte de « coopétition ». Cette conception est toujours supérieure, d’après toutes les études réalisées au sein de l’OCDE, au refus de toute concurrence entre les universités.
  • On voit aussi que les systèmes à filières sélectives sont plus efficaces. Et de façon paradoxale, en France, l’université est la seule à ne pas avoir établi de filières sélectives, alors que les classes Prépa en sont une comme les IUT. A cela s’ajoutent les questions que l’on peut évidemment se poser sur l’efficacité de l’université, quand on sait qu’un étudiant sur deux ne passe pas en deuxième année. Ce qui constitue évidemment un échec douloureux.
  • Les passerelles facilitées entre les différents types de formation pour les étudiants améliorent l’efficacité générale.
  • La recherche doit être développée et valorisée, avec des pôles d’excellence, de compétitivité (on a commencé à bien le faire en France) et des passerelles sont établies entre recherche, enseignement et secteur privé.
  • Les filières professionnelles (je ne développe pas car cela sera abondamment développé ensuite) sont valorisées, avec un apprentissage développé et des formations professionnelles efficaces et ciblées.

Il y a beaucoup à faire en France, on le sait.

Pour conclure, en France, alors que nos atouts en matière d’éducation sont remarquables, on rencontre un échec patent sur ces sujets avec un recul de l’égalité des chances et un niveau inférieur à la moyenne, de nombreux échecs de parcours à l’école puis à l’université… Les qualifications obtenues ne sont pas toujours en phase avec les emplois disponibles.

Et cette statistique est importante : les taux d’emploi des 15/24 ans sont en France de 28%, mais de 45% en Belgique, aux Pays Bas, en Allemagne, et ils atteignent quasiment 50% dans les pays nordiques, Etats-Unis, Canada et Grande-Bretagne.

En France, on manque probablement beaucoup en la matière de pragmatisme et de capacité d’analyse de la réalité comme de capacité à appliquer ce qui marche d’ailleurs, en l’adaptant correctement à nos spécificités.

Je finirai simplement en citant cette phrase que j’aime beaucoup de Bossuet :
« Dieu se rit de ceux qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes »

Vidéo. L’intervention d’Olivier Klein aux Rencontres économiques d’Aix-en-Provence 2015
* Retrouver le texte complet de l’Intervention d’Olivier Klein
* Retrouver l’intégralité du Parcours 2 « Comment Réconcilier formations et offres de travail ? »
* En savoir plus sur les Rencontres économiques d’Aix-en-Provence 2015 

Catégories
Crise économique et financière Economie Générale Finance

« La crise financière : enseignements et perspectives »

La dernière crise financière, dont les conséquences sont encore présentes aujourd’hui de par la croissance nulle ou ralentie que connaissent les différentes zones du monde, a été d’une violence inégalée depuis la Seconde Guerre mondiale. Les enseignements que l’on peut en tirer, comme les perspectives que l’on trace de façon encore incertaine, nécessitent de revenir sur les causes de la grande crise financière et économique de 2007-2009, puis sur les causes idiosyncratiques de la crise de la zone euro. Enfin, on pourra tenter d’en tirer quelques enseignements et se demander si cette crise a été résolue ou si elle peut rebondir.

Télécharger l’article

Catégories
Crise économique et financière Economie Générale Finance Politique Economique Vidéos Zone Euro

Zone euro : crise et incomplétude, les solutions structurelles envisageables

Vous entendrez ici les interventions d’Olivier Klein et de Michel Aglietta dans le cadre de la table ronde « Europe : des institutions inadaptées ? » composée de Michel Aglietta, Pervenche Berès, Olivier Klein et David Thesmar et animée par Antoine Reverchon, journaliste au Monde.

L’autre table-ronde portait sur le thème « Europe, quels moteurs pour la croissance ? » et était composée de Patrick Artus, Gilbert Cette, Sandrine Duchêne et Jean Pisani-Ferry.

En savoir plus : http://www.journeeseconomie.org/blogjeco/index.php?

Catégories
Crise économique et financière Economie Générale Finance Zone Euro

« L’avenir de la zone euro »

Europe : des institutions inadaptées ?

Le Système monétaire européen (SME) a été mis en place pour créer un lien fixe, mais ajustable, entre les différentes devises de la zone. Il permettait ainsi, depuis 1979, d’éviter les variations brutales et perturbantes entre les devises des différents pays constituant le SME. Cependant, malgré sa forte utilité, il subsistait une source d’instabilité : des événements externes pouvaient entraîner des chocs asymétriques non désirés entre les pays européens concernés.

En outre, chaque pays de la zone conservant sa monnaie, le solde de la balance courante devait être surveillé pays par pays. Une nation qui avait besoin de plus de croissance économique venait régulièrement buter sur la contrainte extérieure. L’effet induit de ce phénomène était une contrainte d’alignement sur les taux de croissance les moins élevés des grands pays du SME.

La création d’une monnaie unique, en substitution du SME, participait donc de cette réflexion. D’une part, une monnaie unique permettait qu’une dépréciation du dollar provoque un effet homogène sur les pays de la zone euro. D’autre part, la création de la monnaie unique laissait penser que des marges de manœuvre de politique conjoncturelle pouvaient être dégagées : le solde de la balance courante devait pouvoir alors se considérer au seul niveau de la zone. Cela devait permettre à un pays de relancer son économie, si cela s’avérait nécessaire, sans buter immédiatement sur la contrainte extérieure, dès lors que l’ensemble de la zone ne dégradait pas son solde courant. Enfin, une monnaie unique entre les pays considérés, sans possibilité de dévaluation-réévaluation, devait permettre aux acteurs économiques d’avoir une base plus stable de prévisions pour leurs investissements à l’étranger et leurs échanges et de ne plus supporter les charges liées au change des devises les unes contre les autres.

Fédéralisme vs. convergence

À la création de la zone euro, deux écoles de pensée coexistaient tacitement. L’une et l’autre concevaient clairement qu’une telle zone monétaire ne pouvait fonctionner correctement sans complément.

La première école comprenait que, pour devenir efficiente la zone euro devait progressivement être complétée d’un niveau de fédéralisme supérieur. Cette école de pensée fondait ses espoirs sur la continuation d’une construction européenne, jusqu’alors faite par l’économique avant de procéder par la suite aux avancées politiques nécessaires.

L’autre école, qui s’imposait dès lors que l’on n’osait ou ne voulait afficher d’objectifs fédéralistes, était de ne laisser entrer dans la zone monétaire européenne que des pays très similaires et devant le rester ; d’où la création des critères de convergence et du pacte de stabilité. Si les pays membres d’une zone monétaire sont en phase conjoncturellement et convergent en termes de taux d’inflation, de déficit budgétaire sur PIB, comme de dette publique sur PIB, et qu’ils le restent une fois entrés dans la zone, les ajustements entre pays membres ne sont plus nécessaires.

Erreurs partagées

À la lecture des événements des dernières années, les deux écoles de pensée ont été dans l’erreur.

La première, puisque le surcroît de fédéralisme ne s’est pas produit, qui plus est en temps de crise forte.

La seconde, puisque les pays entrés dans la zone n’ont pas tous été choisis sur une base de forte proximité économique structurelle et conjoncturelle, pour des raisons politiques ou car certains de ces pays ont volontairement occulté certains traits de leur économie. Erreur, en outre, parce qu’une union monétaire ne conduit pas naturellement à préserver une convergence, eût-elle existé à sa création, mais tout au contraire induit progressivement des divergences structurelles dues à des polarisations industrielles sur certaines régions de la zone, correspondant à des désindustrialisations d’autres régions.

Les marchés financiers eux aussi s’y sont trompés. Ils ont conduit les taux d’intérêt des dettes publiques des différents pays de la zone à des niveaux très similaires, alors que l’on connaissait progressivement des divergences considérables, tant dans les ratios d’endettement public que dans ceux des déficits courants.

Ces erreurs de politique et de marché ont amené à l’éclatement d’une crise majeure spécifique à la zone euro dues à des divergences de plus en plus fortes entre pays de la même zone, sans que les mécanismes de régulation de tels phénomènes aient été à l’œuvre ou, même, aient été prévus.

Les alternatives à l’austérité

Les efforts intenses réalisés par les pays du sud de l’Europe induisent des coûts sociaux immenses, en termes de niveau de vie et de chômage. En moyenne depuis la crise de la zone euro, ces pays n’ont pas amélioré – voire ont détérioré – leur ratio dette publique sur PIB, eu égard à l’effet multiplicateur supérieur à 1 des mesures budgétaires. Cependant, certains pays comme l’Espagne commencent à voir leurs efforts porter des fruits lisibles dans le redressement de la balance courante et l’augmentation des exportations.

Une question se pose donc : la zone euro doit-elle se réguler par le seul ajustement « par le bas » des niveaux de vie, afin d’amener certains pays-membres à converger vers des niveaux de déficit et de dette publics plus acceptables et vers un meilleur équilibre de leur balance des paiements ? Dès lors que la base industrielle est faible, l’équilibre ne peut venir en effet que d’une croissance atone n’induisant pas d’accroissement des importations. Ce qui produit alors un phénomène inéluctable de ralentissement durable de la croissance de la zone euro, dès lors que plusieurs pays conduisent les mêmes politiques simultanément et avec une intensité forte.

Ou la régulation de cette zone monétaire doit-elle s’opérer par un mix de réformes structurelles indispensables à des finances publiques plus saines et à une meilleure compétitivité, et une politique européenne de soutien de la croissance potentielle, d’une véritable coordination des politiques économiques et de transferts entre les différents pays permettant aux moins industrialisés d’entre eux de ne pas être contraints en permanence à l’ajustement par l’austérité. Ce mix pourrait aider à ce que ces changements structurels puissent se faire. Sans brutalité excessive et sans récession violente, donc en permettant à ces réformes d’être plus acceptables.

Pour réaliser les indispensables réformes structurelles dans nombre de pays de façon organisée et mieux planifiée, la zone euro doit donc développer un degré de fédéralisme supplémentaire – supervision, coordination des politiques économiques et transferts budgétaires – qui permettrait d’assurer un degré supérieur de solidarité entre ses membres. Et de reconnaître et d’assumer la diversité naturelle des pays composant la zone, y compris la diversité induite sur le plan industriel notamment par l’existence même de la monnaie unique.

Cela favoriserait un niveau de croissance moyen plus élevé, en autorisant certains pays à connaître des déficits courants alors que d’autres afficheraient des excédents. Ou alors, incapable de dessiner cette évolution politique, la zone euro est-elle condamnée à exiger trop vite et trop durablement une politique d’austérité dans les pays les moins industrialisés, conduisant alors à un niveau moyen de croissance pour l’ensemble de la zone durablement très affaibli, avec les risques politiques induits. Et peut-être finalement des risques sur l’euro lui-même.

Télécharger la version PDF de l’article