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Apporter toujours plus de valeur à nos clients !

Quel regard portez-vous sur l’exercice 2018 ?

Retraitée des éléments exceptionnels, la croissance du PNB ressort à 4,6 %, un chiffre qui conforte les choix stratégiques du Groupe BRED. Pour la sixième année consécutive, le produit net bancaire consolidé de la BRED progresse, pour s’établir à 1 191 M€.

Notre cœur de métier, la Banque commerciale France, demeure le premier moteur de cette croissance. Son PNB, hors éléments exceptionnels, a progressé de 6 % dans un environnement caractérisé par la persistance de taux d’intérêts bas.

Ces performances résultent de la croissance de nos parts de marché des ménages pour la banque de détail, à laquelle s’ajoute la progression de 9 % du PNB de la banque de grande clientèle en 2018. Elle contribue à hauteur de plus de 11 % au PNB total. Toutes deux ont contribué à l’accroissement de nos encours de crédits de plus de 12 %.

La croissance du pôle Banque à l’international et TOM (+ 13 % de PNB) due aux très bonnes performances de notre activité de financement du commerce international à Genève et au fort développement de nos filiales au Cambodge et aux îles Salomon, contribue aussi à l’évolution de PNB consolidé.

Hors contribution au Fonds de Résolution Unique et hors cotisation à l’organe central, les charges d’exploitation du Groupe BRED progressent de 2,5 % en lien avec les investissements pour la modernisation du réseau, dans le digital et dans la formation.

Le Groupe BRED enregistre le résultat net le plus élevé de son histoire en 2018, en hausse de 8 %. Ainsi, il a augmenté régulièrement de 180 M€ en 2012 à 277 M€ en 2018.

Pour la sixième année consécutive les résultats de la BRED sont bien orientés.

Sur quoi repose ce succès selon vous ?

Si toutes nos activités se développent bien nos revenus viennent en grande partie de la banque commerciale en France, ce qui est notable compte tenu des faibles taux d’intérêts et d’une pression réglementaire accrue. Je pense que cela repose sur l’aptitude historique de la BRED à être innovante et entrepreneuriale. Nous avons entretenu et même amplifié cette capacité en maintenant depuis 2013 un cap stratégique axé sur le développement et la valeur ajoutée de nos prestations. Nous croyons fermement à l’avenir d’une banque « sans distance », un modèle de relation globale de proximité intégrant la révolution digitale. Afin de porter cette stratégie, nous n’avons jamais cessé d’investir dans nos ressources humaines, dans notre système d’information et dans notre réseau d’agences. À cet égard notre statut de banque coopérative nous permet de nous projeter dans le temps long.

Les banques en ligne font flores. Comment la BRED se situe-t-elle dans ce nouvel environnement ?

Nous visons bien sûr un développement digital optimum : des applis bancaires, un site Internet au meilleur niveau, pratique, simple et rapide. Dans le même temps, nous sommes persuadés que nos clients tiennent beaucoup à leur relationnel avec un conseiller attitré et à un conseil de qualité pour leurs projets de vie et d’entreprise.  C’est ce que nous nous employons à faire vivre dans nos agences où nos conseillers échangent avec leurs clients sur place et aussi via les canaux de communication téléphoniques ou digitaux. Notre modèle est celui d’une banque en ligne pleinement intégrée dans le réseau d’agences de proximité. Cela constitue une vraie valeur ajoutée et nous différencie des banques en ligne.

Quelle place pour les agences dans cette nouvelle banque relationnelle ?

Nous avons besoin de nos agences. Les fermetures restent chez nous très marginales, par exemple lorsque certains sites sont très rapprochés alors que nos clients n’ont plus à se déplacer comme auparavant pour leurs opérations courantes. Et nous continuons à envisager des ouvertures lorsque cela est nécessaire.

Cela ne signifie pas bien sûr que notre réseau est statique. Nous venons d’en renforcer l’efficacité et la réactivité en réduisant les niveaux hiérarchiques et en veillant à la disponibilité de toutes les expertises sur tous les sites.

Par ailleurs, les opérations de banque au quotidien tendent à se réduire avec l’usage des automates et du smartphone et nous développons fortement tout ce qui est conseil. Nous ne réduisons pas l’effectif de nos conseillers. Nous investissons massivement sur leur formation et sur le digital pour les aider à proposer à leurs clients les solutions les plus pertinentes. D’une façon plus générale, à la BRED nous consacrons près de 6% de la masse salariale à la formation alors que le minimum légal est de 1%.

Née en région parisienne la BRED est présente à l’international ? Avez-vous des projets de développement ?

La BRED est née en Ile-de-France puis s’est développée dans les DOM il y a une vingtaine d’année, et plus récemment à l’international dans des pays faiblement bancarisés et offrant de belles perspectives de croissance. Nous sommes implantés en Asie du Sud-Est, dans le Pacifique, dans la Corne Est de l’Afrique. Nous sommes le plus souvent la seule banque européenne et française et apportons un niveau de sécurité, de modernité que les clients apprécient.

Nous sommes également présents en Suisse, à Genève, avec une activité de Trade finance.

Ce sont des implantations récentes – moins de 10 ans en moyenne – que nous allons bien sûr continuer à développer. Nous regardons aussi d’autres pays, complémentaires de nos implantations sur ces trois zones géographiques.

La BRED fête ses 100 ans cette année, qu’est-ce qu’une banque coopérative aujourd’hui ?

D’abord, comme dans toutes les Banques populaires et les Caisses d’épargne du Groupe BPCE, institutionnellement, nos clients et eux seuls sont les propriétaires de l’entreprise. Nos administrateurs, eux-mêmes sociétaires, représentent leurs intérêts. Une banque coopérative se construit ainsi en proximité forte avec ses clients dont elle intègre les besoins en tant que partie prenante de l’entreprise. La BRED a été créée en 1919 en région parisienne parce que des chefs d’entreprise ne trouvaient pas de financements adaptés auprès des banques traditionnelles. Nous sommes la suite de cette histoire, sa continuité. Nous sommes une banque coopérative engagée vis-à-vis de ses clients, de la société dans laquelle nous sommes comme de nos collaborateurs.

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Banque Innovation

Actes du débat organisé par le cabinet Athling le 2 octobre 2018 sur le thème : « Quels modèles économiques pour les services financiers de demain ? »

Je me suis exprimé sur les sujets de la transformation du secteur bancaire, de l’évolution des services financiers et de la « banque du futur ».

Retrouvez les actes de ce débat en cliquant sur l’image ci-dessous :

image blog Olivier Klein

 

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Banque Management

La complémentarité entre réseaux physiques et digitaux : Echanges entre Alexandre Bompard et Olivier Klein

Présentatrice

C’est le moment de découvrir le grand témoin que vous avez choisi de mettre en lumière, Olivier, pour cette convention. Il s’agit d’Alexandre Bompard, directeur général du groupe Fnac-Darty.
Ma première question sera pour Olivier. Je pense que tout le monde a envie de savoir la raison pour laquelle vous teniez tant à inviter Alexandre Bompard, aujourd’hui.

Olivier Klein

Une première raison est que l’on se connaît depuis un petit moment. C’est un grand plaisir pour moi de connaître Alexandre. La deuxième est que la Fnac est un client. Mais la vraie raison est qu’avec Alexandre, nous avons déjà eu l’occasion de parler stratégie. Au-delà des différences de métiers, nous partageons pour beaucoup la même analyse de nos métiers, bien qu’ils soient différents sous bien des aspects, et je trouvais intéressant qu’il nous en parle.

Présentatrice

Merci Olivier. Alexandre Bompard, est-ce que vous pourriez évoquer avec nous les évolutions des consommateurs et des technologies qui ont impacté le modèle de la Fnac ?

Alexandre Bompard

Merci, cher Olivier, de cette invitation. Au fond, vous le savez, et vous le vivez, nous sommes les uns et les autres, quel que soit le secteur d’activité, en prise avec une extraordinaire transformation des modes de production, des modes de communication, des modes de consommation, avec un point de départ qui est la révolution digitale. C’est d’abord une révolution technologique, mais qui dépasse aujourd’hui évidemment de bien loin cette technologie. Pour une entreprise comme la nôtre, la révolution digitale est une série de chocs très profonds.

Le premier choc, c’est d’abord notre mode même de commercialisation qui est impacté par la révolution digitale. Au fond, avant, nous étions un leader assez serein sur nos marchés. Tout à coup est apparu l’e-commerce, et avec l’e-commerce, des acteurs d’un type nouveau, dont des acteurs puissants venus d’Internet, comme Amazon. L’e-commerce a donc été un nouveau mode de commercialisation de nos produits.

Mais c’est aussi nos produits eux-mêmes qui ont été affectés. C’est le deuxième choc. Vous le savez, nous sommes à l’origine un distributeur de biens culturels. Or, la culture a été dématérialisée. La consommation de la musique, de la vidéo, des jeux vidéo se fait désormais sur Internet.

Et puis, le troisième choc, c’est l’inversion du rapport de force, ou l’expertise désormais partagée, entre d’un côté le vendeur et de l’autre le client que nous sommes. Vous le savez, il y a encore vingt-trente ans, on entrait dans une Fnac, on se précipitait sur un conseiller, un vendeur, et on lui demandait son expertise.

Aujourd’hui, vous entrez dans le magasin, vous êtes vous-même expert. Vous avez fait vos recherches au préalable. Au fond, vous avez une expertise qui est de nature partagée. Cela signifie que la raison principale pour laquelle vous veniez en magasin, c’est-à-dire le conseil, est remise en cause également par cette révolution digitale.

C’est la série de ces trois chocs, dont chacun est suffisant à emporter par le fond une entreprise, que nous avons eu à affronter au début de la décennie 2010 et qui nous a conduits à transformer en profondeur le modèle, l’identité et l’organisation de notre entreprise.

Présentatrice

Justement, face à cette mutation de marché, quelles stratégies avez-vous mises en place ?

Alexandre Bompard

Le plus important, a été de trouver la matrice, la pierre angulaire de la vision et après d’opérer son déploiement stratégique.
Quand je suis arrivé à la Fnac, on me disait beaucoup que la révolution digitale était très puissante, que l’e-commerce allait tout emporter, et que c’en sera fini du magasin. Il fallait donc que la Fnac ferme des magasins massivement et se projette uniquement sur l’e-commerce. Pour moi, cela me paraissait une drôle d’idée pour pas mal de raisons.

D’abord, parce que quand on regardait le leader principal du marché Amazon, qui est une formidable puissance logistique et informatique, avec une capacité d’investissement mondial, on constatait qu’il perdait beaucoup d’argent sur nos métiers. Alors je me disais qu’aller sur un métier, l’e-commerce, où même le meilleur du marché, ne gagne pas d’argent, c’est quand même assez particulier.

La deuxième, c’était une raison de pragmatisme pur. Au début des années 2010, on faisait 96 % de notre chiffre d’affaires dans les magasins qui employaient 95 % de nos collaborateurs.

La troisième raison, c’est que j’avais une conviction. Au fond, les clients n’ont absolument pas envie de choisir entre les deux mondes. Ils ont la possibilité d’accéder à la fois à l’avantage du magasin, le conseil, la proximité, l’expérience client, et puis aux avantages du e-commerce, la disponibilité 24 heures/24, la possibilité de commander partout, tout le temps, quand ils le souhaitent.

Ils n’ont absolument pas envie de choisir entre ces deux mondes-là.
Autrement dit, la pierre angulaire de ce que nous avons fait, ça n’a pas été de se développer sur l’e-commerce, mais de se développer sur les deux canaux de vente, c’est-à-dire de devenir un acteur – je n’aime pas beaucoup le terme, il est un peu jargonnant, mais il dit bien ce qu’il veut dire – omnicanal.

L’objectif était de devenir un acteur qui combine, dans un même écosystème, la distribution physique et digitale. Proposer à ses clients une expérience physique de qualité dans ses magasins tout en se développant dans le e-commerce. Nous sommes d’ailleurs passés de la cinquième à la deuxième place.

En combinant cette distribution physique et digitale, nous allons offrir au client la possibilité de commander de chez soi et de retirer en magasin, mais aussi la possibilité quand il est en magasin d’avoir accès à l’intégralité des offres des entrepôts.

Vous savez, ce qui peut arriver de pire dans un magasin, c’est de ne pas trouver le produit souhaité. En fait, nous avons toujours le produit, parce que nous avons des millions de références dans les entrepôts. Il a donc fallu connecter ces magasins et la distribution digitale.

Cette idée de combinaison a été la pierre angulaire.
Nous avons puissamment investi dans des systèmes logistiques communs, dans des systèmes informatiques communs, dans des organisations commerciales communes, dans des organisations marketing communes.

On en était très loin. Je vais vous raconter une anecdote, qui vaut plus que pas mal de discours. Quand je suis arrivé à la Fnac, j’étais au siège social où il y a six étages, arrivé au sixième étage, alors que j’avais déjà serré 800 ou 900 mains, la personne qui m’accompagne me dit : « là, ce sont les bons ». J’étais un peu embêté, parce que j’avais quand même serré 900 mains, donc je me dis que ce n’était pas super positif pour les 900 premiers. Je lui demande pourquoi ce sont les bons et elle me répond : « c’est Fnac.com ».

Là, je me suis dit qu’on avait un énorme sujet. À la Fnac.com, ils étaient évidemment très bons. Le problème n’était pas qu’ils soient très bons. Le problème, c’était la perception de l’entreprise. Il y avait là une espèce de start-up incroyablement nécessaire, par laquelle la transformation devait se faire, qui fonctionnait un peu en vase clos. De l’autre côté, il y avait une entreprise qui représentait quand même 18 000 de nos 20 000 collaborateurs et qui faisait 95 ou 96 % de notre chiffre d’affaires. Or, elle était perçue comme le métier vieillissant, déclinant et sans avenir. Évidemment, à l’heure où je vous parle, vous prenez la mesure de la transformation culturelle que ça signifie, pour que la connexion, pour que l’idée d’un écosystème entre le physique et le digital se passe.

J’ai une autre anecdote qui dit la même chose. Quand je faisais le tour des magasins, dans les premières semaines, je discutais avec les vendeurs et je leur demandais qui étaient nos principaux concurrents. Je m’attendais à ce qu’ils me répondent Boulanger, les Espaces Leclerc, Cultura, Amazon, que sais-je encore… Or, ils me disaient toujours : Fnac.com. Alors, je revenais au siège, et je disais à mes collaborateurs de l’époque : « c’est quand même bizarre, ils me disent toujours que c’est : Fnac.com »…

Présentatrice

Comme s’il y avait une fracture.

Alexandre Bompard

Exactement. Alors, les collaborateurs de l’époque me disaient : « franchement, ces vendeurs, ils n’ont absolument rien compris. Ça ne peut pas être Fnac.com. » En fait, ils avaient absolument raison. Voilà une enseigne digitale qui portait la même marque qu’eux, avec un écart de prix de 20 à 25 %, avec un système d’incitation à la vente inexistant, c’est-à-dire que quand ils amenaient à la vente sur Fnac.com, ils n’étaient pas intéressés. Il y avait une vraie concurrence entre les deux. Vous comprenez que pour changer ce schéma-là, il faut à la fois une révolution culturelle, il faut investir sur l’informatique et la logistique, créer une organisation commune et puis changer la formation et les modes de rémunération.

En parallèle, pour aller vite, on a beaucoup travaillé à l’identification de relais de croissance. Nous avions en effet nos marchés forts structurellement en baisse, comme le marché du disque ou de la vidéo. Nous avons donc introduit cinq nouvelles familles de produits pour enrichir l’offre de la Fnac. Elles représentent aujourd’hui 20 % de nos 4 milliards d’euros de chiffre d’affaires à la Fnac. Et puis, nous avons développé des nouveaux formats de magasins. En trois ans, on a ouvert plus de soixante magasins, et on en ouvrira une trentaine, l’année prochaine, pour Fnac seulement. Mais on a ouvert des magasins avec un nouveau mode d’exploitation, en franchise, des magasins avec des formats adaptés, par exemple aux zones de gares et aéroports, les Fnac Travel, adaptés à la technologie, les Fnac Connect, des magasins reliés à tous nos outils digitaux.

Présentatrice

Merci beaucoup Alexandre. Olivier, qu’est-ce que vous dégagez de tout ce que vient de nous faire partager Alexandre ? Est-ce que vous voyez des ponts ou des similitudes avec la stratégie que vous menez à la BRED ?

Olivier Klein

Évidemment. Pour faire quelques points de comparaison, nous aussi, mais structurellement, vendons des choses qui sont totalement dématérialisées. On vend de l’argent, du crédit, de l’assurance… Tout ça est parfaitement dématérialisé, et donc peut parfaitement bien se passer d’un magasin a priori. Pourtant, les agences, à mon idée, ont un rôle crucial. Tu l’as dit tout à l’heure, y compris aux États-Unis, au fond, les distributeurs en ligne ne sont pas rentables encore aujourd’hui. En revanche, les distributeurs qui ne font que du magasin commencent à perdre de l’argent. La réalité qui est apparue à la Fnac, c’est celle à laquelle on croit ici, c’est la capacité à mixer les deux, à ne pas les opposer l’un à l’autre, mais au contraire à faire en sorte qu’ils se complètent et qu’ils engendrent plus de satisfaction client, plus de PNB pour nous, plus de capacité à faire un vrai travail de valeur ajoutée. Donc, on automatise tout ce qu’on peut, et en même temps on enrichit. Par le digital, on laisse l’humain agir pour ce qu’il peut apporter de meilleur en valeur ajoutée vis-à-vis du client.

Ce mix dans la façon de faire, cet omnicanal, représente une similitude entre nos deux façons de voir qui, je crois, est réelle et assez productive. En outre, nous faisons également en sorte que le système de rémunération des commerciaux prenne bien tout en compte, ce qui est vendu dans l’agence comme par internet, pourvu que ce soit un client du conseiller. Ce qui est remarquable à la Fnac – tu ne l’as pas cité –, mais c’est le redressement, parce que ça partait de loin.

Présentatrice

Une question tout de même, comment est-ce que les collaborateurs de la Fnac ont vécu tous ces changements ?

Alexandre Bompard

D’abord, à travers ce que j’ai dit, vous mesurez le niveau d’anxiété que pouvait susciter cette révolution digitale. Au fond, c’est l’ensemble des socles sur lesquels étaient établis à la fois l’entreprise, mais aussi les collaborateurs qui se sont effrités. Je n’ai évidemment pas de méthode magique, ce serait bien arrogant… D’ailleurs, si j’en avais une, je ne la communiquerai pas…

Présentatrice

Elle serait en vente à la Fnac, forcément.

Alexandre Bompard

Absolument. Je la vendrais très cher. Mais je n’en ai pas. Il y a quelques principes quand même, me semble-t-il.
Le premier élément qui est essentiel, pour vous, collaborateurs, quand les modèles sont très menacés, c’est la transparence. Donc, vous n’avez pas d’autres choix – et c’est un moment extraordinairement difficile –, que de nommer les choses. Au bout de quelques semaines, j’ai communiqué, sous toute forme, aux collaborateurs, la vision que j’avais de la situation. C’était une vision extraordinairement anxiogène. C’était un peu plus complexe que ça, d’autant qu’il y avait plein de choses qui avaient été faites avant par des managers de grande qualité, mais en gros, ça disait : « si nous continuons comme ça, la révolution est tellement puissante, qu’il n’y a pas d’avenir possible, l’issue est certaine ». Je l’ai fait à la fois avec pas mal de solennité et avec beaucoup de franchise dans les mots. C’était un moment extraordinairement difficile.
Ce message doit être immédiatement associé – parce qu’il ne faut pas tarder quand vous avez donné ce premier message – à un deuxième message qui est le diagnostic, la vision.

C’est le travail de pédagogie qui commence. Voilà ce que je crois possible, voilà la vision qui est la mienne. Si nous la suivons, si on y met toute notre énergie, si on y met tous les talents de l’entreprise, il y a un chemin. C’est un chemin qui n’est pas très large, mais il y a un chemin de transformation. Et pour rebondir sur ce que disait Olivier, immédiatement après, on va communiquer en permanence sur où nous en sommes, à la fois sur la transformation, mais aussi sur les résultats. Nous avons eu la chance que les résultats s’inversent assez rapidement, pour que les équipes puissent se dire qu’il y avait les premiers effets de la transformation, à la fois sur les métiers et dans les chiffres. Ça, évidemment, c’est extraordinairement important. Mais tout ça ne suffit toujours pas.
Il faut immédiatement après changer les organisations. Je donnais l’exemple de Fnac.com. Je suis allé voir les équipes de Fnac.com, et ceux qui les dirigeaient à l’époque, pour leur dire : « vous n’êtes plus le président de Fnac.com ». Le président de Fnac.com, ça ne m’intéresse pas. Ce qui m’intéresse, c’est ce que vous allez apporter à l’entreprise. Le digital est au service de tout le monde. Il y a une direction commerciale physique et digitale. Il y a une direction marketing physique et digitale. Il y a une direction d’exploitation physique et digitale. Donc, on va transformer radicalement les organisations.

Il y a deux derniers éléments qu’on a tendance à oublier. Le premier, c’est qu’il faut investir sur la formation des équipes. On le sait tous, le plus sûr moyen de faire remonter un résultat opérationnel de fin d’année, c’est de dire : je coupe la ligne, ça ne se voit pas pendant un ou deux ans, les partenaires sociaux ne sont pas très contents, mais c’est tout. En réalité, évidemment, c’est ce que vous pouvez faire de pire dans un modèle en transformation. Au contraire, il faut former. Nous avons donc investi puissamment dans la formation pour que la partie de nos vendeurs qui se sentait menacée et déclassée par cette transformation digitale puisse se dire : au fond, mon expertise est différente de celle d’hier, mais le digital me donne la possibilité d’être un expert d’une autre façon.
Le dernier point, c’est qu’il faut travailler aussi sur les modes de rémunération. Il y a encore quatre ans, vous alliez à la Fnac, vous ne trouviez pas le produit, si le vendeur vous disait – ce qu’il ne faisait évidemment jamais – que le produit était disponible dans les entrepôts, qu’il pouvait vous faire livrer en magasin ou à votre bureau, il n’avait pas d’intérêt à la vente.

Il a donc fallu changer les modes de rémunération – ça a l’air très simple, mais ça ne l’est finalement pas tant que ça – pour qu’il soit intéressé de la même manière à ce qui est vendu dans les magasins ou sur Fnac.com et sur les outils de mobilité. L’étape d’après, d’ailleurs, étant qu’il est intéressé y compris s’il n’a pas participé à la vente. Vous savez, c’est l’idée de zone géographique. Vous commandez cet après-midi ici, le chiffre d’affaires est imputé sur notre magasin de La Défense directement, qu’il ait été impliqué pas. C’est le stade un peu ultime qui montre que les deux sont complètement imbriqués.

On a un corps social, un corps syndical. Je parie toujours sur l’intelligence collective, c’est-à-dire l’intelligence collective des partenaires sociaux et sur l’intelligence collective du corps social. Il faut communiquer, communiquer, et encore communiquer. Il faut accepter le conflit, parce que j’ai eu des conflits, et j’en ai encore, avec les partenaires sociaux, sur un certain nombre de sujets. Mais ils le savent, je leur ai dit dès le départ, on ne reculera pas devant la transformation. On n’a pas le choix. Je ne le fais pas par esprit guerrier, je ne le fais pas par volonté de les affronter, mais ces mutations-là, on n’a pas d’autre choix que d’y faire face et de transformer l’entreprise. Ça passe par des moments un petit peu difficiles, mais quand le corps social adhère massivement – même si on sait qu’il y a une majorité silencieuse qui reste silencieuse –, c’est un peu plus facile que quand vous n’avez pas fait cet exercice de formation et de communication.

Présentatrice

Là encore, Olivier, ça doit vous parler.

Olivier Klein

Il y a beaucoup de parallélisme. D’une part, nous aussi, depuis quatre ans, on mène des transformations. On a tout fait en étant très transparents, très clairs et très participatifs, pour que chacun puisse apporter sa pierre et comprendre ces stratégies. Je pense que ça aussi, ça aide à faire le changement. Même si tout changement, toute transformation, brusque forcément un tout petit peu ici ou là, au total, tout le monde s’y retrouve, quand on comprend pourquoi et qu’on participe au comment. Ça, c’est très semblable.
Le deuxième point, c’est qu’on a beaucoup investi dans la formation, pour exactement les mêmes raisons. On a investi énormément aussi sur le digital, naturellement, pour les mêmes raisons. On essaye de faire vivre cela ensemble, en trouvant à chaque fois les bonnes complémentarités. On se ressemble beaucoup sur tout cela.

Dans notre métier, c’est la qualité du conseil qui va faire la différence. Les gens vont dans un magasin, pas seulement pour voir le produit, mais pour aussi ce qu’on peut leur apporter en plus de ce qu’ils ont vu sur Internet, d’où l’importance de la formation, d’où l’importance aussi d’ailleurs du digital apporté à chacun pour améliorer sa capacité à donner un bon conseil. On essaie de faire aussi ce que j’appelle pompeusement, mais pour sourire, « l’humain augmenté du digital ». C’est aussi une façon d’améliorer les choses et l’expérience client.

Donc, beaucoup de parallélisme, y compris dans la manière de transformer qui est évidemment aussi un art de la gestion.

Présentatrice

Alexandre Bompard, une dernière question. Évidemment, votre actualité, c’est le rachat de Darty. Est-ce que ça va avoir des impacts sur votre stratégie ?

Alexandre Bompard

J’avais une dernière conviction, c’est que la pression engendrée par l’e-commerce, par l’ensemble de cette transformation, par la dématérialisation des contenus et la pression concurrentielle d’Amazon a une conséquence logique, c’est celle de la consolidation du marché. Or, la consolidation, ça peut être négatif ou positif. On l’a vu dans plusieurs pays, il y a eu consolidation par disparition d’un certain nombre d’acteurs du même calibre que la Fnac. Chez nous, c’est Virgin. À plus grande échelle, en Angleterre, il y a eu Comet, qui appartenait aux mêmes actionnaires que Darty. Aux États-Unis, des circuits entiers de distributeurs disparaissent. Ça, c’est la version négative. Il y avait une version plus positive qui a aussi été expérimentée dans un certain nombre de pays. C’est une consolidation plus active, plus offensive, ce qu’ont fait notamment nos camarades de Dixon, en Angleterre.

J’avais vraiment la conviction que le marché allait se consolider. On a vu Carrefour/Rue du commerce, Casino/Cdiscount, et d’autres mouvements du même type. Je savais qu’il y aurait un mouvement de consolidation des acteurs restant autonomes. Après, la question, c’est : est-ce que vous allez être une cible ou vous allez vous-même cibler quelqu’un ? La deuxième question, c’est : si vous avez l’opportunité de cibler quelqu’un, quelle est la bonne cible ?
À la première question, les résultats que nous avions obtenus, la capacité à retrouver des résultats opérationnels solides, une rentabilité financière, une génération de trésorerie favorable, nous ont permis de nous mettre en position d’être à l’affût d’opérations. Nous étions donc dans la première catégorie. Après, quelle était la bonne cible ? Là, pour moi, l’acteur naturel, le partenaire naturel, c’était Darty, pour deux grandes séries de raisons. La première série de raisons, c’est que quand vous devez faire des opérations aussi complexes qu’une fusion, il faut le faire en ayant la conviction, me semble-t-il, que cela changera vraiment la donne, vous donnera une taille critique qui ensuite vous permettra de déployer une stratégie. Darty était cet acteur naturel, parce que Darty plus Fnac, c’est un acteur de 8 milliards d’euros de chiffre d’affaires, présent dans une douzaine de pays avec 40-50 000 collaborateurs, qui a donc la taille de résister dans ces pays à Amazon.

La deuxième raison, elle est plus offensive. Vous le savez, on est dans un pays où on voit toujours le verre très nettement à moitié vide. Moi, par tempérament, je suis construit un peu différemment. Je trouvais – et je trouve encore plus, maintenant que je dirige l’entreprise – qu’il y avait beaucoup de complémentarités entre les enseignes, j’allais même dire de similitudes. Je suis toujours intéressé par l’histoire des entreprises. Au fond, ces deux entreprises étaient nées de la volonté d’entrepreneurs – chez nous, c’était deux amis, chez Darty, c’étaient des frères – d’inventer une façon de faire du commerce différemment, de créer une nouvelle façon de faire du commerce. Ce sont donc deux aventures d’entrepreneurs, avec évidemment plein de différences, mais aussi plein de similarités récentes dans la stratégie omnicanal, dans cette volonté de combiner le physique et le digital. En même temps, il y avait vraiment une complémentarité nécessaire sur les produits, le maillage territorial, les équipes.

Forts de tout ça, on s’est dit que nous allions mener l’opération de rapprochement avec Darty. Elle s’est bien conclue, l’été dernier, à notre profit. Depuis nous sommes dans cette phase d’intégration qui est un moment, que certains d’entre vous ont sans doute vécu professionnellement, absolument passionnant. Il ne remet pas en cause la matrice stratégique, parce que la bonne nouvelle, c’est que nous avions les uns et les autres cette idée que la combinaison du physique et du digital était la bonne voie. Darty l’avait annoncé à partir de 2013. Mais, ça remet en cause évidemment nos organisations.

On a eu un principe directeur à cette fusion, qui est un groupe et deux enseignes, autrement dit nous conservons les deux enseignes. Pour nos clients, il restera toujours des magasins Fnac et des magasins Darty, ainsi qu’un site Internet Fnac et un site Internet Darty. En même temps, l’ensemble de nos organisations, de nos directions, de l’entreprise se mettent au service de ces deux enseignes-là. Ça veut dire que nous allons travailler à des systèmes communs. Nous sommes dans ce moment-là où, avec un Comex désormais commun, avec des groupes de travail qui réunissent des collaborateurs des deux équipes, nous mettons en place l’organisation, nous délivrons les synergies qui sont le fruit de la réunion, de la combinaison, du mariage de la Fnac et de Darty.

Présentatrice

Merci beaucoup, Alexandre, pour toutes ces explications. Je pense qu’on peut applaudir bien fort Alexandre Bompard.

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Banque

« La banque de réseau augmentée du digital », publié dans Revue Banque, mai 2016

La révolution digitale a transformé la relation qu’entretenaient jusqu’à présent les clients particuliers avec leur banque. Elle nous oblige à réinventer notre métier, tout en nous appuyant sur les invariants de la demande de banque des clients, comme sur nos atouts structurels.

Le digital engendre pour chacun un nouveau rapport au monde, une nouvelle façon de penser le temps et l’espace, une autre manière de concevoir l’information, les connaissances et l’autonomie d’action. De fait, il induit une série de révolutions en chaîne dans notre vie quotidienne, comme dans l’entreprise. La banque, et plus spécifiquement la banque commerciale, n’échappe pas à ces bouleversements.

Les clients utilisent de plus en plus Internet et toutes ses applications et se déplacent de moins en moins en agence : la fréquentation des agences a été divisée par trois entre 2008 et aujourd’hui. Toutefois, la baisse s’est essentiellement faite sur les sujets de banque au quotidien : les opérations courantes comme les virements de compte à compte, le suivi des opérations, etc. Les rendez-vous en agence n’ont pour leur part que très légèrement baissé et ont été plus que compensés par des rendez-vous téléphoniques. Les rendez-vous à valeur ajoutée ont augmenté, ce qui nous satisfait : nous préférons que nos commerciaux conseillent leurs clients plutôt que d’être cantonnés à des tâches sans valeur ajoutée telle que la remise de chéquiers ou la gestion de l’argent liquide. Nous nous réjouissons donc que nos clients utilisent les outils à leur disposition et gagnent en autonomie, ce qui permet à nos conseillers de se consacrer à une relation créatrice de valeur, pour le client comme pour la banque.

Adaptation au nouveau monde

Mais cette révolution technologique pousse très légitimement les clients à être de plus en plus exigeants vis-à-vis de leur banque. Si les banques ne s’adaptent pas, elles se feront dépasser par des banques en ligne qui apportent souvent aujourd’hui plus de praticité à moindre coût – mais souvent sans offrir de conseiller attitré – ou elles disparaîtront, le cas échéant, au profit de modèles disruptifs.

À la condition de poursuivre sa mue et son adaptation au nouveau monde, d’intégrer toute la « révolution client », la banque de réseau à valeur ajoutée pourra probablement rester au cœur de la relation bancaire. Pour cela, deux types d’évolutions à forte valeur ajoutée doivent être approfondis.

Nous devons proposer une banque plus pratique, ce que nous sommes en train de réaliser, grâce à l’intégration progressive du digital et à la révision des process. Avec la révolution technologique, de nombreuses démarches se font à distance ; plus personne ne supporte de faire la queue, d’attendre, de se déplacer sans nécessité. Les banques n’étaient pas jusque-là des exemples de praticité. Dans le passé, par exemple, nos conseillers n’étaient pas faciles à joindre. Depuis quelques années maintenant, la configuration a déjà changé : les clients de la BRED peuvent joindre directement leur conseiller, par téléphone ou par mail, sans se perdre dans les arcanes des serveurs interactifs de plates-formes téléphoniques anonymes. Nous devons également bien prendre en charge les réclamations ou problèmes éventuels des clients, ce qui implique des évolutions dans nos pratiques.

Simplicité et praticité

Améliorer l’« expérience client » est en effet fondamental. Le parcours client doit être fluide, efficace et transparent. Par exemple, l’ouverture d’un compte, très simple dans une banque en ligne, est dorénavant aussi simple chez nous. Un autre exemple, sensible pour nos clients, est la souscription d’un crédit immobilier : alors que le parcours pour obtenir un prêt immobilier se réalise déjà dans des délais très courts, très prochainement, nos clients seront informés de l’avancée de leur dossier à chaque étape, par SMS ou par mail, selon leur choix. Ils pourront consulter leur dossier numérique et, le cas échéant, le compléter en ajoutant les pièces manquantes directement en ligne. Tout cela grâce au numérique, qui permet d’améliorer considérablement la simplicité et la praticité pour le client.

Il est également essentiel de prendre l’initiative vis-à-vis de nos clients. La proactivité que nous mettons en œuvre est facteur de succès. Nous sommes très bien reçus par nos clients si nous les appelons proactivement, et de façon intelligente, pour leur parler de leurs besoins et de leurs projets. La vente à distance a également son importance ; elle nécessite de s’adapter finement aux comportements et caractéristiques de chaque client. Selon son mode de vie et ses problématiques, mais aussi selon le moment où il désire s’adresser à sa banque, un client peut vouloir se déplacer à l’agence, pour aborder un sujet en relation directe avec son conseiller, ou bien traiter à distance, par mail ou par téléphone, avec ce même conseiller ; une fois que le sujet et la vente sont traités, la banque peut lui adresser un contrat, sous format digital ou par la Poste, à sa préférence. La vente à distance est donc une facilité que nos clients apprécient.

Qualité du conseil

Le deuxième grand sujet est la qualité du conseil. Le digital a en effet augmenté le besoin en compétence du conseiller, l’accès à l’information et à la comparaison étant banalisé par Internet. Il est évident que 100 % de nos conseillers ne seront pas compétents sur 100 % de la gamme, mais 100 % de nos conseillers sont spécialisés en fonction des segments de clientèles qu’ils suivent, pour être capables de leur apporter la compétence voulue en fonction des besoins spécifiques rencontrés. Nous poursuivons donc la segmentation en fonction des profils de clientèles, pour positionner les bons conseillers en face des bons clients. Évidemment, la gamme proposée n’est pas non plus strictement identique en fonction du type de clientèle. Les projets de vie, grands ou petits, peuvent nécessiter de l’épargne, du crédit ou de l’assurance. Si cela est traité séparément, le client a le sentiment d’être cloisonné ; traité globalement, nous lui apportons valeur ajoutée et confort.

La qualité du conseil est en outre grandement améliorée par le temps que passe un conseiller à suivre les mêmes clients. Le digital a là aussi une importance déterminante : les banques possèdent une richesse de données exceptionnelle par rapport à d’autres distributeurs et, bien travaillées, elles permettent de combiner la compétence et la relation de proximité forte de leurs conseillers avec la puissance du Big Data et de l’intelligence artificielle, pour répondre le mieux possible aux projets de vie des clients. Comme nous le disons aux Banques Populaires, c’est proposer à nos clients « le meilleur de l’humain et du digital ». C’est ce que nous appelons aussi la banque sans distance, une banque qui abolit les distances physiques et temporelles, grâce à la meilleure combinaison des technologies et de l’humain.

Personnalisation

Les FinTech peuvent-elles à leur tour venir menacer les modèles de banque, qu’elles soient à réseau, augmentées des nouvelles technologies, ou en ligne ? Cette question ne peut être sous-estimée. Grâce à la généralisation des technologies mobiles et au développement de la capacité d’exploitation des gisements de données, les FinTech pourraient en effet attaquer différents segments de marché des services financiers : des moyens de paiement au crédit, en passant par l’épargne ou l’affacturage. Cela produira-t-il une véritable « désagrégation » de la relation bancaire, au profit de sociétés qui capteraient, chacune, une partie de la chaîne de valeur ? Ce risque est encore accru par la directive européenne DSP2 qui ouvre à tous le marché des services financiers, notamment aux agrégateurs, leur permettant alors d’agir en tant qu’opérateurs. Pour l’instant, ils n’ont pas désintermédié la banque qui reste l’opérateur et le lieu de la relation globale avec le client. Ils se contentent d’être de simples agrégateurs, capables de rassembler tous les comptes d’un client qui dispose de différentes banques, pour lui donner à tout moment un récapitulatif global de ceux-ci. Demain, ils auront en outre la possibilité de réaliser des opérations de virements de compte à compte, voire même de leur pousser des propositions commerciales en provenance de tiers. Les clients n’auraient alors plus grande nécessité d’aller sur leurs sites bancaires, engendrant ainsi un risque accru de désintermédiation. Ce qui implique cependant d’importants enjeux de sécurité, car les agrégateurs doivent pouvoir disposer des codes d’accès personnels pour obtenir les informations du compte bancaire ou pouvoir effectuer des opérations.

La question de l’après se pose de façon cruciale, car l’on pourrait connaître une généralisation de services fondés sur l’intelligence artificielle, les fameux « robots conversationnels », dont l’objectif serait de proposer automatiquement des produits aux clients avec une pertinence certaine, puisque fondée sur l’analyse de tous les comptes des clients. Nous pourrions ainsi imaginer qu’un agrégateur, associé à un outil d’intelligence artificielle et doté de la capacité d’envoyer aux clients des SMS et des mails avec des propositions adaptées, puisse devenir un substitut, beaucoup plus efficient même, au conseiller personnel.

Mais les banques, comme les assureurs, les mutuelles de santé, etc., sont quasiment toutes en train d’acquérir ou de fabriquer des agrégateurs. La surabondance d’agrégateurs pourrait donc ne pas produire le résultat redouté. La réponse est peut-être dans la capacité de chaque banque de disposer de son agrégateur et de l’associer à un modèle de relation clients encore plus vertueux. Car si nous valorisons et améliorons encore le modèle de relation global, il n’est pas certain que les clients aient intérêt à « éclater » davantage leur relation bancaire. Les particuliers reçoivent d’ailleurs déjà un nombre important de mails et/ou SMS publicitaires qui les sollicitent en permanence, malgré le développement de systèmes permettant de les bloquer. Face à la surabondance future de ces sollicitations et à la saturation qui s’ensuivra, l’échange téléphonique avec son conseiller attitré, ajouté aux envois de SMS et mails pertinents par la banque, pourra représenter une valeur ajoutée nettement plus forte, précisément parce qu’il se différenciera positivement, par une véritable personnalisation de la relation et l’apport spécifique dudit conseiller. D’ores et déjà, sur l’ensemble des propositions commerciales réalisées par SMS et mails envoyés à nos clients, le taux de transformation en vente est multiplié par dix lorsque le conseiller attitré du client appelle par la suite pour transformer l’essai.

Par ailleurs, les FinTech n’auront pas toutes les capacités de se développer par elles-mêmes concurrentiellement à certaines activités des banques. Elles commencent ainsi à passer à une relation de coopération qui peut prendre la forme de rachats de certaines Fintech par des banques ou de partenariat relatifs à l’intégration de certains aspects de leurs innovations dans l’offre bancaire.

Complémentarité des approches digitale et physique

Il est très vraisemblable que, comme dans tous les autres secteurs de la distribution, le modèle dominant soit in fine celui d’une complémentarité intime des approches digitales, peu nombreuses à être rentables dans le monde lorsqu’elles sont le seul canal utilisé, et des modèles physiques qui, s’ils devaient rester purs, seraient certainement condamnés à disparaître. On observe déjà d’ailleurs dans la grande distribution une convergence des modèles vers le mix humain-digital. Amazon annonçait récemment, par exemple, la création de 400 librairies physiques. Ajoutons que, dans la banque, qui plus est, nous traitons de l’argent et des projets de vie et d’entreprise, ce qui nécessite encore davantage de confiance et de relation de long terme. Nous traitons effectivement de sujets à forte charge émotionnelle et impliquant le temps long, la sécurité, le patrimoine, la transmission… et probablement un contact humain.

Bien entendu, plusieurs approches peuvent coexister, mais si nous évoluons vite et bien, le modèle dominant pourra rester celui de la banque, non pas classique ou traditionnelle, mais de réseau, augmentée du digital.

Lire l’article en PDF –  Revue Banque – La banque de réseau augmentée du digital – mai 2016