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TASK FORCE Carbon Pricing in Europe

J’ai eu le plaisir et l’honneur d’introduire ce webseminaire, l’occasion de rappeler nos convictions et notre stratégie pour léguer aux générations futures un monde bas carbone :

« I am honored to introduce the topic of our meeting today.

Thank you, dear Edmond.

Of course, now, everybody is conscious of the real, huge and present danger of carbon emissions for the planet and of the urgency of the energy transition.

It is an usual issue in economics, by the way, because air is a common good. And non private goods, common goods, are always complex issues to deal with. The question is :  who is responsible for these common goods ?

  • As far as individuals are concerned, having a free rider attitude is always a human inclination.
  • As far as Nations are concerned, they can ask themselves how accountant are they, as a Nation, for global warming. They could easily expect other Nations to bear the costs of decreasing carbon emissions, leaving the others to do the job. And we should stress that some countries, and not the smallest, play or played this game.

To help the situation, we can think of several solutions :

  1. Norms : legal constraints.

Yes, but it is not obvious to establish these norms because a lot of them can be in effect inefficient, or even sometimes counterproductive. And they have to be simultaneously established in a lot of countries, because if some important countries are not on board, the efforts won’t be successful and there won’t be fair competition.

  1.  The same with subsidies.
  1. Public opinion, may be part of the solution, reinforced by name and shame. Though, with the risk of focusing on false solutions,  politically correct but sometimes of poor or nil efficiency.
  1. Carbon Price :

It’s now a consensus among the economists that it is the best approach. Because it is the only holistic method to influence individuals as well as corporates behavior. On top of that, this solution preserves entrepreneurial and consumer freedom.

Though, it is still complex to be implemented : price setting is still an issue. Should there be a market for emission rights ? Should there be a carbon tax ?

And there are some other pregnant issues :

  1. The difficulties for those who have to bear the brunt of the consequential increase in carbon price and its impact on their purchasing power (the “Gilets Jaunes” effect).

So, what system of compensation should be implemented, if any ?

  • There are still diverging interests among Nations :
    • between rich and poor Nations
    • between industrialized and less industrialized
  • As far as Europe is concerned, a carbon price increase should go hand in hand with taxes at the European Union boarders, to avoid seriously disadvantaging the EU.

But, is it possible for the 27 countries to agree on this point ?

Conclusion :

This is the reason our task force dedicated to the carbon pricing solution has been created by Edmond Alphandery.

In order to foster the spread of this idea and to push forward possible solutions to these crucial issues, in Europe and across the Globe.

That is why Bred, AXA and Meridiam decided to support the task force on carbon pricing in Europe. »

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Événement Politique Economique

AXA, la BRED et Meridiam soutiennent la Task Force sur le prix du carbone en Europe et invitent d’autres entreprises et personnalités à les rejoindre.

Ayant la conviction que le changement climatique est un défi majeur pour les prochaines décennies, AXA, la BRED et Meridiam ont décidé de soutenir la Task Force sur le prix du carbone en Europe qui promeut le meilleur dispositif dont nous disposions pour y faire face. Créée il y a deux ans par Edmond Alphandéry, la Task Force qui a le soutien de plusieurs entreprises européennes de premier plan, d’économistes, d’institutions internationales et de personnalités politiques de tous horizons a fait progresser l’idée de l’importance du prix du carbone formé sur le marché européen, comme signal pour la réussite de la transition énergétique en Europe.

Par ailleurs, la lutte contre le réchauffement climatique étant une affaire mondiale, dans le cadre d’une initiative conjointe avec des personnalités chinoises la Task Force défend l’idée d’une convergence d’un prix du carbone entre l’Union Européenne et la Chine, pays qui reste le plus grand émetteur de carbone au monde.

L’année 2021 est un moment privilégié pour promouvoir le prix du carbone au niveau mondial alors que les Etats-Unis retrouvent l’Accord de Paris, la Chine se lance dans une politique climatique plus ambitieuse et que se prépare la COP26 à Glasgow dont tout le monde attend des avancées significatives pour le climat.

Denis Duverne, Président du conseil d’administration d’AXA, Olivier Klein, Directeur Général de la BRED et Thierry Déau, Président-directeur général de Meridiam ont invité ce jour diverses personnalités et entreprises industrielles et financières européennes à rejoindre la Task Force dans le cadre d’un Club des Supporters.

Cette table ronde a fait apparaître un consensus quant à l’utilité d’élargir cette démarche auprès des responsables du monde de l’entreprise et des médias. Elle a mis l’accent sur la nécessité d’un effort pédagogique accru auprès des décideurs et du grand public.

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Rembourser la dette ? Pourquoi faire ?

J’étais l’invité de Stéphane Soumier sur B Smart TV pour parler du remboursement de la dette, des risques pour les monnaies et pour la société.

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Le non-remboursement de la dette ? Un risque de perte de confiance dans la monnaie et un risque pour la société – version complète

Face aux conséquences de la pandémie, les politiques budgétaires et monétaires menées sont indispensables pour tenter de sauver l’essentiel. Et abaisser la garde rapidement serait une grave erreur. Mais que peut-il se passer ensuite, après retour à la normale, eu égard au niveau très élevé de dette en résultant ?

Le non-remboursement de la dette publique vis-à-vis des détenteurs privés provoquerait des conséquences économiques et sociales lourdes, touchant à l’épargne et à la retraite des ménages. À supposer que les textes permettent de ne pas rembourser cette dette à la seule banque centrale, le jeu avec les États, qui en sont actionnaires, serait à somme nulle. Et même s’il pourrait être imaginé qu’une partie de la dette additionnelle due à la pandémie soit financée de manière quasi perpétuelle par la banque centrale à un taux proche de zéro, pourrait-on étendre cette possibilité à l’ensemble de la dette et à ses futurs accroissements ?

Comment ne pas entrer dans la pensée de la monnaie magique et se dire qu’au fond, puisqu’on a pu trouver les moyens financiers pour ce qu’il semblait hier impossible de financer, il n’y a pas de raison de ne pas continuer ainsi ?

Il faut récuser l’idée d’une politique de « quantitative easing » sans fin. Permettre à l’État de dépenser sans limite et aux acteurs privés de s’endetter sans contrainte, indéfiniment, aurait des conséquences considérables sur l’instabilité financière que cela provoquerait. Maintenir des taux d’intérêt trop bas trop longtemps, alors que l’économie reviendrait à un taux de croissance plus normal, reviendrait à faciliter, voire à engendrer les cycles financiers. C’est-à-dire l’apparition de bulles spéculatives de plus en plus fortes, puis leur éclosion. Ces phénomènes bien connus donnent lieu à des crises majeures.

Enfin, nous pourrions avoir à plus long terme une fuite devant la monnaie. Sans contrainte de paiement, une crise de confiance dans la monnaie peut survenir, car le système monétaire est par essence un système de règlement des dettes qui donne de la cohérence aux échanges et qui est nécessaire à l’efficacité économique. Tout le système est fondé sur cela : si l’on achète, alors on doit ; si l’on vend, alors on nous doit. Et l’on emprunte parce que l’on fait le pari que les revenus engendrés par l’investissement réalisé devraient permettre de rembourser l’emprunt.

La confiance, au fond, c’est l’idée que la parole donnée ou que les contrats signés sont fiables. Ici, les contrats de dettes et de créances sur lesquels l’ensemble est construit doivent être respectés. La confiance dans les banques elles-mêmes est cruciale, ce sont elles qui créent la monnaie ex nihilo en faisant crédit. Et la confiance dans la banque centrale l’est aussi. Parce qu’elle est la banque des banques, et surtout parce qu’elle assure la régulation monétaire, c’est-à-dire qu’elle régule le rythme de croissance de la monnaie, pierre angulaire du tout.

Si la banque centrale émettait trop de monnaie banque centrale durant trop longtemps et sans contrainte, alors une grave crise pourrait advenir, du type de celle des assignats. Au-delà d’un seuil indéterminé a priori, il y a un rejet possible de la monnaie officielle. Et une désagrégation du système de dettes et de créances à la clé, donc une possible désagrégation de la société.

Il est impératif de protéger cette confiance, sinon il pourrait y avoir des fuites dans les monnaies étrangères. Et même si toutes les banques centrales font la même chose au même moment, le refuge dans l’or ou dans quelques actifs matériels tels que l’immobilier est possible. L’on peut aussi imaginer un jour trouver refuge dans une cryptomonnaie émise par un GAFA plus solvable qu’un État. Elle deviendrait une monnaie privée, ligne de fuite des systèmes officiels.

La monnaie est une institution qui doit être gérée comme telle, comme un ensemble nécessitant de la confiance et des règles. Les règles, c’est le règlement des dettes, donc la contrainte monétaire. C’est-à-dire, alors que les dettes des entreprises comme des États sont généralement remboursées par la mise en place de nouveaux prêts, par l’obligation de maintenir une trajectoire soutenable de l’endettement. Et le seul maintien d’un taux d’intérêt très bas ne peut suffire à garantir cette nécessaire soutenabilité, car non seulement il n’est pas assuré sur le long terme, mais les revenus peuvent aussi s’affaisser lors d’une récession, y compris en présence de taux très bas. Il est donc possible de suspendre la contrainte monétaire momentanément, comme aujourd’hui, mais pas durablement.

Pour être légitimes, les banques centrales doivent donc être au-dessus des intérêts privés comme de ceux des États, en se prémunissant contre la « fiscal dominance » et la « financial market dominance » : elles ne doivent ni être dominées par les États, qui les obligeraient à maintenir durablement des taux d’intérêt trop bas, ni par les marchés financiers qui appellent à toujours plus d’injections monétaires.

Les banques centrales doivent ainsi défendre l’intérêt général et conserver leur crédibilité. C’est crucial pour préserver la possibilité d’utiliser valablement la politique monétaire en cas de nouveau besoin, pour l’économie en tant que telle et son efficacité, comme pour l’ordre même de la société.

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Opinion | Ne pas rembourser les dettes, un risque pour la société

Face aux conséquences de la pandémie, les politiques budgétaires et monétaires menées sont indispensables pour tenter de sauver l’essentiel. Et abaisser la garde rapidement serait une grave erreur. Mais que peut-il se passer ensuite, après un retour à la normale, eu égard au niveau très élevé de dette en résultant ?

Le non-remboursement de la dette publique vis-à-vis des détenteurs privés provoquerait des conséquences économiques et sociales lourdes, touchant à l’épargne et à la retraite des ménages. À supposer que les textes permettent de ne pas rembourser cette dette à la seule Banque centrale, le jeu avec les États, qui en sont actionnaires, serait à somme nulle. Et même s’il pouvait être imaginé qu’une partie de la dette additionnelle due à la pandémie soit financée de manière quasi perpétuelle par la Banque centrale à un taux proche de zéro de la dette publique, pourrait-on étendre cette possibilité à l’ensemble de la dette et à ses futurs accroissements ? Comment ne pas entrer dans la pensée de la monnaie magique et se dire qu’au fond, puisqu’on a pu trouver les moyens financiers pour ce qu’il semblait hier impossible de financer, il n’y a pas de raison de ne pas continuer ainsi, en supprimant la contrainte monétaire ? Il faut récuser l’idée d’une politique de « quantitative easing » sans fin. Permettre à l’Etat de dépenser sans limite et aux acteurs privés de s’endetter sans contrainte, indéfiniment, aurait des conséquences considérables et provoquerait une terrible instabilité financière. Maintenir des taux d’intérêt trop bas trop longtemps, alors que l’économie reviendrait à un taux de croissance plus normal, reviendrait à faire émerger des bulles spéculatives de plus en plus fortes. Ces phénomènes bien connus donnent lieu à des crises majeures.

Enfin, nous pourrions avoir à plus long terme une fuite devant la monnaie. Sans contrainte, une crise de confiance dans la monnaie peut survenir, car le système monétaire est par essence un système de règlement des dettes qui donne de la cohérence aux échanges et qui est nécessaire à l’efficacité économique. Tout le système est fondé sur cela : si l’on achète, alors on doit ; si l’on vend, alors on nous doit. Et l’on emprunte parce que l’on fait le pari que les revenus engendrés par l’investissement réalisé devraient permettre de rembourser l’emprunt.

La confiance, au fond, c’est l’idée que la parole donnée ou que les contrats signés sont fiables. Les contrats de dettes et de créances doivent ainsi être respectés. La confiance dans les banques elles-mêmes est cruciale, ce sont elles qui créent la monnaie ex nihilo en faisant crédit. Avoir confiance dans la monnaie, c’est donc avoir confiance dans les banques. Et la confiance dans la Banque centrale est aussi essentielle. Parce qu’elle est la banque des banques, et surtout parce qu’elle assure la régulation monétaire, pierre angulaire du tout, en protégeant la stabilité monétaire et financière.

Il est impératif de protéger cette confiance, sinon il pourrait y avoir des fuites vers des monnaies étrangères. Et même si toutes les banques centrales font la même chose au même moment, le refuge dans l’or ou dans quelques actifs matériels tels que l’immobilier est possible. L’on peut aussi imaginer un jour trouver refuge dans une cryptomonnaie émise par un Gafa plus solvable qu’un Etat.

Pour être légitime, les banques centrales doivent donc être au-dessus des intérêts des Etats comme de ceux du privé, en se prémunissant tant contre la « fiscal dominance » que contre la « financial market dominance » : elles ne doivent ni être dominées par les Etats, qui les obligeraient à maintenir durablement des taux d’intérêt trop bas, ni par les marchés financiers, qui appellent à toujours plus d’injections monétaires.

Les banques centrales doivent défendre l’intérêt général et conserver leur crédibilité. C’est crucial pour préserver la possibilité d’utiliser valablement la politique monétaire en cas de nouveau besoin, pour l’économie en tant que telle et son efficacité, comme pour l’ordre même de la société.

Olivier Klein est directeur général de la BRED et professeur de macroéconomie financière et de politique monétaire à HEC.

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Le non-remboursement de la dette : risque de perte de confiance dans la monnaie et risques pour la société

Cette table ronde réunissait :

  • Michel Aglietta, Professeur émérite, Université Paris X Nanterre, conseiller au CEPII ;
  • Agnès Bénassy-Quéré, Chef économiste du Trésor ;
  • Anne-Laure Delatte, Chargée de recherche au CNRS ;
  • Olivier Klein, Directeur Général de la BRED et professeur de macroéconomie financière et de politique monétaire à HEC.

Retrouvez la retranscription de mon intervention aux Printemps de l’économie.

Le non-remboursement de la dette : risque de perte de confiance dans la monnaie et risques pour la société

Nous traversons une crise inédite et puissante due à la pandémie. Les États et les banques centrales ont eu des réponses fortes et appropriées jusqu’à présent. Les politiques budgétaires et monétaires qui ont été mises en place correspondent, in fine, à une suspension temporaire de la contrainte monétaire, c’est-à-dire de la contrainte des paiements. On a donné des revenus aux ménages lorsque leurs entreprises n’étaient plus à même de le faire, ce qui était essentiel pour que l’économie ne s’écroule pas, et ce grâce aux mesures de chômage partiel. On a par ailleurs financé les pertes de nombre d’entreprises qui, pendant la période, ne pouvaient pas trouver tout simplement de quoi absorber leurs charges sans chiffre d’affaires. C’était tout à fait nécessaire pour préserver à la fois la demande, mais aussi la capacité d’offre pour le futur. Même si la contrainte monétaire est strictement indispensable en temps normal à l’efficacité de l’économie. 

Les États qui ont beaucoup augmenté leurs dépenses et vont encore beaucoup le faire, alors que leur base fiscale s’affaisse, connaissent eux-mêmes une suspension de la contrainte monétaire pesant sur eux grâce aux banques centrales qui achètent notamment la dette publique sans compter. 

Les banques centrales ont émis beaucoup de liquidités pour aider le marché financier à ne pas se disloquer. Elles ont également acheté des obligations d’entreprises, pour les soutenir. Les banques centrales ont ainsi contribué directement et via les banques au bon financement de l’économie. 

Dès lors que l’on pense que ces politiques étaient indispensables pour tenter  de sauver l’essentiel, la question est : que peut-il se passer ensuite, après retour à la normale, eu égard au niveau très élevé de dette en résultant ?

Le non-remboursement de la dette publique vis-à-vis des détenteurs privés provoquerait des conséquences économiques et sociales graves. À supposer que les textes permettent de ne pas rembourser cette dette à la seule banque centrale – ce qui en réalité n’est pas autorisé –, le jeu avec les États, qui en sont actionnaires, serait à somme nulle.

La seule possibilité serait d’assurer un financement quasi perpétuel par la banque centrale à un taux proche de zéro de la dette publique.

Même s’il pourrait sans doute être imaginé qu’une partie de la dette additionnelle due à la pandémie soit refinancée ainsi, pourrait-on étendre cette possibilité à l’ensemble de la dette, voire aux futurs accroissements de la dette publique ?

Comment, dès lors, ne pas rentrer dans la pensée de la monnaie magique ? Autrement dit, d’une certaine manière, comment répondre à la question suivante : puisqu’on a pu trouver les moyens financiers pour ce qu’il semblait hier impossible de financer, pourquoi ne pas continuer ainsi ? D’autant plus que les taux d’intérêt étant très bas et inférieurs au taux de croissance, la trajectoire de solvabilité des acteurs privés et des États peut a priori sembler préservée. Mais la seule comparaison des taux d’intérêt et des taux de croissance actuels ne saurait épuiser les sujets de solvabilité – une crise peut en effet advenir par la baisse des revenus et non seulement par une remontée des taux d’intérêt –, les sujets de stabilité financière et, plus généralement, de confiance.

Il est en effet nécessaire de mener aussi une analyse théorique pour répondre à la question suivante : pourrait-on avoir un « quantitative easing » en permanence de plus en plus grand, donc des taux d’intérêt toujours proches de zéro, qui permettent à l’État de dépenser davantage sans limite, et aux acteurs privés d’élever leur niveau d’endettement sans contrainte ? 

Il faut récuser l’idée d’une politique de « quantitative easing » sans fin. Tout d’abord à cause des conséquences considérables sur l’instabilité financière que cela provoquerait. Des taux d’intérêt trop bas trop longtemps, alors que l’économie reviendrait à un taux de croissance plus normal – ce qui est loin d’être le cas actuellement –, reviendrait en réalité à faciliter les cycles financiers, voire à les engendrer et à les développer. C’est-à-dire que cela faciliterait l’apparition de bulles spéculatives de plus en plus fortes, puis leur éclosion. Nous connaissons très bien ce phénomène de cycles financiers entretenus par un développement trop fort du crédit s’entremêlant, dans une boucle auto-alimentée, à une bulle spéculative sur les actions ou l’immobilier. Ces phénomènes, très bien documentés, sont très dangereux car ils donnent lieu à des crises économiques et financières majeures. 

Enfin, nous pourrions avoir à plus long terme une fuite devant la monnaie. Si jamais la contrainte de paiement, donc la contrainte monétaire, ne jouait plus vraiment pendant longtemps, c’est la confiance dans la monnaie qui serait touchée, parce que le système monétaire est par essence un système de règlement des dettes. Et comme nous le savons, c’est ce système qui donne de la cohérence aux échanges et l’efficacité économique indispensable. Donc la crise de confiance peut survenir quand  il y a une perte de confiance dans la validité des créances et des dettes, aujourd’hui comme dans le futur. Tout le système est fondé sur cela. Si l’on achète quelque chose, alors on doit. Si l’on vend quelque chose, alors on nous doit. Et l’on emprunte parce que l’on fait un pari sur le futur, donc un pari sur les revenus ultérieurs engendrés par l’investissement réalisé qui devraient permettre de rembourser l’emprunt contracté afin d’investir. 

Donc, il y a crise lorsqu’il y a une défiance vis-à-vis du système de paiement, du système de règlement des dettes. Une défiance vis-à-vis des contrats financiers qui sont cette capacité à se projeter dans le futur. Une défiance en fin de compte vis-à-vis de la monnaie.

Qu’est-ce que la confiance, au fond ? C’est l’idée que la parole donnée ou que les contrats signés sont fiables. Et c’est évidemment valable pour l’économie ; les contrats de dettes et les contrats de créances sur lesquels l’ensemble est construit doivent donc être respectés.

La confiance dans les banques est ainsi cruciale, ce sont elles qui créent la monnaie ex nihilo en faisant crédit. Et la confiance dans la banque centrale l’est aussi. Parce qu’elle est la banque des banques, et surtout parce qu’elle assure la régulation monétaire, qui est la pierre angulaire du tout. 

Si la banque centrale émettait trop de monnaie banque centrale – sans que l’on sache par avance où est le seuil de rupture d’ailleurs –, trop longtemps, et que la contrainte monétaire n’était pas rétablie dans un temps prévisible, alors une grave crise pourrait advenir, du type de celle des assignats en France, de l’hyperinflation en Allemagne au début du vingtième siècle, ou des crises monétaires récurrentes dans certains pays d’Amérique latine. Au-delà de ce seuil, il y a un rejet possible de la monnaie officielle. Et une désagrégation du système de dettes et de créances, donc une désintégration du système monétaire, c’est-à-dire une possible désagrégation de la société, peut alors se produire. Je citerai Michel Aglietta : « La confiance dans la monnaie, c’est l’alpha et l’oméga de la société ». 

Il est donc impératif que cette confiance ne soit pas détruite, sinon il pourrait y avoir des fuites dans les monnaies étrangères. Cela se produit régulièrement dans des pays moins développés, mais cela peut se produire également ailleurs. Cela dit, si toutes les banques centrales font la même chose au même moment, évidemment, il est plus difficile de fuir la monnaie officielle en transférant ses avoirs dans une autre monnaie. Mais alors, beaucoup peuvent se réfugier dans l’or. L’on peut aussi imaginer un jour trouver refuge dans une cryptomonnaie qui serait émise par un GAFA plus solvable qu’un État. Cette cryptomonnaie deviendrait ainsi une monnaie privée qui serait la ligne de fuite des systèmes officiels.

Pour conclure, la monnaie est une institution, elle doit être gérée comme une institution, c’est-à-dire comme un ensemble qui nécessite de la confiance et des règles. Les règles, c’est le règlement des dettes, donc la contrainte monétaire. C’est-à-dire, alors que les dettes des entreprises comme des États sont généralement remboursées par la mise en place de nouveaux prêts, par l’obligation de maintenir une trajectoire soutenable de l’endettement. Et le seul maintien d’un taux d’intérêt très bas ne peut suffire à garantir cette nécessaire soutenabilité, car non seulement il n’est pas assuré sur le long terme, mais les revenus peuvent aussi s’affaisser lors d’une récession, y compris en présence de taux très bas. Il est donc possible de suspendre la contrainte monétaire momentanément, comme aujourd’hui, mais pas durablement.

La banque centrale doit donc être au-dessus des intérêts privés ou des intérêts de l’État, c’est ce qui lui donne précisément sa légitimité. Donc il ne doit pas y avoir de « fiscal dominance », c’est-à-dire de dépendance vis-à-vis des États qui l’obligeraient à conduire des politiques qui conduiraient très durablement à des taux d’intérêt très faibles, à zéro, voire négatifs, inférieurs aux taux de croissance, et d’augmenter à perpétuité la quantité de monnaie banque centrale. Mais symétriquement, il ne doit pas y avoir de « financial market dominance », c’est-à-dire que la banque centrale ne doit pas non plus être dominée par les marchés financiers. Les banques centrales ne peuvent être dominées par les marchés qui appellent à toujours plus d’injections monétaires sous peine de menaces de krachs boursiers.

C’est l’intérêt général que doit défendre la banque centrale. De même, elle doit conserver sa crédibilité. C’est crucial pour la possibilité ultérieure d’utiliser avec vigueur valablement la politique monétaire en cas de nouveau besoin, pour l’économie et son efficacité, et pour l’ordre même de la société.