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Les voies économiques étroites de l’après Covid

Une évidence : plus la pandémie dure, plus les dettes montent. Pour lutter contre les effets économiques des confinements en tout genre, les États et les banques centrales ont mené de puissantes et indispensables actions d’anesthésie. Après la pandémie, ils devront les réduire, puis les arrêter. Avec heureusement la perspective très positive apportée par les vaccins, c’est toutefois pendant cette phase que les difficultés économiques et sociales se manifesteront progressivement, avec la montée des faillites et des licenciements dans les secteurs touchés. Viendra ensuite le « piège de la dette ».  Soit les banques centrales se retireront peu à peu de leur politique de quantitative easing et les taux d’intérêt longs remonteront en pouvant provoquer l’insolvabilité de nombre d’entreprises et d’États, si ces derniers n’ont pas redonné une trajectoire crédible à leur dette. Soit, elles ne le feront pas et exacerberont les bulles financières et immobilières déjà bien présentes avec à terme leur éclatement et des conséquences économiques et sociales désastreuses. Et, in fine, une possible perte de confiance dans la monnaie. Quels sont donc les chemins envisageables pour échapper au mieux à cette « trappe de la dette » ?

Annulation de la dette, emprunt obligatoire ou hausse des impôts sont des non-solutions.

L’annulation de la dette publique est une idée qui n’a aucun sens – car le jeu est à somme nulle – et qui est très dangereuse pour la crédibilité des pays. Un emprunt obligatoire serait considéré comme confiscatoire. Cela entraînerait une baisse de la consommation pour reconstituer son épargne. Épargne qui de nos jours d’ailleurs n’est plus thésaurisée dans les bas de laine, mais mobilisée par les banques pour financer les crédits. Enfin, augmenter les impôts sur le patrimoine n’aurait pas plus de sens eu égard à la taille de l’enjeu et à l’absolue nécessité de valoriser les entrepreneurs et les innovateurs en ces temps de mutation. Augmenter les impôts en général, en France où les prélèvements obligatoires sont parmi les plus élevés du monde, jouerait en outre négativement tant sur la demande que sur l’offre.

Une « dette Covid » : Il serait nécessaire que la BCE refinance encore pendant un temps assez long les tombées successives du surcroît de dette publique dû à la pandémie, pour éviter une défiance des marchés s’ils devaient prendre en charge trop brutalement cette partie de la dette publique achetées par les banques centrales pendant la période.

Mais la solution de fond repose sur l’augmentation du potentiel de croissance. En espérant qu’une inflation maîtrisée vienne de plus contribuer à résoudre la question de la dette. L’indispensable réforme permettant d’améliorer l’efficacité de l’Etat devra être lancée ultérieurement. Celle des retraites est réalisable maintenant. Elle contribuerait largement à la réduction du déficit public. L’allongement de la durée de vie nécessite d’augmenter le nombre d’annuités. Ce qui augmenterait le potentiel de croissance, en augmentant le taux de population active, et inciterait les Français à moins épargner, avec plus de confiance quant à leur retraite future.

La réforme de l’assurance chômage : le nombre d’emplois non pourvus reste considérable. La formulation proposée actuellement, qui pourrait faire bouger le curseur des différents critères d’allocation en fonction des indicateurs du marché de l’emploi semble bien adaptée. Corollaire indispensable : la nécessité d’une protection individuelle via notamment une stratégie de formation professionnelle plus intense et plus efficace pour accompagner les salariés dans les fortes mutations en cours.

Finalement, en sortie de la période Covid, quel mix de politiques économiques ? Les politiques monétaire et budgétaire de soutien et de relance doivent persister tant qu’une croissance stabilisée ne sera pas retrouvée. Il faut éviter toute politique d’austérité. Mais il faudra vite que les États et les banques centrales s’engagent à suivre une trajectoire de retour à la « normale » sur plusieurs années pour donner confiance dans la dette et dans la monnaie. L’idée que les taux d’intérêt proches de zéro permettent de ne pas se soucier de la dette repose sur une théorie selon laquelle la monnaie et la finance sont neutres. L’histoire prouve le contraire. Les voies de sortie décrites ici sont étroites, mais probablement les seules jouables sans aggraver considérablement les risques encourus.

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Événement Politique Economique

TASK FORCE Carbon Pricing in Europe

J’ai eu le plaisir et l’honneur d’introduire ce webseminaire, l’occasion de rappeler nos convictions et notre stratégie pour léguer aux générations futures un monde bas carbone :

« I am honored to introduce the topic of our meeting today.

Thank you, dear Edmond.

Of course, now, everybody is conscious of the real, huge and present danger of carbon emissions for the planet and of the urgency of the energy transition.

It is an usual issue in economics, by the way, because air is a common good. And non private goods, common goods, are always complex issues to deal with. The question is :  who is responsible for these common goods ?

  • As far as individuals are concerned, having a free rider attitude is always a human inclination.
  • As far as Nations are concerned, they can ask themselves how accountant are they, as a Nation, for global warming. They could easily expect other Nations to bear the costs of decreasing carbon emissions, leaving the others to do the job. And we should stress that some countries, and not the smallest, play or played this game.

To help the situation, we can think of several solutions :

  1. Norms : legal constraints.

Yes, but it is not obvious to establish these norms because a lot of them can be in effect inefficient, or even sometimes counterproductive. And they have to be simultaneously established in a lot of countries, because if some important countries are not on board, the efforts won’t be successful and there won’t be fair competition.

  1.  The same with subsidies.
  1. Public opinion, may be part of the solution, reinforced by name and shame. Though, with the risk of focusing on false solutions,  politically correct but sometimes of poor or nil efficiency.
  1. Carbon Price :

It’s now a consensus among the economists that it is the best approach. Because it is the only holistic method to influence individuals as well as corporates behavior. On top of that, this solution preserves entrepreneurial and consumer freedom.

Though, it is still complex to be implemented : price setting is still an issue. Should there be a market for emission rights ? Should there be a carbon tax ?

And there are some other pregnant issues :

  1. The difficulties for those who have to bear the brunt of the consequential increase in carbon price and its impact on their purchasing power (the “Gilets Jaunes” effect).

So, what system of compensation should be implemented, if any ?

  • There are still diverging interests among Nations :
    • between rich and poor Nations
    • between industrialized and less industrialized
  • As far as Europe is concerned, a carbon price increase should go hand in hand with taxes at the European Union boarders, to avoid seriously disadvantaging the EU.

But, is it possible for the 27 countries to agree on this point ?

Conclusion :

This is the reason our task force dedicated to the carbon pricing solution has been created by Edmond Alphandery.

In order to foster the spread of this idea and to push forward possible solutions to these crucial issues, in Europe and across the Globe.

That is why Bred, AXA and Meridiam decided to support the task force on carbon pricing in Europe. »

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Événement Politique Economique

AXA, la BRED et Meridiam soutiennent la Task Force sur le prix du carbone en Europe et invitent d’autres entreprises et personnalités à les rejoindre.

Ayant la conviction que le changement climatique est un défi majeur pour les prochaines décennies, AXA, la BRED et Meridiam ont décidé de soutenir la Task Force sur le prix du carbone en Europe qui promeut le meilleur dispositif dont nous disposions pour y faire face. Créée il y a deux ans par Edmond Alphandéry, la Task Force qui a le soutien de plusieurs entreprises européennes de premier plan, d’économistes, d’institutions internationales et de personnalités politiques de tous horizons a fait progresser l’idée de l’importance du prix du carbone formé sur le marché européen, comme signal pour la réussite de la transition énergétique en Europe.

Par ailleurs, la lutte contre le réchauffement climatique étant une affaire mondiale, dans le cadre d’une initiative conjointe avec des personnalités chinoises la Task Force défend l’idée d’une convergence d’un prix du carbone entre l’Union Européenne et la Chine, pays qui reste le plus grand émetteur de carbone au monde.

L’année 2021 est un moment privilégié pour promouvoir le prix du carbone au niveau mondial alors que les Etats-Unis retrouvent l’Accord de Paris, la Chine se lance dans une politique climatique plus ambitieuse et que se prépare la COP26 à Glasgow dont tout le monde attend des avancées significatives pour le climat.

Denis Duverne, Président du conseil d’administration d’AXA, Olivier Klein, Directeur Général de la BRED et Thierry Déau, Président-directeur général de Meridiam ont invité ce jour diverses personnalités et entreprises industrielles et financières européennes à rejoindre la Task Force dans le cadre d’un Club des Supporters.

Cette table ronde a fait apparaître un consensus quant à l’utilité d’élargir cette démarche auprès des responsables du monde de l’entreprise et des médias. Elle a mis l’accent sur la nécessité d’un effort pédagogique accru auprès des décideurs et du grand public.

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Rembourser la dette ? Pourquoi faire ?

J’étais l’invité de Stéphane Soumier sur B Smart TV pour parler du remboursement de la dette, des risques pour les monnaies et pour la société.

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Crise économique et financière Politique Economique

Le non-remboursement de la dette ? Un risque de perte de confiance dans la monnaie et un risque pour la société – version complète

Face aux conséquences de la pandémie, les politiques budgétaires et monétaires menées sont indispensables pour tenter de sauver l’essentiel. Et abaisser la garde rapidement serait une grave erreur. Mais que peut-il se passer ensuite, après retour à la normale, eu égard au niveau très élevé de dette en résultant ?

Le non-remboursement de la dette publique vis-à-vis des détenteurs privés provoquerait des conséquences économiques et sociales lourdes, touchant à l’épargne et à la retraite des ménages. À supposer que les textes permettent de ne pas rembourser cette dette à la seule banque centrale, le jeu avec les États, qui en sont actionnaires, serait à somme nulle. Et même s’il pourrait être imaginé qu’une partie de la dette additionnelle due à la pandémie soit financée de manière quasi perpétuelle par la banque centrale à un taux proche de zéro, pourrait-on étendre cette possibilité à l’ensemble de la dette et à ses futurs accroissements ?

Comment ne pas entrer dans la pensée de la monnaie magique et se dire qu’au fond, puisqu’on a pu trouver les moyens financiers pour ce qu’il semblait hier impossible de financer, il n’y a pas de raison de ne pas continuer ainsi ?

Il faut récuser l’idée d’une politique de « quantitative easing » sans fin. Permettre à l’État de dépenser sans limite et aux acteurs privés de s’endetter sans contrainte, indéfiniment, aurait des conséquences considérables sur l’instabilité financière que cela provoquerait. Maintenir des taux d’intérêt trop bas trop longtemps, alors que l’économie reviendrait à un taux de croissance plus normal, reviendrait à faciliter, voire à engendrer les cycles financiers. C’est-à-dire l’apparition de bulles spéculatives de plus en plus fortes, puis leur éclosion. Ces phénomènes bien connus donnent lieu à des crises majeures.

Enfin, nous pourrions avoir à plus long terme une fuite devant la monnaie. Sans contrainte de paiement, une crise de confiance dans la monnaie peut survenir, car le système monétaire est par essence un système de règlement des dettes qui donne de la cohérence aux échanges et qui est nécessaire à l’efficacité économique. Tout le système est fondé sur cela : si l’on achète, alors on doit ; si l’on vend, alors on nous doit. Et l’on emprunte parce que l’on fait le pari que les revenus engendrés par l’investissement réalisé devraient permettre de rembourser l’emprunt.

La confiance, au fond, c’est l’idée que la parole donnée ou que les contrats signés sont fiables. Ici, les contrats de dettes et de créances sur lesquels l’ensemble est construit doivent être respectés. La confiance dans les banques elles-mêmes est cruciale, ce sont elles qui créent la monnaie ex nihilo en faisant crédit. Et la confiance dans la banque centrale l’est aussi. Parce qu’elle est la banque des banques, et surtout parce qu’elle assure la régulation monétaire, c’est-à-dire qu’elle régule le rythme de croissance de la monnaie, pierre angulaire du tout.

Si la banque centrale émettait trop de monnaie banque centrale durant trop longtemps et sans contrainte, alors une grave crise pourrait advenir, du type de celle des assignats. Au-delà d’un seuil indéterminé a priori, il y a un rejet possible de la monnaie officielle. Et une désagrégation du système de dettes et de créances à la clé, donc une possible désagrégation de la société.

Il est impératif de protéger cette confiance, sinon il pourrait y avoir des fuites dans les monnaies étrangères. Et même si toutes les banques centrales font la même chose au même moment, le refuge dans l’or ou dans quelques actifs matériels tels que l’immobilier est possible. L’on peut aussi imaginer un jour trouver refuge dans une cryptomonnaie émise par un GAFA plus solvable qu’un État. Elle deviendrait une monnaie privée, ligne de fuite des systèmes officiels.

La monnaie est une institution qui doit être gérée comme telle, comme un ensemble nécessitant de la confiance et des règles. Les règles, c’est le règlement des dettes, donc la contrainte monétaire. C’est-à-dire, alors que les dettes des entreprises comme des États sont généralement remboursées par la mise en place de nouveaux prêts, par l’obligation de maintenir une trajectoire soutenable de l’endettement. Et le seul maintien d’un taux d’intérêt très bas ne peut suffire à garantir cette nécessaire soutenabilité, car non seulement il n’est pas assuré sur le long terme, mais les revenus peuvent aussi s’affaisser lors d’une récession, y compris en présence de taux très bas. Il est donc possible de suspendre la contrainte monétaire momentanément, comme aujourd’hui, mais pas durablement.

Pour être légitimes, les banques centrales doivent donc être au-dessus des intérêts privés comme de ceux des États, en se prémunissant contre la « fiscal dominance » et la « financial market dominance » : elles ne doivent ni être dominées par les États, qui les obligeraient à maintenir durablement des taux d’intérêt trop bas, ni par les marchés financiers qui appellent à toujours plus d’injections monétaires.

Les banques centrales doivent ainsi défendre l’intérêt général et conserver leur crédibilité. C’est crucial pour préserver la possibilité d’utiliser valablement la politique monétaire en cas de nouveau besoin, pour l’économie en tant que telle et son efficacité, comme pour l’ordre même de la société.

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Crise économique et financière Politique Economique

Opinion | Ne pas rembourser les dettes, un risque pour la société

Face aux conséquences de la pandémie, les politiques budgétaires et monétaires menées sont indispensables pour tenter de sauver l’essentiel. Et abaisser la garde rapidement serait une grave erreur. Mais que peut-il se passer ensuite, après un retour à la normale, eu égard au niveau très élevé de dette en résultant ?

Le non-remboursement de la dette publique vis-à-vis des détenteurs privés provoquerait des conséquences économiques et sociales lourdes, touchant à l’épargne et à la retraite des ménages. À supposer que les textes permettent de ne pas rembourser cette dette à la seule Banque centrale, le jeu avec les États, qui en sont actionnaires, serait à somme nulle. Et même s’il pouvait être imaginé qu’une partie de la dette additionnelle due à la pandémie soit financée de manière quasi perpétuelle par la Banque centrale à un taux proche de zéro de la dette publique, pourrait-on étendre cette possibilité à l’ensemble de la dette et à ses futurs accroissements ? Comment ne pas entrer dans la pensée de la monnaie magique et se dire qu’au fond, puisqu’on a pu trouver les moyens financiers pour ce qu’il semblait hier impossible de financer, il n’y a pas de raison de ne pas continuer ainsi, en supprimant la contrainte monétaire ? Il faut récuser l’idée d’une politique de « quantitative easing » sans fin. Permettre à l’Etat de dépenser sans limite et aux acteurs privés de s’endetter sans contrainte, indéfiniment, aurait des conséquences considérables et provoquerait une terrible instabilité financière. Maintenir des taux d’intérêt trop bas trop longtemps, alors que l’économie reviendrait à un taux de croissance plus normal, reviendrait à faire émerger des bulles spéculatives de plus en plus fortes. Ces phénomènes bien connus donnent lieu à des crises majeures.

Enfin, nous pourrions avoir à plus long terme une fuite devant la monnaie. Sans contrainte, une crise de confiance dans la monnaie peut survenir, car le système monétaire est par essence un système de règlement des dettes qui donne de la cohérence aux échanges et qui est nécessaire à l’efficacité économique. Tout le système est fondé sur cela : si l’on achète, alors on doit ; si l’on vend, alors on nous doit. Et l’on emprunte parce que l’on fait le pari que les revenus engendrés par l’investissement réalisé devraient permettre de rembourser l’emprunt.

La confiance, au fond, c’est l’idée que la parole donnée ou que les contrats signés sont fiables. Les contrats de dettes et de créances doivent ainsi être respectés. La confiance dans les banques elles-mêmes est cruciale, ce sont elles qui créent la monnaie ex nihilo en faisant crédit. Avoir confiance dans la monnaie, c’est donc avoir confiance dans les banques. Et la confiance dans la Banque centrale est aussi essentielle. Parce qu’elle est la banque des banques, et surtout parce qu’elle assure la régulation monétaire, pierre angulaire du tout, en protégeant la stabilité monétaire et financière.

Il est impératif de protéger cette confiance, sinon il pourrait y avoir des fuites vers des monnaies étrangères. Et même si toutes les banques centrales font la même chose au même moment, le refuge dans l’or ou dans quelques actifs matériels tels que l’immobilier est possible. L’on peut aussi imaginer un jour trouver refuge dans une cryptomonnaie émise par un Gafa plus solvable qu’un Etat.

Pour être légitime, les banques centrales doivent donc être au-dessus des intérêts des Etats comme de ceux du privé, en se prémunissant tant contre la « fiscal dominance » que contre la « financial market dominance » : elles ne doivent ni être dominées par les Etats, qui les obligeraient à maintenir durablement des taux d’intérêt trop bas, ni par les marchés financiers, qui appellent à toujours plus d’injections monétaires.

Les banques centrales doivent défendre l’intérêt général et conserver leur crédibilité. C’est crucial pour préserver la possibilité d’utiliser valablement la politique monétaire en cas de nouveau besoin, pour l’économie en tant que telle et son efficacité, comme pour l’ordre même de la société.

Olivier Klein est directeur général de la BRED et professeur de macroéconomie financière et de politique monétaire à HEC.