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Conjoncture Politique Economique Zone Euro

L’efficacité de la politique monétaire des taux très bas va prendre fin

La politique monétaire de taux courts et longs bas, voire négatifs, a incontestablement permis d’éviter un risque catastrophique en 2007 – 2009, puis en Zone Euro, de 2010 jusqu’à présent. Puis de raviver la croissance, même légèrement, par la relance de la demande de crédit et le soutien à la consommation et à l’investissement.

Dans la période de faible croissance que nous traversons, la politique monétaire menée par la BCE contribue à faciliter le désendettement partiel des Etats comme du privé, en garantissant un taux d’intérêt nominal inférieur au taux de croissance nominal, ou au pire égal. C’était essentiel, car n’oublions pas que la crise de 2007-2009 est survenue à la suite d’un cycle d’endettement des ménages et des entreprises devenu progressivement insoutenable. Cette crise financière et économique majeure a conduit à son tour à une très forte montée de l’endettement public. Provoquant une baisse drastique des taux longs par achat d’obligations d’Etat, Mario Draghi a réussi à stopper le cycle infernal qui reposait sur la défiance contagieuse vis-à-vis de la dette publique de certains pays européens. Cette défiance conduisait à une montée spéculative de leur taux, qui à son tour aggravait leur déficit public, donc à nouveau leur dette et la défiance à leur égard.

Cette politique de taux très bas, voire négatifs, a aussi pour objectif de soutenir la demande globale de crédit. En principe, les taux d’intérêt inférieurs au taux de croissance donnent tôt ou tard l’envie de moins épargner et de plus consommer et investir, et in fine, permettent de relancer la croissance. Les taux actuels des crédits immobiliers en sont une illustration parfaite avec des planchers historiquement bas. Enfin, en améliorant la valorisation des actifs patrimoniaux (immobilier, actions…), la baisse des taux peut provoquer également un effet richesse favorable à la consommation et à l’investissement, plus visible cependant aux États Unis qu’en Zone Euro.

Mais si la confiance ne suit pas, la demande de crédit peut demeurer atone malgré la baisse des taux. En 2014 en France par exemple, la demande est restée en deçà des espoirs des banques quant aux projets à financer. A l’inverse, entre fin 2014 et début 2015, les entreprises françaises ont repris goût à l’investissement avec une demande de crédit raffermie. En outre, les ménages peuvent  être in fine tentés d’augmenter les montants qu’ils épargnent et non les abaisser , pour protéger le niveau de leur retraite ultérieure, ne pouvant plus compter sur la capitalisation des intérêts devenus trop faibles.

Quel est l’impact du côté des banques ? Les taux très bas entament sans conteste la rentabilité bancaire. La marge nette d’intérêt d’une banque correspond aux intérêts reçus sur ses stocks de crédits moins les intérêts rémunérant les encours de dépôts. Si le taux de marge baisse, butant sur l’impossibilité de connaître une baisse de rémunération des dépôts – qu’il est quasi impossible de rendre négative – équivalente à celle constatée sur les crédits, les revenus des banques baissent. Tout l’enjeu des banques aujourd’hui est donc de compenser cette perte due à l’effet taux par un effet volume positif. Si la demande globale de crédits augmente, notamment grâce à la baisse des taux provoquée par la banque centrale, chaque banque peut en profiter. Mais si la demande ne se développe pas suffisamment, le secteur se contracte.

Le volume global de crédits en 2015 en France a augmenté suffisamment pour compenser l’effet des taux négatifs. Mais cet effet volume n’a plus été suffisant au premier semestre 2016.
Cependant, cette baisse de marge d’intérêts a été compensée sur cette dernière période par la baisse du coût du risque. La baisse des taux, en soutenant l’économie, fait en effet mécaniquement baisser le coût du risque de crédit. Depuis 2014, la baisse du risque s’est ainsi accélérée, permettant aux banques de compenser l’effet taux négatif et l’effet volume insuffisant. Mais nous arrivons maintenant à une impasse. Si, en effet,  les taux très bas perduraient à ce même niveau, l’effet taux s’aggraverait inexorablement, alors que  le coût du risque ne pourrait  plus s’abaisser indéfiniment et jouer son rôle de compensation.

En réduisant fortement à l’avenir la rentabilité des banques, des taux très bas risqueraient finalement de contraindre l’offre de crédit, au moment même où  la réglementation bancaire exige des ratios de solvabilité en forte hausse, donc plus de résultats en renfort des fonds propres. D’autant qu’il est impossible de réaliser aisément des augmentations de capital, puisque la rentabilité des banques s’est affaissée en-dessous de leur coût du capital. La poursuite d’un telle politique pourrait être ainsi in fine  défavorable à la croissance. Rappelons que contrairement aux Etats-Unis où les marchés assurent l’essentiel des besoins de financement, en Europe, la situation est inverse. Maintenus à un niveau si bas, les taux d’intérêt pourraient également faciliter tôt ou tard l’émergence d’une bulle de l’immobilier, voire des actions. Enfin, ils fragilisent assureurs vie et caisses de retraite.

La politique de taux très bas a été indispensable. Quelle autre politique monétaire aurait pu être menée, sans prendre des risques bien plus élevés ? Elle a permis également d’acheter du temps, notamment dans la Zone Euro, pour que les gouvernements fassent plus aisément les réformes structurelles nécessaires au rehaussement de leur croissance potentielle et qu’ils soient en mesure de compléter les arrangements institutionnels indispensables qui régissent la zone monétaire (réelle coordination des politiques économiques au sein de la zone, éléments de mutualisation des dettes publiques…). Il n’est pas certain que ce temps ait été mis suffisamment à profit. Pourtant, au moment où les taux de la Fed aux États Unis sont sur le point de remonter, probablement légèrement, et où les taux longs ont initié une hausse, en Zone Euro le temps est déjà compté.

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« Le financement des entreprises : y-a-t-il insuffisance de crédit ? »

Y-a-t-il rationnement du crédit en France aujourd’hui ?

1/ La question peut légitimement se poser

Caractérisons le cycle financier

Dans phase euphorique :

  • Accélération de la croissance au fur et à mesure
  • Perception du risque à la baisse
  • Prime de risque diminue
  • Augmentation des prix des actifs patrimoniaux : actions + immobilier
  • Augmentation du crédit (dû à une perception du risque en baisse, à l’augmentation de la valeur des collatéraux et à l’augmentation de la demande de crédit)
  • Et bouclage avec soutien de la croissance en retour

Et symétriquement dans dépression, donc crise financière et rationnement du crédit.

Ajoutons qu’en pleine crise financière,

s’il y a une crise de liquidité :

  • Manque de liquidité
    • Renchérissement ou diminution de la ressource bancaire,
    • Effet sur taux de crédit
    • Limitation du volume des crédits
  • Le respect des ratios de solvabilité peut aussi être pro-cyclique et aggraver la crise :

Donc demande, pour respecter le ratio de solvabilité, de plus de capital par rapport aux engagements ou moins d’engagements pour un capital identique.

D’où

  • Soit augmentation de capital, mais peut-être très cher ou même impossible à ce moment là
  • Soit diminution des engagements, donc du crédit.

2/ Qu’en est-il réellement aujourd’hui en France ?

Clairement en France, il n’existe pas de rationnement aujourd’hui.

2 indicateurs :

  • Enquête BCE : % des entreprises pour lesquelles les conditions se durcissent – % des entreprises pour lesquelles les conditions du crédit s’améliorent
  • Enquête BdF : % des entreprises qui obtiennent 100% ou + de 75% des crédits demandés

Conditions de crédit en Zone Euro :

a)  BCE :

L’indicateur s’améliore.

France, Allemagne, Autriche : bon niveau d’octroi de crédit

Espagne, Italie, Portugal : moyen

Irlande, Grèce : mauvais

b) BdF : 2nd trimestre 2014

PME :

  • Pour les crédits d’investissement : 89 % des PME
  • Pour les crédits de trésorerie : 71 %

ETI :

  • Pour les crédits d’investissement : ~ 90 %
  • Pour les crédits de trésorerie : ~ 85 %

Enquête Banque de France : Baisse de la demande, pas baisse de l’offre. Excellent niveau de réponse à la demande de crédit.

c) Constatation d’une diminution des marges sur entreprises.

Ce qui signifie : Offre de crédit > Demande de crédit

d) Affaiblissement des critères d’octroi des crédits

La durée du crédit s’allonge, demande de garanties baisse, demande de collatéraux moins fortes.

3/ Pourquoi n’y a-t-il pas de rationnement du crédit en France ?

1/ Atteinte du ratio de solvabilité plus élevé exigé pour la réglementation Bâle 3 sans trop de difficulté, car bonne situation de départ. Bonne santé des banques françaises.

2/ Ratios de liquidité : pas favorables aux banques françaises. Liquidity Coverage Ratio (LCR) (2015-2019 : 60 à 100 %) et Net Stable Funding Ratio (NSFR).

Mais, malheureusement la conjoncture contribue beaucoup au respect des ratios réglementaires, car la demande de crédit est faible ; ce qui facilite également l’amélioration des ratios emplois-ressources clientèle, suivis par les analystes et les agences de notation.

Moins de crédit facilite un coefficient emplois – ressources clientèle de meilleure facture.

  • Pas rationnement de l’offre

3/ Attention ratio de transformation ! Règles d’écoulement des dépôts, en réflexion à Bâle, pourraient changer dangereusement pour entraver la possibilité des banques de prêter à taux fixe long avec un refinancement composé de dépôts clients stables.

Dangereux pour la capacité des banques françaises à prendre le risque de taux et de liquidité pour faire crédits longs à taux fixe aux entreprises et aux ménages. Si tel était le cas, soit les banques françaises titriseraient bien davantage leurs crédits par contrainte – et le risque de transformation (risque de taux et de liquidité) serait pris par les acheteurs des produits titrisés -, soit les banques françaises accorderaient essentiellement des crédits longs à taux variable, ce qui ferait prendre le risque de taux par les emprunteurs. Serait-ce un progrès ?

Conclusion

Les banques sont des centrales de risque.

Elles prennent des risques de crédit, de taux d’intérêt et de liquidité de par leur rôle économique d’intermédiation (prêts et emprunts auprès des clients) et de transformation (transformation des termes : emprunt auprès des clients essentiellement à court terme et crédits à moyen-long terme).

Ces risques sont réglementés et supervisés. C’est une nécessité pour ne pas laisser les banques prendre trop de risque, ce qui pourrait ruiner les déposants et déstabiliser la sécurité financière du système bancaire et financier dans son ensemble.En revanche, limiter trop les risques pris par les banque dans l’exercice de leur activité commerciale reviendrait à les faire prendre par d’autres qui ne sont ni réglementés, ni supervisés : clients eux-mêmes, investisseurs dans les produits titrisés ou « shadow banking », ou bien encore à entraver la croissance par manque de crédit.

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Banques, PME et crise financière

BFM BUSINESS – GOOD MORNING BUSINESS – Le 16/06/2011 – 07:47:08

Invité: Olivier KLEIN, Directeur Général Banque Commerciale et Assurances du Groupe BPCE

STEPHANE SOUMIER

Olivier KLEIN qui est avec nous, Directeur Général Banque Commerciale et Assurances du Groupe BPCE, ça veut dire, en gros, vous vous occupez de tout ce qui se passe en France en ce qui concerne notamment les Caisses d’Epargne et les Banques Populaires, c’est ça ?

OLIVIER KLEIN

Oui.

STEPHANE SOUMIER

On parle des Banques Populaires, les Banques Populaires, c’était la première convention de leur histoire d’ailleurs, vous en sortez, c’était à Nice durant ces deux derniers jours.

OLIVIER KLEIN

Oui, sous ce format-là, c’était la première convention.

STEPHANE SOUMIER

Avec un nouveau territoire de marque, et un nouveau film publicitaire d’ailleurs, qui a commencé à être diffusé, très moderne, très… je ne sais pas, enfin un certain nombre de nos auditeurs vont le découvrir, c’est un truc 3D…

OLIVIER KLEIN

Oui, en 3D.

STEPHANE SOUMIER

Planant, Olivier KLEIN.

OLIVIER KLEIN

Oui, planant, mais rythmé aussi ! Plein d’optimisme, plein de mouvement.

STEPHANE SOUMIER

Elle avait besoin d’un coup de pinceau, d’un coup de modernité, l’image des Banques Populaires ?

OLIVIER KLEIN

Il y avait besoin que la perception, du fait que les Banques Populaires sont modernes, soit meilleure du fait que les Banques Populaires sont dynamiques, du fait que les Banques Populaires sont très compétentes. Et là il y avait besoin d’une meilleure perception, parce que la notoriété est un peu basse, était un peu basse. C’était dû aussi au fait de la pression publicitaire. Il n’y avait pas la part de voix, comme on dit en publicité, égale à la part de marché, donc là on est en train de rectifier tout ça, et naturellement sur le fond d’un travail réel sur la stratégie de la relation clients et structurant, dans les Banques Populaires. Mais déjà les Banques Populaires ce sont elles qui ont reçu le Podium de la relation client, la semaine dernière, numéro 1, c’est pas mal !

STEPHANE SOUMIER

Numéro 1 pour le secteur bancaire.

OLIVIER KLEIN

Pour le secteur bancaire.

STEPHANE SOUMIER

Qui n’est pas formidablement coté dans l’ensemble des secteurs quand même, Olivier KLEIN, il faut le dire.

OLIVIER KLEIN

Encore que.

STEPHANE SOUMIER

Allez-y, un mot là-dessus.

OLIVIER KLEIN

Encore que, quand on regarde le classement des cotes d’amour sur les entreprises, tous secteurs confondus, la première banque vient en 11ème position, je crois, et puis les Banques Populaires en 12ème et les Caisses d’Epargne en 13ème, donc on ne peut pas dire non plus… et ce classement, évidemment, comprend toutes sortes d’entreprises en France, donc on ne peut pas vraiment dire non plus qu’il n’y ait pas de cote d’amour. Il y a beaucoup de discours. Heureusement, les gens, dans leur réalité, et les chefs d’entreprise aussi, ont des relations bien meilleures avec leur banque que ce qu’on dit en général.

STEPHANE SOUMIER

Il faut le dire, c’est le Crédit Mutuel qui est number one. Vous êtes effectivement juste derrière…

OLIVIER KLEIN

Juste derrière.

STEPHANE SOUMIER

C’est Banque Populaire d’abord, Caisse d’Epargne derrière…

OLIVIER KLEIN

Oui.

STEPHANE SOUMIER

Il faut dynamiter le Crédit Mutuel maintenant, c’est l’objectif.

OLIVIER KLEIN

Nous on progresse, on ne dynamite personne, nous on évolue. On avance.

STEPHANE SOUMIER

On sent bien, et ça va nous emmener aux PME, que c’est le modèle mutualiste, quand même, qui est plébiscité. C’est quoi la force ? C’est un modèle de décision proche du client, c’est ça l’essentiel du modèle mutualiste, Olivier KLEIN ?

OLIVIER KLEIN

Oui, évidemment. C’est plusieurs choses. C’est un modèle de décision proche du client, parce que ce sont des banques complètes, de plein exercice, en région. Donc là vous avez des chefs d’entreprise, qui sont des patrons bancaires, avec des dirigeants, autour de lui sur les ressources humaines, sur la finance, sur le commercial. Et ils embauchent des gens qui, du coup, ont beaucoup plus de responsabilité, ça se diffuse partout, et ce modèle-là est quasi imbattable, si l’on s’y prend bien.

STEPHANE SOUMIER

Cette capacité d’autonomie…

OLIVIER KLEIN

Il y a une proximité relationnelle et une proximité décisionnelle, auprès des clients, qui sont formidables. Et en plus il y a le mutualisme. C’est-à-dire que nos clients peuvent être sociétaires. Cela veut dire qu’ils participent à la vie de nos banques, à leur orientation.

STEPHANE SOUMIER

Les PME, Olivier KLEIN, aujourd’hui Planète PME, auquel évidemment je pense que vous allez être très étroitement associé…

OLIVIER KLEIN

Oui, on est grand partenaire officiel de Planète PME.

STEPHANE SOUMIER

En termes de part de marché les Banques Populaires sont imbattables du côté des entreprises.

OLIVIER KLEIN

Une PME sur quatre, un professionnel sur quatre, sont clients des Banques Populaires, c’est énorme. Et puis une entreprise sur trois qui se crée, est financée par une Banque Populaire.

STEPHANE SOUMIER

Ça veut dire que vous êtes un baromètre formidable. Comment elles vont les PME françaises aujourd’hui Olivier KLEIN ?

OLIVIER KLEIN

Mais plutôt bien. Depuis plusieurs mois, depuis la fin de l’année dernière, on a des remontées des carnets de commandes ce n’est pas extravagant, ce n’est pas une très forte croissance, mais on a un retour à une période normale, et ça c’est très important. La demande est à peu près là, alors bien sûr tout dépend du secteur. Tous les secteurs ne sont pas égaux, bien évidemment…

STEPHANE SOUMIER

Bien sûr.

OLIVIER KLEIN

Mais en moyenne, la demande est là, les entreprises se développent, embauchent un peu, réinvestissent un peu, il y a un mouvement positif.

STEPHANE SOUMIER

Il y a un mouvement positif, mais fragile, et l’une des clés de Planète PME, c’est la question des fonds propres.

OLIVIER KLEIN

Oui.

STEPHANE SOUMIER

Donc, en gros, on fait juste un peu de technique, les fonds propres normalement, c’est ce qui ne doit pas bouger, c’est ce qui ne doit pas sortir du cœur de l’entreprise, alors on va en parler avec les banques, et puis parce qu’il y a eu la crise, les entreprises ont été obligées de puiser dedans. Seules les marges peuvent reconstituer les fonds propres. On sait que les marges sont très très faibles, comment est-ce que les banques peuvent aider les entreprises à reconstituer leurs fonds propres, Olivier KLEIN ?

OLIVIER KLEIN

D’abord naturellement par leur premier métier qui est de les financer et de leur fournir les bons services pour accompagner leur croissance. C’est la croissance qui donne des marges, c’est rare d’avoir beaucoup de marge si on n’est pas en croissance. Et puis nos banques, et les Banques Populaires, ont aussi beaucoup d’outils, régionaux, et nationaux, pour rentrer dans les capitaux propres des entreprises qui sont clientes. On fait d’abord bien sûr du crédit, ça va sans dire, c’est le métier, mais accompagner nos clients en capitaux propres en faisant du capital risque, du capital investissement, c’est notre métier aussi, et c’est complémentaire. Ca ne se substitue pas, mais c’est complémentaire, et c’est un métier qu’on sait faire.

STEPHANE SOUMIER

Est-ce que vous sentez que là il y a une demande particulière et est-ce que vous êtes prêt, vous-même d’ailleurs, à essayer de répondre de manière particuliere à cette demande ?

OLIVIER KLEIN

Non, il n’y a pas une demande particuliere, il y a une demande normale, d’entreprises qui ont envie de grandir et qui, parfois, ont besoin de plus de capitaux propres pour le faire. Je vais rebondir un tout petit peu sur ce sujet. Pour la sortie de la nouvelle image, dont vous avez parlé tout à l’heure, des Banques Populaires, on a dit « La banque qui donne envie d’agir », c’est la nouvelle signature. C’est une belle signature, c’est clair. A cette occaision, on a fait un sondage, et dans ce sondage il y a quelque chose d’extraordinaire, les Français sont majoritairement pessimistes sur leur avenir collectif, sur la France, mais sont très majoritairement optimistes sur leur avenir personnel, sont remplis de projets, des projets structurants. Ils disent que, conjoncture, bonne ou pas, il faut se lancer dans des projets. Ils ont une admiration pour les entrepreneurs et ceux qui créent des entreprises. Il est extraordinaire ce sondage, il faudrait vraiment regarder de près, et nous on est en plein dans cet état d’esprit, dans ce mouvement. On est là, positif. On est à côté des clients. On a envie qu’ils réussissent. On essaie de bien les comprendre. On essaie de faire avancer les choses, et franchement on est dans le mouvement formidable d’optimisme qui existe, à titre individuel, des gens qui ont envie de se prendre en main et d’entreprendre.

STEPHANE SOUMIER

Je ne demande qu’à vous croire, je sais que je vais recevoir une centaine de messages, Olivier KLEIN, de chefs d’entreprise qui vont dire « oui les banques sont là, une fois que j’aurai gagné. » « Les banques sont là une fois que j’aurai mes premières commandes significatives ». « Les banques sont là une fois que j’aurai mes premieres victoires significatives. »

OLIVIER KLEIN

Une entreprise sur trois créée est financée par les Banques Populaires, c’est une bonne réponse.

STEPHANE SOUMIER

C’est une forme de réponse…

OLIVIER KLEIN

STEPHANE SOUMIER

Oui, c’est une forme de réponse, un sur trois. Est-ce que c’est justement la plus solide ? Est-ce que ce n’est pas celle qui avait le moins besoin de vous ? Je sais qu’il n’y a pas de réponse à apporter à ça, mais vous savez très bien que c’est ce qui est diffusé aujourd’hui…

OLIVIER KLEIN

Toutes les banques ont une nécessité de faire des sélections, parce qu’il y a des entreprises qui vont se créer qui vont être bonnes, mais il y a des entreprises qui pourraient se créer et qui ne seraient pas viables. Donc, nous, comme toutes les banques, avons un rôle de sélection légitime, il est même attendu. Si on faisait crédit à toute entreprise qui naît, sans discernement on ne saurait absolument pas rembourser l’épargne qu’on nous prête. Pour la banque, bien faire son métier, c’est prendre l’épargne des gens qui ont des capacités de financement, et c’est prêter, prêter ces capacités de financement, aux gens qui ont des besoins de financement.
C’est l’essentiel de notre role, avec la transformation qui est d’emprunter court auprès des gens qui placent et de preter plus long auprès des gens qui empruntent. Ce métier-là, si on le fait bien, il doit être sélectif, on ne peut pas perdre l’argent de l’épargne, et en même temps on doit faire vivre des entreprises qui ont des chances d’être viables, qui seront compétitives. On ne doit pas faire vivre artificiellement des entreprises qui ne le pourraient pas. Donc on a une selection à faire. Est-ce qu’on est toujours bon dans la selection ? Bien sûr que non, personne n’est infaillible. La plupart du temps, par l’expérience, parce qu’on est des banques expertes, parce qu’on sait faire, on essaie de ne pas trop se tromper. Mais bien évidemment il doit y avoir des projets qu’on ne finance pas, et qui auraient pu être bons, mais il y en a beaucoup aussi qu’on finance et qui finalement ne sont pas si bons.

STEPHANE SOUMIER

Il faut qu’on change de casquette, et que vous preniez maintenant celle du membre du directoire de BPCE et qu’on parle ensemble de ce qui se joue autour de la Grèce et de l’inquiétude qui est montée hier. Globalement, Olivier KLEIN, on se dit que si on n’arrive pas à restructurer la dette grecque, c’est parce qu’on veut protéger les grandes banques occidentales, c’est parce que vous banques, ne seriez pas en mesure de faire face à ce choc de la restructuration publique.

OLIVIER KLEIN

J’entends ce discours. D’abord il y a un discours depuis 3 ans qui est : « les banques sont fautives en tout ». Certes, les banques n’ont pas fait que de bonnes choses… Mais enfin, elles ont très souvent bien fait leur métier. En outre les banques françaises sont une grande industrie en France, il ne faut peut-être pas qu’on tape dessus tout le temps. C’est énormément d’emplois, c’est 450 000 emplois environ, il ne faut peut-être pas à chaque fois dire que c’est la faute des banques, d’autant que c’est souvent faux.

STEPHANE SOUMIER

Là en l’occurrence… là on dit que l’on veut vous protéger.

OLIVIER KLEIN

La réalité c’est qu’il faut savoir comment on s’y prend pour la Grèce. La Grèce a un problème, peut-être, d’insolvabilité, et si elle se finance à des taux d’intérêt qui sont pas mal plus chers que son taux de croissance, il y a assez peu de chance que la dette ne grossisse pas comme une boule de neige…

STEPHANE SOUMIER

Mécanique.

OLIVIER KLEIN

Evidemment. Et comme elle a un potentiel de croissance très faible, et qu’en plus elle est obligée de faire, à juste titre, des politiques d’austérité pour essayer de revenir dans le budget, en réalité elle va avoir une croissance nulle ou très faible, ce qui ne va pas faciliter le remboursement de la dette. Donc si l’on n’était pas dans l’Euro, la Grèce dévaluerait, elle ferait des politiques d’austérité car il ne faut pas oublier que dévaluer sans faire de politique d’austérité ça ne marche pas, et on aurait un autre scénario. Là, en l’occurrence, il y a l’Euro, à mon avis heureusement, et il faut le protéger, et d’ailleurs tout le monde aurait tort de le laisser éclater, et ce n’est pas possible à mon avis, car cela serait démensurèlement coûteux pour tout le monde, donc il faut conserver l’euro. A partir de ce moment-là il faut regarder le problème de la Grèce en se disant : s’agit-il simplement de repousser le remboursement des dettes ? C’est une façon de faire. S’agit-il d’abaisser les taux d’intérêt plus fortement pour aider les Grecs ? Faut-il faire des transferts de nature fédérale et arriver à cette fédération, cette Europe fédérale, que moi je pense être une bonne idée, tout en surveillant dès lors, le budget des pays qui bénéficient de ces transferts.

STEPHANE SOUMIER

Allonger la maturité des prêts, Olivier KLEIN, ça, ça marche si votre client est solvable, ça c’est ce que fait le banquier si son client est solvable…

OLIVIER KLEIN

C’est vrai.

STEPHANE SOUMIER

Là, en l’occurrence, vous me dites le client est peut-être insolvable.

OLIVIER KLEIN

A mon avis, ça ne suffirait peut-être pas de rallonger…

STEPHANE SOUMIER

Donc il faut restructurer ?

OLIVIER KLEIN

Il faudrait au moins abaisser les taux d’intérêt violemment. Restructurer peut-être, mais il y a plusieurs modes de restructuration. Il y a différents types de restructuration, plus ou moins durs. Alors, maintenant, pour répondre très directement à votre question, mon impression, mais moi je n’ai pas une vision complète de toutes les banques, mon impression est que les banques françaises ne seraient pas mises en telle difficulté si jamais il y avait une restructuration de taille raisonnable.

STEPHANE SOUMIER

Quoi, 20, 30% ?

OLIVIER KLEIN

Oui, c’est ce qui est énoncé dans les journaux en ce moment. Les banques françaises, évidemment ça leur coûterait, mais de façon supportable. Par ailleurs, BPCE est très peu exposé sur la Grèce, mais ça c’est spécifique.

STEPHANE SOUMIER

Mais on a peur d’un choc systémique. Enfin c’est une question colossale que je vous pose et je veux une réponse en 15 secondes, mais on a peur d’un choc systémique, on a peur d’un tel choc sur cette restructuration d’une dette publique, que le système financier ne soit pas en mesure d’encaisser le choc.

OLIVIER KLEIN

On peut avoir peur, moi je ne sais pas, évidemment, comme vous. Un choc systémique ça ne se probabilise pas, bien sûr.

STEPHANE SOUMIER

Bien sûr.

OLIVIER KLEIN

Il y a des éléments qui peuvent faire que ça ne se passera jamais. Mais il pourrait y avoir des enchaînements fatals qui ne seraient pas bons, et on ne peut pas le dire par avance. C’est pour ça que la BCE est très prudente, les autorités monétaires publiques sont très prudentes, et on les comprend, elles ont raison. Simplement, il faut aussi traiter le problème, parce que ne pas le traiter gonfle aussi le problème. Donc, à un moment donné -regardez les inquiétudes d’aujourd’hui- on ne peut pas être tout le temps dans l’expectative, parce que, dans le fond, ces inquiétudes risquent de se diffuser un peu partout.

STEPHANE SOUMIER

Nécessité d’une décision, voilà. On arrive à un moment où il y a nécessité d’une décision.

OLIVIER KLEIN

Il vaudrait mieux avoir une vision plus claire de ce que l’on fait et pas seulement se dire qu’on va repousser le problème, probablement. C’est mon avis d’économiste, je n’engage ici que moi-même sur ce sujet.

STEPHANE SOUMIER

Voilà, ce n’était même pas le membre du directoire de BPCE, c’était le prof à HEC qui répondait.

OLIVIER KLEIN

Plutôt.

STEPHANE SOUMIER

Olivier KLEIN, merci beaucoup d’avoir été avec nous ce matin.

07:59:37.

FIN

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Banque Conjoncture Politique Economique

Sortir du cercle vicieux bancaire

La crise financière et économique conduit nombre de banques dans le monde à connaître des pertes. Or elles ne peuvent lever de nouveaux fonds propres sur le marché financier car les investisseurs craignent que la santé des banques ne se détériore encore. Afin de respecter leur ratio de solvabilité (Bâle 2), elles sont donc contraintes de réduire leurs engagements, pour les faire revenir au multiple maximum réglementaire (12.5 fois) de leurs capitaux propres. Les Etats interviennent alors en entrant directement au capital des banques, suppléant ainsi le marché, et contrecarrent ainsi au mieux un crédit crunch qui serait sinon inéluctable.

Si cet enchaînement est bien connu, Bâle 2 en provoque un autre moins bien perçu, pourtant dangereux. Même lorsque les banques ne sont pas en pertes, par gros temps elles sont conduites à réduire leurs crédits et leurs positions sur les marchés. La crise financière et économique induit en effet une augmentation de la valeur calculée des engagements au bilan des banques. Il s’agit pas en l’occurrence des engagements nominaux, mais des engagements pondérés par le risque qu’ils représentent (Risk Weighted Assets : RWA).

Ce risque est mesuré par la volatilité, pour les positions sur les marchés financiers, et par la probabilité de défaut, pour les crédits. Dans les 2 cas, le calcul du risque est fondé sur les événements du passé récent. La constatation de la baisse du prix des actifs financiers et de l’augmentation de leur volatilité accroît, en effet, la valeur des engagements pondérés par leur risque et entraîne du même coup une augmentation du niveau exigible de fonds propres. De même, la dégradation de la notation des emprunteurs due à la crise économique accroît-elle mécaniquement la valeur des crédits des banques pondérés par leur risque, donc à nouveau leur besoin de fonds propres.

Or, si parce que le marché des actions ne le permet pas comme aujourd’hui, les banques ne peuvent procéder à des augmentations de capital pour rétablir leur ratio, elles ne peuvent que réduire leurs positions sur les marchés, en vendant une partie des actifs financiers qu’elles détiennent. Ce faisant, elles aggravent la baisse des marchés et leur volatilité, provoquant ainsi une nouvelle augmentation de leur valeur en risque. De même du côté des crédits, elles ne peuvent que réduire leurs prêts, renforçant alors la gravité de la crise économique et, de fait, aggravent ainsi la fragilité des acteurs économiques, donc la valeur en risque des encours de crédits existants. C’est là que le cercle vicieux se boucle parfaitement !

Bien entendu, face à ce risque de dégradation sans fin du prix des actifs et de l’économie, les Etats ont heureusement réagi très rapidement en investissant directement au capital des banques ou en garantissant certains de leurs actifs risqués, voire en rachetant directement ces actifs.

Cela est absolument nécessaire et salutaire, mais l’action qui contribuerait à rompre ce cercle vicieux au moment même où il se forme serait de réviser d’urgence les modes de calcul des engagements en risque des banques, en faisant cesser leur inquiétante pro-cyclicité, puisqu’ils sont largement fondés sur les risques récemment constatés. Ou bien, en conservant les mêmes méthodes, de moduler de façon anticyclique le niveau de capitaux propres exigés en face des engagements ainsi calculés. Alors qu’aujourd’hui, lorsque l’économie et les marchés vont bien, avec des capitaux propres inchangés, les banques peuvent prendre de plus en plus de risque, renforçant ainsi la possibilité d’un emballement. Et inversement en cas de retournement de la conjoncture et des marchés. Il serait évidemment préférable, eu égard aux mécanismes vus ci-dessus, d’exiger progressivement plus de capitaux propres lorsque tout s’améliore et a minima un maintien au même niveau lorsque tout se dégrade comme aujourd’hui.

Cette réforme nécessaire, même si elle n’est pas suffisante, nécessite un accord international (Bâle 2 en est un), alors que les Etats interviennent nationalement. C’est pourquoi aujourd’hui, la profondeur de la crise commande aux Etats d’agir sans attendre. Cependant, avec un parallélisme certain, les normes IFRS, elles-mêmes fortement pro-cycliques, ont bien été assouplies dès la fin de 2008. Or l’urgence d’une révision des normes d’exigence de capitaux propres bancaires s’impose également.

La nationalisation progressive des banques ou l’investissement à leur capital de fonds empruntés par les Etats eux-mêmes sont évidemment indispensables, mais ne peuvent être une solution de long terme. Il faut y associer a minima une réforme structurelle du calcul des Fonds Propres bancaires exigés par Bâle 2.

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Retour à l’inflation ? La crainte des marchés financiers

Article publié dans le journal Les Echos en 2006

Établissons tout d’abord un distinguo -essentiel pour répondre à la question- entre inflation et régime inflationniste. Quel niveau d’augmentation généralisée des prix correspond à ce mal économique qui fausse les repères des agents économiques et dérègle leurs comportements ? Est-ce 2 % ? Ou bien est-ce plutôt 3 % ou 4 % ? La réponse ne peut être recherchée dans la mathématique ou dans un quelconque chiffre symbolique. Elle réside en réalité dans les mécanismes qui se déclenchent à partir d’un seuil difficilement prévisible, et qui s’auto-entretiennent ensuite. C’est le cas des régimes inflationnistes. Au-delà d’un taux d’inflation variable suivant les circonstances et les pays, les agents, dans une lutte pour préserver leur pouvoir d’achat ou leurs bénéfices, tentent d’indexer leurs salaires ou leurs prix les uns aux autres, et ceci dans un cercle vicieux auto-engendré et auto-entretenu.

Bien entendu, pour que l’inflation se nourrisse d’elle-même et se développe progressivement, la masse monétaire doit croître parallèlement pour lui apporter le combustible nécessaire.
Et s’il est nécessaire de lutter résolument contre un régime inflationniste, c’est qu’il fausse la confiance placée dans les contrats, essentiels à la vie économique et à la croissance : les contrats commerciaux qui fixent les prix des marchandises ou des services échangés, les contrats salariaux, comme les contrats de créance ou de dette. Ces contrats, sur lesquels reposent la capacité à envisager l’avenir et à forger des anticipations en y accordant une confiance raisonnable, exigent, pour fonctionner efficacement, la stabilité des prix. Inversement, une inflation basse -c’est-à-dire qui n’a pas dépassé le seuil à partir duquel se déclenchent les phénomènes d’indexation- est tout à fait acceptable, et de loin préférable à toute déflation.

Qu’en est-il aujourd’hui ? Constatons, au premier abord, que malgré une liquidité mondiale en expansion soutenue et la forte augmentation des prix des matières premières depuis environ 2003, notamment du pétrole dont le prix a été multiplié par environ 3, l’inflation est restée jusqu’à aujourd’hui très contenue. Hors énergie et produits agricoles, elle s’élève en tendance à environ 2,3 % aux Etats-Unis et 1,6 % en Zone Euro, et, si l’on prend en compte l’ensemble des produits dans l’indice des prix à 3,5 % et 2,4 % respectivement. Les raisons fondamentales de la sagesse des prix ont été jusqu’alors les suivantes : en premier lieu, l’avènement sur la scène économique mondiale de nombreux pays émergents –dont certains sont très peuplés- a été un facteur anti-inflationniste puissant. Leurs coûts de main d’œuvre très significativement plus bas que ceux des pays de l’OCDE et leurs investissements intenses dans l’industrie ont non seulement concurrencé brutalement les pays industriels traditionnels, mais ont également induit une surcapacité de production mondiale, leurs propres populations ne développant leur consommation que moins rapidement

La conséquence en a été une formidable pression à la baisse sur les prix industriels et une incapacité des entreprises à répercuter les hausses subies des matières premières. Pourtant, cette non répercussion n’a pas conduit à une baisse des profits, logiquement attendue. Tout au contraire, les profits en pourcentage du PIB se sont maintenus tant aux Etats-Unis que dans la Zone Euro à des niveaux historiquement élevés. Ils se sont même accrus, ici et là. L’explication de ce phénomène est le second facteur de la stabilité constatée des prix.

De part et d’autre de l’Atlantique, les entreprises ont pu assurer des taux de profits élevés, car elles ont été en mesure de distribuer moins de pouvoir d’achat à leurs salariés qu’elles ne réalisaient de gains de productivité. Depuis 2003, la productivité par tête aux Etats-Unis s’est élevée au-dessus de 3 % l’an, tandis que le salaire réel par tête progressait annuellement d’environ 2 %. En Zone Euro, les gains de productivité ont été d’environ 1 %, pour une quasi stagnation du pouvoir d’achat. Là encore, la pression due à la montée en puissance des pays émergents et à leur impressionnante réserve de main d’œuvre n’a pas procuré de fort pouvoir de négociation aux salariés américains et encore moins à ceux des pays européens, qui connaissent une croissance bien plus modérée et un taux de chômage nettement plus élevé. Bien entendu, ces chiffres, qui sont des moyennes, recouvrent des réalités plus variées, si l’on regarde spécifiquement tel ou tel pays européen, ou si l’on distingue le secteur des services de celui de l’industrie.
Qu’en sera-t-il demain ? Les mêmes causes produiront-elles les mêmes effets ?

On constate d’ores et déjà aux Etats-Unis que l’utilisation des capacités de production a atteint des niveaux historiquement élevés et que les salaires ont commencé à se tendre. Les créations d’emplois continuant d’augmenter avec un niveau de chômage faible, l’ensemble pousse les prix légèrement à la hausse. Les marchés financiers y prêtent d’ailleurs une grande attention. Mais la croissance américaine sera-t-elle aussi vigoureuse en fin d’année ? Plus structurellement, si les hausses des prix des matières premières, et notamment du pétrole, devaient se poursuivre, l’effet anti-inflationniste des surcapacités de production mondiales -qui diminuent d’ailleurs du fait de la forte croissance mondiale- et des coûts de main d’ouvre très bas des pays émergents parviendrait-il à continuer de compenser l’effet de la hausse des matières premières ?

Et si les entreprises, notamment industrielles, des pays de l’OCDE ne recouvraient pas –ou peu- de pouvoir de fixation de leurs prix du fait de la pression concurrentielle des pays émergents, pourront-elles continuer à dégager de forts gains de productivité supérieurs aux augmentations des salaires réels ? Pourront-elles ainsi préserver leurs taux de profits ? Les conséquences favorables en termes de productivité  de la révolution technologique actuelle vont-elles progressivement s’émousser ? Par ailleurs, le pouvoir de négociation des salariés se renforcera-t-il durablement ? De fait, sans meilleur pouvoir de fixation de prix, les entreprises, si elles ne peuvent maintenir l’équation précédente sur les gains de productivité et la croissance des salaires réels, ne peuvent que voir leur profitabilité chuter. Si, en revanche, elles recouvrent une capacité meilleure de fixation de leurs prix, sous les mêmes hypothèses, elles tenteront de protéger leurs taux de profit par une hausse de leurs prix en favorisant ainsi l’inflation.

C’est donc l’ensemble de ces quadrants qu’il convient de suivre attentivement pour déceler peu à peu si un nouveau un régime inflationniste peut être engendré par la hausse brutale des prix des matières premières. Gageons cependant, en prenant notre part de risque, que tant les effets de la mondialisation que ceux de la révolution technologique, entamées dans les années 90, ne sont pas déjà taris et que les comportements d’indexation des prix et des salaires ne sont pas sur le point de se réenclencher, même si l’inflation devra mécaniquement s’élever quelque peu. En dépendent, pour les prochaines années, le niveau de la croissance, donc de l’emploi, et celui des profits, donc de la Bourse.