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La complémentarité entre réseaux physiques et digitaux : Echanges entre Alexandre Bompard et Olivier Klein

Présentatrice

C’est le moment de découvrir le grand témoin que vous avez choisi de mettre en lumière, Olivier, pour cette convention. Il s’agit d’Alexandre Bompard, directeur général du groupe Fnac-Darty.
Ma première question sera pour Olivier. Je pense que tout le monde a envie de savoir la raison pour laquelle vous teniez tant à inviter Alexandre Bompard, aujourd’hui.

Olivier Klein

Une première raison est que l’on se connaît depuis un petit moment. C’est un grand plaisir pour moi de connaître Alexandre. La deuxième est que la Fnac est un client. Mais la vraie raison est qu’avec Alexandre, nous avons déjà eu l’occasion de parler stratégie. Au-delà des différences de métiers, nous partageons pour beaucoup la même analyse de nos métiers, bien qu’ils soient différents sous bien des aspects, et je trouvais intéressant qu’il nous en parle.

Présentatrice

Merci Olivier. Alexandre Bompard, est-ce que vous pourriez évoquer avec nous les évolutions des consommateurs et des technologies qui ont impacté le modèle de la Fnac ?

Alexandre Bompard

Merci, cher Olivier, de cette invitation. Au fond, vous le savez, et vous le vivez, nous sommes les uns et les autres, quel que soit le secteur d’activité, en prise avec une extraordinaire transformation des modes de production, des modes de communication, des modes de consommation, avec un point de départ qui est la révolution digitale. C’est d’abord une révolution technologique, mais qui dépasse aujourd’hui évidemment de bien loin cette technologie. Pour une entreprise comme la nôtre, la révolution digitale est une série de chocs très profonds.

Le premier choc, c’est d’abord notre mode même de commercialisation qui est impacté par la révolution digitale. Au fond, avant, nous étions un leader assez serein sur nos marchés. Tout à coup est apparu l’e-commerce, et avec l’e-commerce, des acteurs d’un type nouveau, dont des acteurs puissants venus d’Internet, comme Amazon. L’e-commerce a donc été un nouveau mode de commercialisation de nos produits.

Mais c’est aussi nos produits eux-mêmes qui ont été affectés. C’est le deuxième choc. Vous le savez, nous sommes à l’origine un distributeur de biens culturels. Or, la culture a été dématérialisée. La consommation de la musique, de la vidéo, des jeux vidéo se fait désormais sur Internet.

Et puis, le troisième choc, c’est l’inversion du rapport de force, ou l’expertise désormais partagée, entre d’un côté le vendeur et de l’autre le client que nous sommes. Vous le savez, il y a encore vingt-trente ans, on entrait dans une Fnac, on se précipitait sur un conseiller, un vendeur, et on lui demandait son expertise.

Aujourd’hui, vous entrez dans le magasin, vous êtes vous-même expert. Vous avez fait vos recherches au préalable. Au fond, vous avez une expertise qui est de nature partagée. Cela signifie que la raison principale pour laquelle vous veniez en magasin, c’est-à-dire le conseil, est remise en cause également par cette révolution digitale.

C’est la série de ces trois chocs, dont chacun est suffisant à emporter par le fond une entreprise, que nous avons eu à affronter au début de la décennie 2010 et qui nous a conduits à transformer en profondeur le modèle, l’identité et l’organisation de notre entreprise.

Présentatrice

Justement, face à cette mutation de marché, quelles stratégies avez-vous mises en place ?

Alexandre Bompard

Le plus important, a été de trouver la matrice, la pierre angulaire de la vision et après d’opérer son déploiement stratégique.
Quand je suis arrivé à la Fnac, on me disait beaucoup que la révolution digitale était très puissante, que l’e-commerce allait tout emporter, et que c’en sera fini du magasin. Il fallait donc que la Fnac ferme des magasins massivement et se projette uniquement sur l’e-commerce. Pour moi, cela me paraissait une drôle d’idée pour pas mal de raisons.

D’abord, parce que quand on regardait le leader principal du marché Amazon, qui est une formidable puissance logistique et informatique, avec une capacité d’investissement mondial, on constatait qu’il perdait beaucoup d’argent sur nos métiers. Alors je me disais qu’aller sur un métier, l’e-commerce, où même le meilleur du marché, ne gagne pas d’argent, c’est quand même assez particulier.

La deuxième, c’était une raison de pragmatisme pur. Au début des années 2010, on faisait 96 % de notre chiffre d’affaires dans les magasins qui employaient 95 % de nos collaborateurs.

La troisième raison, c’est que j’avais une conviction. Au fond, les clients n’ont absolument pas envie de choisir entre les deux mondes. Ils ont la possibilité d’accéder à la fois à l’avantage du magasin, le conseil, la proximité, l’expérience client, et puis aux avantages du e-commerce, la disponibilité 24 heures/24, la possibilité de commander partout, tout le temps, quand ils le souhaitent.

Ils n’ont absolument pas envie de choisir entre ces deux mondes-là.
Autrement dit, la pierre angulaire de ce que nous avons fait, ça n’a pas été de se développer sur l’e-commerce, mais de se développer sur les deux canaux de vente, c’est-à-dire de devenir un acteur – je n’aime pas beaucoup le terme, il est un peu jargonnant, mais il dit bien ce qu’il veut dire – omnicanal.

L’objectif était de devenir un acteur qui combine, dans un même écosystème, la distribution physique et digitale. Proposer à ses clients une expérience physique de qualité dans ses magasins tout en se développant dans le e-commerce. Nous sommes d’ailleurs passés de la cinquième à la deuxième place.

En combinant cette distribution physique et digitale, nous allons offrir au client la possibilité de commander de chez soi et de retirer en magasin, mais aussi la possibilité quand il est en magasin d’avoir accès à l’intégralité des offres des entrepôts.

Vous savez, ce qui peut arriver de pire dans un magasin, c’est de ne pas trouver le produit souhaité. En fait, nous avons toujours le produit, parce que nous avons des millions de références dans les entrepôts. Il a donc fallu connecter ces magasins et la distribution digitale.

Cette idée de combinaison a été la pierre angulaire.
Nous avons puissamment investi dans des systèmes logistiques communs, dans des systèmes informatiques communs, dans des organisations commerciales communes, dans des organisations marketing communes.

On en était très loin. Je vais vous raconter une anecdote, qui vaut plus que pas mal de discours. Quand je suis arrivé à la Fnac, j’étais au siège social où il y a six étages, arrivé au sixième étage, alors que j’avais déjà serré 800 ou 900 mains, la personne qui m’accompagne me dit : « là, ce sont les bons ». J’étais un peu embêté, parce que j’avais quand même serré 900 mains, donc je me dis que ce n’était pas super positif pour les 900 premiers. Je lui demande pourquoi ce sont les bons et elle me répond : « c’est Fnac.com ».

Là, je me suis dit qu’on avait un énorme sujet. À la Fnac.com, ils étaient évidemment très bons. Le problème n’était pas qu’ils soient très bons. Le problème, c’était la perception de l’entreprise. Il y avait là une espèce de start-up incroyablement nécessaire, par laquelle la transformation devait se faire, qui fonctionnait un peu en vase clos. De l’autre côté, il y avait une entreprise qui représentait quand même 18 000 de nos 20 000 collaborateurs et qui faisait 95 ou 96 % de notre chiffre d’affaires. Or, elle était perçue comme le métier vieillissant, déclinant et sans avenir. Évidemment, à l’heure où je vous parle, vous prenez la mesure de la transformation culturelle que ça signifie, pour que la connexion, pour que l’idée d’un écosystème entre le physique et le digital se passe.

J’ai une autre anecdote qui dit la même chose. Quand je faisais le tour des magasins, dans les premières semaines, je discutais avec les vendeurs et je leur demandais qui étaient nos principaux concurrents. Je m’attendais à ce qu’ils me répondent Boulanger, les Espaces Leclerc, Cultura, Amazon, que sais-je encore… Or, ils me disaient toujours : Fnac.com. Alors, je revenais au siège, et je disais à mes collaborateurs de l’époque : « c’est quand même bizarre, ils me disent toujours que c’est : Fnac.com »…

Présentatrice

Comme s’il y avait une fracture.

Alexandre Bompard

Exactement. Alors, les collaborateurs de l’époque me disaient : « franchement, ces vendeurs, ils n’ont absolument rien compris. Ça ne peut pas être Fnac.com. » En fait, ils avaient absolument raison. Voilà une enseigne digitale qui portait la même marque qu’eux, avec un écart de prix de 20 à 25 %, avec un système d’incitation à la vente inexistant, c’est-à-dire que quand ils amenaient à la vente sur Fnac.com, ils n’étaient pas intéressés. Il y avait une vraie concurrence entre les deux. Vous comprenez que pour changer ce schéma-là, il faut à la fois une révolution culturelle, il faut investir sur l’informatique et la logistique, créer une organisation commune et puis changer la formation et les modes de rémunération.

En parallèle, pour aller vite, on a beaucoup travaillé à l’identification de relais de croissance. Nous avions en effet nos marchés forts structurellement en baisse, comme le marché du disque ou de la vidéo. Nous avons donc introduit cinq nouvelles familles de produits pour enrichir l’offre de la Fnac. Elles représentent aujourd’hui 20 % de nos 4 milliards d’euros de chiffre d’affaires à la Fnac. Et puis, nous avons développé des nouveaux formats de magasins. En trois ans, on a ouvert plus de soixante magasins, et on en ouvrira une trentaine, l’année prochaine, pour Fnac seulement. Mais on a ouvert des magasins avec un nouveau mode d’exploitation, en franchise, des magasins avec des formats adaptés, par exemple aux zones de gares et aéroports, les Fnac Travel, adaptés à la technologie, les Fnac Connect, des magasins reliés à tous nos outils digitaux.

Présentatrice

Merci beaucoup Alexandre. Olivier, qu’est-ce que vous dégagez de tout ce que vient de nous faire partager Alexandre ? Est-ce que vous voyez des ponts ou des similitudes avec la stratégie que vous menez à la BRED ?

Olivier Klein

Évidemment. Pour faire quelques points de comparaison, nous aussi, mais structurellement, vendons des choses qui sont totalement dématérialisées. On vend de l’argent, du crédit, de l’assurance… Tout ça est parfaitement dématérialisé, et donc peut parfaitement bien se passer d’un magasin a priori. Pourtant, les agences, à mon idée, ont un rôle crucial. Tu l’as dit tout à l’heure, y compris aux États-Unis, au fond, les distributeurs en ligne ne sont pas rentables encore aujourd’hui. En revanche, les distributeurs qui ne font que du magasin commencent à perdre de l’argent. La réalité qui est apparue à la Fnac, c’est celle à laquelle on croit ici, c’est la capacité à mixer les deux, à ne pas les opposer l’un à l’autre, mais au contraire à faire en sorte qu’ils se complètent et qu’ils engendrent plus de satisfaction client, plus de PNB pour nous, plus de capacité à faire un vrai travail de valeur ajoutée. Donc, on automatise tout ce qu’on peut, et en même temps on enrichit. Par le digital, on laisse l’humain agir pour ce qu’il peut apporter de meilleur en valeur ajoutée vis-à-vis du client.

Ce mix dans la façon de faire, cet omnicanal, représente une similitude entre nos deux façons de voir qui, je crois, est réelle et assez productive. En outre, nous faisons également en sorte que le système de rémunération des commerciaux prenne bien tout en compte, ce qui est vendu dans l’agence comme par internet, pourvu que ce soit un client du conseiller. Ce qui est remarquable à la Fnac – tu ne l’as pas cité –, mais c’est le redressement, parce que ça partait de loin.

Présentatrice

Une question tout de même, comment est-ce que les collaborateurs de la Fnac ont vécu tous ces changements ?

Alexandre Bompard

D’abord, à travers ce que j’ai dit, vous mesurez le niveau d’anxiété que pouvait susciter cette révolution digitale. Au fond, c’est l’ensemble des socles sur lesquels étaient établis à la fois l’entreprise, mais aussi les collaborateurs qui se sont effrités. Je n’ai évidemment pas de méthode magique, ce serait bien arrogant… D’ailleurs, si j’en avais une, je ne la communiquerai pas…

Présentatrice

Elle serait en vente à la Fnac, forcément.

Alexandre Bompard

Absolument. Je la vendrais très cher. Mais je n’en ai pas. Il y a quelques principes quand même, me semble-t-il.
Le premier élément qui est essentiel, pour vous, collaborateurs, quand les modèles sont très menacés, c’est la transparence. Donc, vous n’avez pas d’autres choix – et c’est un moment extraordinairement difficile –, que de nommer les choses. Au bout de quelques semaines, j’ai communiqué, sous toute forme, aux collaborateurs, la vision que j’avais de la situation. C’était une vision extraordinairement anxiogène. C’était un peu plus complexe que ça, d’autant qu’il y avait plein de choses qui avaient été faites avant par des managers de grande qualité, mais en gros, ça disait : « si nous continuons comme ça, la révolution est tellement puissante, qu’il n’y a pas d’avenir possible, l’issue est certaine ». Je l’ai fait à la fois avec pas mal de solennité et avec beaucoup de franchise dans les mots. C’était un moment extraordinairement difficile.
Ce message doit être immédiatement associé – parce qu’il ne faut pas tarder quand vous avez donné ce premier message – à un deuxième message qui est le diagnostic, la vision.

C’est le travail de pédagogie qui commence. Voilà ce que je crois possible, voilà la vision qui est la mienne. Si nous la suivons, si on y met toute notre énergie, si on y met tous les talents de l’entreprise, il y a un chemin. C’est un chemin qui n’est pas très large, mais il y a un chemin de transformation. Et pour rebondir sur ce que disait Olivier, immédiatement après, on va communiquer en permanence sur où nous en sommes, à la fois sur la transformation, mais aussi sur les résultats. Nous avons eu la chance que les résultats s’inversent assez rapidement, pour que les équipes puissent se dire qu’il y avait les premiers effets de la transformation, à la fois sur les métiers et dans les chiffres. Ça, évidemment, c’est extraordinairement important. Mais tout ça ne suffit toujours pas.
Il faut immédiatement après changer les organisations. Je donnais l’exemple de Fnac.com. Je suis allé voir les équipes de Fnac.com, et ceux qui les dirigeaient à l’époque, pour leur dire : « vous n’êtes plus le président de Fnac.com ». Le président de Fnac.com, ça ne m’intéresse pas. Ce qui m’intéresse, c’est ce que vous allez apporter à l’entreprise. Le digital est au service de tout le monde. Il y a une direction commerciale physique et digitale. Il y a une direction marketing physique et digitale. Il y a une direction d’exploitation physique et digitale. Donc, on va transformer radicalement les organisations.

Il y a deux derniers éléments qu’on a tendance à oublier. Le premier, c’est qu’il faut investir sur la formation des équipes. On le sait tous, le plus sûr moyen de faire remonter un résultat opérationnel de fin d’année, c’est de dire : je coupe la ligne, ça ne se voit pas pendant un ou deux ans, les partenaires sociaux ne sont pas très contents, mais c’est tout. En réalité, évidemment, c’est ce que vous pouvez faire de pire dans un modèle en transformation. Au contraire, il faut former. Nous avons donc investi puissamment dans la formation pour que la partie de nos vendeurs qui se sentait menacée et déclassée par cette transformation digitale puisse se dire : au fond, mon expertise est différente de celle d’hier, mais le digital me donne la possibilité d’être un expert d’une autre façon.
Le dernier point, c’est qu’il faut travailler aussi sur les modes de rémunération. Il y a encore quatre ans, vous alliez à la Fnac, vous ne trouviez pas le produit, si le vendeur vous disait – ce qu’il ne faisait évidemment jamais – que le produit était disponible dans les entrepôts, qu’il pouvait vous faire livrer en magasin ou à votre bureau, il n’avait pas d’intérêt à la vente.

Il a donc fallu changer les modes de rémunération – ça a l’air très simple, mais ça ne l’est finalement pas tant que ça – pour qu’il soit intéressé de la même manière à ce qui est vendu dans les magasins ou sur Fnac.com et sur les outils de mobilité. L’étape d’après, d’ailleurs, étant qu’il est intéressé y compris s’il n’a pas participé à la vente. Vous savez, c’est l’idée de zone géographique. Vous commandez cet après-midi ici, le chiffre d’affaires est imputé sur notre magasin de La Défense directement, qu’il ait été impliqué pas. C’est le stade un peu ultime qui montre que les deux sont complètement imbriqués.

On a un corps social, un corps syndical. Je parie toujours sur l’intelligence collective, c’est-à-dire l’intelligence collective des partenaires sociaux et sur l’intelligence collective du corps social. Il faut communiquer, communiquer, et encore communiquer. Il faut accepter le conflit, parce que j’ai eu des conflits, et j’en ai encore, avec les partenaires sociaux, sur un certain nombre de sujets. Mais ils le savent, je leur ai dit dès le départ, on ne reculera pas devant la transformation. On n’a pas le choix. Je ne le fais pas par esprit guerrier, je ne le fais pas par volonté de les affronter, mais ces mutations-là, on n’a pas d’autre choix que d’y faire face et de transformer l’entreprise. Ça passe par des moments un petit peu difficiles, mais quand le corps social adhère massivement – même si on sait qu’il y a une majorité silencieuse qui reste silencieuse –, c’est un peu plus facile que quand vous n’avez pas fait cet exercice de formation et de communication.

Présentatrice

Là encore, Olivier, ça doit vous parler.

Olivier Klein

Il y a beaucoup de parallélisme. D’une part, nous aussi, depuis quatre ans, on mène des transformations. On a tout fait en étant très transparents, très clairs et très participatifs, pour que chacun puisse apporter sa pierre et comprendre ces stratégies. Je pense que ça aussi, ça aide à faire le changement. Même si tout changement, toute transformation, brusque forcément un tout petit peu ici ou là, au total, tout le monde s’y retrouve, quand on comprend pourquoi et qu’on participe au comment. Ça, c’est très semblable.
Le deuxième point, c’est qu’on a beaucoup investi dans la formation, pour exactement les mêmes raisons. On a investi énormément aussi sur le digital, naturellement, pour les mêmes raisons. On essaye de faire vivre cela ensemble, en trouvant à chaque fois les bonnes complémentarités. On se ressemble beaucoup sur tout cela.

Dans notre métier, c’est la qualité du conseil qui va faire la différence. Les gens vont dans un magasin, pas seulement pour voir le produit, mais pour aussi ce qu’on peut leur apporter en plus de ce qu’ils ont vu sur Internet, d’où l’importance de la formation, d’où l’importance aussi d’ailleurs du digital apporté à chacun pour améliorer sa capacité à donner un bon conseil. On essaie de faire aussi ce que j’appelle pompeusement, mais pour sourire, « l’humain augmenté du digital ». C’est aussi une façon d’améliorer les choses et l’expérience client.

Donc, beaucoup de parallélisme, y compris dans la manière de transformer qui est évidemment aussi un art de la gestion.

Présentatrice

Alexandre Bompard, une dernière question. Évidemment, votre actualité, c’est le rachat de Darty. Est-ce que ça va avoir des impacts sur votre stratégie ?

Alexandre Bompard

J’avais une dernière conviction, c’est que la pression engendrée par l’e-commerce, par l’ensemble de cette transformation, par la dématérialisation des contenus et la pression concurrentielle d’Amazon a une conséquence logique, c’est celle de la consolidation du marché. Or, la consolidation, ça peut être négatif ou positif. On l’a vu dans plusieurs pays, il y a eu consolidation par disparition d’un certain nombre d’acteurs du même calibre que la Fnac. Chez nous, c’est Virgin. À plus grande échelle, en Angleterre, il y a eu Comet, qui appartenait aux mêmes actionnaires que Darty. Aux États-Unis, des circuits entiers de distributeurs disparaissent. Ça, c’est la version négative. Il y avait une version plus positive qui a aussi été expérimentée dans un certain nombre de pays. C’est une consolidation plus active, plus offensive, ce qu’ont fait notamment nos camarades de Dixon, en Angleterre.

J’avais vraiment la conviction que le marché allait se consolider. On a vu Carrefour/Rue du commerce, Casino/Cdiscount, et d’autres mouvements du même type. Je savais qu’il y aurait un mouvement de consolidation des acteurs restant autonomes. Après, la question, c’est : est-ce que vous allez être une cible ou vous allez vous-même cibler quelqu’un ? La deuxième question, c’est : si vous avez l’opportunité de cibler quelqu’un, quelle est la bonne cible ?
À la première question, les résultats que nous avions obtenus, la capacité à retrouver des résultats opérationnels solides, une rentabilité financière, une génération de trésorerie favorable, nous ont permis de nous mettre en position d’être à l’affût d’opérations. Nous étions donc dans la première catégorie. Après, quelle était la bonne cible ? Là, pour moi, l’acteur naturel, le partenaire naturel, c’était Darty, pour deux grandes séries de raisons. La première série de raisons, c’est que quand vous devez faire des opérations aussi complexes qu’une fusion, il faut le faire en ayant la conviction, me semble-t-il, que cela changera vraiment la donne, vous donnera une taille critique qui ensuite vous permettra de déployer une stratégie. Darty était cet acteur naturel, parce que Darty plus Fnac, c’est un acteur de 8 milliards d’euros de chiffre d’affaires, présent dans une douzaine de pays avec 40-50 000 collaborateurs, qui a donc la taille de résister dans ces pays à Amazon.

La deuxième raison, elle est plus offensive. Vous le savez, on est dans un pays où on voit toujours le verre très nettement à moitié vide. Moi, par tempérament, je suis construit un peu différemment. Je trouvais – et je trouve encore plus, maintenant que je dirige l’entreprise – qu’il y avait beaucoup de complémentarités entre les enseignes, j’allais même dire de similitudes. Je suis toujours intéressé par l’histoire des entreprises. Au fond, ces deux entreprises étaient nées de la volonté d’entrepreneurs – chez nous, c’était deux amis, chez Darty, c’étaient des frères – d’inventer une façon de faire du commerce différemment, de créer une nouvelle façon de faire du commerce. Ce sont donc deux aventures d’entrepreneurs, avec évidemment plein de différences, mais aussi plein de similarités récentes dans la stratégie omnicanal, dans cette volonté de combiner le physique et le digital. En même temps, il y avait vraiment une complémentarité nécessaire sur les produits, le maillage territorial, les équipes.

Forts de tout ça, on s’est dit que nous allions mener l’opération de rapprochement avec Darty. Elle s’est bien conclue, l’été dernier, à notre profit. Depuis nous sommes dans cette phase d’intégration qui est un moment, que certains d’entre vous ont sans doute vécu professionnellement, absolument passionnant. Il ne remet pas en cause la matrice stratégique, parce que la bonne nouvelle, c’est que nous avions les uns et les autres cette idée que la combinaison du physique et du digital était la bonne voie. Darty l’avait annoncé à partir de 2013. Mais, ça remet en cause évidemment nos organisations.

On a eu un principe directeur à cette fusion, qui est un groupe et deux enseignes, autrement dit nous conservons les deux enseignes. Pour nos clients, il restera toujours des magasins Fnac et des magasins Darty, ainsi qu’un site Internet Fnac et un site Internet Darty. En même temps, l’ensemble de nos organisations, de nos directions, de l’entreprise se mettent au service de ces deux enseignes-là. Ça veut dire que nous allons travailler à des systèmes communs. Nous sommes dans ce moment-là où, avec un Comex désormais commun, avec des groupes de travail qui réunissent des collaborateurs des deux équipes, nous mettons en place l’organisation, nous délivrons les synergies qui sont le fruit de la réunion, de la combinaison, du mariage de la Fnac et de Darty.

Présentatrice

Merci beaucoup, Alexandre, pour toutes ces explications. Je pense qu’on peut applaudir bien fort Alexandre Bompard.

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Banque

De la transformation nécessaire des institutions financières dans un marché incertain

Cette table ronde réunissait :
– Séverin Cabannes, directeur général délégué de la Société Générale,
– Yves Perrier, directeur général d’Amundi et directeur général adjoint en charge du pôle Epargne, Assurances et Immobilier, Crédit Agricole S.A,
– Olivier Klein, directeur général de la BRED et professeur d’économie finance à HEC.


Quelles transformations des banques face aux grands enjeux qui sont les leurs ?

Quel est le rôle fondamental des banques ?

Le rôle premier d’une banque consiste à assumer le risque financier à la place des acteurs économiques. La banque gère ce risque de façon professionnelle et réglementée. Les trois risques que prennent les banques pour le compte des acteurs économiques sont le risque de contrepartie, le risque de liquidité et le risque de taux d’intérêt.

Si, au prétexte qu’il serait dangereux que les banques assument une part importante de ces risques, alors qu’elles sont constitutivement faites pour cela, le régulateur limitait trop leur capacité à jouer leur rôle, le risque se logerait naturellement ailleurs. Par construction, dans l’économie, les agents économiques, ménages et entreprises, qui disposent de capacités de financement cherchent à placer plutôt sur le court terme, de par leur préférence pour la liquidité.

Ces placements, via les banques, notamment en Europe, se font auprès d’autres ménages ou entreprises, qui cherchent à emprunter plutôt sur le long terme. Ce qui engendre inévitablement des risques de crédit, de taux et de liquidité. Si les banques ne portent plus ces risques ou les portent moins, alors par construction ces derniers se répartissent directement sur les particuliers et les entreprises ou indirectement via les investisseurs institutionnels.
Il faut donc veiller à ce que la réglementation, légitime dans la sphère financière car la finance est procyclique par nature, n’entraîne pas de risques supplémentaires. Si elle devait imposer trop de contraintes aux banques, elle pourrait repousser le risque initialement pris par les banques vers des sphères moins réglementées. Avec pour conséquence la génération possible de nouveaux risques systémiques. Les assureurs sont globalement soumis à une forte réglementation, mais elle ne concerne pas toujours l’activité de crédit, alors que leur savoir-faire en la matière est moins avéré que celui des banques. Les fonds ne sont , quant à eux, pas régulés ni en termes de crédit ni de liquidité.

Ce déplacement du risque systémique doit donc être envisagé par le régulateur d’un point de vue global. Trop limiter le risque pris par les banques revient à sous-estimer leur rôle économique fondamental. Cela ne signifie pas qu’il ne fallait pas imposer une augmentation des ratios de solvabilité bancaire, introduire des ratios de liquidité etc., et réagir ainsi à la crise de 2007-2008. Bien au contraire, mais c’est une question de mesure.

Quelles évolutions à court terme pour les modèles opérationnels des institutions financières ?

Les banques doivent appréhender trois changements majeurs dans l’exercice de leur activité : comme nous l’avons évoqué plus haut, une réglementation durcie, mais aussi la question du très faible niveau des taux d’intérêt et la vague du digital.

S’agissant du réglementaire, in fine, les réformes auront imposé à terme un quasi-doublement des fonds propres pour les banques, pour faire face à la même quantité de risque embarqué, c’est-à-dire pour maintenir les mêmes activités. On observe d’ailleurs, depuis 2007, que les banques européennes sont sur cette voie, dans la mesure où elles ont augmenté d’ores et déjà à peu près des deux tiers leurs fonds propres. D’une part, augmenter les fonds propres avec le même niveau d’activité et de risque signifie naturellement une baisse de la rentabilité. Ce qui fait aujourd’hui systématiquement passer la rentabilité des capitaux propres en-dessous du coût du capital. Dans cette configuration, soit le coût du capital s’abaisse, les marchés acceptant que les banques soient moins rentables puisque par construction elles sont moins risquées, et le coût du capital s’abaisse en conséquence, soit nous sommes confrontés à un problème durable, qui devra se résoudre d’une manière ou d’une autre.

D’autre part, il faut considérer que si les banques n’augmentent pas suffisamment leurs fonds propres, elles doivent naturellement réduire leurs activités. Est-ce le cas ? Heureusement, en France en particulier, les banques ont jusqu’à présent continué à faire crédit sans rationnement. C’est moins vrai dans le sud de l’Europe. A cela près que la demande de crédit n’a pas de son côté retrouvé les niveaux de croissance élevés antérieurs. Si la demande de crédit devait s’avérer plus importante, les banques seraient sans doute davantage gênées.

Ici se pose une question relative au financement de la croissance. En France, si l’on ajoutait à Bâle 3 ce qu’envisage à ce stade d’exiger Bâle 4 en termes de ratio de solvabilité, en l’état de nos connaissances, la production de crédit s’en ressentirait.

S’il peut paraître rassurant de penser que la finance de marché peut pallier cela, il ne faut pas oublier qu’en Europe elle est en réalité très minoritaire dans le financement global de l’économie. Or le financement bancaire revêt différents avantages, notamment celui de la plus grande stabilité du système financier et du financement de l’économie, dès lors que les banques sont bien réglementées et supervisées. Ce ne sont d’ailleurs pas les banques françaises qui ont le plus souffert de la crise de 2007-2008. En outre, le modèle européen, s’il s’adapte pour développer davantage la finance de marché, mettra du temps à le faire. Dans l’intervalle, il y a un risque sur la croissance, qui représente pourtant entre autres la meilleure des solutions aux problèmes de fort endettement. Au total, les grands groupes bancaires mondiaux ont été en réalité contraints de céder des activités ou à tout le moins de revoir leur portefeuille d’activités pour faire face à la montée d’exigence des fonds propres réglementaires. Ce qui n’est pas identifié comme étant suffisamment en synergie peut être cédé, ce qui recompose évidemment pour partie le paysage bancaire et financier, notamment pour ce qui est des activités hors du sol national des banques.

Autre problématique, celle des taux d’intérêt. Les niveaux très bas de taux d’intérêt, voire négatifs, perturbent les conditions d’exercice des banques. La simple observation de l’évolution des marges nettes d’intérêt de l’ensemble des banques françaises en 2015 fait apparaître que la moitié d’entre elles ont connu une réduction de leur marge nette d’intérêt, contre une stagnation ou une légère augmentation pour l’autre moitié. L’explication résidant évidemment dans l’impact très négatif des taux d’intérêt sur les marges nettes d’intérêt des banques, mais aussi dans un effet volume qui a pu compenser l’effet taux. Si l’on considère la somme des banques, la tendance en 2015 a été très légèrement positive avec un effet volume favorable, pour partie dû à l’action des banques centrales. La baisse des taux a donc joué son rôle de relance de la dynamique  de la croissance et de soutien au crédit.

En revanche, au premier semestre 2016, avec la poursuite de la baisse des taux d’intérêt et l’écrasement des marges nettes d’intérêt, le PNB des banques commerciales France, considérées comme un agrégat, a évolué négativement. L’effet volume n’a pas été suffisant pour compenser l’effet taux d’intérêt.

Plusieurs facteurs sont cependant à prendre en compte : l’effet de la baisse des taux qui peut en outre produire des plus-values grâce à la présence éventuelle de titres obligataires à taux fixes dans les bilans, mais ce facteur n’est pas fondamental ; une baisse du coût du risque de crédit enfin, due à une légère reprise économique. Ce dernier facteur est très visible en 2015 et plus encore au premier semestre 2016 et a permis sur ce semestre de compenser l’effet taux négatif et l’effet volume insuffisant. Autrement dit, s’il n’y avait pas eu de baisse du coût du risque au premier semestre, les résultats agrégés des banques commerciales France auraient été baissiers. Ils ne l’ont pas été parce que le coût du risque a baissé plus vite que la marge nette d’intérêt.

Cette dynamique n’est pas récurrente et le coût du risque ne peut s’abaisser indéfiniment alors que l’effet des taux d’intérêt longs, s’ils restaient durablement bas, serait récurrent. Pour différentes raisons, dont cette dernière, il faut espérer que la banque centrale remonte ses taux très progressivement, mais sans trop tarder. Il est d’ailleurs possible de conserver des taux bas, sans être proches de zéro, car la situation de la croissance peut l’exiger, mais de recréer une pente de la courbe des taux suffisante. D’une part, l’effet des taux très bas, voire négatifs, semble s’épuiser d’un point de vue macro-économique et, d’autre part, si les résultats des banques sont durablement touchés, elles seront moins capables d’offrir les crédits nécessaires, en respectant en parallèle la hausse des ratios de solvabilité.

Le dernier point, non moins intéressant, est celui de l’impact du digital. Nous observons tous une forte baisse de la fréquentation des agences, mais est-ce un problème ou une excellente opportunité de nouer une relation renforcée et à plus forte valeur ajoutée avec nos clients ? Si ces derniers vont moins en agence, c’est qu’ils y réalisent moins d’« opérations transactionnelles » (virement, dépôt de chèque ou retrait d’argent, par exemple) et ceci parce que le digital leur offre la possibilité de faire de nombreuses opérations via leur téléphone mobile ou tout autre outil à distance, tout comme des automates le permettent sans solliciter un conseiller et sans attendre.

Il existe en Europe des modèles de banques essentiellement fondés sur le transactionnel. Celles-ci ont des raisons d’être inquiètes et de réfléchir à l’avenir de leur réseau car elles n’ont ni la vocation, ni la culture pour développer d’autres activités. Si l’on considère le cas des banques en France, elles sont plutôt organisées autour d’un modèle relationnel fort et transactionnel.

L’automatisation et la digitalisation des opérations transactionnelles peuvent donc constituer une chance d’augmenter leur productivité commerciale et de bien mieux déployer les forces commerciales autour d’un modèle de relation globale avec le client, en  renforçant le relationnel à valeur ajoutée fondé sur le conseil. Pour cela il faut évidemment beaucoup investir sur le digital parce qu’il permet d’améliorer et de faciliter le quotidien de nos clients comme celui de nos commerciaux et de nos « middle et back offices », tout en permettant d’enrichir la valeur ajoutée commerciale en nous appuyant sur la puissance du big data et de l’intelligence artificielle. Nous augmenterons alors progressivement la capacité de valeur ajoutée de nos commerciaux. Quant à envisager un modèle où le conseil se fera sans commerciaux, pour des raisons de modèle global de relation et de psychologie des clients, nous ne sommes pas convaincus que cette perspective puisse être réellement opérationnelle. Ce que j’appelle « l’humain augmenté du digital »a probablement un grand avenir.

Une bonne politique d’optimisation de la distribution et de l’organisation du réseau d’agences comme une valeur ajoutée renforcée associée à un développement du modèle relationnel bancaire, qui exigent beaucoup de transformation et d’investissement tant sur le capital humain que sur le digital, peuvent permettre de sortir par le haut sans obligatoirement nécessiter un fort abaissement du nombre d’agences et de commerciaux. Bien entendu, il faut prendre sérieusement en compte le développement des Fintech avec leur capacité d’ « ubérisation » et de désintermédiation des banques, mais notre conviction est que la banque relationnelle dotée d’un modèle global de relation peut se battre avec de bonnes armes car elle détient directement les clients. Sous réserve qu’elle améliore encore la gestion de leurs données pour renforcer encore leur modèle relationnel global.

La richesse, notamment dans un monde digital, vient de la capacité à détenir beaucoup de clients, dont on peut utiliser efficacement les données pour contribuer à leur apporter une plus grande valeur ajoutée et à mieux les fidéliser. C’est la clé. Dans le secteur des Fintech, on constate d’ailleurs de premières sérieuses  difficultés, notamment aux Etats-Unis, faute d’avoir des clients par elles-mêmes, même si certaines d’entre elles sont promises à  un bel avenir, notamment dans le cadre d’association avec des banques. Les banques ont au contraire une très grande force fondée sur leur capital de clients qui leur permet d’être offensives, d’intégrer éventuellement des Fintech et de développer des processus digitaux. Ce qui permet de produire des propositions intéressantes de service et de conseil à leurs clients. Mais, au côté de ce modèle de banque,  plusieurs autres modèles émergent déjà et pourront coexister demain sur un même territoire.

Même si les vents sont contraires, les sorties par le haut sont possibles. Mais il faut que la réglementation n’aille pas beaucoup plus loin dans les contraintes mises en place ou révise même certaines d’entre elles pour éviter de déplacer l’origine des crises systémiques. Il faut également que nous sortions des taux très bas ou tout du moins nous ne restions pas sur une courbe des taux quasi plate. Enfin, le digital est une réelle chance pour redévelopper une industrie bancaire attractive, tout en améliorant son efficacité opérationnelle et son modèle de relation globale, ce dernier étant l’un des points forts des banques françaises sur lequel il est possible et nécessaire de capitaliser. Même si d’autres modèles bancaires pourront coexister demain.

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« La banque de réseau augmentée du digital », publié dans Revue Banque, mai 2016

La révolution digitale a transformé la relation qu’entretenaient jusqu’à présent les clients particuliers avec leur banque. Elle nous oblige à réinventer notre métier, tout en nous appuyant sur les invariants de la demande de banque des clients, comme sur nos atouts structurels.

Le digital engendre pour chacun un nouveau rapport au monde, une nouvelle façon de penser le temps et l’espace, une autre manière de concevoir l’information, les connaissances et l’autonomie d’action. De fait, il induit une série de révolutions en chaîne dans notre vie quotidienne, comme dans l’entreprise. La banque, et plus spécifiquement la banque commerciale, n’échappe pas à ces bouleversements.

Les clients utilisent de plus en plus Internet et toutes ses applications et se déplacent de moins en moins en agence : la fréquentation des agences a été divisée par trois entre 2008 et aujourd’hui. Toutefois, la baisse s’est essentiellement faite sur les sujets de banque au quotidien : les opérations courantes comme les virements de compte à compte, le suivi des opérations, etc. Les rendez-vous en agence n’ont pour leur part que très légèrement baissé et ont été plus que compensés par des rendez-vous téléphoniques. Les rendez-vous à valeur ajoutée ont augmenté, ce qui nous satisfait : nous préférons que nos commerciaux conseillent leurs clients plutôt que d’être cantonnés à des tâches sans valeur ajoutée telle que la remise de chéquiers ou la gestion de l’argent liquide. Nous nous réjouissons donc que nos clients utilisent les outils à leur disposition et gagnent en autonomie, ce qui permet à nos conseillers de se consacrer à une relation créatrice de valeur, pour le client comme pour la banque.

Adaptation au nouveau monde

Mais cette révolution technologique pousse très légitimement les clients à être de plus en plus exigeants vis-à-vis de leur banque. Si les banques ne s’adaptent pas, elles se feront dépasser par des banques en ligne qui apportent souvent aujourd’hui plus de praticité à moindre coût – mais souvent sans offrir de conseiller attitré – ou elles disparaîtront, le cas échéant, au profit de modèles disruptifs.

À la condition de poursuivre sa mue et son adaptation au nouveau monde, d’intégrer toute la « révolution client », la banque de réseau à valeur ajoutée pourra probablement rester au cœur de la relation bancaire. Pour cela, deux types d’évolutions à forte valeur ajoutée doivent être approfondis.

Nous devons proposer une banque plus pratique, ce que nous sommes en train de réaliser, grâce à l’intégration progressive du digital et à la révision des process. Avec la révolution technologique, de nombreuses démarches se font à distance ; plus personne ne supporte de faire la queue, d’attendre, de se déplacer sans nécessité. Les banques n’étaient pas jusque-là des exemples de praticité. Dans le passé, par exemple, nos conseillers n’étaient pas faciles à joindre. Depuis quelques années maintenant, la configuration a déjà changé : les clients de la BRED peuvent joindre directement leur conseiller, par téléphone ou par mail, sans se perdre dans les arcanes des serveurs interactifs de plates-formes téléphoniques anonymes. Nous devons également bien prendre en charge les réclamations ou problèmes éventuels des clients, ce qui implique des évolutions dans nos pratiques.

Simplicité et praticité

Améliorer l’« expérience client » est en effet fondamental. Le parcours client doit être fluide, efficace et transparent. Par exemple, l’ouverture d’un compte, très simple dans une banque en ligne, est dorénavant aussi simple chez nous. Un autre exemple, sensible pour nos clients, est la souscription d’un crédit immobilier : alors que le parcours pour obtenir un prêt immobilier se réalise déjà dans des délais très courts, très prochainement, nos clients seront informés de l’avancée de leur dossier à chaque étape, par SMS ou par mail, selon leur choix. Ils pourront consulter leur dossier numérique et, le cas échéant, le compléter en ajoutant les pièces manquantes directement en ligne. Tout cela grâce au numérique, qui permet d’améliorer considérablement la simplicité et la praticité pour le client.

Il est également essentiel de prendre l’initiative vis-à-vis de nos clients. La proactivité que nous mettons en œuvre est facteur de succès. Nous sommes très bien reçus par nos clients si nous les appelons proactivement, et de façon intelligente, pour leur parler de leurs besoins et de leurs projets. La vente à distance a également son importance ; elle nécessite de s’adapter finement aux comportements et caractéristiques de chaque client. Selon son mode de vie et ses problématiques, mais aussi selon le moment où il désire s’adresser à sa banque, un client peut vouloir se déplacer à l’agence, pour aborder un sujet en relation directe avec son conseiller, ou bien traiter à distance, par mail ou par téléphone, avec ce même conseiller ; une fois que le sujet et la vente sont traités, la banque peut lui adresser un contrat, sous format digital ou par la Poste, à sa préférence. La vente à distance est donc une facilité que nos clients apprécient.

Qualité du conseil

Le deuxième grand sujet est la qualité du conseil. Le digital a en effet augmenté le besoin en compétence du conseiller, l’accès à l’information et à la comparaison étant banalisé par Internet. Il est évident que 100 % de nos conseillers ne seront pas compétents sur 100 % de la gamme, mais 100 % de nos conseillers sont spécialisés en fonction des segments de clientèles qu’ils suivent, pour être capables de leur apporter la compétence voulue en fonction des besoins spécifiques rencontrés. Nous poursuivons donc la segmentation en fonction des profils de clientèles, pour positionner les bons conseillers en face des bons clients. Évidemment, la gamme proposée n’est pas non plus strictement identique en fonction du type de clientèle. Les projets de vie, grands ou petits, peuvent nécessiter de l’épargne, du crédit ou de l’assurance. Si cela est traité séparément, le client a le sentiment d’être cloisonné ; traité globalement, nous lui apportons valeur ajoutée et confort.

La qualité du conseil est en outre grandement améliorée par le temps que passe un conseiller à suivre les mêmes clients. Le digital a là aussi une importance déterminante : les banques possèdent une richesse de données exceptionnelle par rapport à d’autres distributeurs et, bien travaillées, elles permettent de combiner la compétence et la relation de proximité forte de leurs conseillers avec la puissance du Big Data et de l’intelligence artificielle, pour répondre le mieux possible aux projets de vie des clients. Comme nous le disons aux Banques Populaires, c’est proposer à nos clients « le meilleur de l’humain et du digital ». C’est ce que nous appelons aussi la banque sans distance, une banque qui abolit les distances physiques et temporelles, grâce à la meilleure combinaison des technologies et de l’humain.

Personnalisation

Les FinTech peuvent-elles à leur tour venir menacer les modèles de banque, qu’elles soient à réseau, augmentées des nouvelles technologies, ou en ligne ? Cette question ne peut être sous-estimée. Grâce à la généralisation des technologies mobiles et au développement de la capacité d’exploitation des gisements de données, les FinTech pourraient en effet attaquer différents segments de marché des services financiers : des moyens de paiement au crédit, en passant par l’épargne ou l’affacturage. Cela produira-t-il une véritable « désagrégation » de la relation bancaire, au profit de sociétés qui capteraient, chacune, une partie de la chaîne de valeur ? Ce risque est encore accru par la directive européenne DSP2 qui ouvre à tous le marché des services financiers, notamment aux agrégateurs, leur permettant alors d’agir en tant qu’opérateurs. Pour l’instant, ils n’ont pas désintermédié la banque qui reste l’opérateur et le lieu de la relation globale avec le client. Ils se contentent d’être de simples agrégateurs, capables de rassembler tous les comptes d’un client qui dispose de différentes banques, pour lui donner à tout moment un récapitulatif global de ceux-ci. Demain, ils auront en outre la possibilité de réaliser des opérations de virements de compte à compte, voire même de leur pousser des propositions commerciales en provenance de tiers. Les clients n’auraient alors plus grande nécessité d’aller sur leurs sites bancaires, engendrant ainsi un risque accru de désintermédiation. Ce qui implique cependant d’importants enjeux de sécurité, car les agrégateurs doivent pouvoir disposer des codes d’accès personnels pour obtenir les informations du compte bancaire ou pouvoir effectuer des opérations.

La question de l’après se pose de façon cruciale, car l’on pourrait connaître une généralisation de services fondés sur l’intelligence artificielle, les fameux « robots conversationnels », dont l’objectif serait de proposer automatiquement des produits aux clients avec une pertinence certaine, puisque fondée sur l’analyse de tous les comptes des clients. Nous pourrions ainsi imaginer qu’un agrégateur, associé à un outil d’intelligence artificielle et doté de la capacité d’envoyer aux clients des SMS et des mails avec des propositions adaptées, puisse devenir un substitut, beaucoup plus efficient même, au conseiller personnel.

Mais les banques, comme les assureurs, les mutuelles de santé, etc., sont quasiment toutes en train d’acquérir ou de fabriquer des agrégateurs. La surabondance d’agrégateurs pourrait donc ne pas produire le résultat redouté. La réponse est peut-être dans la capacité de chaque banque de disposer de son agrégateur et de l’associer à un modèle de relation clients encore plus vertueux. Car si nous valorisons et améliorons encore le modèle de relation global, il n’est pas certain que les clients aient intérêt à « éclater » davantage leur relation bancaire. Les particuliers reçoivent d’ailleurs déjà un nombre important de mails et/ou SMS publicitaires qui les sollicitent en permanence, malgré le développement de systèmes permettant de les bloquer. Face à la surabondance future de ces sollicitations et à la saturation qui s’ensuivra, l’échange téléphonique avec son conseiller attitré, ajouté aux envois de SMS et mails pertinents par la banque, pourra représenter une valeur ajoutée nettement plus forte, précisément parce qu’il se différenciera positivement, par une véritable personnalisation de la relation et l’apport spécifique dudit conseiller. D’ores et déjà, sur l’ensemble des propositions commerciales réalisées par SMS et mails envoyés à nos clients, le taux de transformation en vente est multiplié par dix lorsque le conseiller attitré du client appelle par la suite pour transformer l’essai.

Par ailleurs, les FinTech n’auront pas toutes les capacités de se développer par elles-mêmes concurrentiellement à certaines activités des banques. Elles commencent ainsi à passer à une relation de coopération qui peut prendre la forme de rachats de certaines Fintech par des banques ou de partenariat relatifs à l’intégration de certains aspects de leurs innovations dans l’offre bancaire.

Complémentarité des approches digitale et physique

Il est très vraisemblable que, comme dans tous les autres secteurs de la distribution, le modèle dominant soit in fine celui d’une complémentarité intime des approches digitales, peu nombreuses à être rentables dans le monde lorsqu’elles sont le seul canal utilisé, et des modèles physiques qui, s’ils devaient rester purs, seraient certainement condamnés à disparaître. On observe déjà d’ailleurs dans la grande distribution une convergence des modèles vers le mix humain-digital. Amazon annonçait récemment, par exemple, la création de 400 librairies physiques. Ajoutons que, dans la banque, qui plus est, nous traitons de l’argent et des projets de vie et d’entreprise, ce qui nécessite encore davantage de confiance et de relation de long terme. Nous traitons effectivement de sujets à forte charge émotionnelle et impliquant le temps long, la sécurité, le patrimoine, la transmission… et probablement un contact humain.

Bien entendu, plusieurs approches peuvent coexister, mais si nous évoluons vite et bien, le modèle dominant pourra rester celui de la banque, non pas classique ou traditionnelle, mais de réseau, augmentée du digital.

Lire l’article en PDF –  Revue Banque – La banque de réseau augmentée du digital – mai 2016

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« L’avenir de la banque à l’heure du digital »

Lors d’une table ronde, organisée par le cabinet CARLARA et animée par Me Edouard de LAMAZE, avocat à la cour d’appel de Paris, associé co-gérant du cabinet Carbonnier, Lamaze, Rasle et Associés (CARLARA), Mme Marie CHEVAL, inspectrice des finances, administratrice-directrice générale de Boursorama, membre du comité de direction de la Société Générale, et M. Olivier KLEIN, directeur général de la BRED Banque Populaire, professeur d’économie et finance à HEC, ont débattu de l’avenir de la banque à l’heure du digital.

Lire l’article – L’avenir de la banque à l’heure du digital – Marie Cheval et Olivier Klein

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« Le coût du passif des banques baisse moins vite que les taux du marché » Publié dans l’Agefi Hebdo , février 2016

Quel est l’effet des taux négatifs sur les marges bancaires ?

Quand les taux baissent, comme les banques prêtent à long terme et empruntent à court terme, l’effet commence par être favorable. Après environ un an toutefois, la marge d’intérêt diminue car les ménages gardent leurs dépôts contractuels à taux élevés, alors que les taux des ressources des banques suivent les taux réglementaires variant eux-mêmes moins que les taux courts. Ainsi, le coût du passif baisse moins vite que les taux de marché. A l’actif d’autre part, le taux des crédits baisse plus vite suite aux renégociations et au renouvellement des prêts. En outre, la politique de QE (quantitative easing) de la Banque centrale européenne (BCE) se répercute sur les taux longs, ce qui abaisse d’autant les taux de marge nette d’intérêt. Les taux négatifs posent un problème de plus : ils ne peuvent pas être répercutés sur les dépôts des clients. A l’actif, les banques ne prêtent pas à taux négatif, ce qui est juridiquement interdit. Mais au total, la marge nette, qui a pu frôler les 6 % au début des années 90, s’est établie aux environ de 2 % depuis quelques années.

Comment les banques vont-elles faire évoluer leur activité ?

En plus de fixer aujourd’hui son taux de dépôt à -0,30 % pour notamment inciter les banques à prêter davantage, la BCE induit, via le QE, la baisse des taux longs pour inciter les acteurs économiques à emprunter davantage. La baisse des taux longs présente aussi l’avantage, toutes choses égales par ailleurs, de faire croître la valeur des actifs patrimoniaux, créant un effet de richesse. Au total, les effets macroéconomiques sont plutôt positifs, la déflation semble évitée et le crédit est soutenu. En pratique, les placements des institutionnels peuvent supporter des taux négatifs. Les dépôts des entreprises non financières bénéficient en moyenne d’un taux nul, les banques en France ne pouvant aujourd’hui leur appliquer des taux négatifs. Les particuliers opteraient de toute façon pour la détention de cash.

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Banque Finance Politique Economique Zone Euro

Institut Messine – Taux d’intérêt négatifs, le regard d’Olivier Klein, février 2016

SOMMAIRE

Remerciements

Avant-propos par Michel Léger

Introduction générale à la problématique des taux d’intérêt négatifs par Michel Aglietta et Natacha Valla

Robert Ophèle, Sous-gouverneur de la Banque de France

Maya Atig, Directrice générale adjointe de l’Agence France Trésor

Jesper Berg, Directeur général de l’Autorité de surveillance financière du Danemark

Philippe Capron, Directeur général adjoint de Veolia, en charge des finances

Jean-Jacques Daigre, Professeur émérite de droit bancaire et financier

Ramon Fernandez, Directeur général adjoint d’Orange, en charge des finances et de la stratégie du groupe. Ramon Fernandez occupait auparavant les fonctions de Directeur du Trésor et de Président de l’Agence France Trésor

Marc Fiorentino, Dirigeant fondateur d’Euroland Corporate

Hervé Hannoun, ancien Directeur général adjoint de la Banque des règlements internationaux

Philippe Heim, Directeur financier de Société Générale

Denis Kessler, Président-Directeur général de SCOR SE

Olivier Klein, Directeur général de la BRED, Professeur affilié à HEC en économie et finance, co-responsable de la Majeure « Managerial and Financial Economics » et du Mastère spécialisé du même nom

Le regard d’Olivier Klein* 

Quelle est votre opinion sur la complexité conceptuelle des taux négatifs ? Pensiez-vous, en tant que « patron » de banque et professeur d’économie, connaître un jour une telle situation ?

Le concept même de taux négatif est un peu troublant et si particulier que je ne pensais pas y être moi-même confronté un jour. Certains acteurs économiques s’y adaptent plutôt bien : certains de nos clients institutionnels placent désormais chez nous de l’argent à taux négatif. Ils préfèrent le placer chez nous à – 0,15 % qu’ailleurs à – 0,20 %.

Les taux négatifs s’expliquent par la configuration macroéconomique actuelle. La Banque centrale européenne (BCE) tente, avec ces taux négatifs, de retrouver un niveau d’équilibre épargne-investissement plus favorable à la croissance pour conjurer ce que certains décrivent comme la menace d’une stagnation séculaire. Mais il s’agit également « simplement » d’une période d’ajustement après une phase d’endettement excessif, comme cela s’est observé très souvent depuis le XIXe siècle après une crise financière. En tout état de cause, ce que recherche la BCE, c’est d’inciter les agents à ne pas laisser l’argent dormir et à investir, et les banques à faire crédit, mais aussi à favoriser le désendettement, en maintenant des taux bas par rapport aux taux de croissance nominal.

Pour le moment, l’usage des taux négatifs est limité au champ des opérations entre institutionnels et professionnels de la finance. Ce n’est pas encore le cas des entreprises en France – alors que des entreprises commencent elles aussi à déposer à taux négatif dans certains pays d’Europe.

On touche d’ailleurs là une limite très matérielle de la capacité du système à répercuter la baisse des taux dans toute l’économie : ni le système bancaire, qui a besoin des dépôts pour faire des crédits, ni les autorités pour des raisons fiscales et de sécurité, ne peuvent se permettre de négliger l’attrait que pourrait avoir, en particulier pour les ménages, le cash comme alternative à des dépôts portant un intérêt négatif. La France semble relativement préservée de ce risque par rapport à certains pays comme l’Allemagne, où la culture du cash est beaucoup plus développée.

Selon vous, pour quelles raisons a-t-il été nécessaire de mettre en place des taux négatifs en zone euro alors que le Royaume-Uni et les États-Unis, qui ont pourtant eu recours à des politiques non-conventionnelles, n’y ont pas fait appel ?

Cela s’explique à mon avis par l’existence d’un risque de déflation plus marqué en zone euro qu’aux États-Unis, et que la BCE a, à juste titre, absolument voulu conjurer. Cela tient notamment à la crise de la zone euro, qui nous a valu un second ralentissement économique au sortir de la crise de 2008, due à la nature incomplète de notre union monétaire qui engendre un léger « biais déflationniste ». On peut aussi invoquer le moindre impact de l’« effet richesse » : aux États-Unis, la baisse des taux a rapidement permis un redressement de la valeur des actifs, en particulier de la bourse, qui s’est traduite par une reconstitution de la valeur de l’épargne des ménages – laquelle est, outre-Atlantique, bien plus investie sur les marchés en raison de l’importance des fonds de pension. Au total, il était nécessaire, en zone euro, de frapper encore plus fort sur les taux. Mais c’est une question de quantum, et pas de principe : la BCE n’est pas entrée en territoire négatif pour y entrer, mais pour baisser les taux autant que nécessaire, et la Banque d’Angleterre et la Fed ne sont pas restées en territoire positif pour éviter les taux négatifs, mais parce que les taux zéro étaient suffisants dans leurs cas respectifs.

Comment la rentabilité des banques de détail est-elle impactée par l’environnement de taux négatifs ?

Il faut distinguer l’effet de taux d’intérêt qui baissent et celui de taux négatifs. Structurellement, une banque prête à long terme et se refinance à court terme. En général, comme nous prêtons, en France, à taux fixe, il y a moins d’hystérésis à très court terme au passif qu’à l’actif des banques – autrement dit, si les taux baissent au même rythme sur toutes les échéances, le coût d’une partie de nos ressources diminue immédiatement, tandis que le produit des prêts ne décroît qu’avec le temps, au fur et à mesure du renouvellement de notre portefeuille de prêts. Ainsi, une baisse homothétique de la courbe des taux jouera en faveur des banques la première année.

Néanmoins, cette situation n’est que temporaire car, très rapidement, l’entrée en portefeuille de nouveaux crédits accordés à des taux inférieurs, l’amortissement des anciens crédits à taux supérieurs, mais aussi les demandes de renégociation de leur crédit immobilier formulées par les clients particuliers, provoquent une baisse des taux de nos actifs plus rapide que celle de nos passifs, qui contiennent beaucoup de ressources indexées sur les taux réglementés, variant moins rapidement. Cela nous amène à des taux de marge d’intermédiation détériorés, mais dans un quantum supportable et gérable. Puis, à terme, quand la courbe de taux se stabilise, si la pente de la courbe est restée constante, la marge nette d’intérêts se reconstitue peu à peu.

Ce qui se passe aujourd’hui est différent. D’abord, la marge nette d’intérêt se trouve comprimée par l’évolution du différentiel entre le taux long et le taux court, c’est-à-dire la pente de la courbe des taux. Les banques centrales cherchent en effet depuis deux ans à gouverner et à faire baisser non seulement les taux courts, qu’elles fixent toujours plus ou moins directement, mais aussi, ce qui est nouveau, les taux longs par des politiques de Quantitative Easing (QE) et par une gestion habile des anticipations des agents dans le cadre de la forward guidance.

Cette politique fonctionne bien, ce qui conduit à un écrasement de la courbe des taux, donc de la marge d’intérêt des établissements bancaires.

Les taux négatifs introduisent un élément additionnel, contrariant pour notre business model. Dès lors que, pour l’essentiel, nous ne répercutons pas la baisse des taux à nos déposants en deçà de zéro, la baisse du coût de notre ressource se heurte à une butée. Pour résumer, le produit de nos prêts, corrélé à des taux longs qui baissent, diminue, tandis que notre refinancement a un coût qui ne peut plus diminuer parallèlement, compte tenu de l’impossibilité de faire passer la rémunération de l’essentiel des dépôts en territoire négatif.

La pente des taux s’écrase ainsi encore davantage. On voit bien que cette situation est très défavorable à la rentabilité de nos établissements. Notre marge nette d’intérêt, qui a pu frôler les 6 % au début des années quatre-vingt-dix, plafonne à 2 % depuis des années et nous sommes tous rentrés, depuis 2014-2015, dans une phase de baisse graduelle supplémentaire, qui va s’accentuer encore les années prochaines, avec l’amortissement de nos crédits anciens à taux plus élevés et l’entrée en vigueur de nouveaux crédits à taux très bas.

Cette évolution sera durable, et il faut que les banques se résignent à vivre assez longtemps dans un contexte de marge d’intérêt très réduite : le mouvement ne peut pas, selon moi, s’inverser avant au minimum deux ou trois ans dès lors que la « repentification » de la courbe des taux s’opérera seulement dans le temps eu égard au faible taux de croissance potentielle de la zone euro et que ses effets bienfaisants pour nous ne se feront sentir qu’au fil du renouvellement de nos portefeuilles de prêts. Les conditions monétaires très particulières que nous vivons – taux négatif et QE – me paraissent sincèrement bienvenues du point de vue de l’économie générale : la BCE n’avait pas d’autre choix. Mais il faut être bien conscient qu’elles sont spécialement défavorables aux banques… Mais aussi aux assureurs, aux caisses de retraite, comme à tous ceux qui ont besoin de rendement de leurs actifs pour assurer les prestations attendues d’eux.

Les banques sont-elles dès lors contraintes de chercher de nouvelles sources de revenus ?

Il est indéniable que la baisse de la marge d’intérêt que je viens d’évoquer nous pousse à diversifier nos sources de revenus. Certes, les banques peuvent d’abord essayer de compenser l’érosion des marges par un effet volume sur les encours, mais on ne peut pas aller bien loin dans ce domaine : soit on essaie de gagner des parts de marché – ce que, par définition, tout le monde ne peut pas faire en même temps –, soit les banques, en tant qu’agrégat, comptent sur l’expansion générale du volume des crédits à l’économie – ce qui est peu de saison en raison du niveau médiocre de la croissance.

Les banques, si on les considère en tant qu’agrégat, peuvent donc penser jouer sur l’augmentation des commissions, c’est-à-dire rechercher une meilleure et plus juste facturation de leurs services. On constate d’ailleurs depuis quelques mois une évolution légère en ce sens. Mais, là encore, ce n’est pas aussi facile qu’on l’imagine souvent. D’abord, l’encadrement de notre activité par les différents dispositifs de protection du consommateur plafonne les possibilités. Mais, en plus, la concurrence est vive et ne donne pas beaucoup de marges de manoeuvre. En outre, le contexte de taux bas pèse sur certains types de commissions. On comprend bien, par exemple, que les « commissions de placement » dans le domaine de l’assurance-vie ne peuvent pas être les mêmes dans un contexte où les contrats rapportent 2,5 % ou 3 % que lorsque la rémunération classique de l’épargnant était de 5 % ou 6 %. C’est la même chose pour l’asset management. Nous voyons donc, sur beaucoup de produits, nos commissions baisser au fur et à mesure de la baisse des taux d’intérêt.

Restent les nouveaux services. Mon sentiment est que leur spectre est limité par les besoins objectifs et les attentes du client à l’égard de leur banque, et par la nécessité de maintenir une offre cohérente et raisonnable.

Ainsi, il ne semble pas que nous soyons très légitimes comme agence de voyage ou vendeurs d’ordinateurs,par exemple.

C’est pour cette raison que de nombreux acteurs tentent aujourd’hui, faute de pouvoir accroître leurs recettes pour compenser l’érosion de la marge d’intérêt, de réduire leurs coûts de fonctionnement, en réduisant par exemple le nombre d’agences bancaires. À l’argument « technologique » – l’utilité des agences s’érode dès lors que les clients utilisent de plus en plus intensément nos plateformes digitales –, s’ajoute de fait aujourd’hui un nouvel argument plus financier : si l’on ne peut rémunérer par une marge suffisante la transformation des dépôts en crédits, le coût des grands réseaux des agences devient rédhibitoire. Si cette vision, qui n’est pas exactement la mienne, venait à prospérer avec le temps, des milliers d’emplois seraient potentiellement en jeu dans la banque de détail.

Voyez que l’impact opérationnel du contexte monétaire que nous évoquons est loin d’être négligeable ! S’il existe donc des stratégies possibles de « sortie par le haut » de banques spécifiques, le secteur dans son ensemble est voué à faire face à des difficultés de rentabilité réelles.

L’écrasement des rendements pousse-t-il par ailleurs les banques à prendre plus de risques ?

On pourrait l’imaginer, mais ce n’est pas le cas. La nouvelle réglementation prudentielle laisse en effet de moins en moins de place à la prise de risques.

Précisément, quel est votre avis sur le rôle des ratios prudentiels dans le contexte de faible croissance et de taux très bas, voire négatifs, que l’on connaît aujourd’hui ?

En tant que banquier et professeur d’économie, je suis convaincu de longue date qu’il est nécessaire de mettre en œuvre des règles prudentielles et des politiques macro-prudentielles pour la raison toute simple que les marchés ne s’autorégulent pas d’eux-mêmes – cela a été mis en évidence dans de nombreuses contributions théoriques, mais aussi et surtout, hélas, dans les faits, avec la crise de 2008 notamment. La finance est intrinsèquement procyclique. La régulation prudentielle a donc un rôle crucial pour éviter autant que possible l’instabilité financière.

Mais il se trouve que les normes prudentielles mises en place depuis Bâle II, bien fondées sur bien des points, incorporaient également un caractère procyclique problématique. Le risque calculé par les RWA (Risk-Weighted Assets), fondé sur des mesures historiques, à volume de crédit égal, baissait en effet lors de la phase euphorique du cycle, ce qui, toutes choses égales par ailleurs, rendait possible une augmentation de l’effet de levier des banques et un accompagnement de la hausse de la demande généralisée de crédit. Cela favorisait alors l’accumulation de situations financières fragiles des ménages comme des entreprises, dans un contexte où l’euphorie précisément conduisait emprunteurs comme prêteurs à sous-estimer le risque. Symétriquement, au moment du retournement, le risque avéré réapparaissait en bloc dans le livre des banques, ce qui pesait très naturellement sur leur propension à prêter, mais en plus, la contrainte des ratios prudentiels se tendait car l’augmentation du coût du risque enregistrée se traduisait par une remontée des RWA, donc par une insuffisance de capitaux propres, entraînant ainsi une plus forte baisse encore de la capacité à prêter. Ce mode de régulation bancaire pouvait alors favoriser la formation de bulles, comme leur éclatement, et accentuer les cycles financiers. Il était donc indispensable de les refonder, ce qu’a fait Bâle III, notamment par la création d’un coussin de fonds propres contra-cyclique.

Les mesures prudentielles ne sont-elles pas, aussi, facteur de risque en tant qu’elles contribuent à créer une forme de bulle obligataire, en particulier sur les titres d’État ?

Les banques font face progressivement, depuis Bâle III, à un durcissement de la réglementation avec des ratios de solvabilité plus stricts : il leur est demandé de détenir plus de capitaux propres pour les mêmes RWA et le poids du risque dans le calcul des RWA est plus fort qu’auparavant, en particulier pour les crédits aux entreprises ou pour les risques de marché. En cas de redémarrage plus puissant de l’économie, cela pourrait constituer un risque d’insuffisante capacité des banques à accompagner la reprise. Par ailleurs, les ratios de liquidité favorisent incontestablement le fait que les banques investissent dans les titres souverains.

Voulez-vous dire que la régulation prudentielle pousse finalement au rationnement du crédit pour les entreprises ?

Jusqu’alors, on a vraiment accusé en France les banques à tort. Il n’y a pas eu de rationnement du crédit aux entreprises, et les indicateurs de la Banque de France comme de la BCE le montrent clairement. Reprenons le déroulement des sept années qui viennent de s’écouler. L’essentiel de la baisse de la distribution de crédit observée dans les années qui ont suivi 2008 s’expliquait par une moindre demande de crédit : les entreprises coupaient leurs dépenses d’investissement et empruntaient moins, de par l’évolution conjoncturelle défavorable à laquelle elles faisaient face et leur manque de confiance dans l’avenir. Aujourd’hui encore, d’ailleurs, des taux très bas, voire négatifs, ne suffisent pas à eux seuls à donner envie d’emprunter.

Il est vrai cependant que, lorsque l’économie réelle était au tapis à la suite de la crise financière, on a pu observer, pendant quelques mois, moins la réticence générale à prêter qu’on a reprochée aux banques, qu’une plus grande sélectivité, d’ailleurs parfaitement compréhensible. Ne pas prêter aux entreprises dont l’avenir est très fortement compromis fait partie du rôle normal des banques. C’est une fonction économique de la profession, qu’elle doit pleinement assumer : si les banques, n’exerçant pas pleinement la « contrainte monétaire », accordaient des prêts à des entreprises qui avaient vocation à disparaître, elles créeraient des distorsions sur les marchés de leurs clients et nuiraient au bon développement des autres entreprises, celles qui sont saines et viables.

Aujourd’hui, nous sommes sortis de cette période. En revanche, avec les nouveaux ratios de liquidité et de solvabilité, il va maintenant être progressivement plus difficile pour les banques de suivre une trajectoire de la demande de crédit qui s’améliorerait significativement.

Comment se retrouve-t-on dans cette situation alors même que l’objectif des autorités, politiques et monétaires, est de faciliter l’octroi de crédit par tous les moyens pour favoriser la croissance ?

La vérité est que les banques ont été considérées comme fautives de la crise, ce qui est, à mon avis, une vision à tout le moins parcellaire et sans doute fausse, en tout cas en Europe, même si on peut plaider qu’elles ont inévitablement été un facteur de propagation de la crise. On est aujourd’hui, à ce titre, dans une phase historiquement classique de « répression financière », post-crise de surendettement, marquée par des taux d’intérêt très bas et un durcissement des exigences qui pèsent sur les banques : on se dit qu’il faut à tout prix « éviter ça » pour l’avenir. Ce souci se traduit par une quantité de réglementations nouvelles ou durcies, cela au moment même où, de fait, l’on mobilise une politique monétaire visant à relancer le crédit avec l’usage d’instruments inédits, comme les taux négatifs justement ou le QE.

Le plus paradoxal est que, bien conscients de cette contradiction, les banquiers centraux semblent aujourd’hui, pour en sortir, inviter au développement de la désintermédiation et de la titrisation, qu’on vouait pourtant aux gémonies il y a quelques années seulement à raison du rôle qu’elles ont effectivement joué aux États-Unis dans l’accumulation de mauvais risques débouchant finalement sur la crise. Ainsi, on voit aujourd’hui des hedge funds, des assets managers, des assureurs, des mutuelles de santé et des gestionnaires de retraite prêter aux entreprises, alors qu’ils n’ont pas l’expertise historique des banques pour le faire. Il y a une asymétrie d’information considérable entre ces nouveaux prêteurs et ceux à qui ils prêtent. Certains, comme les hedge funds ne sont en outre pas ou peu régulés.

Ne doit-on pas cependant se féliciter de voir certaines entreprises, en particulier de belles ETI, avoir enfin accès au marché, en particulier grâce au développement de l’Euro PP ?

En théorie, certes. Mon sentiment est cependant qu’il convient d’être très prudent, car toutes les entreprises de taille moyenne ne peuvent effectivement pas supporter un tel type de financement sans se mettre en danger, en particulier en raison du mode d’amortissement de tels prêts. Les banques ont l’habitude de demander aux petites et moyennes entreprises de procéder à un remboursement annuel en leur accordant des crédits amortissables. C’est une saine pratique : l’entreprise sait alors qu’elle doit dédier une partie de son cash-flow annuel au remboursement de ses crédits et surveiller ses ratios de gestion. Les Euro PP sont très différents puisque, en y ayant recours, les entreprises peuvent se financer par exemple jusqu’à cinq ans avec un remboursement in fine. Le dispositif est d’autant plus attractif aujourd’hui que les taux sont très bas et les spreads peu élevés.

Dans le cas des grandes entreprises, qui émettent des obligations dans le cadre de programmes d’émission annuels élevés, un financement avec remboursement in fine s’apparente d’une certaine manière à un crédit amortissable, puisqu’on retrouve une forme d’échéancier d’amortissement : si par exemple l’horizon moyen des obligations émises annuellement est de sept ans, alors 1/7e des emprunts en cours doit être remboursé chaque année. En revanche, seuls certains types d’entreprises de taille moyenne sont en mesure d’émettre des Euro PP régulièrement. La plupart se créent donc devant elles une échéance unique et différée, ce qui signifie concrètement que, le moment venu, elles risquent de se retrouver face un mur de la dette qu’elles ne pourront surmonter que si elles sont capables, à ce moment-là, de réemprunter le montant total de l’emprunt qu’il leur faut rembourser d’un coup.

Deux inconvénients : premièrement, personne ne sait dans quelle situation l’entreprise se trouvera à ce moment-là et, deuxièmement, durant la durée de l’Euro PP, la contrainte de cash-flow a été levée pour elle – ce qui, dans certains cas, pourrait être une forme de pousse au crime.

Voulez-vous dire que seules les banques soient capables de distribuer du crédit sans prendre ni faire courir de risque excessif ?

Je crois évidemment tout à fait à l’utilité de la coexistence de la banque et des financements de marché ! Mais je ne crois pas que le marché soit obligatoirement autant approprié pour des entreprises de taille modeste. Le rôle de la banque est irréductible parce que la banque a une bonne connaissance de l’emprunteur et parce qu’elle garde le risque dans son bilan, ce qui l’amène, dans son propre intérêt, à ne pas prêter n’importe comment et à « monitorer » son client dans le temps.

On sait d’ailleurs que, aux États-Unis, la titrisation a été l’un des facteurs qui ont facilité le surendettement au début des années deux mille : les banques étaient en partie déresponsabilisées puisque, ne conservant pas le risque dans leurs livres, elles étaient moins sélectives sur les emprunteurs et ne les « monitoraient » plus par la suite. Il y a un problème majeur d’incitation à la sélection dans le financement par le marché dès lors que l’on sort du cas des très grands emprunteurs qui peuvent, à travers des agences de notation, comme à travers beaucoup de communication sur leur propre situation, payer le coût de l’information financière qui réduit l’asymétrie d’information. Ce défaut intrinsèque de la titrisation a été corrigé pour partie par certaines dispositions de Bâle III, qui exigent des banques qu’elles conservent un quota des risques liés aux crédits qu’elles titrisent. L’élan que l’on connaît aujourd’hui vers plus de désintermédiation pourrait être un facteur d’accroissement de l’instabilité financière, alors que le crédit bancaire est, lui, un facteur de stabilité s’il est bien régulé. La part de l’intermédiation bancaire détermine selon moi le niveau de stabilité d’un système financier dans son ensemble.

Les banques ne se contentent pas, en effet, de mobiliser l’épargne au service de l’investissement : ce sont des centrales de risque. Elles prennent sur elles les risques de contrepartie dans l’acte de crédit, les risques de taux d’intérêt et de liquidité dans l’acte de transformation (transformation des échéances courtes de l’épargne en échéances longues en moyenne du crédit). Les risques ne sont pas créés par les banques, mais gérés par elles, dont elles soulagent l’économie. Elles les gèrent prudemment, professionnellement et dans un cadre réglementé. Les marchés sont utiles à l’économie, mais eux laissent le risque de crédit de taux d’intérêt et de liquidité aux prêteurs ou aux emprunteurs, ce qui est tout à fait différent !

En augmentant la part de la désintermédiation, on ne va pas réduire le risque, on va le déplacer vers une multiplicité d’acteurs moins équipés que les banques pour le gérer. La question de la proportion entre banques et marchés, entre intermédiation et désintermédiation, est donc cruciale pour la stabilité financière. Tout comme la qualité, la pertinence et le champ d’application de la réglementation prudentielle elle-même, hautement indispensable d’ailleurs.

Cependant, comme vous l’avez dit plus haut, les évolutions sociologiques et technologiques d’une part et le contexte monétaire d’autre part semblent menacer la raison d’être même de la banque, en tout cas sur le marché des particuliers. Le business model de la banque « retail » survivra-t-il à ces secousses ?

Il y a indéniablement des changements profonds dans notre activité. Cela nous invite à revenir aux invariants économiques qui justifient notre existence, tout en assurant les changements indispensables pour prendre en compte la « révolution client », due à la révolution technologique. Le particulier a et aura toujours besoin d’un conseiller fiable et professionnel pour parler avec lui de ses projets de vie et être conseillé sur ses principaux crédits – immobilier en tête –, son épargne, sa protection retraite… Mais les particuliers exigent aujourd’hui plus de praticité dans leur relation avec la banque, par exemple avec l’utilisation en fort développement d’internet et des smartphones. Ils veulent également une plus grande pertinence du conseil qui leur est prodigué. Mais ils souhaitent toujours accéder à un interlocuteur qualifié et qui les connaît lorsqu’ils doivent prendre des décisions importantes. Miser sur le capital humain, donner plus de praticité et plus de valeur ajoutée au conseil bancaire, tout en utilisant la révolution technologique tant pour l’usage de ses clients que pour repenser sa propre organisation, est certainement un défi crucial, industriel et humain, de la banque de détail qu’il faut relever très vite.


*Interview réalisée en novembre 2015

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