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Face à la triple crise sanitaire, économique et financière, le projet européen a besoin d’une solidarité et d’une coordination audacieuses !

Retrouvez ici « l’appel » de la Ligue Européenne de Coopération Economique signé par tous les Présidents des sections : Ligue Européenne de Coopération Economique – Appel

Bernard Snoy et d’Oppuers (Président LECE International), Rainer Boden (LECE International), Servaas Deroose (Conseiller du Président LECE International), François Baudu (LECE International), Javier Arias (LECE International), Olivier Klein (LECE France), Andreas Grünbichler (LECE Austriche), Branco Botev (LECE Bulgarie), Frances Homs Ferret (LECE Espagne), Thomas Cottier (LECE Suisse), Maciej Dobrzyniecki (LECE Pologne), Antonio Martins da Cruz (LECE Portugal), Radu Deac (LECE Roumanie), Philippe Jurgensen (Commission Economique et Sociale – LECE), Wim Boonstra (LECE Pays-Bas et Commission Monétaire – LECE), Senen Florensa (Commission Méditerranéenne – LECE).

Site internet de la LECE: www.elec-lece.eu

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La réforme des retraites est souhaitable et crédible

Prenons la réforme des retraites là où elle en est. Bien ou mal préparée.

Elle est aujourd’hui, telle que présentée par le Premier Ministre, une réforme tout à la fois juste – elle améliore significativement la retraite de nombre de Français peu ou pas défendus par des statuts et/ou par les syndicats –, et elle est globalement financée par des mesures d’âge.

La question de savoir si la réforme devait être uniquement « systémique » (universalisation, soit une même régime pour tous) et non « paramétrique » (changement des paramètres pour assurer l’équilibre) est très surprenante. Les Français s’inquiètent bien davantage du montant de leur future retraite que de l’universalisation du système, même si le caractère universel conduit à plus de justice.

Or là réside sans doute une large partie de la défiance : un système de retraite par points peut laisser penser que l’équilibre du régime pourrait se faire par la manipulation de la valeur du point, donc du montant des retraites versées, en l’occurrence à la baisse.  Il fallait donc sécuriser les Français quant à leur retraite future par la démonstration que le système allait être protecteur, donc financé.

Le seul moyen d’assurer efficacement l’équilibre des régimes de retraites par répartition, sans baisser les retraites, est de moduler la durée de la vie active, en fonction de l’évolution démographique. Sinon, l’équilibre ne peut être assuré que par l’augmentation des cotisations sociales payées par les salariés et/ou par les entreprises. Immédiatement ou de façon différée, cette mesure ne peut que ponctionner le pouvoir d’achat et/ou jouer contre la compétitivité de l’économie, donc in fine, dans les deux cas, contre le taux de croissance, l’emploi et le pouvoir d’achat. Sachant que le taux de cotisations sociales des entreprises en France est déjà de 60 % plus élevé que dans le reste de la zone euro, toute élévation supplémentaire serait inacceptable, tant socialement qu’économiquement, car elle irait à l’encontre de l’intérêt de l’économie française et de tous ceux qui y travaillent.

Restent donc les mesures d’âge, seules à même de rendre compatibles l’intérêt des retraités actuels ou futurs et la recherche du meilleur potentiel de croissance de l’économie. En France, nous avions 4 cotisants pour 1 retraité en 1960. En 2010, 1,8 cotisant seulement pour 1 retraité. Dans le même temps, en 1958, l’espérance de vie à l’âge de la retraite était de 15,6 ans pour les femmes et de 12,5 ans pour les hommes. En 2020, respectivement de 26,9 ans et de 22,4 ans. Et l’âge de la retraite est moins élevé aujourd’hui qu’en 1958. L’espérance de vie en bonne santé après la retraite a considérablement progressé également.

Tout le monde le comprend et anticipe un changement de la durée de la vie active. D’ailleurs, tous nos voisins ont remonté dans le même esprit l’âge de la retraite. De ce fait, le principe de réalité doit aussi nous saisir, pour que notre précieux système de retraite par répartition ne soit pas mis en danger par l’incapacité à le financer. En France, seuls environ 30 % des personnes de 60 à 64 ans travaillent, alors que dans les autres pays de la zone euro en moyenne, ils sont presque 50 % à le faire et 57 % en Allemagne, 68 % en Suède. Or, le travail n’est pas seulement nécessaire économiquement, il est aussi le plus souvent un moyen d’intégration, de socialisation et de réalisation de soi. Enfin, le travail crée le travail dans la dynamique de l’économie, ce que tous les travaux empiriques confirment.

Reste à réfléchir à l’intérêt d’un âge pivot par rapport à un ajustement du nombre d’années travaillées ; car ce dernier ajustement prendrait mieux en compte les carrières longues et la pénibilité du travail, ce qui serait plus juste.

Une bonne réforme est une réforme souhaitable et crédible. Cette réforme est souhaitable, parce qu’elle est plus juste et parce qu’elle sécurise les Français quant au montant de leur retraite future. Elle est crédible, parce qu’elle doit être financée par un ajustement de la durée de vie au travail. Elle est souhaitable et crédible, si elle n’accroît pas encore davantage les cotisations sociales en France, qui sont déjà à un niveau très supérieur aux autres pays de la zone euro.

Pour toutes ces raisons, cette réforme sera favorable et utile aux Français et à l’économie du pays.

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Quelques chiffres sur la retraite

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Politique Economique Zone Euro

« La montée de l’instabilité financière »

La grande crise financière, due à un phénomène de surendettement du secteur privé, a été à l’origine d’un risque déflationniste important. La réaction des autorités monétaires a été la bonne, avec les politiques non-conventionnelles, des taux courts et longs proches de zéro, voire négatifs.

Depuis quelques années, nous sommes sortis du risque déflationniste. La croissance est revenue avec une nette reprise du crédit, même si les premiers signes de ralentissement représentatifs d’un retournement classique du cycle économique apparaissent. La sortie du risque de déflation fait que le maintien d’une politique monétaire extrêmement accommodante n’a plus lieu d’être. Mais, le niveau d’inflation trop bas par rapport à l’objectif des banques centrales, lié à la crainte qu’une remontée significative des taux ne provoque des problèmes d’insolvabilité, conduisent les autorités monétaires à poursuivre leurs politiques non conventionnelles.

Cependant, si l’on étudie les crises financières, on peut identifier aujourd’hui très clairement les signes annonciateurs d’un cycle financier qui mûrit, conduisant tôt ou tard au retour d’une potentielle crise systémique. En effet, l’installation de taux trop bas –des taux d’intérêt nominaux largement inférieurs aux taux de croissance nominaux- sur une trop longue durée crée un cercle vicieux. Les acteurs économiques sont, de ce fait, incités à encore plus s’endetter au lieu de se désendetter, ce qui rend de plus en plus difficile la remontée des taux. Et cela pousse les épargnants, comme les gérants de cette épargne (fonds de pension, assurance-vie, fonds de placement, etc.), à prendre de plus en plus de risques pour trouver du rendement. L’ensemble de ces comportements engendre une instabilité financière accrue. Ainsi, le taux d’endettement mondial a beaucoup augmenté : il s’élevait à 190 % en 2001 et à 200 % en 2008, avant de passer à 230 % en 2018. Des épargnants et des investisseurs institutionnels prennent des risques croissants afin de ne pas offrir de taux négatifs aux épargnants eux-mêmes. Cette prise de risque sans cesse accrue caractérise une phase montante du cycle financier. Ce type de phases se répète dans l’histoire et prend aujourd’hui par exemple la forme de placements de plus en plus longs, de plus en plus illiquides, comprenant des risques de crédit de plus en plus élevés.

L’éclatement d’une telle bulle pourrait venir de la remontée des taux d’intérêt. Cette remontée n’interviendra probablement pas rapidement si l’inflation reste durablement basse pour des raisons structurelles. Cela devrait d’ailleurs remettre en question le niveau des objectifs d’inflation des banques centrales elles-mêmes, comme Jacques de Larosière l’a expliqué dans ces colonnes. Quels seraient alors les facteurs qui pourraient faire éclater la bulle ? Un ralentissement fort de la croissance, dû au cycle de l’investissement ou à des crises géopolitiques, provoquerait une baisse des recettes, privées ou publiques, donc rendrait plus difficile le remboursement de la dette et compromettrait la valeur des placements.

Les banques étant mieux capitalisées qu’auparavant et mieux protégées contre le risque de liquidité, donc moins risquées, la crise financière viendra probablement plutôt du « shadow banking », dans une acception large. La part de la finance qui ne passe pas par les banques ne cesse en effet d’augmenter. Cependant, la structure de la courbe des taux d’intérêt écrasée et les taux négatifs fragilisent aussi progressivement les banques. Ce qui pourra à terme les contraindre dans leur possibilité même d’augmenter leurs crédits, donc de financer la croissance. Ce qui pourrait également affaiblir le secteur de l’industrie bancaire européenne.

En définitive, le risque majeur est que les banques centrales, qui ont lutté avec succès contre des risques catastrophiques avec des instruments innovants, veuillent retrouver un taux d’inflation inaccessible et utiliser ces mêmes outils pour faire face aux retournements conjoncturels ou protéger des acteurs très endettés. Les banques centrales semblent avoir adopté une attitude asymétrique : très accommodantes pendant les crises, et n’accompagnant pas suffisamment la sortie du risque de déflation et le retour de la croissance par une remontée des taux. Cette attitude permet certes de repousser à court terme la prochaine crise, mais, d’une part, elle rend la politique monétaire bien moins opérante lorsque l’on en aura à nouveau massivement besoin et, d’autre part, elle est un facteur puissant du développement de l’instabilité financière à terme. Cette politique porte en elle un risque de plus grande crise financière encore, quand elle surviendra.

Co-écrit avec Eric Lombard,
Directeur Général de la Caisse des Dépôts

Retrouvez cette tribune parue dans Les Échos ici.

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« Les risques de la banque commerciale face à la nouvelle structure des taux d’intérêt et à la montée du digital ».

Je donne le 24 septembre prochain, pour l’Association des Diplômés du CESB (Centre d’Etudes Supérieures de Banque), une conférence ayant pour thème : « les risques de la banque commerciale face à la nouvelle structure des taux d’intérêt et à la montée du digital ».

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Politique Economique Zone Euro

Europe : Heureuses nouvelles… ou presque ! – juin 2019

  1. A l’issue des élections européennes, les partis « populistes » sont renforcés, mais aucune déferlante ne s’est fait jour. 210 députés contre 205 antérieurement, avant le départ probable de 34 députés du Royaume-Uni.
  2. Le taux de participation de 2019 est le meilleur (51 % en moyenne) depuis 1999.
  3. L’attachement à l’Union Européenne reste fort. Les sondages montrent que les Italiens répondent positivement à 50 %, les Français à 52 %, les Espagnols à 67 % et les Allemands à 70 %. Même si la confiance dans l’Union Européenne, et non plus l’attachement, a beaucoup faibli entre 2007-08 et 2014-15. Entre 20 et 35 % environ suivant les pays, à la fin de cette période. Mais la confiance est remontée légèrement depuis (entre 30 et 50 % suivant les pays). Et le pourcentage de ceux qui pensent que leur pays pourrait faire mieux hors de l’Union baisse depuis 2013. Autour de 20 % pour les Allemands et les Espagnols, 30 % pour les Français, mais plus de 40 % pour les Italiens.
  4. Le pourcentage de personnes favorables à l’Euro est globalement stable. Aux alentours de 80 % des Allemands et des Espagnols. Plus de 70 % des Français. Et plus de 60 % des Italiens mais, pour eux, dans une tendance fortement baissière depuis 2000.
  5. Si l’immigration reste une préoccupation, nos quatre pays étudiés sont très majoritairement (entre 70 et 90 %) favorables à une politique migratoire commune.
  6. Mais la tendance sur presque 20 ans de l’insatisfaction du fonctionnement de la démocratie dans l’Union est à la hausse, notamment depuis 2012, et s’établit aujourd’hui à environ 50 % de taux d’insatisfaits.

Le grand bouleversement n’a donc pas eu lieu. Et l’idée européenne comme l’Euro résistent bien dans le cœur des habitants de l’Union. Pourtant, nous semble-t-il, il serait dangereux de se réjouir trop vite. Certes, même les partis « populistes » ne se targuent plus de vouloir sortir de la monnaie unique ou de l’Union. Mais les forces qui ont fait monter ces partis dans nombre de pays européens sont bien toujours là et les raisons sous-jacentes toujours bien présentes.

L’une de ces raisons, bien analysée par ailleurs, est la conjonction des effets de la mondialisation et de la révolution technologique en cours, qui produit chez les classes moyennes une déqualification et un appauvrissement relatif, ou leur crainte. Cela n’est pas réservé à la seule Europe et bien d’autres pays connaissent la montée de mouvements antisystèmes et opposés à la mondialisation.

En revanche, les décrochages dans les sondages signalés plus haut se produisent dans l’Union Européenne essentiellement à partir des années 2010-2012, c’est-à-dire dès la crise idiosyncratique de la Zone Euro et sa gestion défectueuse. La question de l’amélioration du fonctionnement de la Zone Euro reste un sujet insuffisamment abouti. Et une nouvelle crise ne pourrait pas se reproduire sans danger ni conséquences politiques et sociales de plus en plus coûteuses.

La question de l’immigration est également un sujet qui reste à penser et à partager au sein de l’Union.

Le rappel à l’ordre réalisé par les sondages sur le besoin d‘un meilleur fonctionnement démocratique de l’Union n’est pas une chimère. Sans doute, en l’état actuel, ne pourra-t-il pas se régler par des réformes institutionnelles, mais en réalité avec un sentiment de proximité plus forte entre l’Europe et ses habitants. Notamment grâce à une coopération active mettant en place des projets européens industriels, technologiques, de défense, écologiques, etc. Quitte à ce que chacun de ces projets ne réunisse pas la totalité des pays de l’Union. Ces réalisations, résultant de coopérations d’entreprises européennes entre elles, et autant que nécessaire soutenues par le budget communautaire, permettraient à tous de mieux percevoir l’utilité de l’Europe dans la vie économique et sociale de chacun de leur territoire d’appartenance.

Enfin, et nous pouvons tous en comprendre chaque jour davantage l’urgence, une Europe stratège doit s’ajouter à l’Union des Nations Européennes. Seule une telle Europe serait capable d’être un acteur à part entière du nouvel équilibre mondial des forces qui s’installe sous nos yeux et qui conduit aujourd’hui à un face à face instable entre la Chine et les Etats-Unis, dont l’Europe est dramatiquement exclue.

Défendre aujourd’hui l’idée européenne ne peut donc plus consister pour l’essentiel à se plaindre d’une insuffisance de communication ou à regretter que ses détracteurs travestissent la vérité. Cela ne peut plus de même reposer sur la seule répétition de la nécessité d’une plus forte intégration, par abandon progressif de souveraineté. Qu’on le regrette ou non, dans les circonstances actuelles, cette attitude semble construire l’opposé du but recherché.

Aussi convient-il sans doute de ne pas vouloir l’impossible, mais de bien regarder en face les problèmes non résolus et les défauts intrinsèques de la construction européenne telle qu’elle est. Et de rechercher pragmatiquement toute possibilité de relancer les processus et les sujets de coopération entre les Etats et acteurs européens, afin de pouvoir faire ensemble ce que chacun ne peut faire isolément.

N’est-ce pas, après tout, remettre à jour le principe de la subsidiarité, cher à Jacques Delors ? Ne pas dessaisir les États-Nations de leur identité ni de leur souveraineté pour tout ce qui peut être réalisé par eux-mêmes semble aujourd’hui, et plus que jamais, être souhaité par les peuples. Et les avancées institutionnelles ne sont pas à l’ordre du jour de nombres de pays de l’Union. Donc, par des coopérations nouvelles ou relancées entre les pays européens, il est indispensable de permettre aux citoyens d’ouvrir plus de possibles. Et, dans une identité supplémentaire et non de substitution, il est crucial de leur proposer ainsi une bien meilleure maîtrise de leur destin. Ne serait-ce pas là le commencement de la renaissance ?

La Ligue Européenne doit répondre présente dans ce débat et être force de proposition. Cette capacité à être engagée et utile repose sur chacun de ses membres. Votre soutien est nécessaire pour que, pragmatiquement et de façon critique, au sens plein et entier du mot, nous puissions participer, à la place qui est la nôtre, à la relance de l’Europe. À la recherche comme à la promotion des voies concrètes pour dépasser ses blocages actuels. Bref, au renouveau de son idéal. Les dernières élections nous permettent de l’espérer.