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Fragmentation du monde : conséquences économiques et financières

Les tensions géopolitiques croissantes ont et auront des effets durables sur le commerce international (réallocation des flux de marchandises…) aussi bien que sur le système monétaire international. Elles organisent de fait une fragmentation progressive du monde en accroissant les polarisations commerciales et financières autour de zones d’influence de plus en plus marquées des deux hyper-puissances américaine et chinoise. Même si de nombreux pays aimeraient s’en tenir à équidistance. Et ce après quelques décennies de mondialisation du commerce et de l’investissement et de globalisation financière qui, ensemble, ont apporté notamment une diminution très significative de la pauvreté dans le monde et une réduction notable des écarts entre les pays avancés et les autres. Ainsi d’ailleurs qu’un long phénomène de désinflation. Mais aussi des bouleversements profonds des structures industrielles des différents pays, avec de nécessaires reconversions, parfois douloureuses.


On évoque aujourd’hui de fait de plus en plus les risques économiques, financiers et sociaux liés à ce processus de fragmentation. Et les grands organismes internationaux s’inquiètent à juste titre du processus de fragmentation en cours. La mondialisation a en effet permis de réduire considérablement les inégalités entre les pays pauvres et les pays riches. En 1981, 40 % de la population mondiale vivait en-dessous du seuil de l’extrême pauvreté, contre environ 10 % avant la pandémie. En Chine et en Inde, pour ne prendre que ces pays, deux milliards de personnes sont passées au-dessus du seuil de pauvreté. Et ce qui est vrai des revenus est vrai de la santé. La différence d’espérance de vie entre les pays avancés et les autres s’est également très fortement réduite. Les effets d’un commerce international très développé et de marchés de capitaux globalisés sont, selon ces critères, clairement établis.

Nous savons aussi que, pour que la mondialisation fonctionne au mieux, il est absolument nécessaire qu’il y ait, d’une part, des règles mutuellement acceptées et respectées, qui fixent le cadre régulé de ces échanges, et d’autre part, des politiques nationales qui permettent d’accompagner les transformations des structures de production comme de la nature des emplois qui en résultent. Or, cette dernière décennie, la reconnaissance du caractère indispensable de ces règles internationales et de ces modes de régulation a été mise à mal notamment avec la montée de la volonté de puissance chinoise et la réaction qu’elle a induite aux États-Unis.

Ainsi, les tensions sino-américaines sont-elles évidemment au cœur de ces inquiétudes, avec, côté américain, la montée du protectionnisme déjà affichée dans la politique proposée par Trump, mais aussi bien sous Biden, avec notamment les mesures de sécurité restreignant les exportations de technologie et avec très récemment l’IRA (Inflation Reduction Act). Et dans le camp opposé, les nombreuses et durables politiques anti-concurrentielles chinoises, explicites comme implicites.

Cependant, les conséquences de la Covid, du Brexit, comme la guerre en Ukraine par exemple, participent également de la réorganisation constatée des routes commerciales et des flux de capitaux. Sont notamment en effet venues renforcer le risque de fragmentation la guerre en Ukraine et, en résultante, la montée des sanctions touchant tant au commerce qu’aux investissements ou encore aux avoirs détenus par les institutions ou les personnes sanctionnées.

Ces constats comme les implications en termes économiques et financiers ici évoquées ne sont pas analysés sous l’angle de la morale, ni sous celui, réaliste, du rapport de force exercé entre puissances porteuses de régimes politiques opposés. La fragmentation du monde que nous voyons se développer engendre de facto des effets au-delà des intentions qui l’induisent.

Une démondialisation partielle, comme une relocalisation pour partie des usines de production, produiraient tout à la fois des conséquences favorables pour le climat et probablement pour les emplois et leur qualification pour les classes moyennes des pays avancés. La plus forte inflation structurelle qui en résulterait cependant ne serait a minima pas favorable à leur pouvoir d’achat. Symétriquement, ralentirait le rattrapage de pays moins avancés, avec des effets sociaux induits. Enfin, la mobilité réduite des capitaux qui résulterait de cette fragmentation du monde engendrerait moins de possibilités de financement, notamment de projets de développement des pays moins avancés. Le coût des emprunts en serait parallèlement renchéri.

L’accroissement des tensions géopolitiques et des sanctions induites réduit de facto et de jure la mobilité internationale des capitaux sur les marchés financiers aussi bien que sur les prêts bancaires transfrontières.

Ainsi les vulnérabilités financières monteraient-elles également, puisque les capitaux pourraient être plus rares pour certains pays, les banques moins financées internationalement, donc plus fragiles, et les crises de « sudden stop » ou de change plus fréquentes. La stabilité financière mondiale pourrait en être ébranlée. Et au total, commerce, investissements et finances combinés, la croissance mondiale en serait réduite.

Ce mouvement de fragmentation pose in fine la question du système monétaire international et de sa mutation éventuelle. Quelle place pour le dollar américain demain et pour le renminbi chinois ? Le dollar peut-il et va-t-il perdre de plus en plus de poids au sein des réserves de change et des paiements internationaux ? La question a son importance tant macro financièrement que pour la puissance américaine elle-même.

Tout d’abord, depuis une vingtaine d’années, la part du dollar dans le commerce international est restée assez stable, alors que le poids relatif de l’économie américaine dans le commerce mondial, comme dans le PIB mondial, a légèrement décliné, mesuré en parité de pouvoir d’achat.

En revanche, la part du dollar américain dans les réserves des banques centrales a perdu plus de 10 points. Au profit non pas de l’euro, du sterling ou du yen, les candidats pourtant habituels à la diversification des réserves de change. Mais au bénéfice du renminbi pour ¼ de cette baisse et de quelques autres devises telles que celles de l’Australie, du Canada, de la Corée ou de Singapour, notamment, pour les ¾ restants. L’or est redevenu en outre une source de diversification des réserves des banques centrales des pays émergents notamment.

Or les États-Unis ont fondamentalement besoin du dollar américain en tant que monnaie internationale de fait, sinon de droit. Leur balance courante est en effet structurellement et significativement déficitaire et leur dette extérieure nette en croissance permanente (10% du PIB en 2000, environ 70% à l’heure actuelle).

Que la monnaie de réserve et de transaction mondiale soit le dollar américain est donc indispensable pour les États-Unis dans le maintien de leur rôle d’hyper-puissance. C’est ainsi qu’ils refinancent globalement sans difficulté leurs déficits et que le coût de leurs emprunts en est rabaissé. C’est d’ailleurs cette corrélation entre puissance mondiale et monnaie mondiale que la Chine a bien comprise puisqu’elle construit patiemment les bases d’une internationalisation de sa propre monnaie. Elle incite les pays qui sont entrés dans sa zone d’influence à progressivement se dédollariser ou facturer et échanger moins en dollar américain. Elle construit également peu à peu les infrastructures nécessaires en créant de futures chambres de compensation off-shore en renminbi.

Soulignons enfin que les États-Unis, en utilisant leur dollar pour développer l’extraterritorialité de leur droit, comme pour l’imposition de sanctions (y compris en exigeant le gel des réserves de la banque centrale russe) risquent de précipiter le moindre usage du dollar américain tant en tant que monnaie internationale de transaction que de monnaie de réserve. L’arme monétaire de la puissance est ainsi à double tranchant. Car le refinancement des déficits et le très fort endettement extérieur des États-Unis supporteraient mal une dédollarisation progressive dans le champ des transactions comme des réserves.

Notons symétriquement que tant que la Chine a une politique qui dominent largement l’économie, sa propre monnaie aura de fortes difficultés à s’internationaliser. Pour s’imposer, la monnaie doit donner confiance. La monnaie est une dette. La dette des banques vis-à-vis des agents économiques non bancaires, au sein d’un pays. Au niveau international, la monnaie au total est la dette d’un pays. La confiance multiforme dans la puissance politique, militaire et économique est donc clé. Mais cette confiance repose aussi sur les modes de régulation de cette monnaie, donc sur la validité et la stabilité des institutions qui la définissent et l’encadrent. Le mouvement de dé-dollarisation, s’il a lieu, sera donc très progressif et ne se fera au sur le temps long.

La fragmentation en cours est une conséquence évidente du désordre du monde et de la multipolarisation en cours. Les forces politiques, militaires, économiques et démographiques, ainsi que la plus ou moins grande sagesse des dirigeants et des peuples, détermineront la forme finale (transitoirement du moins) des transformations que nous vivons. Ces évolutions ne seront pas sans effet sur la croissance, les niveaux et la qualite de vie, comme la stabilité financière des différentes parties du monde.

Bibliographie :

  • Geo-economic fragmentation and the world economy
    Shekhar Aiyar, Anna Ilyina
    March 27, 2023 – Vox Eu columns
  • Confronting Fragmentation Where It Matters Most: Trade, Debt, and Climate Action
    Kristalina Georgieva
    January 16, 2023 – IMF
  • Geopolitics and Fragmentation Emerge as Serious Financial Stability Threats
    Mario Catalán, Fabio Natalucci, Mahvash S. Qureshi, Tomohiro Tsuruga
    April 5, 2023
  • The Stealth Erosion of Dollar Dominance: Active Diversifiers and the Rise of Nontraditional Reserve Currencies
    Serkan Arslanalp, Barry J. Eichengreen, Chima Simpson-Bell
    March 24, 2022 – IMF
  • Le passage à une situation de multiples monnaies de réserve
    Patrick Artus
    5 Janvier 2023, Flash Economie
  • Le système monétaire international et le financement des Etats-Unis
    Patrick Artus
    30 Mars 2023, Flash Economie
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Economie Générale Politique Economique

« L’urgence des réformes structurelles »

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La figure de l’entrepreneur (et de l’entrepreneuriat) est doublement indispensable

Tout d’abord économiquement. La croissance est pour beaucoup une affaire d’innovation et de création. Ce sont elles notamment qui cassent les rentes, qui permettent les révolutions technologiques, les progressions de la productivité, donc l’augmentation des salaires non inflationniste, etc.

La dynamique de la croissance vient de la capacité de l’économie à être en mouvement, à connaître des évolutions des standards de consommation, comme des standards de production…

Or, ce sont les entrepreneurs qui prennent les risques de l’innovation, de la nouveauté, de l’audace calculée. Ces entrepreneurs peuvent exercer au sein des entreprises, pour peu qu’elles leur en laissent la possibilité et la place pour le faire. Ils peuvent être également créateurs d’entreprise. Sur le temps long, l’économie connaît l’apparition et la disparition de firmes. Ces deux moments coexistent et sont nécessaire l’un à l’autre. Des secteurs se développent pendant que d’autres s’éteignent. Et ce phénomène est l’un des moteurs de la croissance de l’économie et de sa capacité d’adaptation. C’est la création-destruction si bien analysée par Joseph Schumpeter, puis magistralement réinterprétée par Philippe Aghion.

En second lieu, mais ce n’est pas de moindre importance, la figure de l’entrepreneur est également essentielle parce qu’elle participe de l’égalité des chances. Les rentes entravent cette dernière. La capacité d’innover, de produire du nouveau, peut permettre à des catégories de personnes moins insérées ou moins établies au sein du système existant d’émerger et de créer de la richesse pour la société et pour eux-mêmes. L’entrepreneuriat permet ainsi de bouleverser l’ordre établi, lorsque les règles du jeu en vigueur rigidifient les situations acquises. Bien entendu, pour que cela puisse fonctionner, il faut que les « institutions » le permettent et le favorisent. Il en va du droit de la concurrence, de l’enseignement, des modes de financement de l’innovation comme de l’écosystème de création d’entreprise ou des jeunes pousses, etc. Ainsi que de la culture de chaque société qui favorise et valorise, ou pas, les succès comme les échecs…

L’entrepreneur, qu’il soit créateur ou développeur d’entreprise, doit être l’une des figures de proue de nos sociétés pour en favoriser tant la croissance économique que l’égalité des chances. Deux pôles qui d’ailleurs se renforcent l’un l’autre et qui fondent le pacte social.

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L’interview de l’Hémicycle : stratégie bancaire, inflation et crises financières

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Economie Générale Événement

« Comment agir dans un monde incertain ? »

Retrouvez le replay des « Nocturnes de l’économie 2023 » organisées par les Journées de l’Économie sur la thématique proposée par Pascal Le Merrer : « Comment agir dans un monde incertain ? »

J’y ai pris part aux côtés de Yann Algan, Doyen associé des programmes pré-expérience à HEC, Agnès Bénassy-Quéré, Sous-gouverneure de la Banque de France, précédemment chef économiste du Trésor et Philippe Varin, 1er Vice-Président ICC (International Chamber of Commerce) et ancien Président Directeur General de PSA.
 
Mon thème : la forte incertitude due à un environnement macro-financier inflammable. La stabilité financière à rude épreuve. La politique monétaire entre l’indispensable lutte contre l’inflation et la volonté d’éviter l’éclatement brutal des bulles et la montée incontrôlée de l’insolvabilité.
 
Un grand merci à Lina Bezzate Guessous et Etienne Arrieta, étudiants d’HEC Paris, qui ont animé cette conférence pour HEC Débats.

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Conjoncture Economie Générale Zone Euro

Les réformes structurelles sont indispensables pour sauvegarder la protection sociale 

La notion de réformes structurelles est mal comprise. Les réformes structurelles ont pourtant pour objet d’augmenter le potentiel de croissance d’une économie. Elles n’imposent en rien d’abaisser le niveau des salaires et de protection sociale par des politiques d’austérité. Tout au contraire ! La confusion est nuisible au débat.

Pourquoi est-il indispensable d’augmenter le potentiel de croissance de la France ? D’abord pour faire chuter le taux de chômage structurel. Malgré sa baisse récente, il reste trop élevé, à 7 % environ. Et le chômage constaté des jeunes, à environ 18 % (contre 5 % en Allemagne), se situe à un niveau peu acceptable. La deuxième raison est d’assurer un meilleur profil de solvabilité de l’État, des collectivités locales et de la sécurité sociale. Et par là même d’accroître la soutenabilité de la protection sociale et des retraites. Séparer en effet la question financière de la capacité à maintenir un haut niveau de protection sociale n’a aucun sens. 

En outre, et c’est la troisième raison : chercher une compétitivité « par le haut ». Deux possibilités s’offrent : baisser le coût du travail et le niveau des protections sociales, donc le niveau de vie, par des politiques d’austérité. Cela a été le cas de l’Espagne ou du Portugal par exemple, lors de la crise de leur dette et du financement de leur déficit du commerce extérieur, pendant la crise de la zone euro des années 2010. Ou, à l’opposé, grâce aux réformes structurelles, améliorer « par le haut » le rapport qualité-prix des produits et services nationaux en développant la valeur ajoutée, la gamme de la production, par l’innovation notamment. Et en gérant au mieux les dépenses publiques pour qu’elles soient les plus efficaces possibles. Et de fait qu’elles n’entraînent pas des taux d’imposition qui, trop élevés en soi comme en comparaison avec des pays similaires, réduisent la compétitivité et l’emploi. En affaissant ainsi la soutenabilité de la protection sociale. 

L’Allemagne a bien réussi en la matière depuis 2000, avec des réformes qui ont renforcé sa compétitivité, malgré un coût du travail qui est l’un des plus élevés en Europe, par une industrialisation fondée sur une forte valeur ajoutée. Avec en retour un excédent commercial élevé, un taux de chômage structurellement bas, un taux d’endettement public relativement faible…

La France a un coût du travail proche de celui de l’Allemagne, mais développe une gamme de production moyenne, à des exceptions près remarquables. Donc elle offre un rapport qualité-prix peu compétitif. Avec, en conséquence, un faible niveau d’industrialisation et un déficit commercial qui ne cesse de se dégrader. Et son insuffisance de réformes structurelles depuis quelques dizaines d’années a conduit à un taux de chômage trop élevé, un taux d’emploi parmi les plus faibles des pays comparables (68 %, contre 77 % en Allemagne et en Suède ou 82 % aux Pays-Bas) et un fort déficit budgétaire permanent, donc à un niveau de dette publique trop important et en hausse régulière. 

Le taux de croissance potentielle est, en résumé, l’addition du taux de croissance de la population au travail et des gains de productivité. Plusieurs réformes structurelles ont donc été mises en œuvre ou sont à réaliser à cette fin. Il s’agit d’augmenter la quantité de travail, en France l’une des plus faibles par rapport à sa population (610 heures de travail par an et par habitant, contre plus de 700 en Allemagne ou de 750 à 900 aux Pays-Bas, en Suède ou au Portugal), afin que la protection sociale de tous et les services publics puissent être financés et qu’ainsi leur niveau ne s’abaisse pas. À cette fin, il est et doit être recherché un meilleur fonctionnement du marché du travail. Ce qui permettra en outre que cesse le paradoxe d’un taux de chômage encore trop élevé coexistant avec une forte proportion d’entreprises ne pouvant recruter autant qu’elles le souhaitent. Contraignant ainsi l’offre et la croissance, et aujourd’hui facilitant l’inflation.


De plus, la remontée du taux d’emploi doit se faire en facilitant l’arrivée des jeunes sur le marché du travail et en accroissant les années passées au travail avant de pouvoir prendre pleinement sa retraite, comme tous nos voisins l’ont fait. La France a un taux d’emploi très décalé des deux côtés des âges de la vie (pour les 60-64 ans : environ 35 % contre 62 % en Allemagne ou 70 % en Suède). Insistons aussi sur la formation, tant initiale que professionnelle. Elle doit redevenir un point fort de la France. Les comparaisons internationales lui sont à ce titre de moins en moins favorables. Et ce n’est pas dû à un budget insuffisant, quand on le compare au budget de l’éducation sur PIB des autres pays européens qui font mieux que nous (environ 1 point de PIB en plus en France qu’en Allemagne). Là encore, les réformes sont indispensables, même si la remontée du niveau de formation ne peut être que lente. L’efficacité de la formation conditionne le nombre d’emplois comme leur qualification, ce qui à son tour influe sur la gamme de notre production et sur son rapport qualité-prix.

Enfin, n’oublions pas les réformes permettant les gains de productivité, autre facteur essentiel de la croissance potentielle. La France a beaucoup progressé dans sa capacité à faire naître des entreprises « tech », et le crédit d’impôt recherche, par exemple, est précieux. Notons cependant que le taux de profit est l’un des déterminants de la quantité de recherche et développement des sociétés. Après avoir été longtemps inférieur à celui de pays voisins, il s’est amélioré depuis la mise en place du CICE, comme de l’abaissement du taux d’IS.

En revanche, l’efficacité des dépenses publiques reste très en deçà du souhaitable. Sur le podium des taux de dépenses publiques (environ 8 points de PIB de plus qu’en Allemagne, 9 qu’en Suède ou 13 qu’aux Pays-Bas), la France a une qualité mesurée seulement moyenne de ses dépenses publiques (sécurité sociale comprise) comparativement aux pays de l’OCDE, et ressentie comme en baisse. Ce niveau de dépenses publiques engendre de plus un taux de prélèvement lui aussi quasiment le plus élevé (plus de 6 points de PIB au-dessus de celui de la zone euro hors France) et est ainsi un handicap certain à la compétitivité. En outre, les prélèvements obligatoires, bien que très élevés, ne couvrent pas les dépenses, ce qui induit un déficit public permanent et un endettement public, rapporté au PIB en croissance permanente. Notre croissance est donc obtenue au prix d’un taux d’endettement sans cesse en hausse, donc tôt ou tard insoutenable. Depuis 2000, les pays de la zone euro ont connu un accroissement de leur dette publique de 25 points de PIB, celle de la France de 50, soit deux fois plus. Le taux d’endettement public français était au début des années 2000 identique à celui de l’Allemagne, à environ 60 %. Aujourd’hui il est d’environ 110 % en France et 70 % en Allemagne… La réforme de l’État et des collectivités locales, alliée à celle des systèmes sociaux, permettrait donc, non pas d’abaisser le haut niveau de protection sociale des Français, mais de le protéger, en lui évitant de décliner.


La recherche de l’efficacité, de même que celle du respect des devoirs de chacun face à ce bien commun qu’est la protection sociale, n’est donc en rien une recherche du moins disant social, mais au contraire la seule voie possible pour préserver ce qui est précieux pour tous. Méconnaître ou nier l’utilité des réformes structurelles serait jouer la politique du pire.