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« Italie, Brexit…où va la zone euro ? » Je répondais lundi 22 octobre aux questions de France Info.

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La sortie de la politique monétaire très accommodante de la BCE : Enjeux et Défis par Olivier klein

Revue D’Économie Financière – Extrait du numéro 127 – Article Olivier Klein
 

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La sortie de la politique monétaire non conventionnelle de la BCE est nécessaire mais difficile

La BCE (Banque Centrale Européenne) annoncera probablement le 26 octobre la façon dont elle compte recalibrer sa politique monétaire aujourd’hui très accommodante. Cette politique, qui consiste principalement en un achat massif d’obligations souveraines et privées par la BCE et en la mise en place de taux négatifs, s’est avérée utile pour lutter contre le risque déflationniste et de désintégration de la zone euro. Un bilan positif, donc.

Désormais, son retrait progressif apparaît  nécessaire. En effet, la crainte déflationniste est maintenant dernière nous. La croissance de la zone euro s’affirme, avec une baisse notable du taux chômage. Bien que nous connaissions une faiblesse persistante de l’inflation, le maintien de cette politique comporte des risques importants.

Par une politique de taux très bas, voire négatifs, en-dessous du taux de croissance nominal, la BCE, en soutenant les emprunteurs, affecte  la rémunération des épargnants et des prêteurs. L’Allemagne, pays à démographie déclinante, donc plus sensible à cette situation, le rappelle régulièrement à la banque centrale. En outre, les investisseurs institutionnels (assureurs, gestionnaires de retraite…), tenus ou non de délivrer un rendement minimum contractuel, peuvent ainsi avoir tendance à rallonger les durées de leurs placements et à accepter des risques de contrepartie plus élevés en échange d’une rémunération meilleure. Cette politique, si elle devait durer au-delà du nécessaire, pourrait engendrer une instabilité financière dans le futur.

En complément, une telle politique peut favoriser les comportements spéculatifs, facteurs de bulles, consistant à emprunter à taux bas pour acheter des actifs risqués (actions, immobilier) afin de gagner le différentiel de rendement. Or, si de telles bulles n’étaient pas encore apparues clairement jusqu’à récemment, certains actifs semblent voir leur prix s’envoler un peu rapidement depuis plusieurs mois, tant sur les marchés d’actions américains par exemple que sur le marché immobilier dans quelques grandes villes américaines et européennes (y compris en Allemagne).

Enfin, en cherchant à positionner les taux d’intérêt de long terme à un niveau très bas, elle écrase le différentiel entre les taux des crédits et les taux de collecte des ressources bancaires, alors même que le taux de rémunération des dépôts  bancaire des épargnants ne peut  concrètement être inférieur à zéro. Or cette marge d’intérêt constitue une base essentielle des revenus des banques de détail   .  Et cet effet défavorable, dans le cas français par exemple ,  n’est plus compensé depuis 2016 par l’accroissement des volumes de crédit et  l’abaissement du coût du risque de crédit, engendrés par ces mêmes taux très bas. Même si les résultats tirés de leurs autres activités (banque d’investissement, international, assurances…) leur ont permis de dégager au total de très bons résultats. En conséquence, la baisse des revenus bancaires tirés de leur activité de banque de détail sur leur marché domestique risque de freiner tôt ou tard leur capacité à suivre la croissance du crédit qui accompagne le regain de croissance, alors même que le ratio de solvabilité exigé par les règles prudentielles est en hausse.

Pour l’ensemble de ces raisons notamment, l’amorce d’une normalisation de la politique monétaire de la BCE devient donc nécessaire. Elle permettrait d’ailleurs à l’institution de se reconstituer d’indispensables marges de manœuvre pour prévenir un futur renversement de cycle, d’autant plus que la politique budgétaire de nombreux Etats européens apparaît aujourd’hui peu mobilisable, compte-tenu de leur niveau d’endettement public.

Pour effectuer ce virage, la Réserve Fédérale américaine a procédé à partir de 2014 à une réduction progressive (appelée tapering), puis à un arrêt de son programme d’achats de titres, enfin à une hausse progressive de ses taux directeurs (taux de court terme). L’annonce de la BCE présentant son tapering aura probablement lieu le 26 octobre. Par un choix de sortie certainement très progressif de son programme d’achat d’obligations, en stabilisant tout d’abord ses stocks, elle pourrait ainsi provoquer une remontée très prudente des taux longs au cours des prochaines années. Elle pourrait par ailleurs faire remonter parallèlement les taux négatifs vers zéro, situation qui ne peut être que très exceptionnelle. Le relèvement de ses taux directeurs d’interviendrait qu’après cette première étape.

La remontée des taux sera pilotée de façon très  prudente, car elle comporte elle-même des risques significatifs. Elle pourrait provoquer des chocs importants sur les marchés, si elle était brutale et mal anticipée. De même, compte-tenu du niveau d’endettement élevé des Etats comme des entreprises et des ménages, elle ne peut qu’être très progressive. Enfin, l’euro a déjà fortement remonté par rapport au dollar. Or la hausse de notre devise ayant clairement un effet qui peut contrecarrer le surcroît d’inflation envisageable à la  suite de la meilleure croissance de la zone, la BCE ne peut prendre le risque d’une accélération de la réévaluation de l’euro, alors qu’elle cherche à faire remonter le taux d’inflation vers 2%.

La politique menée par la BCE a de fait cherché à acheter du temps à la zone euro, pour permettre aux Etats de réaliser les réformes structurelles et les adaptations nécessaires du cadre institutionnel et organisationnel de la zone monétaire elle-même   . Cette politique ne pouvant être éternelle, il devient encore plus impératif pour les Etats concernés de conduire ces réformes pour accroître leur compétitivité (qualité/prix) et soutenir leur potentiel de croissance. Et ainsi, sans politique d’austérité, faire baisser les déficits publics, y compris sociaux, et les déficits structurels de balance courante. L’objectif doit être de créer les fondements d’une zone euro renforcée, car mieux coordonnée, plus solidaire et dont tous les membres auront accru leur potentiel de croissance.

Co-écrit avec Thibault Dubreuil, Majeure Finance d’HEC

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Cercle Les Échos : Face à l’ubérisation annoncée, quelles clés du succès pour les banques ?

La banque connaît-elle une ubérisation ? Et dans ce cas comment y faire face ? De quels atouts dispose-t-on ? Quelques analyses et raisonnements peuvent être posés de manière assez sûre, sans jouer au futurologue.

Le mot « ubérisation », pris de façon assez large peut désigner la menace d’un modèle établi par une série d’innovations et de nouveaux acteurs. On se concentrera sur la banque de détail car elle est a priori plus touchée par ce phénomène que la banque d’entreprise. Les innovations digitales, qui peuvent trouver un champ d’application dans le domaine bancaire, sont de divers ordres : robotisation, digitalisation des process, des contrats et des signatures, le big data, l’intelligence artificielle, les paiements et bien d’autres. À l’évidence, ces innovations provoquent beaucoup de ruptures et créent de nombreuses possibilités de révolutions à analyser et à intégrer dans nos stratégies. Deux types de rupture en particulier sont intéressants à étudier.

La première approche consiste à se poser la question de savoir si la digitalisation pourrait aller jusqu’à la disparition des agences, ou du moins jusqu’à une forte réduction du modèle de banque à réseau. C’est une question qu’il faut se poser, puisqu’il y a beaucoup moins de clients qui viennent dans les agences. Nous pouvons donc légitimement nous demander si cela va se poursuivre, si cette réduction touche tous les métiers des agences et si l’on se dirige vers un modèle quasi-unique de banque en ligne ou néo-banque.
La deuxième approche consiste à étudier dans quelle mesure cette révolution technologique permet à nombre de startups, telles que les fintechs, de croître et de concurrencer des banques commerciales sur telle ou telle partie de leur chaîne de valeur. Y-a-t-il à ce moment-là une possibilité de perte de segments rentables ? La rentabilité peut-elle baisser sans pour autant mettre en cause le modèle de banque de réseau ?

Ces deux questions sont importantes et différentes, même si les réponses que l’on peut apporter peuvent parfois se rejoindre.
La première approche est fondamentale : peut-on imaginer un monde de banques sans agence ? Certains analystes l’affirment et parlent pour la banque du « Kodak de demain », ou un peu moins radicalement de « la prochaine sidérurgie ». Il ne faut pas refuser cette question, mais au contraire aller au fond des choses. Ce sujet mérite des éléments de réponse fondés sur de solides analyses. Il faut d’abord bien distinguer la question du digital de celle des taux d’intérêt. Nous avons la conjonction des deux phénomènes, mais ils n’ont pourtant rien à voir l’un avec l’autre. Il y a d’un côté une courbe de taux d’intérêt très plate qui abîme la rentabilité des banques de détail. On peut raisonnablement espérer que ceux-ci remonteront, avec notamment à nouveau un écart suffisant entre taux courts et taux longs, et une banque centrale qui sortira progressivement du quantitative easing. Gageons qu’il y aura des annonces faites dans ce sens de la part de la BCE fin octobre.
De l’autre côté,  nous avons le digital et son impact sur la rentabilité. Il faut faire attention, me semble-t-il, à ne pas répondre par le digital à des questions de taux d’intérêt en pensant que les taux bas changent structurellement le modèle. Les taux d’intérêt tels qu’ils sont aujourd’hui ne changent pas le modèle en soi, mais abîment transitoirement la rentabilité, ce qui n’est pas tout à fait pareil.


Le raisonnement à tenir consiste, me semble-t-il, à revenir aux fondements : Qu’est-ce que l’essence même d’une banque de détail ? Qu’est-ce que l’essence de la relation bancaire ? Il faut ici bien distinguer les invariants des points contextuels qui varient en fonction de la technologie en vigueur et de leur utilisation par les clients. Dans la banque de détail – dont le modèle peut d’ailleurs être différent suivant les pays en fonction des us et coutumes qui sont propres à chacun –, il y a deux grands domaines : la banque au quotidien, transactionnelle, et la banque relationnelle, celle des « projets de vie » et celle du conseil. Ce sont bien deux demandes de banques assez distinctes, même si naturellement elles se croisent souvent.

La banque au quotidien, à l’évidence, est celle des transactions courantes : aller chercher un chéquier, effectuer un paiement, retirer de l’argent liquide ou en déposer, etc. Cette banque-là n’a pratiquement plus besoin de réseau, même s’il y a encore des demandes, mais de moins en moins nombreuses, pour aller au guichet. Le développement de l’internet, des smartphones et des automates fait que cette banque transactionnelle n’a pratiquement plus besoin de réseau pour réaliser ces opérations courantes. La baisse de fréquentation y est globalement très forte. C’est très important, car la demande de « guichetiers » existe de ce fait de moins en moins et il faut bien l’intégrer.

Il y a d’autre part la banque relationnelle, celle des projets de vie et du conseil -mais aussi la banque qui accompagne les moments difficiles que chacun peut rencontrer tôt ou tard -,  qui caractérise au fond la relation la plus profonde des particuliers avec leur banque, bien au-delà de la gestion des moyens de paiement. C’est celle du temps long avec les clients. Ceci est crucial, car ce temps long est lié au fait que l’on s’occupe de leurs projets de vie, dans leur préparation comme dans leur déroulement. Ces projets peuvent être très importants : financer ses études, sa première installation professionnelle, acheter un logement, préparer sa retraite ou sa succession, etc. Il peut aussi s’agir de petits projets de vie qui s’enchaînent, comme préparer un voyage ou acheter une voiture. Tout cela fait partie d’un univers dans lequel les banques sont parfaitement légitimes car elles répondent aux besoins des clients en leur proposant les produits nécessaires, à savoir le crédit, l’épargne, et naturellement l’assurance (de biens ou de personnes) qui permet de les protéger. Ces projets demandent du temps à être préparés et réalisés. Une longue et forte relation de confiance se crée donc entre le client et le banquier, puisque l’on traite de la sécurité de ses biens, de la personne, de sa famille et, au fond, de son bien-être. L’univers de besoin auquel répond la banque relationnelle est donc celui du temps long, de même que le crédit, l’épargne et l’assurance sont des produits du temps long.

Il est normal et courant dans une société d’avoir régulièrement des polarisations de la pensée: à la fin des années 90 et courant des années 2000, on s’interrogeait beaucoup sur le fait de savoir si la grande distribution allait remplacer la banque. À cette époque, nombreux étaient ceux qui écrivaient savamment que la grande distribution allait enlever des pans entiers à la banque. Or, cela n’a pas été le cas. En 2004, dans Les Échos déjà, j’avais commis un long article sur ce sujet. La réflexion partait du point suivant : dans la grande distribution on traite le temps court, car ce qui s’y achète se consomme quasiment immédiatement. Si cela ne nous convient pas, il est facile de changer de marque et même d’enseigne. Dans la banque cela est compliqué de changer rapidement, en fonction de l’expérience de consommation, car si l’on fait un crédit, une épargne, ou si l’on souscrit à une assurance, c’est en général pour une longue durée. C’est pourquoi les conseillers bancaires doivent rester un temps suffisamment long en poste. C’est d’ailleurs une demande forte des clients. Alors que dans la grande distribution, pour l’essentiel, il n’y a plus de « commerciaux » dans les magasins. Je n’ai donc jamais vraiment cru à ce que la grande distribution puisse prendre des parts de marché importantes sur la banque, précisément parce que l’analyse fondamentale de l’essence même de ce qui était la relation bancaire me laissait penser que l’épargne ne s’achèterait pas sous blister. Le seul point de rencontre entre la grande distribution et la banque se faisait sur le crédit consommation et la carte de paiement et de fidélité, tous deux en prolongation exacte de  l’acte d’achat. Il s’agit donc du seul champ dans lequel on a effectivement eu une concurrence entre la grande distribution et les banques, jusqu’à présent.

Par ailleurs, suivant les pays, il existe différents  mix entre modèles relationnels et banques au quotidien. Une étude réalisée pour le compte de la FBF en 2010 a cherché à savoir quels étaient les pays dans lesquels les banques avaient un fort modèle relationnel. La France ressortait dans les pays les plus forts, ce qui ne voulait pas dire que les banques françaises n’étaient pas transactionnelles, mais simplement qu’elles avaient mis un poids relativement plus important sur le côté relationnel que beaucoup d’autres pays. Les pays qui ont des modèles beaucoup plus transactionnels que relationnels ont donc tout intérêt à fermer beaucoup d’agences, car celles-ci n’ont pas beaucoup d’autres offres à proposer. Dans les banques relationnelles, quelque chose d’autre se passe.

Donc les personnes viennent de moins en moins pour la banque au quotidien, c’est une certitude. Mais auront-elles pour autant de moins en moins d’appétence pour la banque relationnelle ? Depuis déjà une dizaine d’années, les modes de relation avec les réseaux bancaires ont évolué : physique, téléphone, e-mail, visio, tchats, etc. Ils ne suppriment cependant pas le besoin du conseiller bancaire. Si l’on a toujours autant besoin, voire davantage, de conseillers bancaires, il faut donc bien savoir où les placer et où les loger. Les clients désirent à intervalle régulier voir leur conseiller en tête-à-tête, pour certains sujets plus structurants ou par simple réassurance. Avoir des agences plus proches n’est donc pas complètement incongru. D’autant plus qu’elles sont aussi, en tant que lieu matérialisant la banque, une réassurance pour nombre de particuliers et même de  professionnels.  Alors puisque nous disposons déjà des agences en proximité, pourquoi se priver de cet atout ? D’autant plus que celles-ci nous offrent des kilomètres de vitrines publicitaires que bien des banques en ligne nous envient.
Ainsi, les modes de relation évoluent et se complètent, mais ils ne se suppriment pas. In fine, ils sont même essentiellement fondés sur la relation avec le conseiller de clientèle. L’essence ne change pas, car il n’y a pas de baisse de la demande de banque pour les projets de vie, et même au contraire. Avec Internet, les clients sont de plus en plus exigeants sur la qualité du conseil, car ils savent très bien naviguer pour s’informer, comparer et changer s’il le faut. Ils demandent à leur conseiller d’être encore meilleur, plus réactif et plus proactif qu’auparavant.

En réalité, la moindre fréquentation des « guichets » est une chance pour la banque, et ce n’est pas un paradoxe. Premièrement, le digital supprime les tâches répétitives au « guichet » qui ne sont pas rémunérées, ce qui économise des coûts. Nous pouvons aussi offrir beaucoup plus de temps commercial aux clients qui demandent davantage, et ce en faisant des personnes qui étaient au « guichet » des conseillers de clientèle. La plupart du temps ce sont des jeunes débutants qui n’attendent que cela, ils sont donc formés aisément. Grâce au digital, le temps commercial est développé et évite aussi les tâches répétitives aux commerciaux aguerris.

Le deuxième argument, conséquence du premier, est que l’on accroît le temps productif commercial de nos propres conseillers, ce qui augmente notre productivité. Notre PNB est ainsi accru par notre capacité à mieux servir et conseiller nos clients, et ainsi répondre à leurs besoins.

Troisièmement, le parcours client est clairement facilité par le digital, car certaines opérations sont plus faciles à traiter à distance ou par les automates. La satisfaction du client est donc augmentée, car la banque est rendue plus pratique.

Enfin, le digital est aussi une chance, car il permet d’améliorer le modèle relationnel lui-même. Le big data et l’intelligence artificielle, que l’on essaie d’intégrer progressivement, peuvent nous permettre de bien mieux comprendre nos clients et leurs besoins, de mieux préparer nos rendez-vous, donc de mieux les servir. Nous sommes ainsi bien plus efficaces. Il s’agit ici de productivité commerciale intelligente, et cela satisfait beaucoup les clients qui ne sont appelés que pour des choses qui concernent leurs véritables besoins.

Augmenter la praticité de nos banques et la qualité du conseil sont donc deux clés fondamentales de succès. Pour la banque, deux axes le permettent : la formation, dont nous avons très significativement augmenté le budget à la BRED, et le digital lui-même !

Il nous faut ainsi assurer la même praticité que les banques en ligne. Evidemment, si l’on assure la même praticité, mais que l’on ne pratique pas des tarifs aussi bas, il faut nous différencier par autre chose : un conseil de qualité. Sans vouloir les critiquer car elles sont parfaitement légitimes, il n’y a pas de conseillers dans les banques purement digitales.

Les clients en France demandent en fait les deux : une banque au quotidien très pratique et un conseiller attitré qui puisse leur apporter de la valeur ajoutée. Ils ne chercheront donc à dissocier banque transactionnelle et banque de conseil, ou même à se satisfaire d’une seule banque au quotidien low cost, que si leur banque usuelle n’excelle pas dans les deux registres.

Les banques de réseau ont donc un avantage comparatif certain, à condition aujourd’hui, d’une part, de continuer d’investir pour être aussi bonnes que les banques en ligne dans la praticité de la banque au quotidien. Rien d’impossible. Et d’autre part, Il leur faut parallèlement s’assurer qu’elles peuvent produire des conseils de qualité, dont la valeur ajoutée justifie une rémunération. L’investissement important sur le digital et sur la formation sont donc bien deux clés de succès.

Mais l’organisation agile de chaque agence comme du réseau et l’optimisation de l’utilisation des moyens pour les affecter au plus producteur de PNB est aussi cruciale. Dans certains cas, les banques peuvent supprimer des agences, car le besoin de guichets transactionnels disparaît. En conséquence, nous ne sommes effectivement plus obligés d’avoir une agence tous les 200 mètres dans les grandes villes, même si nous avons toujours besoin d’agences pour assurer le conseil. Donc, suivant la configuration des banques d’aujourd’hui, le nombre d’agences à réduire peut-être assez différent.

Ajoutons que la banque en ligne n’a pour le moment pas de rentabilité, car elle a précisément beaucoup de mal à équiper les clients. En outre, pour acquérir des clients, elle a un coût considérable à assumer qui correspond au besoin de faire beaucoup plus de publicité que les autres banques. Comme elle n’a pas de vitrines, il faut qu’elle attire le client avant qu’il ne rentre spontanément dans nos agences. La banque en ligne doit, dans le même registre, proposer beaucoup de cadeaux et d’offres gratuites. Par exemple, 80 euros sont en général accordés à l’ouverture de comptes, mais beaucoup d’étudiants vont successivement dans plusieurs banques afin de les obtenir à tour de rôle. La fidélisation n’est donc pas aisée. Et la banque en ligne se concentre pour l’essentiel, par construction donc, sur la banque transactionnelle. Il est ainsi assez difficile de rentabiliser ces modèles et de capitaliser sur les clients, sauf à commencer à élargir l’offre et à nommer des conseillers, ce qui commence à apparaître ici et là. Si cela se développait, ce serait très intéressant, car il pourrait alors y avoir des banques traditionnelles qui se digitaliseraient et des banques en ligne qui commenceraient à ouvrir leur jeu en nommant des conseillers. Les deux registres de banque commenceraient alors à se rapprocher de manière intéressante.

Mais alors la question se pose : le conseil lui-même peut-il être digitalisable ? Peut-on se passer d’humains dans le conseil ? On pourrait évidemment se dire : avec un big data bien fait et avec une bonne intelligence artificielle, une automatisation des « pushs », (SMS ou e-mails) aux clients rendrait le conseiller humain inutile. Le client recevrait des propositions intelligentes, parfois même plus intelligentes que celles du conseiller qui n’a pas été suffisamment formé ou aidé. Pourquoi demain aurait-on donc besoin de conseillers bancaires puisque tout serait digitalisé ?

Nous sommes convaincus du contraire, même s’il est impossible de se projeter avec certitude dans dix ou vingt ans.

On sait que la machine est capable de battre l’homme dans beaucoup de domaines. On sait aussi que l’homme et la machine ensemble battent la machine seule. Il faut toutefois rester très modeste, car qui sait aujourd’hui ce que sera capable de faire l’intelligence artificielle demain. Les personnes expertes en intelligence artificielle restent elles-mêmes très prudentes. Il y a cependant quelques éléments clés de réflexion à prendre en compte.

Le premier élément est que la confiance est une clé de la relation bancaire, pour une raison simple : les gens nous confient leur argent et la co-construction de leurs projets de vie. On entre dans l’intimité et dans la sécurité des personnes et de leur famille. Avoir une relation interpersonnelle permet aujourd’hui de dégager infiniment plus de confiance qu’avec un robot, même ‘’intelligent’’. Les plus jeunes qui ont une habitude extraordinaire du digital demandent par exemple à nos banques d’avoir des conseillers de clientèle attitrés, et ce même s’ils viennent bien moins dans nos agences. A la BRED, en outre, nous avons fait l’expérience d’envoyer à des groupes de clients connaissant des situations identiques des propositions commerciales par SMS ou e-mails. Comme toujours lorsque l’on fait un mailing, on a eu un retour de 2 à 3 % de réponses positives. Nous avons ensuite réitéré les envois par e-mails ou SMS à d’autres personnes aux caractéristiques identiques, puis fait appeler les conseillers de clientèle sur le même sujet. Nos succès ont alors été multipliés par dix. Il y a donc un espoir pour la relation humaine à travers cette très modeste expérience.

Le deuxième enjeu tient au fait que la base de la confiance réside aussi dans la réputation de l’institution, qui est une valeur ajoutée et un atout pour les banques.

Par ailleurs, les sciences cognitives montrent aujourd’hui que dans la capacité de décision, il y a besoin d’intelligence rationnelle, mais aussi d’intelligence émotive. Des études présentent certains cas de personnes ayant été blessées et ayant perdu l’usage d’une partie du cerveau qui servait à l’intelligence émotive. Elles sont alors totalement incapables de prendre des décisions, alors même que leurs capacités de raisonnement et d’analyse restent intactes. Les avancées de la science cognitive démontrent donc que pour prendre une bonne décision il faut avoir l’intuition de la solution doublée de la bonne analyse. Donc, la relation humaine peut-être un puissant facteur d’aide à la décision. Dans le même ordre d’idée, des études économétriques viennent de mettre à jour que l’apprentissage d’un cours était plus performant en « présentiel » avec un professeur qu’avec un MOOC. Ce qui ne remet en aucun cas en cause l’intérêt extraordinaire des MOOC dans la diffusion du savoir et la capacité de toucher bien davantage d’étudiants. Mais le professeur en salle de cours n’est pas pour autant sans avenir.
Enfin, nous recevons tous les jours davantage de sollicitations diverses et variées de la part de personnes ou d’organisations que l’on ne connaît pas, et ce sous forme de « pushs », d’e-mails ou de SMS. D’ici quelques années nous serons tous saturés de ces sollicitations, si ce n’est déjà le cas. La différence se fera alors sur les humains capables d’appeler en supplément des « pushs » ; en apportant une valeur ajoutée additionnelle. Cette différentiation sera sûrement décisive.

Pour toutes ces raisons, les banques à réseau ne seront donc probablement pas menacées d’extinction par ce qui s’apparente à une possible ‘’ubérisation’’.


Une seconde approche consiste à se demander s’il y a des possibilités de perte de segments de marché rentables, due à des intervenants extérieurs tels que les fintechs.

Prenons les fintechs qui fleurissent. On a de plus en plus de développement des services proposés sur les certifications et authentifications, la biométrie, la gestion budgétaire, les coffres forts électroniques, les agrégateurs, les paiements, la blockchain, etc. La question est donc : y a-t-il un risque de se faire désintermédier, quand on est une banque, sur des portions de la chaîne bancaire qui seraient rentables ?

L’exemple qui pourrait légitimement inquiéter est celui des agrégateurs externes qui ont aujourd’hui des possibilités d’accéder aux données, de proposer des virements, donc d’initier des paiements. Ils peuvent aussi greffer là-dessus des services de gestion de budget et des propositions de produits bancaires au meilleur prix. Qu’est-ce qui les empêcherait demain, en effet, d’analyser les données de nos clients et de proposer les services bancaires qui leur correspondent ? De tels acteurs pourraient par exemple proposer des crédits à la consommation en s’appuyant sur des courtiers et en proposant le moins disant, -mais pas obligatoirement le plus approprié – qui peut ne pas être la banque traditionnelle du client. Cette hypothèse de désintermédiation partielle des banques est parfaitement envisageable. Je pense – peut-être à tort – que les craintes peuvent être exagérées.

En premier lieu, de nombreuses fintechs n’auront pas accès aux données des clients, celles qui par exemple proposeront des logiciels de gestion de budget. Celles-ci ne seront que difficilement en mesure de prendre des parts de marché sur certains segments aujourd’hui opérés par les banques. Deux solutions s’offrent donc à elles : soit elles coopèrent avec des banques spécifiques, par achat des premières par les dernières ou partenariat plus ou moins exclusif, soit elles font des plates-formes collaboratives avec plusieurs banques de façon à proposer des services qui peuvent être partagés. Ainsi, elles s’invitent et s’intègrent dans la chaîne de valeur des banques, mais sans pour autant perturber leur modèle. Elles contribuent même à l’enrichir, puisque les banques deviennent encore plus fortes dans le modèle global avec leurs clients en élargissant leurs services. Par exemple, dans le groupe BPCE nous sommes allés chercher des fintechs pour proposer aux clients professionnels des solutions de CRM reliés aux paiements. Donc, soit les banques ont la capacité d’investissement informatique et peuvent enrichir leurs services elles-mêmes, soit elles cherchent à sous-traiter. En fait, la réalité est bien entendu, un mix des deux. Ce qui change en revanche, c’est que la banque avait l’habitude de tout faire par elle-même, alors que demain elle sera probablement aussi un métier d’assemblage, pas seulement un métier complet et totalement intégré. Assembler n’est en rien mauvais, si cela nous permet d’élargir notre base de relation globale et nos revenus.

Le second cas, qui peut évidemment poser problème, est celui où les fintechs auront accès à  une partie des données. Le web scratching -qui sera peut être interdit prochainement ou tout du moins très encadré – et plus généralement la DSP2 et les API posent la question de l’ouverture des données des banques et des comptes des clients. Aujourd’hui, toutes les banques ont construit leur agrégateur pour essayer de faire en sorte que leur clientèle n’ait pas besoin de sortir de leur univers pour accéder à leurs comptes dans leurs autres banques, et cela marche bien. Demain, réglementairement  l’accès aux données sera assorti de fortes autorisations, ce qui rendra certainement, et de façon légitime, beaucoup plus difficile  le traitement des données par les interlocuteurs externes à la banque du client (qu’il s’agisse ou non de banques).

La discussion porte aujourd’hui également sur le fait de savoir à quelles données il sera possible d’accéder. Nous pouvons dire que l’on assiste à une prise de conscience croissante des clients, des citoyens, sur le danger de laisser utiliser leurs données sans contrôle. La tendance va probablement s’accélérer, on le constate notamment chez les jeunes. Cette prise de conscience va vraisemblablement mettre un frein à l’intrusion.

En outre, une nouvelle réglementation sur la protection des données se mettra en place l’année prochaine (le règlement général sur la protection des données, GDPR, sera applicable en mai 2018) qui rappellera que les données appartiennent aux clients et que toute utilisation devra faire l’objet de son approbation. Celle-ci s’appliquera non seulement aux banques, mais aussi à tous les utilisateurs de données. Il s’agit probablement d’une bonne nouvelle, car même s’il est naturellement compliqué pour les banques d’avoir à tout justifier, cette réglementation va permettre de freiner l’arrivée de tiers voulant utiliser les données de façon cavalière, ce qui constituera à nouveau un frein à l’intrusion. La banque doit rester ce tiers de confiance qui traite les données intimes des gens, et il ne faut évidemment pas les laisser les dévoiler sans que les clients ne soient au courant et n’expriment leur consentement.


Ici encore donc, la capacité des banques à faire vivre et à améliorer leur modèle de relation globale avec leurs clients particuliers sera décisive pour résister à l’ubérisation. Tout en intégrant et en proposant  de nouveaux services qui s’inscrivent  bien dans l’univers de besoin des clients traités par les banques.Ainsi, si les banques investissent beaucoup dans la formation et dans le digital, et conduisent les changements indispensables de leurs organisations, il n’y a pas de raison de penser que le modèle de banque de détail en réseau soit mort. En revanche, comme dans tous les modèles qui durent, il ne faut plus qu’il soit chimiquement pur. Il doit au contraire être désormais intimement mixé avec le digital. On voit aujourd’hui dans tous les domaines de la distribution que les modèles purs digitaux ont du mal à vivre et que les modèles purs de distribution physique sont en train de mourir. L’avenir se fera dans ce mix-là, et les bonnes voies de réponse se trouvent dans la compréhension de ce qu’est l’essence même de la relation bancaire. Il me semble que c’est possible.

Le risque d’ubérisation aura alors aussi provoqué, ici comme dans d’autres domaines, une forte stimulation concurrentielle, essentielle dans un secteur très réglementé et peu propice aux changements rapides. Mais il faut être lucide : il ne se réduit pas à cet effet stimulant qui aura au total entraîné une amélioration du modèle bancaire au bénéfice de ses clients. Une baisse de rentabilité, toute chose égale par ailleurs, due à de nouveaux entrants exerçant une pression sur les prix, est probable. Mais d’autres domaines peuvent sans doute être développés parallèlement, connexes à l’activité récurrente des banques commerciales, qui viendront accroître leurs revenus.

Le risque d’ubérisation, pour reprendre le titre de la conférence, doit être évalué en profondeur à l’aune des atouts mobilisables par les banques commerciales. Une sortie par le haut paraît alors possible. Mais sous réserve de la juste appréciation des nécessaires mutations à réaliser et de l’adoption d’une stratégie délibérément offensive par ces mêmes banques commerciales.

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L’efficacité de la politique monétaire des taux très bas va prendre fin

La politique monétaire de taux courts et longs bas, voire négatifs, a incontestablement permis d’éviter un risque catastrophique en 2007 – 2009, puis en Zone Euro, de 2010 jusqu’à présent. Puis de raviver la croissance, même légèrement, par la relance de la demande de crédit et le soutien à la consommation et à l’investissement.

Dans la période de faible croissance que nous traversons, la politique monétaire menée par la BCE contribue à faciliter le désendettement partiel des Etats comme du privé, en garantissant un taux d’intérêt nominal inférieur au taux de croissance nominal, ou au pire égal. C’était essentiel, car n’oublions pas que la crise de 2007-2009 est survenue à la suite d’un cycle d’endettement des ménages et des entreprises devenu progressivement insoutenable. Cette crise financière et économique majeure a conduit à son tour à une très forte montée de l’endettement public. Provoquant une baisse drastique des taux longs par achat d’obligations d’Etat, Mario Draghi a réussi à stopper le cycle infernal qui reposait sur la défiance contagieuse vis-à-vis de la dette publique de certains pays européens. Cette défiance conduisait à une montée spéculative de leur taux, qui à son tour aggravait leur déficit public, donc à nouveau leur dette et la défiance à leur égard.

Cette politique de taux très bas, voire négatifs, a aussi pour objectif de soutenir la demande globale de crédit. En principe, les taux d’intérêt inférieurs au taux de croissance donnent tôt ou tard l’envie de moins épargner et de plus consommer et investir, et in fine, permettent de relancer la croissance. Les taux actuels des crédits immobiliers en sont une illustration parfaite avec des planchers historiquement bas. Enfin, en améliorant la valorisation des actifs patrimoniaux (immobilier, actions…), la baisse des taux peut provoquer également un effet richesse favorable à la consommation et à l’investissement, plus visible cependant aux États Unis qu’en Zone Euro.

Mais si la confiance ne suit pas, la demande de crédit peut demeurer atone malgré la baisse des taux. En 2014 en France par exemple, la demande est restée en deçà des espoirs des banques quant aux projets à financer. A l’inverse, entre fin 2014 et début 2015, les entreprises françaises ont repris goût à l’investissement avec une demande de crédit raffermie. En outre, les ménages peuvent  être in fine tentés d’augmenter les montants qu’ils épargnent et non les abaisser , pour protéger le niveau de leur retraite ultérieure, ne pouvant plus compter sur la capitalisation des intérêts devenus trop faibles.

Quel est l’impact du côté des banques ? Les taux très bas entament sans conteste la rentabilité bancaire. La marge nette d’intérêt d’une banque correspond aux intérêts reçus sur ses stocks de crédits moins les intérêts rémunérant les encours de dépôts. Si le taux de marge baisse, butant sur l’impossibilité de connaître une baisse de rémunération des dépôts – qu’il est quasi impossible de rendre négative – équivalente à celle constatée sur les crédits, les revenus des banques baissent. Tout l’enjeu des banques aujourd’hui est donc de compenser cette perte due à l’effet taux par un effet volume positif. Si la demande globale de crédits augmente, notamment grâce à la baisse des taux provoquée par la banque centrale, chaque banque peut en profiter. Mais si la demande ne se développe pas suffisamment, le secteur se contracte.

Le volume global de crédits en 2015 en France a augmenté suffisamment pour compenser l’effet des taux négatifs. Mais cet effet volume n’a plus été suffisant au premier semestre 2016.
Cependant, cette baisse de marge d’intérêts a été compensée sur cette dernière période par la baisse du coût du risque. La baisse des taux, en soutenant l’économie, fait en effet mécaniquement baisser le coût du risque de crédit. Depuis 2014, la baisse du risque s’est ainsi accélérée, permettant aux banques de compenser l’effet taux négatif et l’effet volume insuffisant. Mais nous arrivons maintenant à une impasse. Si, en effet,  les taux très bas perduraient à ce même niveau, l’effet taux s’aggraverait inexorablement, alors que  le coût du risque ne pourrait  plus s’abaisser indéfiniment et jouer son rôle de compensation.

En réduisant fortement à l’avenir la rentabilité des banques, des taux très bas risqueraient finalement de contraindre l’offre de crédit, au moment même où  la réglementation bancaire exige des ratios de solvabilité en forte hausse, donc plus de résultats en renfort des fonds propres. D’autant qu’il est impossible de réaliser aisément des augmentations de capital, puisque la rentabilité des banques s’est affaissée en-dessous de leur coût du capital. La poursuite d’un telle politique pourrait être ainsi in fine  défavorable à la croissance. Rappelons que contrairement aux Etats-Unis où les marchés assurent l’essentiel des besoins de financement, en Europe, la situation est inverse. Maintenus à un niveau si bas, les taux d’intérêt pourraient également faciliter tôt ou tard l’émergence d’une bulle de l’immobilier, voire des actions. Enfin, ils fragilisent assureurs vie et caisses de retraite.

La politique de taux très bas a été indispensable. Quelle autre politique monétaire aurait pu être menée, sans prendre des risques bien plus élevés ? Elle a permis également d’acheter du temps, notamment dans la Zone Euro, pour que les gouvernements fassent plus aisément les réformes structurelles nécessaires au rehaussement de leur croissance potentielle et qu’ils soient en mesure de compléter les arrangements institutionnels indispensables qui régissent la zone monétaire (réelle coordination des politiques économiques au sein de la zone, éléments de mutualisation des dettes publiques…). Il n’est pas certain que ce temps ait été mis suffisamment à profit. Pourtant, au moment où les taux de la Fed aux États Unis sont sur le point de remonter, probablement légèrement, et où les taux longs ont initié une hausse, en Zone Euro le temps est déjà compté.

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Banque Conjoncture

« Le financement des entreprises : y-a-t-il insuffisance de crédit ? »

Y-a-t-il rationnement du crédit en France aujourd’hui ?

1/ La question peut légitimement se poser

Caractérisons le cycle financier

Dans phase euphorique :

  • Accélération de la croissance au fur et à mesure
  • Perception du risque à la baisse
  • Prime de risque diminue
  • Augmentation des prix des actifs patrimoniaux : actions + immobilier
  • Augmentation du crédit (dû à une perception du risque en baisse, à l’augmentation de la valeur des collatéraux et à l’augmentation de la demande de crédit)
  • Et bouclage avec soutien de la croissance en retour

Et symétriquement dans dépression, donc crise financière et rationnement du crédit.

Ajoutons qu’en pleine crise financière,

s’il y a une crise de liquidité :

  • Manque de liquidité
    • Renchérissement ou diminution de la ressource bancaire,
    • Effet sur taux de crédit
    • Limitation du volume des crédits
  • Le respect des ratios de solvabilité peut aussi être pro-cyclique et aggraver la crise :

Donc demande, pour respecter le ratio de solvabilité, de plus de capital par rapport aux engagements ou moins d’engagements pour un capital identique.

D’où

  • Soit augmentation de capital, mais peut-être très cher ou même impossible à ce moment là
  • Soit diminution des engagements, donc du crédit.

2/ Qu’en est-il réellement aujourd’hui en France ?

Clairement en France, il n’existe pas de rationnement aujourd’hui.

2 indicateurs :

  • Enquête BCE : % des entreprises pour lesquelles les conditions se durcissent – % des entreprises pour lesquelles les conditions du crédit s’améliorent
  • Enquête BdF : % des entreprises qui obtiennent 100% ou + de 75% des crédits demandés

Conditions de crédit en Zone Euro :

a)  BCE :

L’indicateur s’améliore.

France, Allemagne, Autriche : bon niveau d’octroi de crédit

Espagne, Italie, Portugal : moyen

Irlande, Grèce : mauvais

b) BdF : 2nd trimestre 2014

PME :

  • Pour les crédits d’investissement : 89 % des PME
  • Pour les crédits de trésorerie : 71 %

ETI :

  • Pour les crédits d’investissement : ~ 90 %
  • Pour les crédits de trésorerie : ~ 85 %

Enquête Banque de France : Baisse de la demande, pas baisse de l’offre. Excellent niveau de réponse à la demande de crédit.

c) Constatation d’une diminution des marges sur entreprises.

Ce qui signifie : Offre de crédit > Demande de crédit

d) Affaiblissement des critères d’octroi des crédits

La durée du crédit s’allonge, demande de garanties baisse, demande de collatéraux moins fortes.

3/ Pourquoi n’y a-t-il pas de rationnement du crédit en France ?

1/ Atteinte du ratio de solvabilité plus élevé exigé pour la réglementation Bâle 3 sans trop de difficulté, car bonne situation de départ. Bonne santé des banques françaises.

2/ Ratios de liquidité : pas favorables aux banques françaises. Liquidity Coverage Ratio (LCR) (2015-2019 : 60 à 100 %) et Net Stable Funding Ratio (NSFR).

Mais, malheureusement la conjoncture contribue beaucoup au respect des ratios réglementaires, car la demande de crédit est faible ; ce qui facilite également l’amélioration des ratios emplois-ressources clientèle, suivis par les analystes et les agences de notation.

Moins de crédit facilite un coefficient emplois – ressources clientèle de meilleure facture.

  • Pas rationnement de l’offre

3/ Attention ratio de transformation ! Règles d’écoulement des dépôts, en réflexion à Bâle, pourraient changer dangereusement pour entraver la possibilité des banques de prêter à taux fixe long avec un refinancement composé de dépôts clients stables.

Dangereux pour la capacité des banques françaises à prendre le risque de taux et de liquidité pour faire crédits longs à taux fixe aux entreprises et aux ménages. Si tel était le cas, soit les banques françaises titriseraient bien davantage leurs crédits par contrainte – et le risque de transformation (risque de taux et de liquidité) serait pris par les acheteurs des produits titrisés -, soit les banques françaises accorderaient essentiellement des crédits longs à taux variable, ce qui ferait prendre le risque de taux par les emprunteurs. Serait-ce un progrès ?

Conclusion

Les banques sont des centrales de risque.

Elles prennent des risques de crédit, de taux d’intérêt et de liquidité de par leur rôle économique d’intermédiation (prêts et emprunts auprès des clients) et de transformation (transformation des termes : emprunt auprès des clients essentiellement à court terme et crédits à moyen-long terme).

Ces risques sont réglementés et supervisés. C’est une nécessité pour ne pas laisser les banques prendre trop de risque, ce qui pourrait ruiner les déposants et déstabiliser la sécurité financière du système bancaire et financier dans son ensemble.En revanche, limiter trop les risques pris par les banque dans l’exercice de leur activité commerciale reviendrait à les faire prendre par d’autres qui ne sont ni réglementés, ni supervisés : clients eux-mêmes, investisseurs dans les produits titrisés ou « shadow banking », ou bien encore à entraver la croissance par manque de crédit.

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