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Banque Economie Générale

A quoi servent les banques ? (version complète)

La responsabilité des banques a largement été mise en cause lors du déclenchement de la crise en 2007. La réalité est plus complexe, même si des banques, notamment anglo-saxonnes, y ont à tout le moins participé et ont pu l’amplifier. Cependant, notre propos n’est pas ici de revenir sur la genèse de la crise, mais plutôt de répondre aux questions qui se sont posées quant à la finalité des banques et leur utilité au service de l’économie.

De fait, le rôle fondamental d’une banque commerciale est de collecter l’épargne et de faire des crédits. C’est une évidence, mais elle est essentielle. Et cela se vérifie par contraste dans les économies en développement, y compris les économies émergentes, où la population est faiblement bancarisée. Dans ces pays, une partie de l’épargne nationale, la plus importante, échappe à tout circuit d’allocation rationnel et efficace. La majorité de la population investit dans des biens patrimoniaux, conduisant ainsi, le cas échéant, à des bulles, ou thésaurise en liquide (billets) ses avoirs. Un système inefficace au total, puisque l’épargne n’est pas investie au bénéfice de la croissance, c’est-à-dire au service des projets des individus et des entreprises.

En France, naturellement, la réalité est tout autre car le déploiement des agences depuis les années 60 s’est traduit par un taux de bancarisation de la population aujourd’hui proche de 100%. Dans les pays développés, les banques jouent donc un rôle essentiel dans la collecte et la bonne allocation de l’épargne. D’autant qu’à l’exception des grandes entreprises et épisodiquement de certaines moyennes entreprises, les possibilités d’emprunter des agents économiques sur les marchés financiers sont extrêmement réduites. Car émettre sur ces marchés nécessite de se faire connaître, d’émettre régulièrement, de recourir souvent à des agences de notation, donc de dépenser beaucoup d’argent pour assurer une information abondante sur soi-même. Il faut être suffisamment important pour pouvoir absorber ces coûts et pour intéresser les investisseurs à l’analyse de ses comptes et, ainsi, réduire ce qu’on appelle en économie l’asymétrie d’information entre le prêteur et l’emprunteur.

Or, tous les acteurs économiques ont des besoins de financement. Et c’est précisément le rôle des banques que d’y répondre grâce à leur connaissance approfondie et durable des emprunteurs, quels qu’ils soient, ménages, professionnels, PME, moyennes entreprises, voire grandes entreprises. Cette connaissance approfondie, sur la durée, permet aux banques de mieux appréhender le profil de l’emprunteur, le contexte de l’emprunt, donc de prendre raisonnablement en compte le risque de crédit. Elles sont aussi aidées en cela par la gestion des flux de paiement de ces clients.

Pour les épargnants (les placeurs), l’utilité de la banque est également manifeste. La plupart en effet n’ont pas une surface financière suffisante pour assumer un risque de crédit concentré sur quelques émetteurs de dette. Il revient donc à la banque d’emprunter auprès des épargnants et de prendre elle-même ce risque de crédit sur des clients à besoin de financement, ce qui impacte, en cas de risque avéré, son propre compte de résultat. Autrement dit, en investissant dans des produits bancaires, les épargnants prennent un risque sur la banque et non sur la multitude d’emprunteurs auxquels la banque fait crédit. De par son activité d’intermédiation, la banque joue donc un rôle économique et social crucial, tant en faisant se correspondre les besoins et les capacités de financement des uns et des autres qu’en prenant elle-même le risque de crédit en lieu et place des épargnants.

Le second rôle d’une banque est d’assumer le risque de taux d’intérêt et de liquidité engendré par son activité de collecte d’épargne et d’octroi de crédit. C’est son activité de « transformation » (des échéances des dépôts et des crédits).

En effet, les ménages, comme les entreprises, privilégient le plus souvent les placements à court terme, rapidement disponibles. Mais la plupart des emprunteurs souhaitent emprunter sur le long terme, c’est-à-dire sur une durée suffisante pour rentabiliser un investissement dans une entreprise ou dégager peu à peu une capacité d’épargne pour rembourser un emprunt immobilier, par exemple. Les marchés peuvent certes jouer un rôle à cet égard. Mais l’achat d’une obligation à 7 ans par exemple émise par une entreprise comporte pour le placeur non seulement un risque de crédit sur de nombreuses années, mais aussi un risque de taux d’intérêt entraînant un risque de perte sur le capital, en cas de revente avant le terme.

L’achat d’obligations, ou de tout titre de créance, comporte en effet un risque de plus-value/moins-value en fonction notamment des fluctuations des taux d’intérêt. Or ils peuvent varier fortement comme cela s’est produit à maintes reprises durant les trente dernières années. En revanche, si un épargnant choisit un placement bancaire, il ne supporte aucun risque de plus ou moins-value, il reporte de fait le risque de taux d’intérêt sur la banque qui dispose du professionnalisme nécessaire pour le gérer et qui respecte des réglementations prudentielles établies à cet effet. La banque inscrit les pertes liées à la matérialisation de ce risque sur ses propres comptes de résultat, sans mettre en jeu la valeur des placements de ses épargnants-clients, sauf à disparaître elle-même.

Prêter à moyen-long terme et emprunter à court terme comporte, outre le risque de taux d’intérêt, un risque de liquidité. En effet, les épargnants qui ont effectué des placements ou des dépôts à court terme peuvent souhaiter retirer leur argent alors qu’il est bloqué par la banque dans des prêts à moyen-long terme. Sur les marchés, le risque de liquidité est en principe résolu par le marché secondaire. Il est possible, en principe, d’y revendre une action ou une obligation, avec une plus-value ou une moins-value à la clé (cf. ci-dessus). Mais en réalité la liquidité est « autoréférentielle ».

Un marché n’est pas liquide par essence, intrinsèquement, mais parce que les investisseurs en sont convaincus. Si cette conviction vient à disparaître, si les investisseurs craignent pour la liquidité, ils cessent d’acheter et plus aucune vente ne peut avoir lieu ou à des prix très en deçà de la valeur « normale » des titres considérés. Ce risque de liquidité est porté par tous ceux qui interviennent directement sur le marché financier. Dans le cas des banques, ce risque de liquidité est géré par la banque, avec professionnalisme, et à nouveau en respectant des ratios prudentiels ad hoc. En dernier recours, les banques centrales peuvent intervenir et redonner des liquidités aux banques. Cela s’est produit internationalement en 2008, puis en 2011 avec la crise de liquidité spécifique à la zone euro.

En résumé, la banque est non seulement indispensable à une allocation rationnelle de l’épargne, mais, en outre, et contrairement aux marchés, elle prend à la fois les risques de crédit, de taux d’intérêt et de liquidité à la place de ses clients. Et ces prises de risques sont réalisées de façon réglementées et supervisée. C’est l’ensemble de ces fonctions qui fonde l’utilité économique et sociale spécifique et irréductible des banques.

Le propos n’est pas ici d’évoquer les banques d’investissement qui jouent un rôle de conseil et ont vocation notamment à intervenir sur les marchés, en tant qu’intermédiaire mettant en face à face direct les acheteurs et les vendeurs et en y originant des titres pour le compte des emprunteurs.


Une question se pose aujourd’hui : les réglementations bancaires nouvelles permettent-elles de gérer encore mieux le risque bancaire ?  Les réglementations macro-prudentielles sont indispensables, car les marchés peuvent être régulièrement déconnectés des fondamentaux économiques. Et plus les marchés sont globalisés, plus ils sont volatils, et plus le risque de bulles est important.

Il se produit donc régulièrement des erreurs de marchés manifestes. Les banques, comme les marchés, peuvent par exemple être entraînées, dans des phases euphoriques, à trop prêter en laissant se développer un surendettement chez les emprunteurs. A contribuer ainsi au développement de bulles de crédit et de bulles sur les actifs patrimoniaux (actions, immobilier…). Puis lors des retournements, à des rationnements trop brutaux de crédit et des plongées dépressives des prix des actifs. En outre, et c’est le fondement historique de la réglementation, une réglementation micro-financière est nécessaire pour protéger l’épargne des déposants dans chaque banque et assurer par là-même la stabilité du système bancaire et financier, indispensable à la bonne marche de l’économie. Mais, s’il existe manifestement des erreurs de marché à répétition, il peut exister aussi des erreurs de réglementation.

La réglementation, de par une exigence de ratios de solvabilité minimum à respecter, oblige ainsi les banques à disposer de capitaux propres suffisants en face des risques qu’elles prennent (risques de marchés et de crédit). La réglementation permet également de réduire le risque de liquidité depuis Bâle 3. Mais certaines réglementations ont parfois des effets indésirés.

Par exemple, dans Bâle 2, certaines modalités étaient procycliques. Elles accentuaient en effet les effets euphoriques comme les effets dépressifs. En permettant aux banques de diminuer leurs capitaux propres ou d’augmenter leurs engagements en cas d’évolution favorable de la conjoncture et des marchés financiers, elles favorisaient une prise de risques accrue, ce qui contribuait au développement de bulles spéculatives (de crédits, de marchés, etc.). A l’inverse, en cas d’évolution défavorable, les banques devaient renforcer leurs capitaux propres ou diminuer leurs engagements dans l’urgence, alors même qu’elles devaient passer des provisions sur les crédits et assumer des positions défavorables sur les marchés financiers, renforçant alors le caractère dépressif de l’économie. Bâle 3 est venu au moins partiellement corriger ces effets pro-cycliques en prévoyant des coussins de capitaux propres contracycliques. Le régulateur corrige parfois davantage les crises passées qu’il n’anticipe les crises futures.

Un problème se pose dans chaque nouvelle réglementation prudentielle : arbitrer entre le trop peu de régulation, ce qui serait dangereux pour la stabilité financière, et le trop de régulation, qui induit un danger non moins tangible sur la croissance et potentiellement sur la stabilité financière elle-même. Réduire trop fortement les risques de taux d’intérêt, de crédit ou de liquidités pris par les banques dans leur propre activité commerciale, reviendrait à réduire l’activité économique ou à transférer ces risques aux autres acteurs économiques, les entreprises, les particuliers ou les professionnels.

Par exemple, pour ne pas prendre de risque sur les taux d’intérêt, les banques espagnoles et les banques anglaises ont développé le crédit immobilier à taux variable. Quand les taux montent, ce sont ainsi les emprunteurs qui se retrouvent contraints, voire piégés. Contrairement aux banques, les acteurs économiques non bancaires n’ont que rarement les moyens de gérer ces risques qui sont inhérents à l’activité économique et au décalage entre les désirs des agents économiques à capacité de financement et de ceux qui connaissent des besoins de financement.

Ainsi, chaque fois que l’on demande aux banques de prendre trop peu de risques induits par leur pure activité commerciale de prêteur et de collecteur d’épargne[1], on fait porter ce risque par des acteurs qui ne sont ni régulés, ni supervisés, ni professionnalisés. Une trop forte réglementation qui réduirait exagérément la capacité des banques commerciales de prendre du risque inhérent à leur rôle économique conduirait en effet à réduire leur activité et à déplacer ces risques vers des acteurs non régulés, soit directement vers les agents économiques qui sont mal équipés pour les gérer, soit vers la finance de l’ombre (« le shadow banking ») qui accumulerait ainsi des risques sans contrôle. C’est à nouveau ce qui se produit depuis trois ans à une très forte échelle, comme s’en alerte très récemment le FMI, en en dénonçant le danger potentiel en termes de risque systémique.

En outre, si pour réduire la quantité de risques pris par les banques, on les incite à titriser davantage leur crédits, elles transfèrent ici encore ces risques de taux d’intérêt, de crédit, comme de liquidité, vers des investisseurs peu ou pas régulés. Ajoutons que par la titrisation, on augmente la volatilité des résultats bancaires. Normalement, la variation des résultats des banques commerciale est lente, car elles vivent des marges entre le taux d’intérêt de leurs stocks de crédits et celui de leurs emprunts et dépôts, et des commissions sur les services et produits qu’elles ont commercialisés. Mais si demain il était demandé aux banques de titriser bien davantage leurs crédits, leur résultat, au lieu d’être calculé sur des stocks, serait dépendant du volume de crédits produits dans l’année, donc des flux, induisant ainsi une instabilité de leurs résultats qui ne contribuerait guère à la stabilité financière globale.

Porteuse ainsi d’instabilité à plusieurs titres (moindre régularité des résultats des banques comme externalisation des risques de banques régulées vers d’autres acteurs qui ne le sont pas), la titrisation peut néanmoins être vertueuse, à condition d’être faite à la marge et si elle est produite dans de bonnes conditions. L’exemple des « subprimes » nous prouve que les banques sont capables du pire en la matière. Pour éviter ces dérives, les banques doivent rester responsables des crédits qu’elles accordent (de par un pourcentage minimal de risque conservé en cas de titrisation, disposition prévue dans Bâle 3, pour éviter l’effet d’« aléa moral »), et doivent conserver l’essentiel de leurs crédits dans leur bilan. La titrisation ne peut être qu’une solution – réglementée – d’appoint, si l’on veut protéger la stabilité financière.

A la suite de la grande crise financière, un nouvel objectif est apparu, bien compréhensible, mais dangereux s’il frise l’obsessionnel. Celui d’éviter tout nouveau sauvetage des banques par l’argent public, c’est-à-dire par les contribuables. D’où toutes les nouvelles réglementations et celles en préparation pour éviter les « bail-out », c’est-à-dire les renflouements par les Etats, et forcer aux « bail-in », c’est-à-dire au renflouement par les actionnaires et les créanciers des banques, suivant l’idée d’une banque « Phenix », renaissant de ses cendres.

Le but est louable. Mais il ne doit pas rater sa cible. Rappelons tout d’abord qu’en France, les banques ont remboursé l’intégralité des sommes prêtées par l’Etat pendant la grande crise. Mais surtout, le souhait de ne pas avoir à renflouer les banques avec l’argent des contribuables, s’il doit très légitimement conduire à des règles prudentielles plus efficaces, ne doit pas vouloir réduire trop fortement le risque pris naturellement par les banques de par leur activité commerciale.

Les banques ne sont que des centrales de risque, notamment de taux d’intérêt, de crédit et de liquidité, comme nous l’avons explicité. Elles prennent ces risques sur elles, répétons-le. Et cela permet aux autres acteurs économiques de ne pas les prendre ou d’en prendre significativement moins. Elles le font de façon professionnelle et réglementée, avec une supervision qui doit être sans faille. Aller trop loin dans la réduction des risques pris par les banques ne conduirait pas à éviter aux contribuables de dépenser moins.

Si les banques ne les concentraient plus suffisamment sur elles, on étoufferait l’économie ou, sans réduire le risque et même en l’accroissant pour les raisons analysées ci-dessus, on le transférerait en amont aux acteurs économiques , c’est-à-dire aux contribuables, en les fragilisant dans les moments de tension ou de crise, et on le disséminerait, en en perdant la traçabilité. Donc, à terme, on augmenterait l’instabilité financière globale.

Bien entendu, nous nous sommes intéressés ici aux risques inhérents à l’activité commerciale des banques et non à l’activité de marché pour compte propre. Il convient donc de bien dissocier les situations pour trouver la juste réglementation. De bien comprendre le rôle indispensable et irréductible des banques dans l’économie pour ne pas l’abîmer et parvenir éventuellement à un résultat inverse à celui recherché. Enfin, et comme souvent, à penser que les solutions efficaces et durables sont une question de discernement et de mesure.

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[1] Une réflexion est en cours actuellement à Bâle sur la mise en place d’une réglementation plus stricte du risque de taux d’intérêt pris par les banques commerciales, en modifiant les conventions d’écoulement des dépôts à vue, considérant – contrairement à l’expérience à tout le moins française – que les dépôts sont moins stables et à contraindre ainsi davantage les banques dans leur capacité à transformer de l’épargne courte en crédits longs. Cela conduirait alors les banques soit à davantage titriser, soit à transférer le risque de taux et de liquidité sur les acteurs économiques non bancaires.

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Banque Conjoncture

« Le financement des entreprises : y-a-t-il insuffisance de crédit ? »

Y-a-t-il rationnement du crédit en France aujourd’hui ?

1/ La question peut légitimement se poser

Caractérisons le cycle financier

Dans phase euphorique :

  • Accélération de la croissance au fur et à mesure
  • Perception du risque à la baisse
  • Prime de risque diminue
  • Augmentation des prix des actifs patrimoniaux : actions + immobilier
  • Augmentation du crédit (dû à une perception du risque en baisse, à l’augmentation de la valeur des collatéraux et à l’augmentation de la demande de crédit)
  • Et bouclage avec soutien de la croissance en retour

Et symétriquement dans dépression, donc crise financière et rationnement du crédit.

Ajoutons qu’en pleine crise financière,

s’il y a une crise de liquidité :

  • Manque de liquidité
    • Renchérissement ou diminution de la ressource bancaire,
    • Effet sur taux de crédit
    • Limitation du volume des crédits
  • Le respect des ratios de solvabilité peut aussi être pro-cyclique et aggraver la crise :

Donc demande, pour respecter le ratio de solvabilité, de plus de capital par rapport aux engagements ou moins d’engagements pour un capital identique.

D’où

  • Soit augmentation de capital, mais peut-être très cher ou même impossible à ce moment là
  • Soit diminution des engagements, donc du crédit.

2/ Qu’en est-il réellement aujourd’hui en France ?

Clairement en France, il n’existe pas de rationnement aujourd’hui.

2 indicateurs :

  • Enquête BCE : % des entreprises pour lesquelles les conditions se durcissent – % des entreprises pour lesquelles les conditions du crédit s’améliorent
  • Enquête BdF : % des entreprises qui obtiennent 100% ou + de 75% des crédits demandés

Conditions de crédit en Zone Euro :

a)  BCE :

L’indicateur s’améliore.

France, Allemagne, Autriche : bon niveau d’octroi de crédit

Espagne, Italie, Portugal : moyen

Irlande, Grèce : mauvais

b) BdF : 2nd trimestre 2014

PME :

  • Pour les crédits d’investissement : 89 % des PME
  • Pour les crédits de trésorerie : 71 %

ETI :

  • Pour les crédits d’investissement : ~ 90 %
  • Pour les crédits de trésorerie : ~ 85 %

Enquête Banque de France : Baisse de la demande, pas baisse de l’offre. Excellent niveau de réponse à la demande de crédit.

c) Constatation d’une diminution des marges sur entreprises.

Ce qui signifie : Offre de crédit > Demande de crédit

d) Affaiblissement des critères d’octroi des crédits

La durée du crédit s’allonge, demande de garanties baisse, demande de collatéraux moins fortes.

3/ Pourquoi n’y a-t-il pas de rationnement du crédit en France ?

1/ Atteinte du ratio de solvabilité plus élevé exigé pour la réglementation Bâle 3 sans trop de difficulté, car bonne situation de départ. Bonne santé des banques françaises.

2/ Ratios de liquidité : pas favorables aux banques françaises. Liquidity Coverage Ratio (LCR) (2015-2019 : 60 à 100 %) et Net Stable Funding Ratio (NSFR).

Mais, malheureusement la conjoncture contribue beaucoup au respect des ratios réglementaires, car la demande de crédit est faible ; ce qui facilite également l’amélioration des ratios emplois-ressources clientèle, suivis par les analystes et les agences de notation.

Moins de crédit facilite un coefficient emplois – ressources clientèle de meilleure facture.

  • Pas rationnement de l’offre

3/ Attention ratio de transformation ! Règles d’écoulement des dépôts, en réflexion à Bâle, pourraient changer dangereusement pour entraver la possibilité des banques de prêter à taux fixe long avec un refinancement composé de dépôts clients stables.

Dangereux pour la capacité des banques françaises à prendre le risque de taux et de liquidité pour faire crédits longs à taux fixe aux entreprises et aux ménages. Si tel était le cas, soit les banques françaises titriseraient bien davantage leurs crédits par contrainte – et le risque de transformation (risque de taux et de liquidité) serait pris par les acheteurs des produits titrisés -, soit les banques françaises accorderaient essentiellement des crédits longs à taux variable, ce qui ferait prendre le risque de taux par les emprunteurs. Serait-ce un progrès ?

Conclusion

Les banques sont des centrales de risque.

Elles prennent des risques de crédit, de taux d’intérêt et de liquidité de par leur rôle économique d’intermédiation (prêts et emprunts auprès des clients) et de transformation (transformation des termes : emprunt auprès des clients essentiellement à court terme et crédits à moyen-long terme).

Ces risques sont réglementés et supervisés. C’est une nécessité pour ne pas laisser les banques prendre trop de risque, ce qui pourrait ruiner les déposants et déstabiliser la sécurité financière du système bancaire et financier dans son ensemble.En revanche, limiter trop les risques pris par les banque dans l’exercice de leur activité commerciale reviendrait à les faire prendre par d’autres qui ne sont ni réglementés, ni supervisés : clients eux-mêmes, investisseurs dans les produits titrisés ou « shadow banking », ou bien encore à entraver la croissance par manque de crédit.

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[Vidéo] Club Business Challenges – La Stratégie de la BRED pour une Banque sans distance

Dans un monde bancaire en pleine mutation, qui voit s’affirmer différentes stratégies, la BRED capitalise sur ses atouts de banque coopérative pour proposer à ses clients de bénéficier de la convergence du meilleur du numérique et de la banque traditionnelle.

Comment la Bred veut se développer dans les… par Challenges
Voir l’article « Comment la Bred veut se développer dans les émergents » par Challenges 

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Projet de loi de régulation des activités bancaires : débat entre Olivier Klein et Karine Berger, publié dans La Correspondance économique du 11 juillet 2013

 
Au cours de cette table ronde organisée conjointement le 27 juin dernier par le cabinet d’avocats Carbonier Lamaze Rasle et Associés (CARLARA), le « Bulletin Quotidien » et la « Correspondance économique », Mme Karine BERCER, députée (PS) des Hautes-Alpes, rapporteure du projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires, et M. Olivier KLEIN, directeur général de la BRED Banque Populaire, professeur d’économie finance à HEC, ont souligné la nécessité de lutter contre l’instabilité financière, tout en préservant la compétitivité des banques françaises.

Introduit par M. Edouard de LAMAZE, le débat était consacré au projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires. Voté en deuxième lecture au Sénat le 27 juin dernier, le projet de loi, qui doit être examiné en commission mixte paritaire aujourd’hui (vote solennel en séance prévu le 17 juillet), est « une mesure phare du programme du président François HOLLANDE », a rappelé Me de LAMAZE. La France sera ainsi l’un des premiers pays en Europe, avec l’Allemagne, à mettre en œuvre une séparation des activités bancaires.

Lutter contre le risque systémique et l’aléa moral à l’origine de l’instabilité financière

Mme Berger et M.KLEIN ont insisté sur la nécessité de réguler le risque systémique et l’aléa moral inhérents au système financier afin d’éviter la récurrence des crises financières. Selon Mme BERGER, la séparation des activités bancaires spéculatives de celles utiles à l’économie (titre I du projet de loi) vise à répondre à cette question. « Pour comprendre la spéculation, il faut revenir aux causes de la crise à l’automne 2008. Il s’agit d’une conjugaison de problématiques de liquidité et de solvabilité insuffisantes, constat auquel doit remédier Bâle 3, mais surtout de la découverte du risque systémique et de l’aléa moral. Le risque systémique se manifeste par le fait qu’une banque à elle toute seule, du fait de son arrêt, peut mettre à mal l’ensemble de l’économie. L’aléa moral réside dans le fait que les banques savent que les Etats les sauveront quoiqu’il arrive et sont donc amenées à prendre de mauvais risques », a rappelé Mme BERGER. M. Michel ROUGER, président-cofondateur de l’institut Perspectives, recherches, études sociétales appliquées à la justice et à l’économie (PRESAJE),ancien président du Tribunal de commerce de Paris (1992/1995) et ancien président du Consortium de réalisation (CDR) (1995/1998), a pour sa part plaidé qu’il fallait « avoir le courage d’accepter la faillite des banques, ce que les Français, et leur Etat, refusent de faire et ce, pour une bonne raison, afin de protéger les « dépôts qui ne sont que ce qui est disponible en attendant que les impôts vous le prennent » (…). Les américains, eux, n’ont pas hésité avec la faillite de Lehman Brothers, les anglais ont fait la même chose. La seule véritable et efficace mise en responsabilité du banquier, c’est de le mettre en face de sa faillite ».

M. KLEIN a, quant à lui, estimé que la crise de 2008 ne vient « pas stricto sensu des banques mais d’une phase transitoire de la mondialisation, avec une surproduction mondiale qui a été cachée pendant un certain temps par un surendettement global. La finance est fautive dans le sens où les banques d’investissement, notamment anglo-saxonnes, ont rivalisé d’imagination pour ne pas laisser apparaître ce surendettement » Le directeur général de la BRED a souligné le caractère « intrinsèquement pro cyclique et instable » de la finance. « La finance ne peut pas s’autoréguler en permanence, comme a pu le prétendre la théorie économique traditionnelle, car il n’existe pas de valeur d’équilibre évidente du prix des actifs financiers qui sont fondés sur une promesse de rendement futur, puisque le futur est difficilement probabilisable. C’est pour cela que la réglementation prudentielle est nécessaire. Cependant, a ajouté M. KLEIN, s’il existe des erreurs de marché, il existe également des erreurs de politiques économiques comme de réglementations prudentielles. Il faut donc que ces réglementations soient appropriées et prennent bien en compte leurs effets macro-économiques, en évitant toute pro cyclicité ».

Embrayant sur la comparaison faite par Mme BERGER avec la sécurité routière, M. Christian WALTER, professeur associé à l’IAE de l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne, responsable scientifique du programme Histoire et épistémologie de la finance à la Fondation Maison des sciences de l’homme (FMSH), a poursuivi la métaphore en soulignant la limite du diagnostic classique de la crise et donc du remède apporté par la nouvelle loi bancaire, l’effet aveuglant des instruments techniques n’ayant pas été pris en compte. »

Même si le code de la route a été fait comme il faut (réglementation) et que les panneaux sont à la bonne place (information), même si le conducteur est en règle et pas sous l’emprise d’alcool ou de drogues (déontologie), si le compteur de vitesse est déficient, le conducteur croira rouler à 30 km/h alors que sa vraie vitesse est 100 km/h, et la voiture sortira de la route : les remèdes actuels (réglementation, information et déontologie) n’incluent pas les instruments. Or des instruments trompeurs ont contribué à déstabiliser la finance et à accroître l’aléa moral ».

M. Christian WALTER, professeur associé à l’IAE de l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne, responsable scientifique du programme Histoire et épistémologie de la finance à la Fondation Maison des sciences de l’homme (FMSH) s’est inquiété de savoir si le problème ne venait pas d’un « compteur de vitesse déficient. Même si le code de la route a été refait, si le chauffeur croit rouler à 30 au lieu de 100, les règles ne sont pas suffisantes ».
« L’information a un coût et l’asymétrie d’information est précisément la raison pour laquelle les marchés financiers ne sont pas efficients. Mais il n’y a pas de solution, c’est le mal que l’on ne peut corriger », a répondu Mme BERGER.

Face à ce constat, une régulation globale de la finance s’impose. M. Yves JACQUOT, directeur général adjoint de la BRED, a toutefois fait remarquer que les erreurs de réglementation pouvaient également représenter « un macro-risque systémique ». Mme BERGER, s’appuyant sur l’exemple des normes comptables IFRS qui ont créé « volatilité et instabilité », a estimé que « c’est le débat international qui amène progressivement à la bonne régulation. Je ne crois plus aux régulations mono locales. » Un avis partagé par M.KLEIN : « La réglementation doit être internationale pour éviter les risques liés au moins-disant réglementaire », a-t-il souligné.

L’étude de la séparation des activités doit s’accompagner d’un ensemble de mesures telles que le renforcement des règles de solvabilité et de liquidité des banques (cf. Bâle III), l’étalement des rémunérations des preneurs de risques ou encore la réglementation adéquate du « shadow banking », a rappelé M.KLEIN. Le titre II du projet de loi vise ainsi à mettre en place un mécanisme de résolution bancaire afin de prévenir la contagion des crises. « Il s’agit d’un outil indispensable comme l’a montré la crise chypriote », a relevé Mme BERGER. « Mais ce n’est pas suffisant, il nous faut une régulation globale, à commencer par l’Europe avec la création de l’union bancaire ».

La création d’une Haute Autorité de Stabilité financière (titre III) du projet de loi, « une première en France et en Europe » a rappelé Mme BERGER, doit permettre d’améliorer la surveillance des risques systémiques. Dotée de « pouvoirs macro-prudentiels extraordinaires », cette haute autorité pourra notamment « décider de renforcer unilatéralement les ratios prudentiels de solvabilité et de liquidité ». »Il existe des indicateurs de dérives spéculatives grâce auxquels on peut repérer, avec une bonne probabilité, les développements de bulles, en alerter les marchés et agir en conséquence au niveau macro-prudentiel », ajoute M. KLEIN. A ce sujet, M. Michel RASLE, avocat associé au cabinet Carlara, s’est enquis de l’état du système bancaire chinois. « A ce stade, ce n’est pas une problématique systémique mondiale », a rassuré Mme BERGER. M. KLEIN a ajouté que « la Chine combine un rythme de croissance de crédit trop important et un shadow banking trop développé, il y aura donc des à-coups. Mais la Chine a certainement les moyens de réguler cela car l’épargne nationale y est très forte en pourcentage du PIB et la banque centrale a des réserves très importantes ».

Séparer les activités de marchés utiles des activités spéculatives : une ligne de partage difficile à établir

Au cœur de la loi bancaire, le partage entre les activités de marchés spéculatives, qui seront isolées au sein d’une filiale dédiée, et celles considérées comme « utiles à l’économie » n’est pas aisé à définir, a rappelé Mme BERGER. Le rapport Liikanen, remis à Bruxelles, recommandait ainsi d’isoler l’ensemble des activités de marchés, y compris des activités de tenue de marché, au sein d’une même filiale. Le projet de loi français a d’abord été conçu de manière à ne filialiser que les activités de marchés pour compte propre des banques, en laissant les activités de tenue de marché (« market making ») au sein de la maison mère.

M. KLEIN a mis en évidence, malgré « une certaine porosité entre le trading et le market making », leurs différences. « Le trading pur joue sur les variations de prix de de marché à court terme. Il est, en théorie, utile à la fixation du prix d’équilibre sur les marchés, dans la pratique aussi ; mais comme le prix d’équilibre est difficile à cerner, le trading pur, par comportement mimétique, peut aussi renforcer les bulles spéculatives.  Il faut donc permettre le trading mais le réguler de manière à ce que ces opérations soient légèrement moins faciles à pratiquer. Le « market making », qui correspond à des opérations faites selon les besoins des acheteurs et des vendeurs, est, lui, utile à la liquidité et à la profondeur des marchés financiers en permettant à chacun de trouver une contrepartie au moment désiré. Au final, la loi a trouvé un bon équilibre en la matière, a estimé M. KLEIN.

« J’en suis arrivée à la conclusion qu’il est impossible de distinguer la tenue de marché du reste des activités de marchés », a ajouté Mme BERGER. « C’est pourquoi l’Assemblée nationale a voulu aller au-delà, avec un amendement permettant au ministre de l’Economie de fixer par décret la proportion de tenue de marché filialisée ». Ce décret permettra ainsi a posteriori de s’ajuster à la législation européenne, en isolant de 0 à 100 % de la tenue de marché. Une préoccupation partagée par M. KLEIN : « la loi bancaire repose sur le pari que la France et l’Allemagne, en agissant en amont, pourront influencer l’Europe. Si la législation européenne ne va pas dans notre sens, il faudra nous ajuster afin d’éviter un patchwork réglementaire en Europe et éventuellement un désavantage pour les banques françaises ».

M. Philippe CROIZAT, avocat associé chez Carlara à Lyon, s’est, quant à lui, inquiété du coût de la filialisation pour la maison mère. « Cette filiale dédiée aux activités spéculatives devra être surcapitalisée », a-t-il fait remarquer. Plaidant une difficulté de communication sur ce sujet, Mme BERGER a souligné avec fermeté que « le critère grand risque interdit à la maison mère de transmettre des fonds propres ou des liquidités au-delà d’un certains ratio ». « La maison mère ne sera pas responsable à 100 % de sa filiale de ségrégation mais la considérera comme un tiers » et ne pourra donc pas lui prêter « selon la réglementation déjà existante qui oblige à diviser les risques, plus de 25 % selon la loi bancaire, mais dans la pratique réglementée, pas plus de 10 % de ses capitaux propres ».

La filiale sera donc obligée de se financer auprès de tiers qui vont y regarder de près, ce qui va augmenter le coût de son financement. En conclusion, « je ne pense pas qu’il y aura beaucoup de filiales créées car cela serait probablement très coûteux de les faire fonctionner. Or, si l’on comprend qu’il ne faut pas que le risque spéculatif mette en danger fondamental les banques, il faut tout de même faire attention à ne pas supprimer tout trading » a relevé M. KLEIN. »

D’ailleurs, si l’on veut limiter l’éventuel danger de risque systémique lié aux dérivés, il vaut mieux réglementer internationalement leur utilisation pour favoriser les marchés organisés, bien mieux sécurisés » a-t-il encore précisé.
Répondant à une question de M. Arnould BACOT, expert-comptable au sein de la société d’audit TILIA, sur la gouvernance des établissements bancaires, Mme BERGER a expliqué que le projet de loi était conçu de telle sorte que les membres du conseil d’administration ne puissent siéger en même temps dans les maisons mères et les filiales.

Les filiales n’auront, par ailleurs, ni les mêmes dirigeants ni les mêmes noms que les établissements dont elles sont issues. M. Thibaud de GOUTTES, executive director en charge de la couverture des institutions financières à la Banque Nomura à Paris, s’est, par ailleurs, interrogé sur la compatibilité du projet de loi avec les groupes mutualistes et coopératifs formés de caisses régionales et d’organes centraux. « Quelle que soit la structure, si des activités doivent être ségréguées, elles pourront créer leur filiale dans les conditions prévues par la loi », a noté M. KLEIN.

Préserver la compétitivité de l’industrie bancaire française

Les participants au débat se sont également fait écho de préoccupations concernant les répercussions du projet de loi sur la compétitivité des banques françaises. « Le market making comprend aussi les marchés de dérivés sur lesquels l’industrie bancaire française est forte. Il s’agit donc également de préserver la capacité des banques françaises à faire du market making, pour que cette activité ne soit pas laminée par les positions des banques non françaises », a rappelé M. KLEIN.

Autre sujet d’inquiétude, celui des commissions d’intervention perçues par les banques en cas d’incidents de paiement. Le plafonnement de ces commissions reste, à ce jour, le principal point de désaccord à trancher entre l’Assemblée nationale et le Sénat. La chambre basse souhaite établir un plafond général unique pour tous les consommateurs tandis que la chambre haute a voté l’établissement d’un second plafond plus bas pour les populations fragiles. »

Depuis cinq ans, nous avons vécu de telles réglementations successives sur les commissions bancaires que nous avons perdu 4,5 % du produit net bancaire (PNB), a précisé M.KLEIN. A cela s’ajoute un environnement qui ne facilite pas la croissance du PNB, au risque de modifier le modèle de rentabilité des banques de telle sorte qu’elles n’embauchent plus, alors que le secteur emploie plus de 400 000 personnes », a mis en garde M. KLEIN. Et le directeur général de la BRED de pointer le risque, outre celui de déresponsabiliser les acteurs, que cela ne conduise à « faire de la banque low cost sans service aux consommateurs, ce qui au bout du compte pénaliserait l’économie française ». « La réglementation sur les commissions ne devrait toucher que les personnes fragiles » a-t-il conclu.

« Les nouvelles normes internationales tendent à généraliser le modèle anglo-saxon de désintermédiation financière dont les dérives ont conduit à la crise de 2008. N’est-il pas regrettable de voir les banques européennes quitter leur métier de base en se délestant de portefeuilles de créances auprès de compagnies d’assurances à la recherche de rendement ? Cette nouvelle vague de titrisation n’est-elle pas porteuse de nouveaux risques ? » s’est encore enquis M. Yves BAZIN de JESSEY, directeur gestion institutionnelle de la Banque Saint Olive. Mme BERGER a souligné que ce phénomène de titrisation de prêts bancaires, appelés « loans », était encore « marginal à Paris », l’estimant à près de 10 milliards d’euros. « Nous ferons tout pour que les banques continuent à faire leur métier, c’est-à-dire octroyer des crédits. Mais, à ce sujet, je crains plus les arbitrages sur les rendements opérés par les banques que l’impact des réglementations ».


Télécharger l’article Projet de loi de régulation des activités bancaires : débat entre Olivier Klein et Karine Berger pour Correspondances Economiques, Correspondances Economiques, 11/07/2013, pp 35-39 (PDF)

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« Oui à l’union bancaire européenne », publié dans Le Monde du 07-01-13

Les problèmes de la Zone Euro, apparus dès 2009-2010, ont pour cause première sa non complétude, en ce sens qu’elle n’a pas tous les éléments de régulation d’une zone monétaire optimale. Notamment, elle ne sait pas bien régler les divergences naturelles qui découlent de l’évolution des spécialisations industrielles due à l’existence même d’une zone monétaire : certains pays se désindustrialisent, d’autres s’industrialisent, avec des phénomènes de polarisation industrielle sur certains territoires. On a en conséquence des divergences progressives des soldes courants des balances des paiements des différents pays, avec accumulation des excédents chez les uns et des déficits chez les autres, et avec pour corollaire l’évolution de la capacité ou du besoin de financement de différentes nations, c’est-à-dire de leur endettement extérieur.

Deux cercles vicieux

En liaison avec ces problèmes structurels, on a assisté à deux phénomènes d’accélération, à deux cercles vicieux. Le premier, que l’on connait bien, vient de ce que lorsqu’on lutte soudainement et intensément contre des déficits publics excessifs et qu’on le fait simultanément dans plusieurs pays de la zone, cela crée des problèmes de croissance accrue qui rebondissent en boucle sur les problèmes de déficit budgétaire. Ce phénomène est renforcé par la hausse des taux d’emprunt des Etats dont les marchés financiers doutent de la réduction des déficits, eu regard au ralentissement de la croissance, voire de la récession. D’où la nécessité de rechercher davantage de croissance par des politiques conjoncturelles appropriées lorsque cela est possible, et dans tous les cas par des réformes structurelles.

Le deuxième cercle vicieux est celui qui entraîne ne boucle le risque bancaire et le risque souverain. On comprend bien que les banques peuvent accumuler des difficultés liées au risque souverain que, légitimement, elles portaient comme des placements de bons pères de famille depuis toujours dans leur bilan. De plus, les banques nationales européennes, de par l’intégration financière qui s’était très bien faite depuis la création de la zone euro, portaient aussi des dettes souveraines d’autres pays européens. Dès lors que ces banques deviennent fragiles parce qu’elles détiennent des risques souverains, il ne reste que les Etats, pris chacun séparément, pour prendre en charge le risque de leurs banques. Ce qui accroît à son tour le risque souverain. Dans le récent sauvetage des banques espagnoles, l’argent a été prêté à l’Etat espagnol pour qu’il prête lui-même aux banques, ce qui, évidemment, concentrait les problèmes sur cet Etat et renforçait la boucle d’accélération des risques pré-citée.

L’Union bancaire européenne, une solution ?

De cette dernière difficulté a émergé l’idée de l’Union bancaire européenne. Elle est un élément constitutif et essentiel d’une zone monétaire. Pourquoi ? Parce que, d’une part, il faut un niveau de supervision européen des banques. En effet, il existe parfois une suspicion vis-à-vis de certains superviseurs nationaux quant au fait qu’ils protègent trop leurs banques ou qu’ils s’aveuglent eux-mêmes. Une supervision au niveau européen est d’autant plus valable que nos banques sont aussi multi-nationales en Europe, afin d’assurer ainsi une homogénéité du contrôle prudentiel tant en termes de qualité qu’évidemment d’efficacité. Mais l’argument central en faveur d’une supervision européenne tient au fait qu’il ne peut y avoir de solidarité acceptée sans supervision partagée. C’est pourquoi l’accord récent conditionnait la mise en place des autres éléments essentiels de l’Union bancaire.

Cette solidarité inquiète toutefois les banques en bonne santé parce qu’elles ont crainte d’avoir à pâtir de la situation des banques moins bien portantes. Or c’est bien le contenu même de la solidarité interbancaire européenne qui se construirait par la constitution d’une garantie des dépôts éventuellement à plusieurs étages. Au-delà des garanties de dépôts nationales existantes, des garanties de dépôts s’enclencheraient ainsi, à certains moments, après épuisement des garanties de niveau national, au niveau européen directement, donc sur la base d’une solidarité des banques européennes des autres nations.

Cette solidarité interbancaire serait complétée par une solidarité entre les Etats de la Zone. Un système européen de résolution des crises, avec notamment un fonds d’intervention européen, nourri par les Etats, devrait voir le jour pour éviter la seule recapitalisation des banques isolement par leur seul Etat donc pour mettre fin au deuxième cercle vicieux évoqué ci-dessus.

L’Union bancaire européenne va-t-elle résoudre tousles problèmes de la zone euro ?

A elle seule, l’Union bancaire ne résoudra pas tous les problèmes, mais c’est un élément fondamental d’un dispositif de sortie de crise. Sera-t-il suffisant pour briser le cercle vicieux incriminé ? Dans le principe, oui. Il reste deux questions sans réponse à ce jour : le montant du fonds d’intervention – qui évidemment sera déterminant – et les termes de la conditionnalité du déclenchement de ces fonds pour pouvoir intervenir.

L’annonce de cette Union bancaire, de même que les déclarations essentielles de la BCE précisant qu’elle pourrait intervenir, sous certaines conditions, de façon illimitée, en achetant la dette de certains Etats de la zone, ont permis de restaurer le calme sur les marchés financiers et d’aborder les problèmes de fond.
Pour résoudre durablement les dysfonctionnements de la Zone Euro, la mise en place nécessaire d’une Union bancaire doit encore être accompagnée de la création d’une Union de transferts budgétaires, qui implique à l’évidence une Union de supervision des budgets nationaux et une véritable coordination des politiques économiques des pays de la Zone.

Espérons que l’avènement d’une Union bancaire européenne complète soit proche et marque le début du sursaut européen.

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Banque

Préface du Livre DIGITAL BANKING

J’ai été sensible à l’idée de ce livre sur le « Digital Banking », à double titre :
Je connais bien, tout d’abord, les associés d’Exton Consulting, pour travailler avec eux depuis 5 ans déjà. J’ai apprécié au plus haut point leur capacité à comprendre les problématiques qui leur étaient proposées et à nous accompagner de façon remarquablement efficace et pragmatique.

En second lieu, parce qu’il est au cœur des réflexions sur la banque « multicanal » et sur la gestion de la relation client à distance, le sujet du digital s’inscrit, depuis quelques années déjà, en tête de mes préoccupations. Ceci, aussi bien en tant que banquier, intégrant dans la stratégie développée les enjeux de la relation client sur les canaux numériques, qu’en tant qu’économiste, averti de la nécessaire anticipation des virages technologiques et sociétaux de son temps.

Le secteur bancaire « traditionnel » français est confronté, depuis quelques années déjà, à des phénomènes structurels et conjoncturels qui préfigurent une profonde mais nécessaire transformation. Le développement du « digital » est dans ce contexte de mutations un élément important, voire majeur, de cette transformation.

Premier phénomène, l’intensification de la concurrence, renforcée par le contexte de crise. Une pression concurrentielle très forte s’exerce sur l’activité bancaire (collecte, crédit, assurances et services). Cette pression a des impacts à la fois sur les volumes de production et sur les marges, mais aussi sur les commissions et tarifications, avec une progression du PNB des banques de détail en France très faible depuis 2006.

Le marché de la banque de détail en France stagne ou progresse très lentement, car la croissance économique est faible, la population croît peu et la bancarisation de la population est déjà achevée. Les entreprises bancaires doivent donc trouver d’autres perspectives de développement pour ne pas rentrer dans un processus d’attrition : chaque banque essaie alors à juste titre de renforcer ses positions et de prendre des parts de marché auprès de clients potentiels, comme auprès de ses propres clients, par intensification de la relation. Le développement du multi-canal et de la banque digitale est ici crucial pour assurer rentablement ce développement.
Second phénomène, la transformation en profondeur de la relation client. Ce que j’ai appelé la « révolution client ».

Dans un contexte de défiance accrue des consommateurs, les banques doivent répondre aux nouvelles exigences de leurs clients, qui expriment une forte attente de proximité (quel que soit le canal utilisé), de praticité, comme de pertinence et de personnalisation accrues du conseil apporté. Praticité : les clients veulent une banque plus simple, plus pratique à utiliser et à joindre. La praticité se décline tant en termes d’accueil, d’horaires, que de disponibilité et de stabilité de leur interlocuteur. Pertinence du conseil : les clients sont également demandeurs de conseils accrus et de plus en plus appropriés ; ils exigent ainsi une vraie personnalisation de la relation, donc, ici encore, une stabilité de leur conseiller.

Ces évolutions technologiques et numériques ajoutent également à la transformation de la relation client, en amplifiant encore la demande de plus de praticité et de pertinence. La révolution technologique amplifie la « révolution client » : la disponibilité et l’instantanéité permises par les nouvelles technologies font que les consommateurs n’imaginent plus de limites à la circulation de l’information et attendent de leur banque une meilleure accessibilité, comme un nouvel accompagnement. Maintenir et entretenir un contact privilégié avec eux doit désormais s’envisager en appréhendant Internet et le mobile comme des canaux indispensables et majeurs de la relation, en complément de la relation avec le conseiller. Ces évolutions ne feront que s’accélérer avec l’arrivée de nouvelles générations de clients, qui ont toujours vécu le numérique au quotidien.

Sans anticiper sur les éléments d’analyse et exemples développés par Exton dans les pages suivantes, qui permettront à chacun, selon ses préoccupations – paiements, réseaux sociaux, nouvelles expériences clients… -, de compléter sa vision sur la nécessité du développement numérique, je voudrais livrer ici quelques réflexions sur l’avenir proche de la banque de détail en France, où le digital a toutes ses cartes à jouer.

Penser « clients »

Les banques n’auraient-elles pas oublié, les dix dernières années, que ce qui fait la profonde différence entre la banque et d’autres industries de distribution de produits et services, c’est la relation personnalisée que le banquier a avec son client ? La banque, dans sa dimension de conseil, doit connaître son client spécifiquement.

La banque n’est pas un fournisseur de produits ou de services lié à l’univers de la consommation immédiate. Elle ne se place pas dans le champs des besoins de court terme des clients. La banque est avant tout une institution de proximité, qui doit donner confiance, avec laquelle le client noue une relation de longue durée, traitant de ses projets de vie, comme ceux de sa famille. Et les différentes familles de produits, l’épargne, le crédit, comme l’assurance non vie, sont par essence des liens entre le présent et le futur permettant de réaliser ces projets de vie.

Pour mieux répondre à ses projets de vie, il nous appartient de penser « clients » avant de penser « produits ». Ce changement de paradigme est clé pour vendre mieux et durablement, mais aussi pour augmenter la satisfaction, la fidélisation et la recommandation des clients. La démarche qui consiste à découvrir le client, identifier ses attentes, ses besoins et ceux de ses proches, afin de lui proposer des produits et services adaptés, est celle qu’il faut à mon sens promouvoir, et qui permet de développer une relation singulière, qui se développe dans le temps et dans la confiance. Cette relation est « gagnant – gagnant » pourrait-on dire, avec les clients. Cette démarche apporte en outre plus d’autonomie aux conseillers bancaires et est, pour eux, plus intéressante et plus valorisante. Elle profite donc également aux commerciaux.

Penser « clients » est évidemment une réponse à la « révolution client ». Et cette réponse doit impérativement intégrer le digital, pour être à la hauteur des enjeux.

Créer une banque « sans distance » et multi-canal : le caractère indispensable du digital

Savoir gérer et optimiser la relation « à distance » (téléphone, Internet) avec les clients était le maître mot il y a encore peu. Aujourd’hui, c’est, non plus le concept de banque « à distance » qui fait sens, mais celui d’une banque « sans distance », qui permet au contraire de conserver le lien entre le client et la banque, et plus précisément avec le conseiller à tout moment et sur tous les canaux de relation.

Cette nouvelle proximité s’exprime dans une vision multicanal de la banque et en fait de l’agence-même, qui s’exerce tant côté client que côté conseiller. Le conseiller est un atout central de cette nouvelle relation qui place le client au centre du dispositif ; il est au cœur de la distribution multi-canal. C’est le conseiller, quels que soient les canaux utilisés, qui assure l’unicité de vue, la compréhension et le traitement des besoins du client. Il en garantit une vision en compréhension, comme l’on dirait en mathématique, c’est-à-dire une vision globale prenant en compte l’ensemble des besoins du client et jouant sur l’ensemble de sa palette d’offre de produits et de services, pour produire avec son client, devenu « consom-acteur », la solution bancaire la plus appropriée. Le client, lui-même multi-canal, choisit les canaux par lesquels il entre en contact avec sa banque. Ces canaux, que ce soient le rendez-vous physique en agence, l’internet ou le mobile, ont pour enjeu leur modernisation, leur enrichissement mutuel et leurs interactions, comme leur décloisonnement.

Le pari réussi de la banque d’aujourd’hui et de demain sera celui d’une banque répondant, de façon rentable et durable, à cette révolution clients, c’est-à-dire de leurs nouvelles exigences. Celui d’une banque digitale, centrée client, dont le pivot central est le conseiller bancaire. Celui du mariage du meilleur de la tradition et de la modernité de la banque.

Tous ces sujets, développés dans Digital Banking, sont au cœur de la stratégie du groupe BPCE, tant des Banques Populaires que des Caisses d’Epargne : pour une nouvelle définition (digitale) de la banque, pour donner encore à tous, clients comme conseillers, l’envie d’agir.

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