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Conjoncture Economie Générale Zone Euro

Les réformes structurelles sont indispensables pour sauvegarder la protection sociale 

La notion de réformes structurelles est mal comprise. Les réformes structurelles ont pourtant pour objet d’augmenter le potentiel de croissance d’une économie. Elles n’imposent en rien d’abaisser le niveau des salaires et de protection sociale par des politiques d’austérité. Tout au contraire ! La confusion est nuisible au débat.

Pourquoi est-il indispensable d’augmenter le potentiel de croissance de la France ? D’abord pour faire chuter le taux de chômage structurel. Malgré sa baisse récente, il reste trop élevé, à 7 % environ. Et le chômage constaté des jeunes, à environ 18 % (contre 5 % en Allemagne), se situe à un niveau peu acceptable. La deuxième raison est d’assurer un meilleur profil de solvabilité de l’État, des collectivités locales et de la sécurité sociale. Et par là même d’accroître la soutenabilité de la protection sociale et des retraites. Séparer en effet la question financière de la capacité à maintenir un haut niveau de protection sociale n’a aucun sens. 

En outre, et c’est la troisième raison : chercher une compétitivité « par le haut ». Deux possibilités s’offrent : baisser le coût du travail et le niveau des protections sociales, donc le niveau de vie, par des politiques d’austérité. Cela a été le cas de l’Espagne ou du Portugal par exemple, lors de la crise de leur dette et du financement de leur déficit du commerce extérieur, pendant la crise de la zone euro des années 2010. Ou, à l’opposé, grâce aux réformes structurelles, améliorer « par le haut » le rapport qualité-prix des produits et services nationaux en développant la valeur ajoutée, la gamme de la production, par l’innovation notamment. Et en gérant au mieux les dépenses publiques pour qu’elles soient les plus efficaces possibles. Et de fait qu’elles n’entraînent pas des taux d’imposition qui, trop élevés en soi comme en comparaison avec des pays similaires, réduisent la compétitivité et l’emploi. En affaissant ainsi la soutenabilité de la protection sociale. 

L’Allemagne a bien réussi en la matière depuis 2000, avec des réformes qui ont renforcé sa compétitivité, malgré un coût du travail qui est l’un des plus élevés en Europe, par une industrialisation fondée sur une forte valeur ajoutée. Avec en retour un excédent commercial élevé, un taux de chômage structurellement bas, un taux d’endettement public relativement faible…

La France a un coût du travail proche de celui de l’Allemagne, mais développe une gamme de production moyenne, à des exceptions près remarquables. Donc elle offre un rapport qualité-prix peu compétitif. Avec, en conséquence, un faible niveau d’industrialisation et un déficit commercial qui ne cesse de se dégrader. Et son insuffisance de réformes structurelles depuis quelques dizaines d’années a conduit à un taux de chômage trop élevé, un taux d’emploi parmi les plus faibles des pays comparables (68 %, contre 77 % en Allemagne et en Suède ou 82 % aux Pays-Bas) et un fort déficit budgétaire permanent, donc à un niveau de dette publique trop important et en hausse régulière. 

Le taux de croissance potentielle est, en résumé, l’addition du taux de croissance de la population au travail et des gains de productivité. Plusieurs réformes structurelles ont donc été mises en œuvre ou sont à réaliser à cette fin. Il s’agit d’augmenter la quantité de travail, en France l’une des plus faibles par rapport à sa population (610 heures de travail par an et par habitant, contre plus de 700 en Allemagne ou de 750 à 900 aux Pays-Bas, en Suède ou au Portugal), afin que la protection sociale de tous et les services publics puissent être financés et qu’ainsi leur niveau ne s’abaisse pas. À cette fin, il est et doit être recherché un meilleur fonctionnement du marché du travail. Ce qui permettra en outre que cesse le paradoxe d’un taux de chômage encore trop élevé coexistant avec une forte proportion d’entreprises ne pouvant recruter autant qu’elles le souhaitent. Contraignant ainsi l’offre et la croissance, et aujourd’hui facilitant l’inflation.


De plus, la remontée du taux d’emploi doit se faire en facilitant l’arrivée des jeunes sur le marché du travail et en accroissant les années passées au travail avant de pouvoir prendre pleinement sa retraite, comme tous nos voisins l’ont fait. La France a un taux d’emploi très décalé des deux côtés des âges de la vie (pour les 60-64 ans : environ 35 % contre 62 % en Allemagne ou 70 % en Suède). Insistons aussi sur la formation, tant initiale que professionnelle. Elle doit redevenir un point fort de la France. Les comparaisons internationales lui sont à ce titre de moins en moins favorables. Et ce n’est pas dû à un budget insuffisant, quand on le compare au budget de l’éducation sur PIB des autres pays européens qui font mieux que nous (environ 1 point de PIB en plus en France qu’en Allemagne). Là encore, les réformes sont indispensables, même si la remontée du niveau de formation ne peut être que lente. L’efficacité de la formation conditionne le nombre d’emplois comme leur qualification, ce qui à son tour influe sur la gamme de notre production et sur son rapport qualité-prix.

Enfin, n’oublions pas les réformes permettant les gains de productivité, autre facteur essentiel de la croissance potentielle. La France a beaucoup progressé dans sa capacité à faire naître des entreprises « tech », et le crédit d’impôt recherche, par exemple, est précieux. Notons cependant que le taux de profit est l’un des déterminants de la quantité de recherche et développement des sociétés. Après avoir été longtemps inférieur à celui de pays voisins, il s’est amélioré depuis la mise en place du CICE, comme de l’abaissement du taux d’IS.

En revanche, l’efficacité des dépenses publiques reste très en deçà du souhaitable. Sur le podium des taux de dépenses publiques (environ 8 points de PIB de plus qu’en Allemagne, 9 qu’en Suède ou 13 qu’aux Pays-Bas), la France a une qualité mesurée seulement moyenne de ses dépenses publiques (sécurité sociale comprise) comparativement aux pays de l’OCDE, et ressentie comme en baisse. Ce niveau de dépenses publiques engendre de plus un taux de prélèvement lui aussi quasiment le plus élevé (plus de 6 points de PIB au-dessus de celui de la zone euro hors France) et est ainsi un handicap certain à la compétitivité. En outre, les prélèvements obligatoires, bien que très élevés, ne couvrent pas les dépenses, ce qui induit un déficit public permanent et un endettement public, rapporté au PIB en croissance permanente. Notre croissance est donc obtenue au prix d’un taux d’endettement sans cesse en hausse, donc tôt ou tard insoutenable. Depuis 2000, les pays de la zone euro ont connu un accroissement de leur dette publique de 25 points de PIB, celle de la France de 50, soit deux fois plus. Le taux d’endettement public français était au début des années 2000 identique à celui de l’Allemagne, à environ 60 %. Aujourd’hui il est d’environ 110 % en France et 70 % en Allemagne… La réforme de l’État et des collectivités locales, alliée à celle des systèmes sociaux, permettrait donc, non pas d’abaisser le haut niveau de protection sociale des Français, mais de le protéger, en lui évitant de décliner.


La recherche de l’efficacité, de même que celle du respect des devoirs de chacun face à ce bien commun qu’est la protection sociale, n’est donc en rien une recherche du moins disant social, mais au contraire la seule voie possible pour préserver ce qui est précieux pour tous. Méconnaître ou nier l’utilité des réformes structurelles serait jouer la politique du pire.

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Economie Générale

L’importance du taux d’emploi et ses déterminants : formation – taux d’imposition – dépenses publiques – retraites

Publié le 10 janvier 2023, mis à jour le 13 janvier 2023

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Crise économique et financière Economie Générale

Face à l’inflation, un chemin étroit mais praticable

L’inflation est de retour et elle n’est pas que transitoire. Que faire ? Financer la croissance. Le chemin est très étroit mais il existe.

Les faits ont tranché. Certains économistes assuraient ces dernières années que la dette n’avait pas d’importance car ils pensaient que les taux d’intérêt très bas par rapport au taux de croissance (i-g négatif) se maintiendraient très longtemps. Une analyse qui, d’une part, reposait sur une anticipation audacieuse sur l’inflation future, et qui, d’autre part, ne prenait pas en compte la contrainte budgétaire qui, même si elle est faible lorsque le taux d’intérêt est inférieur au taux de croissance, existe malgré tout (1). Donc, cette assertion conduisait à recommander de dépenser davantage, certes pour faire face aux grands enjeux que nous connaissons, mais sans se soucier d’une dette en expansion permanente. Comme si les banques centrales étaient entrées dans une politique illimitée de « quantitative easing », tant en durée qu’en montant. J’ai expliqué antérieurement pourquoi (2), même à supposer que l’inflation ne revienne pas, ce qui n’était pas écrit, une telle situation pouvait ne pas être durable eu égard aux vulnérabilités financières qu’elle accroissait. Ou à la possibilité d’une récession majeure. Ou encore, in fine, le système monétaire étant un système de règlement des dettes, à la confiance dans la monnaie qui pourrait disparaître parce que les dettes ne peuvent être sans cesse en expansion plus rapide que l’économie réelle.

Aujourd’hui, l’inflation est revenue (3 et 4) et elle n’est pas que transitoire. Analysons ainsi les conséquences de son retour en force pour tous les acteurs.

Les banques centrales : elles doivent lutter contre l’inflation. C’est indispensable car il faut éviter, en effet, un régime inflationniste, c’est-à-dire un système où l’indexation serait enclenchée entre les prix et les prix, les prix et les salaires, les salaires et les prix. Où donc le taux d’inflation n’est ni faible ni stable. Une telle inflation crée des inégalités entre les ménages qui n’ont évidemment pas tous la même capacité à réagir pour protéger leur pouvoir d’achat. Elle conduit également à des inégalités entre les entreprises qui n’ont pas toutes la même capacité à « faire les prix ». En outre, l’histoire nous l’a montré, dès lors que la stabilité et la prévisibilité du taux d’inflation se dérèglent, la confiance vient à manquer entre les acteurs économiques, entre les producteurs et les consommateurs. On ne sait plus fixer facilement les prix et il devient nécessaire de les refixer plusieurs fois par an, voire bien davantage en cas d’hyperinflation. Ce qui abîme la confiance. Entre les salariés et les entreprises où les représentants des salariés peuvent être conduits à demander une seconde négociation dans l’année, ou plus. Ce qui désorganise la fiabilité de la négociation entre les salariés et les dirigeants de l’entreprise, provoquant ainsi des tensions. Entre les prêteurs et les emprunteurs, les prêteurs ne sachant plus comment fixer les taux de crédit, puisque les taux d’intérêt augmentent sans cesse. Cette incertitude généralisée est ainsi créatrice de tensions et mine la confiance qui est l’une des clés de voûte de l’efficacité économique, de la croissance, comme de la vie en société. C’est ainsi qu’une inflation plutôt basse et stable, idéalement autour de 2 % ou 3 %, est plus que souhaitable et que les banques centrales n’ont pas d’autre choix que de mener une politique monétaire qui, au mieux, permet d’assurer en permanence ce niveau et, le cas échéant, d’y ramener.

Pour indispensable qu’elle soit, cette mission des banques centrales est difficile dans les circonstances actuelles. Une remontée trop vive ou trop forte des taux d’intérêt peut aisément provoquer une récession, un « hard landing ». Elle pourrait être en effet trop fortement calibrée, si l’on pense que la composante transitoire de l’inflation actuelle s’affaiblira prochainement. Les contraintes d’offre peuvent et doivent en effet s’atténuer dans le temps, hors conséquences du développement de la guerre en Ukraine qui pourrait accentuer les pénuries d’énergie et de certains produits agricoles.

Mais une remontée trop lente des taux d’intérêt conduirait à ne pas assez combattre le retour d’une forte inflation en laissant se développer les indexations. Et réagir tardivement, une fois que les anticipations d’inflation ne sont plus ancrées à un niveau bas et que les indexations se sont mises en place, coûte beaucoup plus cher en termes de croissance, les récessions profondes étant alors difficilement évitables.

Mais il y a plus. La mission des banques centrales est d’autant plus délicate que nous avons connu des taux d’intérêt trop bas, trop longtemps. Il fallait bien sûr conduire les taux longs et courts vers zéro pour sortir de la crise majeure de 2007-2009 et du risque de déflation qu’elle induisait. Il le fallait aussi pendant la pandémie. Mais, dès le retour de la croissance (en 2016-2017), conserver des taux d’intérêt aussi bas, sous prétexte que le taux d’intérêt naturel était très bas, était dangereux. D’ailleurs, le taux d’intérêt naturel est un concept et non une variable observable. Ni théoriquement fondé de façon indiscutable (5), ni facilement utilisable. De même, il est possible que le taux d’inflation très bas de la période – que les politiques de « quantitative easing » ne sont d’ailleurs pas parvenues à remonter – ait été dû à des forces structurelles (mondialisation et révolution technologique), avec une courbe de Phillips rendue plate de ce fait, et non à une insuffisance de la demande, donc à un phénomène cyclique. Maintenir ainsi des taux trop bas trop longtemps a entraîné des conséquences que la Banque des Règlements Internationaux décrit très bien depuis des années. Quand le taux d’intérêt est trop bas par rapport au taux de croissance pendant trop longtemps et que l’on est en phase de croissance, les bulles se construisent. Bulles actions, bulles immobilières et surendettement des États comme des agents privés. Aujourd’hui, si les taux doivent être remontés et les politiques de « quantitative easing » prendre progressivement fin face à un risque majeur de changement de régime d’inflation, les actifs patrimoniaux (actions et immobilier) étant très valorisés et le niveau de dette mondiale étant très élevé, les banques centrales doivent faire face au risque d’éclatement brusque de ces bulles et de crises de solvabilité des acteurs économiques trop endettés. Avec les risques induits en retour sur la croissance (6). Cette situation de vulnérabilité macro-financière est donc nécessairement problématique pour les banques centrales et elles doivent, de ce fait, se montrer tout à la fois très déterminées et très prudentes. C’est pourquoi elles ont entamé la normalisation de leur politique et iront sans débat jusqu’à ce qu’elles estiment être leur  neutralisation ( c’est à dire une politique monétaire ni restrictive ni favorisant la croissance ) vers la fin de l’année 2022 ou le début de 2023. Mais une fois ce stade atteint, elles agiront en fonction des circonstances. Si le ralentissement de la croissance s’accroît brutalement, si les marchés chutent fortement, elles aviseront. L’état de l’indexation des salaires et des prix, donc du niveau de l’inflation sous-jacente, sera alors scruté, pour s’interroger sur l’opportunité ou le danger de positionner les taux d’intérêt au-dessus des taux déjà atteints . Si la trajectoire d’inflation ne prenait pas un chemin baissier satisfaisant, gageons que les banques centrales continueraient alors à resserrer leur politique monétaire pour la rendre mordante , tant par une remontée plus forte des taux directeurs ( donc courts ) que par un « quantitative tightening » soutenu aux États Unis et par son initiation en zone euro , contribuant ainsi à faire remonter plus fortement et plus rapidement les taux d’intérêt longs.

Les banques centrales doivent rester crédibles face à l’inflation. Elles doivent être claires dans leur discours en affichant une détermination sans faille pour lutter contre elle. En revanche, elles doivent être graduelles et prudentes dans l’action, sans toutefois être sous domination des gouvernements ou des marchés financiers.

Les gouvernements, quant à eux, n’ont d’autre choix que d’afficher une trajectoire de solvabilité crédible à moyen terme (7). Une politique budgétaire trop rigoriste et trop brutale conduirait à casser la croissance, mais ne rien faire lorsque le niveau d’endettement est élevé entacherait considérablement leur crédibilité, ce qui provoquerait un risque élevé sur les marchés de la dette publique à court terme. Il faut donc mettre en place une politique de gestion des finances publiques sans austérité, mais qui soit en réalité une sortie des politiques de soutien tous azimuts, avec une concentration sur les populations les plus faibles. La pandémie par essence inattendue, brutale et passagère est en effet à clairement différencier d’un changement possible de régime d’inflation.

En outre, il faut financer les investissements nécessaires à l’augmentation de la croissance potentielle ou à la croissance verte. Mais ce financement doit être gagé par une gestion plus rationnelle et plus efficace des dépenses publiques, notamment des dépenses courantes, de même que par les réformes structurelles (8). Ces dernières sont strictement nécessaires à l’augmentation de la croissance potentielle, aux finances publiques, comme à l’accroissement de l’offre, lui-même facteur de lutte contre l’inflation. Certaines politiques de l’offre peuvent avoir des effets positifs rapidement, d’autres plus à moyen terme, tant sur l’inflation que sur la croissance. Il s’agit ici notamment des politiques qui permettent d’accroître le taux d’emploi, dont la réforme de la retraite, comme celle de l’indemnisation du chômage. La pénurie d’emplois de ces derniers mois empêche en effet l’offre de biens et de services d’être plus élevée, de même qu’elle soutient le phénomène d’indexation (partielle à ce jour) des salaires.

Les entreprises trop endettées, par exemple au regard de ratios proposés par la BCE elle-même, doivent mener une politique de désendettement raisonnable mais réelle pour mieux aborder cette période de remontée des taux d’intérêt et de moindres facilités de financement à venir.

Pour les ménages, se pose la question du pouvoir d’achat (9). Il sera difficile de le préserver totalement. Du côté des entreprises, en effet, il ne sera pas possible d’indexer systématiquement les salaires sur l’inflation. D’ailleurs, depuis 1983, la loi Delors et Bérégovoy interdit aux entreprises d’indexer les salaires sur les prix. Si elles le faisaient, elles précipiteraient la montée de l’inflation et détruiraient en outre leur compétitivité ou leur rentabilité, ce qui réduirait gravement dans les deux cas leur possibilité d’investissement et d’emplois ultérieurement. Les entreprises ne peuvent donc pas tout faire. Et, elles ne peuvent faire qu’en fonction de leur situation spécifique. Impossible également pour les États d’assurer longuement une protection de tous contre l’inflation, car pour nombre d’entre eux leurs marges de manœuvres budgétaires sont déjà éprouvées. Notons également qu’une telle politique est contraire à celle menée par les banques centrales. Cette non-coopération entre les politiques économiques pourrait s’avérer dangereuse en termes de stabilité financière. Le soutien généralisé du pouvoir d’achat, côtoyant une offre insuffisante, précipite en outre la dégradation du déficit du commerce extérieur, déjà touché par la hausse du coût de l’énergie importée. La remontée des taux d’intérêt accentuera encore fortement les contraintes budgétaires des États, pour ceux d’entre eux qui sont plus endettés. Reste une possibilité pour protéger au mieux le pouvoir d’achat des ménages : nous vivons une situation particulière où l’on doit réduire l’inflation, protéger le pouvoir d’achat et faire face à une pénurie de main d’œuvre avérée. La plupart des entreprises manquent de salariés. Augmenter un peu les salaires en échange d’une remontée modérée du temps de travail pourrait être une partie de la solution, dans la mesure où cela résulterait du choix des entreprises et des salariés eux-mêmes.

Ce serait bon pour la croissance, bon pour les finances publiques et bon pour le commerce extérieur.

Bibliographie :

  1. r minus g negative: Can we sleep more soundly? Paolo Mauro, Jing Zhou
    IMF working papers – March 13, 2020
  2. Comment éviter le piège de la dette après la pandémie ? Olivier Klein
    Revue d’Economie Financière – 20 mai 2021
  3. Opinion | Pourquoi l’inflation pourrait faire son grand retour Olivier Klein
    Les Echos – 6 juillet 2021
  4. The return of inflation Speech by Agustin Carstens
    BIS – 5 April 2022
  5. What anchors for the natural rate of interest? Claudio Borio, Piti Disyatat and Phurichai Rungcharoenkitkul
    BIS Working papers – N° 777 – 26 March 2019
  6. Opinion | Inflation, taux et dette : le cocktail explosif Olivier Klein
    Les Echos – 16 mai 2022
  7. L’équation nouvelle de la dette dans le prochain quinquennat Olivier Klein
    TELOS – 21 avril 2022
  8. A story of tailwinds and headwinds: aggregate supply and macroeconomic stabilization Speech by Agustin Carstens
    BIS – 26 August 2022
  9. Inflation et pouvoir d’achat : sortir d’une équation impossible Olivier Klein
    Les Echos – 15 juin 2022
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Banque Economie Générale

« Se réinventer ne veut pas dire tout rejeter » Interview pour le magazine Le Mémento

« Rares sont les crises mondiales dont les banques ne sont pas tenues responsables. Pourtant, rares sont celles où les banques n’ont pas un rôle à jouer pour éviter l’effondrement ou pour faciliter la reconstruction ». C’est ainsi qu’Olivier Klein, le directeur général de la BRED introduit son nouveau livre “Crises et Mutations : petites leçons bancaires” paru aux éditions Eyrolles en 2022.

Pourquoi la crise ? L’homme est coutumier des essais et il faut dire que le regard qu’il porte, l’analyse qu’il donne à comprendre de l’époque contemporaine et de ses mécanismes font de lui un référent en matière de finances. Ainsi, il a récemment signé une tribune dans Les Échos sur la politique monétaire, est intervenu pour parler « pouvoir d’achat et marché immobilier » sur France Inter, et a tenu une conférence au club des « Grands Décideurs » de La Réunion sur « l’inflation, les taux d’intérêt et la dette ».
D’où part l’idée de ce livre ? « De l’évidente transformation du monde » répond-il, avec comme champ d’application son secteur, la banque, mais pas seulement puisqu’il évoque également à travers cette centaine de pages, ceux de la grande distribution et de l’enseignement également. « Je tente une réflexion » explique-t-il humblement, « et celle-ci mène à la conclusion qu’en réalité, les mutations sont lentes qu’il s’agisse de société ou d’économie ».

Comprendre le changement. Une crise comme celle que vivent actuellement la France et le reste du monde, n’a rien d’une éruption inattendue et il suffit de regarder l’Histoire pour voir qu’elles ne sont qu’un passage d’un état à un autre, « d’un mode de régulation » à un autre, pour reprendre les termes d’Olivier Klein. Chaque crise étant induite par une révolution technologique, tantôt la machine à vapeur, tantôt la numérisation, qui vient changer la donne en matière de production et de consommation. « L’idée de disruption, où tout change de façon brutale est fausse » assène le directeur de la BRED, et « ceux qui prétendent le contraire sont ceux qui n’ont pas su anticiper ». Difficile là encore de lui donner tort, lui qui a développé avec succès le concept de « Banque sans distance ». Les mutations sont par nature lentes, certes pas forcément prévisibles, mais on peut déceler les grandes tendances et ainsi s’adapter aux changements à venir.

Revenir à l’essentiel. C’est tout cela que démontre Olivier Klein dans son livre, très pédagogique même si quelques notions d’économie restent indispensables à sa lecture. Au travers de trois grands chapitres, l’auteur revient donc sur le rôle fondamental de la banque « d’utilité économique et sociale », sur les menaces qui ont toujours pesé sur elle – sa disparition comme une antienne mais surtout sur « l’impératif de revenir à l’essence même du métier ».
Face à la multiplication des néo-banques cette dernière décennie, la tentation était forte de se perdre et de rater l’essentiel. Pour le DG de la BRED, ce modèle « demeure incomplet […] il laisse en dehors de leur spectre, l’activité de conseil qui pourtant fonde l’utilité singulière de la banque traditionnelle ». Et pour corroborer cet argument, les chiffres : les banques à distance ne sont pas rentables encore aujourd’hui, et peinent à trouver l’équilibre dans leur modèle économique.

Une bonne réflexion, mais. Et aux détracteurs qui diront qu’il faut accepter la modernisation, Olivier Klein rétorque qu’il ne s’agit pas d’affirmer que « c’était mieux avant », mais bien de comprendre que le passé ne disparaît pas, il mue dans un mélange d’ancien et de nouveau qui crée des codes inédits et modes de régulation. La révolution technologique pour le secteur bancaire, c’est donc de développer le digital et valoriser l’humain.
« Crises et Mutations : petites leçons bancaires » permet ainsi aux cadres supérieurs, chefs d’entreprise et à tou.te.s celleux qui réfléchissent à leur métier d’appréhender les mécanismes économiques et financiers actuels, ainsi que les enjeux que supposent une crise et/ou une transformation de la société, qu’elle soit économique ou non.

Merci à Laurie Ferrere pour cette interview pour le magazine Le Mémento.

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Banque Economie Générale Management Vidéos

« Crises et mutations : petites leçons bancaires » l’interview « La librairie de l’éco » pour BFM Business

L’occasion de revenir sur mes réflexions concernant l’évolution du secteur bancaire et sur l’essence même du métier de la banque. Mais aussi plus largement sur l’histoire du capitalisme et les mutations fortes mais lentes de l’économie et des entreprises induites par  les révolutions technologiques. Loin des disruptions.

Interview disponible en replay sur le site de BFM Business à cette adresse à partir de la 13ème minute : https://www.bfmtv.com/economie/replay-emissions/la-librairie-de-l-eco/la-parole-aux-auteurs-christian-saint-etienne-et-olivier-klein-15-07_VN-202207150666.html

« Crises et mutations : petites leçons bancaires » est disponible en suivant ces liens https://urlz.fr/hv0M ou https://urlz.fr/hv2Q

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Crise économique et financière Economie Générale

Inflation et pouvoir d’achat : sortir d’une équation impossible

L ‘inflation vient de dépasser 5 % en France et la croissance sur le premier trimestre recule de 0,2 %. Les entreprises ne pourront (et ne devront) pas compenser la totalité de la perte de pouvoir d’achat des salariés, car cela induirait une baisse de leurs résultats entamant tôt ou tard leur capacité d’investissement, leur compétitivité et donc l’emploi, d’autant qu’elles sont déjà financièrement affaiblies par les difficultés d’approvisionnement et l’augmentation du coût des matières premières et de nombreux produits intermédiaires.

Ce serait donc très dommageable, à terme, pour les ménages eux-mêmes. Et cela renforcerait très dangereusement la spirale d’indexation, l’inflation devenant alors incontrôlable. C’est d’ailleurs pour ces raisons que, depuis 1983, il est interdit aux entreprises d’indexer systématiquement les salaires sur les prix.

Parallèlement, l’Etat français ne sera pas capable de protéger longuement les ménages comme il l’a fait aujourd’hui en prenant leur surcoût en charge. La politique monétaire ne permettra plus de financer les excédents de dette publique en découlant, et les marchés seront probablement peu appétents à avaler ce surcroît de dette aux taux d’aujourd’hui… Pourrait s’ensuivre un effet boule de neige très inquiétant sur la dette.

Ainsi, peu ou prou, les ménages perdront du pouvoir d’achat tant que l’inflation sera élevée, en prenant leur part de l’effort, avec le risque économique et social induit. Les entreprises seront aussi mises à contribution. L’Etat se limitera de plus en plus à la seule protection des plus faibles.

Cette perte de pouvoir d’achat n’est cependant pas inéluctable. Les ménages actifs pourraient mieux protéger leur pouvoir d’achat sans entraîner de boucle prix-salaires, si les gains de productivité progressaient suffisamment ou si le rapport masse salariale sur valeur restait globalement stable à la suite des augmentations salariales. Ce qui permettrait alors aux entreprises de ne pas augmenter davantage leurs prix et de protéger leur compétitivité et leur capacité d’emploi comme d’investissement.

La solution serait que les salariés travaillent un peu plus, en échange d’une augmentation de salaires, dans une proportion à négocier.

Malheureusement, les gains de productivité sont aujourd’hui nuls. La seule possibilité pour que l’économie s’en sorte au mieux – pour les ménages, les entreprises et l’Etat – est donc que les salariés travaillent un peu plus, suivant les types d’emplois, en échange d’un surcroît d’augmentation de salaires, dans une proportion à négocier. C’est envisageable, car il existe des goulets d’étranglement dus à la pénurie de maind’oeuvre dans de nombreux secteurs.

Cela permettrait également, grâce à l’accroissement de l’activité, d’augmenter les recettes des cotisations sociales et des impôts sans en relever les taux, donc ce serait favorable au maintien de notre haut niveau de protection sociale, tout en favorisant une meilleure maîtrise du déficit public et de la dette. Pour les ménages à la retraite, c’est l’allongement du nombre d’années de cotisations des actifs (en fonction de la pénibilité du travail) qui seule pourrait permettre de ne pas leur faire perdre de pouvoir d’achat, alors même que les comptes de la retraite vont continuer à se dégrader.

Il y a là une réelle marge de manoeuvre pour la France. Au-delà des efforts que les entreprises pourront faire pour limiter partiellement la perte de pouvoir d’achat de leurs salariés – un mix d’augmentation salariale et de primes Pepa, par exemple -, il est parfaitement possible, sans changer la loi, d’ouvrir avant la fin d’année des négociations au niveau de l’entreprise sur ce surcroît de compensation en échange du surcroît de travail. Il est aussi possible et souhaitable d’envisager des accords d’entreprise qui permettent à chaque salarié ou chaque équipe de choisir son propre équilibre.

C’est en tout cas une voie de sortie par le haut d’un problème majeur qui, sinon, risque de constituer rapidement une équation impossible… et douloureuse.