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Les tournants des politiques monétaires

Depuis trois décennies, les politiques monétaires se sont adaptées à ce qui a été un changement profond des modes de régulation de l’économie. Après la lutte réussie contre une inflation à deux chiffres dans la première moitié des années quatre-vingt, par une politique monétaire qui a élevé les taux d’intérêt à des sommets mais qui a dû ce faisant provoquer une forte récession, l’économie a progressivement changé de façon de se réguler. La politique monétaire également.

L’atterrissage conjoncturel de l’inflation – essentiellement causé par le ralentissement brutal de l’économie dû à la très forte augmentation des taux d’intérêt – a débouché peu à peu sur un régime structurel de basse inflation. La politique monétaire ici n’en était pas la seule raison, ni même la raison majeure. Les années quatre-vingt ont en effet été, d’une part, le moment de la libéralisation financière – déréglementation et globalisation financières (libéralisation transfrontière des mouvements de capitaux), dans la sphère financière. Et, d’autre part, dans la sphère réelle, le moment du début de la mondialisation, qui s’est accentuée fortement dans les deux décennies suivantes.

La globalisation financière fait peser une pression accrue sur les taux d’intérêt des pays connaissant davantage d’inflation.

Et la mondialisation implique sans conteste l’apparition concurrentielle de main d’œuvre moins chère, impliquant une nécessaire modération salariale dans les pays avancés (et une sortie massive de la pauvreté dans les pays émergents).
Enfin, ce moment a été également celui de l’apparition d’une nouvelle révolution technologique, la révolution digitale qui, si elle n’a pas montré dans les statistiques un accroissement flagrant des gains de productivité, a été un frein à la croissance des salaires de par les possibilités de substitution qu’elle entraîne dans certaines catégories de tâches du travail humain par de l’automatisation.

Ce double mouvement – une mondialisation du marché des capitaux et des marchandises comme des investissements couplée à une révolution technologique – a déjà été connu à la fin du dix-neuvième siècle et au début du vingtième, avec une même conséquence sur l’apparition d’un régime de basse inflation.

Du fait de ce nouveau régime, depuis les années quatre-vingt-dix la politique monétaire n’a pas eu autant à se préoccuper de lutter contre les éventuels excès d’inflation et a ainsi légitimement utilisé ses moyens disponibles pour davantage favoriser une croissance régulière de bon niveau.

Au point d’ailleurs que les modèles économiques ont pris en compte ces changements en profondeur et ont donné un soubassement théorique à la « nouvelle » politique monétaire, allant jusqu’à promouvoir l’hypothèse d’une capacité nouvelle de cette dernière à permettre une période de grande modération, dans laquelle les cycles réels étaient fortement atténués et l’inflation bien, voire totalement, maîtrisée.

Cependant, un phénomène autre n’a pas été pris suffisamment – voire pas du tout – en considération, celui de la réapparition des cycles financiers. Il a été pensé que la stabilité financière était donnée par surcroît dès lors que l’on assurait régularité de la croissance et faiblesse et stabilité de l’inflation. Pourtant, sans grande surveillance, parallèlement à cette période de grande modération, se sont développées des phases – plus longues que les cycles réels – de montée de l’endettement (du secteur privé et/ou public suivant les moments) et de développement de bulles d’actifs patrimoniaux (actions et immobilier principalement, mais on peut aisément y inclure l’art).

La déréglementation et la globalisation financières, comme l’histoire longue le montre, facilitent ce genre de phénomènes liés à la procyclicité intrinsèque de la finance.

Les autorités monétaires n’ont pas alors pris en compte ces cycles financiers qui voient endettement et bulles se développer pendant la phase euphorique du cycle, puis qui engendrent inéluctablement des crises graves de solvabilité, de liquidité et d’explosions catastrophiques des bulles. Ainsi, dès 1987 (actions), puis en 1990-1991 et suivantes (immobilier), en 1997-1998 (crises de sudden stops dans les pays émergents), en 2000 …(actions) et bien entendu en 2007-2009 ( endettement et immobilier), des crises systémiques sont-elles réapparues, avec l’éclatement de bulles spéculatives successives, de même que des crises de crédit et de surendettement de plus en plus prononcées.

Ce retour des crises financières a provoqué internationalement une réaction à bon escient des banques centrales et des régulateurs pour tout d’abord éviter des déroulements catastrophiques de ces crises – et éviter le retour de périodes longues de dépression telles que celle succédant à la crise de 1929 – par des actions curatives (rôle réaffirmé de la banque centrale en prêteur en dernier ressort) et tenter également préventivement de limiter les risques pris par les banques et de leur imposer notamment des capitaux propres suffisants pour absorber des pertes éventuelles importantes.

Puis, après la grande crise financière de 2007-2009, pour mettre en place des réglementations dites macro-prudentielles, afin de limiter la procyclicité du crédit et des marchés financiers.

Cependant, peu à peu s’est installée une asymétrie de la politique monétaire elle-même.

Afin d’éviter les effets de crises systémiques, dont la dépression et la déflation qui pouvaient en résulter, elles ont, à juste titre, abaissé leurs taux directeurs (qui sont des taux d’intérêt à court terme) vers zéro, voire pour certaines en-dessous de zéro (dont la BCE).

Et face à la limite de leur action que représentait la proximité de leurs taux de 0%, elles ont innové en lançant notamment une politique appelée non conventionnelle, celle du «Quantitative Easing» ou de l’assouplissement quantitatif, qui consiste à directement prendre le quasi contrôle des taux longs et des primes de risques notamment obligataires par achat de titres directement sur les marchés, en augmentant singulièrement leur bilan ce faisant. Ces politiques ont empêché tout emballement spéculatif auto-destructeur, mais aussi, en positionnant les taux d’intérêt longs de marché en dessous du niveau du taux de croissance, elles ont facilité le désendettement des nombreux acteurs le nécessitant.

L’asymétrie problématique de la conduite de la politique monétaire est venue du fait que, pour toute une série de raisons, les banques centrales n’ont pas renversé (ou ont tenté de le faire puis ont rapidement abandonné) leur « Quantitative Easing » alors même que la croissance était revenue sur un sentier normal et que l’offre de crédit retrouvait un rythme satisfaisant. Ainsi, les politiques monétaires ont-elles peu à peu facilité, dans le monde avancé comme émergent, une très forte valorisation du marché des actions et une bulle encore plus visible du marché de l’immobilier, ainsi qu’une forte montée de l’endettement public et privé rapporté au PIB et ce, dans de nombreux pays. Même si les taux étaient restés très bas encore plus longtemps, les vulnérabilités financières ainsi développées n’auraient pas pu éternellement éviter de se transformer en une instabilité financière prononcée.

Mais, en outre, l’inflation a fait son retour à la sortie des confinements, attisée par les effets de la guerre en Ukraine sur les prix de l’énergie et des produits agricoles… Cela nous amène au tournant des politiques monétaires de 2022 et au chemin de crête qu’elles doivent suivre actuellement.

Le réveil brutal de l’inflation a nécessairement amené les banques centrales à une remontée forte de leurs taux directeurs.

D’une part parce l’inflation est très défavorable à celles des entreprises comme à ceux des ménages qui ne peuvent aisément reproduire la hausse des prix dans leurs propres prix ou salaires. D’autre part, parce qu’une inflation forte et non stabilisée fait perdre les repères nécessaires à une fixation ordonnée, confiante, donc incontestée des prix et des salaires indispensables à une économie efficace. De plus, il était nécessaire de sortir enfin d’une période où les taux d’intérêt étaient trop bas pendant trop longtemps, avec les conséquences ci-dessus décrites.

Tout cela explique entre autres, après un moment d’hésitation quant à la nature transitoire ou non de l’inflation, la forte et rapide remontée des taux des banques centrales. Et parallèlement le début de resserrement quantitatif (Quantitative Tightening). Mais cela souligne également la situation singulière auxquelles les banques centrales sont confrontées aujourd’hui et qui exigent d’elles de procéder dorénavant très prudemment et d’avancer à petit pas.

L’inflation sous-jacente n’est pas vaincue et nécessite de ce fait des taux plus élevés ou à tout le moins maintenus longtemps aux niveaux actuels.

Mais simultanément, une remontée trop rapide ou trop forte des taux peut faire se matérialiser les vulnérabilités financières accumulées engendrées par des taux trop bas pendant trop longtemps. Au passif des bilans (trop d’endettement) comme à l’actif (des actifs très ou trop valorisés) de nombreux acteurs privés comme publics.

Les taux d’intérêt au niveau actuel, ou plus élevés encore, ont et auront tendance à mettre à rude épreuve la solidité financière de nombre d’acteurs.

Les banques centrales sont donc entrées dans une conduite de la politique monétaire qui scrutera incessamment l’état de la stabilité financière globale et sera emprunte de prudence. Sans perdre pour autant leur indispensable crédibilité dans leur lutte contre l’inflation.

Notons enfin que l’on a très probablement trop attendu de la seule politique monétaire. Elle ne peut pas tout faire. Il est crucial que la politique budgétaire soit orientée de façon compatible avec la phase dans laquelle se trouve l’économie et que les réformes structurelles indispensables soient réalisées.

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Fragmentation du monde : conséquences économiques et financières

Les tensions géopolitiques croissantes ont et auront des effets durables sur le commerce international (réallocation des flux de marchandises…) aussi bien que sur le système monétaire international. Elles organisent de fait une fragmentation progressive du monde en accroissant les polarisations commerciales et financières autour de zones d’influence de plus en plus marquées des deux hyper-puissances américaine et chinoise. Même si de nombreux pays aimeraient s’en tenir à équidistance. Et ce après quelques décennies de mondialisation du commerce et de l’investissement et de globalisation financière qui, ensemble, ont apporté notamment une diminution très significative de la pauvreté dans le monde et une réduction notable des écarts entre les pays avancés et les autres. Ainsi d’ailleurs qu’un long phénomène de désinflation. Mais aussi des bouleversements profonds des structures industrielles des différents pays, avec de nécessaires reconversions, parfois douloureuses.


On évoque aujourd’hui de fait de plus en plus les risques économiques, financiers et sociaux liés à ce processus de fragmentation. Et les grands organismes internationaux s’inquiètent à juste titre du processus de fragmentation en cours. La mondialisation a en effet permis de réduire considérablement les inégalités entre les pays pauvres et les pays riches. En 1981, 40 % de la population mondiale vivait en-dessous du seuil de l’extrême pauvreté, contre environ 10 % avant la pandémie. En Chine et en Inde, pour ne prendre que ces pays, deux milliards de personnes sont passées au-dessus du seuil de pauvreté. Et ce qui est vrai des revenus est vrai de la santé. La différence d’espérance de vie entre les pays avancés et les autres s’est également très fortement réduite. Les effets d’un commerce international très développé et de marchés de capitaux globalisés sont, selon ces critères, clairement établis.

Nous savons aussi que, pour que la mondialisation fonctionne au mieux, il est absolument nécessaire qu’il y ait, d’une part, des règles mutuellement acceptées et respectées, qui fixent le cadre régulé de ces échanges, et d’autre part, des politiques nationales qui permettent d’accompagner les transformations des structures de production comme de la nature des emplois qui en résultent. Or, cette dernière décennie, la reconnaissance du caractère indispensable de ces règles internationales et de ces modes de régulation a été mise à mal notamment avec la montée de la volonté de puissance chinoise et la réaction qu’elle a induite aux États-Unis.

Ainsi, les tensions sino-américaines sont-elles évidemment au cœur de ces inquiétudes, avec, côté américain, la montée du protectionnisme déjà affichée dans la politique proposée par Trump, mais aussi bien sous Biden, avec notamment les mesures de sécurité restreignant les exportations de technologie et avec très récemment l’IRA (Inflation Reduction Act). Et dans le camp opposé, les nombreuses et durables politiques anti-concurrentielles chinoises, explicites comme implicites.

Cependant, les conséquences de la Covid, du Brexit, comme la guerre en Ukraine par exemple, participent également de la réorganisation constatée des routes commerciales et des flux de capitaux. Sont notamment en effet venues renforcer le risque de fragmentation la guerre en Ukraine et, en résultante, la montée des sanctions touchant tant au commerce qu’aux investissements ou encore aux avoirs détenus par les institutions ou les personnes sanctionnées.

Ces constats comme les implications en termes économiques et financiers ici évoquées ne sont pas analysés sous l’angle de la morale, ni sous celui, réaliste, du rapport de force exercé entre puissances porteuses de régimes politiques opposés. La fragmentation du monde que nous voyons se développer engendre de facto des effets au-delà des intentions qui l’induisent.

Une démondialisation partielle, comme une relocalisation pour partie des usines de production, produiraient tout à la fois des conséquences favorables pour le climat et probablement pour les emplois et leur qualification pour les classes moyennes des pays avancés. La plus forte inflation structurelle qui en résulterait cependant ne serait a minima pas favorable à leur pouvoir d’achat. Symétriquement, ralentirait le rattrapage de pays moins avancés, avec des effets sociaux induits. Enfin, la mobilité réduite des capitaux qui résulterait de cette fragmentation du monde engendrerait moins de possibilités de financement, notamment de projets de développement des pays moins avancés. Le coût des emprunts en serait parallèlement renchéri.

L’accroissement des tensions géopolitiques et des sanctions induites réduit de facto et de jure la mobilité internationale des capitaux sur les marchés financiers aussi bien que sur les prêts bancaires transfrontières.

Ainsi les vulnérabilités financières monteraient-elles également, puisque les capitaux pourraient être plus rares pour certains pays, les banques moins financées internationalement, donc plus fragiles, et les crises de « sudden stop » ou de change plus fréquentes. La stabilité financière mondiale pourrait en être ébranlée. Et au total, commerce, investissements et finances combinés, la croissance mondiale en serait réduite.

Ce mouvement de fragmentation pose in fine la question du système monétaire international et de sa mutation éventuelle. Quelle place pour le dollar américain demain et pour le renminbi chinois ? Le dollar peut-il et va-t-il perdre de plus en plus de poids au sein des réserves de change et des paiements internationaux ? La question a son importance tant macro financièrement que pour la puissance américaine elle-même.

Tout d’abord, depuis une vingtaine d’années, la part du dollar dans le commerce international est restée assez stable, alors que le poids relatif de l’économie américaine dans le commerce mondial, comme dans le PIB mondial, a légèrement décliné, mesuré en parité de pouvoir d’achat.

En revanche, la part du dollar américain dans les réserves des banques centrales a perdu plus de 10 points. Au profit non pas de l’euro, du sterling ou du yen, les candidats pourtant habituels à la diversification des réserves de change. Mais au bénéfice du renminbi pour ¼ de cette baisse et de quelques autres devises telles que celles de l’Australie, du Canada, de la Corée ou de Singapour, notamment, pour les ¾ restants. L’or est redevenu en outre une source de diversification des réserves des banques centrales des pays émergents notamment.

Or les États-Unis ont fondamentalement besoin du dollar américain en tant que monnaie internationale de fait, sinon de droit. Leur balance courante est en effet structurellement et significativement déficitaire et leur dette extérieure nette en croissance permanente (10% du PIB en 2000, environ 70% à l’heure actuelle).

Que la monnaie de réserve et de transaction mondiale soit le dollar américain est donc indispensable pour les États-Unis dans le maintien de leur rôle d’hyper-puissance. C’est ainsi qu’ils refinancent globalement sans difficulté leurs déficits et que le coût de leurs emprunts en est rabaissé. C’est d’ailleurs cette corrélation entre puissance mondiale et monnaie mondiale que la Chine a bien comprise puisqu’elle construit patiemment les bases d’une internationalisation de sa propre monnaie. Elle incite les pays qui sont entrés dans sa zone d’influence à progressivement se dédollariser ou facturer et échanger moins en dollar américain. Elle construit également peu à peu les infrastructures nécessaires en créant de futures chambres de compensation off-shore en renminbi.

Soulignons enfin que les États-Unis, en utilisant leur dollar pour développer l’extraterritorialité de leur droit, comme pour l’imposition de sanctions (y compris en exigeant le gel des réserves de la banque centrale russe) risquent de précipiter le moindre usage du dollar américain tant en tant que monnaie internationale de transaction que de monnaie de réserve. L’arme monétaire de la puissance est ainsi à double tranchant. Car le refinancement des déficits et le très fort endettement extérieur des États-Unis supporteraient mal une dédollarisation progressive dans le champ des transactions comme des réserves.

Notons symétriquement que tant que la Chine a une politique qui dominent largement l’économie, sa propre monnaie aura de fortes difficultés à s’internationaliser. Pour s’imposer, la monnaie doit donner confiance. La monnaie est une dette. La dette des banques vis-à-vis des agents économiques non bancaires, au sein d’un pays. Au niveau international, la monnaie au total est la dette d’un pays. La confiance multiforme dans la puissance politique, militaire et économique est donc clé. Mais cette confiance repose aussi sur les modes de régulation de cette monnaie, donc sur la validité et la stabilité des institutions qui la définissent et l’encadrent. Le mouvement de dé-dollarisation, s’il a lieu, sera donc très progressif et ne se fera au sur le temps long.

La fragmentation en cours est une conséquence évidente du désordre du monde et de la multipolarisation en cours. Les forces politiques, militaires, économiques et démographiques, ainsi que la plus ou moins grande sagesse des dirigeants et des peuples, détermineront la forme finale (transitoirement du moins) des transformations que nous vivons. Ces évolutions ne seront pas sans effet sur la croissance, les niveaux et la qualite de vie, comme la stabilité financière des différentes parties du monde.

Bibliographie :

  • Geo-economic fragmentation and the world economy
    Shekhar Aiyar, Anna Ilyina
    March 27, 2023 – Vox Eu columns
  • Confronting Fragmentation Where It Matters Most: Trade, Debt, and Climate Action
    Kristalina Georgieva
    January 16, 2023 – IMF
  • Geopolitics and Fragmentation Emerge as Serious Financial Stability Threats
    Mario Catalán, Fabio Natalucci, Mahvash S. Qureshi, Tomohiro Tsuruga
    April 5, 2023
  • The Stealth Erosion of Dollar Dominance: Active Diversifiers and the Rise of Nontraditional Reserve Currencies
    Serkan Arslanalp, Barry J. Eichengreen, Chima Simpson-Bell
    March 24, 2022 – IMF
  • Le passage à une situation de multiples monnaies de réserve
    Patrick Artus
    5 Janvier 2023, Flash Economie
  • Le système monétaire international et le financement des Etats-Unis
    Patrick Artus
    30 Mars 2023, Flash Economie
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« L’urgence des réformes structurelles »

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La figure de l’entrepreneur (et de l’entrepreneuriat) est doublement indispensable

Tout d’abord économiquement. La croissance est pour beaucoup une affaire d’innovation et de création. Ce sont elles notamment qui cassent les rentes, qui permettent les révolutions technologiques, les progressions de la productivité, donc l’augmentation des salaires non inflationniste, etc.

La dynamique de la croissance vient de la capacité de l’économie à être en mouvement, à connaître des évolutions des standards de consommation, comme des standards de production…

Or, ce sont les entrepreneurs qui prennent les risques de l’innovation, de la nouveauté, de l’audace calculée. Ces entrepreneurs peuvent exercer au sein des entreprises, pour peu qu’elles leur en laissent la possibilité et la place pour le faire. Ils peuvent être également créateurs d’entreprise. Sur le temps long, l’économie connaît l’apparition et la disparition de firmes. Ces deux moments coexistent et sont nécessaire l’un à l’autre. Des secteurs se développent pendant que d’autres s’éteignent. Et ce phénomène est l’un des moteurs de la croissance de l’économie et de sa capacité d’adaptation. C’est la création-destruction si bien analysée par Joseph Schumpeter, puis magistralement réinterprétée par Philippe Aghion.

En second lieu, mais ce n’est pas de moindre importance, la figure de l’entrepreneur est également essentielle parce qu’elle participe de l’égalité des chances. Les rentes entravent cette dernière. La capacité d’innover, de produire du nouveau, peut permettre à des catégories de personnes moins insérées ou moins établies au sein du système existant d’émerger et de créer de la richesse pour la société et pour eux-mêmes. L’entrepreneuriat permet ainsi de bouleverser l’ordre établi, lorsque les règles du jeu en vigueur rigidifient les situations acquises. Bien entendu, pour que cela puisse fonctionner, il faut que les « institutions » le permettent et le favorisent. Il en va du droit de la concurrence, de l’enseignement, des modes de financement de l’innovation comme de l’écosystème de création d’entreprise ou des jeunes pousses, etc. Ainsi que de la culture de chaque société qui favorise et valorise, ou pas, les succès comme les échecs…

L’entrepreneur, qu’il soit créateur ou développeur d’entreprise, doit être l’une des figures de proue de nos sociétés pour en favoriser tant la croissance économique que l’égalité des chances. Deux pôles qui d’ailleurs se renforcent l’un l’autre et qui fondent le pacte social.

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L’interview de l’Hémicycle : stratégie bancaire, inflation et crises financières

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« Comment agir dans un monde incertain ? »

Retrouvez le replay des « Nocturnes de l’économie 2023 » organisées par les Journées de l’Économie sur la thématique proposée par Pascal Le Merrer : « Comment agir dans un monde incertain ? »

J’y ai pris part aux côtés de Yann Algan, Doyen associé des programmes pré-expérience à HEC, Agnès Bénassy-Quéré, Sous-gouverneure de la Banque de France, précédemment chef économiste du Trésor et Philippe Varin, 1er Vice-Président ICC (International Chamber of Commerce) et ancien Président Directeur General de PSA.
 
Mon thème : la forte incertitude due à un environnement macro-financier inflammable. La stabilité financière à rude épreuve. La politique monétaire entre l’indispensable lutte contre l’inflation et la volonté d’éviter l’éclatement brutal des bulles et la montée incontrôlée de l’insolvabilité.
 
Un grand merci à Lina Bezzate Guessous et Etienne Arrieta, étudiants d’HEC Paris, qui ont animé cette conférence pour HEC Débats.