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Banque Economie Générale

Et maintenant, quelle politique de la BCE ?

À mi-2025, l’inflation sous-jacente en zone euro semble se stabiliser autour de 2,5 %, tandis que les salaires augmentent à un rythme voisin de 3 %. Le taux d’inflation globale, quant à lui, est revenu à environ 2 %. Ce résultat ne s’explique pas par un seul facteur, mais par la convergence de plusieurs dynamiques: une politique monétaire résolue ayant permis d’ancrer solidement les anticipations d’inflation, un redressement progressif de l’offre à la suite des désorganisations dues au Covid et une nette détente des prix de l’énergie. Cependant, cette amélioration ne doit pas masquer les facteurs de long terme comme la démographie, la transition énergétique ou encore la fragmentation croissante de l’économie mondiale, qui peuvent alimenter durablement une inflation plus élevée.

Les perspectives de croissance de la zone euro demeurent modestes : entre 1% et 1,4 % selon les estimations, avec quelques pays affichant une performance légèrement supérieure aux attentes. Ainsi, les taux d’intérêt actuels de la BCE, après de nombreuses baisses, ne paraissent au total pas restrictifs. Ils s’inscrivent actuellement dans une zone neutre, voire légèrement accommodante.

Les incertitudes qui pèsent sur l’économie européenne restent nombreuses. Entre autres, l’évolution des prix des matières premières, comme des terres rares, restent très sensibles aux évolutions géopolitiques peu anticipables. L’effet sur les prix de la relance allemande est peu prévisible. Il dépend de l’intensité de son déploiement et de son impact sur l’offre. Le futur niveau des droits de douane est pour le moins incertain et ils peuvent ralentir la croissance en perturbant les chaînes de valeur mondiales, mais aussi contribuer à la hausse des prix via un renchérissement des importations. Les modèles économiques peinent à produire des résultats convergents. Dans un tel environnement, la BCE a raison de suivre une approche dite « data driven », strictement fondée sur les données au fur et à mesure de leur disponibilité, sans orientation directionnelle.

En outre, un retour à des taux très bas, en l’absence de forte nécessité conjoncturelle, serait une erreur. Des taux durablement proches de zéro hors raisons exceptionnelles engendrent des déséquilibres tels que la formation de bulles spéculatives sur les actifs financiers ou immobiliers, l’incitation à des choix d’investissement peu compatibles avec une allocation efficiente du capital, l’accroissement l’endettement privé et public au-delà de niveaux soutenables. Les effets délétères additionnels d’un environnement prolongé de taux trop bas trop longtemps sont connus : trappe à liquidité, survie artificielle d’entreprises inefficaces, dites zombies, ralentissement des gains de productivité et hausse de l’épargne de précaution…

Aujourd’hui, l’enjeu est le potentiel de croissance trop faible en Europe, or les remèdes ne relèvent pas de la compétence de la banque centrale. Cette insuffisance découle du manque de réformes structurelles, d’une sur-réglementation, d’une politique de la concurrence dont il convient de modifier la définition du marché pertinent à l’heure des géants mondiaux, comme de barrières non tarifaires continuant d’entraver l’expansion des entreprises à l’intérieur même du marché unique. Si l’inflation est maîtrisée, la politique monétaire peut accompagner l’activité et la relancer lorsque la croissance effective est inférieure à la croissance potentielle, mais elle ne peut agir en lieu et place des politiques structurelles nécessaires.

La politique monétaire ne peut non plus être utilisée comme une facilité offerte aux États concernés pour différer davantage la consolidation de leurs finances publiques. Il serait en outre illusoire de croire qu’une croissance robuste et soutenable puisse être permise dans un contexte de taux d’endettement public excessif et non stabilisé. Sur ce point, la responsabilité des gouvernements est pleine et entière.

La BCE pourrait conserver une marge de manœuvre indispensable au cas où il deviendrait nécessaire d’agir plus fortement encore. L’actuelle montée de l’euro, désinflationniste et susceptible de ralentir par elle-même la croissance, pourrait toutefois la faire bouger plus rapidement.

Olivier Klein
Professeur d’économie à HEC et Directeur général de Lazard Frères Banque

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Crise économique et financière Economie Générale

Europe : comment financer son avenir pour s’imposer comme puissance dans ce nouveau monde ?

Comment financer son avenir pour continuer d’exister ? Cette question hante désormais les décideurs et économistes européens. Les besoins d’investissement sont colossaux si l’Europe veut rivaliser avec les États-Unis et la Chine. Lors de l’émission Les décideurs engagés dans la banque et l’assurance (IFPASS / L’Hémicycle), Olivier Klein, professeur à HEC et DG de Lazard Frères Banque, a livré sa vision.

L’Union européenne, longtemps focalisée sur la régulation et la norme, se réveille avec un tissu industriel affaibli et une dépendance stratégique croissante. Selon le rapport Draghi, il manquerait environ 800 milliards d’euros d’investissements. « Ce chiffre est largement sous-estimé », alerte Olivier Klein, rappelant que l’Allemagne à elle seule a déjà débloqué une somme équivalente.

Trois grands défis s’imposent. D’abord, le climat. La transition énergétique exige des investissements massifs pour bâtir des filières locales, décarbonées, compétitives, incluant un retour en grâce du nucléaire. Ensuite, la technologie : en intelligence artificielle, semi-conducteurs ou cloud, l’Europe est à la traîne. « Mieux vaut se positionner en amont, sur l’informatique quantique par exemple », propose Klein. Enfin, la défense : la montée des tensions géopolitiques relance le besoin de réarmement et de souveraineté industrielle.

L’erreur stratégique ? Avoir cru qu’un leadership normatif suffisait à peser dans le monde. L’exemple de l’automobile est frappant : en interdisant trop vite les moteurs thermiques, l’Europe a favorisé les véhicules électriques… dont la Chine domine la production de batteries.

« L’Europe est un continent vieillissant, où la culture de la précaution a supplanté celle du risque », constate Olivier Klein. Résultat : des gains de productivité deux fois moindres que ceux des États-Unis depuis vingt ans. À cela s’ajoute une fragmentation réglementaire : malgré le marché unique, des barrières non tarifaires subsistent, équivalant à 45 % de droits de douane internes, selon le rapport Drahi.

Peut-on tout résoudre avec un marché financier unifié ? Pas uniquement. Avant même la crise de la zone euro, les capitaux circulaient efficacement entre pays. Aujourd’hui, l’épargne excédentaire de l’UE (plus de 400 milliards d’euros en 2024) fuit vers les États-Unis, plus dynamiques et rentables.

Comment la retenir ? En réformant la réglementation, en simplifiant l’administration, en valorisant la réussite économique. Il faut aussi transformer une épargne longue et prudente en capital productif. Cela passe par une réforme des retraites – en liant l’âge au progrès de l’espérance de vie – et la création de fonds de pension. Des ajustements techniques comme la réforme de la fiscalité de l’assurance-vie, l’élargissement du PEA ou des incitations à l’épargne longue sont également nécessaires.

Dans un monde où la régulation s’effondre au profit des rapports de force, l’Europe ne peut plus rester passive. Si elle ne renforce pas rapidement sa puissance économique, technologique et militaire, elle restera coincée entre les États-Unis et la Chine. Et continuera à s’effacer sur la scène mondiale. « Lorsque j’étais à la tête de la BRED et que je visitais nos filiales dans les pays émergents, on me demandait souvent : où est l’Europe ? », conclut Olivier Klein. Il est temps de répondre.

Sybil Rizk 

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Crise économique et financière Economie Générale

L’évolution géo-politique et géo-économique du monde, décrochage européen et finances publiques françaises en danger.

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Conjoncture Economie Générale Politique Economique

Le modèle français, de l’excès à l’indispensable renouveau

Publié par Les Échos le 15 mai 2025

Le modèle européen et français de régulation politique, économique et sociale traverse une crise profonde. Ce modèle, sous la pression de ses dérives, s’avère difficilement capable de répondre aux défis contemporains.

Cinq mouvements majeurs mettent en lumière ses limites : l’affaiblissement de l’autorité publique et du sentiment de sécurité, l’insuffisance de la régulation migratoire et de l’intégration de la population immigrée, la montée d’un individualisme exacerbé, l’expression d’un égalitarisme excessif, enfin l’hypertrophie étatique et normative. Ces dynamiques fragilisent les institutions et alimentent la défiance envers le politique, en favorisant la montée du populisme.
Le marché, indispensable pour dynamiser l’économie, nécessite une régulation publique efficace afin d’en éviter les dérives. Cependant, en France, la sphère publique s’est développée de manière hypertrophiée, engendrant tout à la fois inefficacité et découragement. L’Etat omniprésent tend à infantiliser les citoyens et à interférer dans leurs relations, tout en réduisant le rôle des corps intermédiaires. Comme le souligne Hannah Arendt : « Lorsque l’Etat monopolise cette capacité d’agir, les citoyens sont réduits au rôle de spectateurs. » La suradministration provoque en effet une perte de responsabilité individuelle et collective, tout en affaiblissant le respect des autres et des règles de vie en société.

Vivre ensemble

Parallèlement, dans nos sociétés, des excès pathogènes mettent en péril jusqu’à la démocratie elle-même. Ces excès se manifestent par une extension illimitée des droits individuels au détriment des devoirs de chacun, favorisant un égoïsme, un repli sur soi, comme un communautarisme exacerbé. Mais aussi un affaiblissement du sens collectif et de la nécessité du travail. Ces excès consistent en outre en une obsession égalitariste, au point d’alimenter jalousie, ressentiment et haine. Freinant de plus les moteurs de la croissance et du progrès. Tocqueville avertissait déjà : « Il n’y a pas de passion si funeste pour l’homme que cet amour de l’égalité qui peut dégrader les individus et les pousser à préférer la médiocrité commune à l’excellence individuelle. »

Ces dérives menacent la capacité de vivre ensemble et peuvent conduire à une ruine aussi morale qu’économique. Le financement de la suradministration et le manque de responsabilisation face aux dépenses de protection sociale se traduisent en effet par un déficit public permanent, induisant une dette publique bientôt insoutenable, renforçant à leur tour la défiance.

Retrouver un équilibre

Pour éviter un déclin irréversible, il est impératif de réinventer l’équilibre de notre modèle autour de plusieurs axes. Réconcilier éthique (comprenant la justice sociale) et dynamique économique. Aucun des deux termes n’est durablement viable sans l’autre. Aujourd’hui, les normes et systèmes de prélèvements entravent outre mesure l’innovation et la croissance, sous peine de rendre vains les efforts en faveur de l’éthique. Traiter républicainement et efficacement les questions sociétales, sans penchant moralisateur ni mépris. Ce qui évitera de surcroît que le populisme ne monopolise ces débats.
Retrouver une meilleure mobilité sociale par un enseignement approprié de qualité. Lutter contre les excès égalitaristes en opérant un rappel indispensable des notions d’égalité des droits et des devoirs, d’égalité des chances et d’équité pour ne pas les confondre avec l’égalité absolue en toute chose, bien souvent antinomique des premières.

La survie du modèle européen démocratique et d’économie sociale de marché dépend de sa capacité à se renouveler. Sans un sursaut intellectuel pour limiter les excès qui s’y sont développés et pour retrouver les équilibres indispensables qui les fondent, notre système politico-économico-social sombrera dans l’entropie. Qui plus est, dans un monde où les seuls rapports de force sont redevenus la règle. Ce renouveau est crucial pour restaurer la confiance dans les institutions et la politique, comme dans la démocratie elle-même. Il est aussi crucial pour retrouver une vitalité et un dynamisme sans lesquels rien n’est possible. La pérennité de notre beau modèle européen en dépend.

Olivier Klein est professeur d’économie à HEC.

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Conjoncture Economie Générale Politique Economique

LES STABLECOINS ADOSSÉS AU DOLLAR : UNE NOUVELLE ARME STRATEGIQUE POUR LES ÉTATS-UNIS

Les stablecoins connaissent une croissance fulgurante comme monnaie de règlement. En 2024, ils ont traité plus de transactions que Visa et Mastercard réunis. Contrairement aux cryptomonnaies « pures » émises sans aucune contrepartie et dont la valeur est par essence spéculative et éminemment fluctuante, car dépendante de la seule opinion auto-référentielle du marché lui-même sur cette valeur, les stablecoins sont des cryptomonnaies adossées à des actifs comme le dollar. Pour chaque unité de stablecoin émise et achetée en échange de n’importe quelle devise, le montant reçu dans cette devise est immédiatement utilisé pour acheter en l’occurrence du dollar américain et investi en titres du Trésor américain. C’est donc en vertu de cette règle de 1 pour 1 que ces cryptomonnaies spécifiques sont dites stables et non purement spéculatives.


Face à la montée des incertitudes sur le marché obligataire américain, manifestée par une réduction des achats des émissions du Trésor, les États-Unis voient dans les stablecoins une opportunité stratégique : attirer une nouvelle demande pour leur dette souveraine et renforcer la domination du dollar dans les échanges mondiaux. En effet, plus les stablecoins adossés au dollar sont utilisés à l’international, plus les émetteurs doivent acquérir de la dette américaine pour garantir leur valeur. Washington utilise ainsi les stablecoins comme un outil de refinancement de sa dette extérieure, tout en étendant la dollarisation de l’économie mondiale. La récente adoption du projet de loi Genius Act, soutenu par l’administration américaine, vise à accompagner et encadrer le développement des stablecoins adossés au dollar, offrant un avantage compétitif aux émetteurs américains et consolidant la suprématie du dollar.


Cette stratégie n’est pas sans danger pour le reste du monde. L’adoption massive des stablecoins adossés au dollar pourrait accélérer la fuite des capitaux depuis les économies émergentes ou fragiles, dont les citoyens chercheraient à se protéger de l’inflation ou de la dévaluation de leur monnaie locale en se réfugiant dans ces moyens de paiement stables. Les stablecoins affaiblissent plus généralement la souveraineté monétaire des pays, hors États-Unis en l’occurrence, réduisent leur capacité à financer leur économie par leur épargne locale, en exposant leur système financier à des risques de désintermédiation bancaire. La réorientation de l’épargne mondiale vers les stablecoins adossés à la dette américaine détourne en effet des ressources du financement du secteur privé local, au profit du Trésor américain. Les banques nationales, privées de dépôts, voient ainsi leur capacité de crédit diminuer à due proportion, freinant la croissance économique de ces pays.


L’expansion des stablecoins pose enfin des défis majeurs en matière de régulation, de lutte contre le blanchiment et de protection des consommateurs. Ces actifs peuvent en effet circuler sans contrainte et faciliter ainsi les flux illicites et éroder l’intégrité des marchés financiers. Enfin, la dépendance accrue au dollar via les stablecoins renforce l’asymétrie du système monétaire international, rendant les économies notamment émergentes encore plus vulnérables aux décisions de politique monétaire américaine.


Au total, en développant les stablecoins adossés au dollar, les États-Unis disposent d’un levier inédit pour dollariser davantage les échanges mondiaux et refinancer leur dette extérieure. Mais cette stratégie fait peser de lourds risques sur la souveraineté monétaire, la stabilité financière et le développement économique du reste du monde.


Mais c’est aussi une arme à double tranchant pour les États Unis eux-mêmes. Les stablecoins adossées au dollar peuvent accélérer aussi bien la hausse que la baisse du dollar . Donc accroître la volatilité macro-financière globale.

Olivier Klein
Professeur d’économie à HEC et banquier

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INDUSTRIE ET ÉCOLOGIE : ATTENTION AUX OPPOSITIONS DANGEREUSES !

Publié le 17 avr. 2025

La France s’est engagée depuis plusieurs années dans un effort important de réindustrialisation. Mais au-delà de l’indispensable poursuite d’une meilleure compétitivité et de la mise en place d’une politique industrielle française et européenne adaptée, il nous faut être très vigilants quant au développement d’une nouvelle forme de vulnérabilité. Une fragilisation de notre industrie peut en effet également prendre des formes peu visibles, diffuses, éventuellement coordonnées. Sommes-nous suffisamment armés pour y faire face ?

Certains influenceurs, ONG, élus, peuvent relayer parfois des discours partiels, voire partiaux, sur certains secteurs industriels. Dans quelle mesure ces narratifs s’inscrivent-ils dans une stratégie d’influence ? Et sommes-nous capables de les identifier, de les décrypter, d’y répondre pour protéger notre industrie et notre économie ?

Surtransposition de normes

Certains excès de normes, mises en place avec de bonnes intentions, ont pu affaiblir durablement notre tissu productif. Le paradoxe, relevé à plusieurs reprises, réside dans le fait que ces surtranspositions – parfois motivées par un excès de prudence ou une volonté d’exemplarité – se sont traduites par un affaiblissement de nos entreprises face à la concurrence. Dans ces cas, la norme est devenue un frein, et non un levier, précisément au moment où la France aurait besoin d’un tissu industriel réactif, exportateur, capable d’innover sans être pénalisé par cadre réglementaire exagérément rigoureux.

Au niveau européen même, nous avons encore vu récemment que l’influence de certaines ONG est réelle pour établir un tissu de normes, dont l’intention semble louable, mais qui cachent parfois de l’idéologie sans fondement, mêlée ou non d’intérêts moins transparents, liés à la compétition entre les différentes zones du monde, voire entre les pays européens eux-mêmes.

Le nucléaire – pourtant validé comme énergie bas carbone par de nombreuses agences internationales – a failli disparaître parce qu’ayant fait l’objet d’attaques peu étayées scientifiquement. Le cas des PFAS par exemple – dénommés inutilement par les militants écologistes « polluants éternels » – est régulièrement cité et semble suivre le même procédé. Il en est bien d’autres.

Lobbying écologiste

Une récente émission de François de Rugy, « Et si l’économie sauvait l’écologie » lève le voile sur un phénomène qui, bien que connu des industriels et de certains chercheurs, reste largement ignoré de l’opinion publique : les manoeuvres de lobbying d’écologistes radicaux forts bien outillés peuvent menacer notre tissu productif national.

Instrumentalisation de l’émotion publique, attaque frontale sans légitimité scientifique, construction de récits anxiogènes sur la base de données contestées, voire erronées, peuvent être à l’oeuvre. Des méthodes similaires – dans de tout autres domaines – sont contestées très légitimement quand elles sont utilisées par les ultra-conservateurs américains par exemple.

Défendre notre industrie, ce n’est pas s’enfermer dans un camp : c’est refuser les simplismes.

Il devient essentiel de distinguer ce qui relève d’un débat démocratique légitime de ce qui relève d’une instrumentalisation susceptible d’entraver notre reconquête industrielle ou notre autonomie stratégique. Nationale ou européenne. Une question fondamentale doit se poser systématiquement sur ces sujets : qui parle ? au nom de qui ? sur quelles données ? La réponse ne peut pas être dogmatique. Elle suppose rigueur, esprit critique, approche scientifique et exigence collective pour ne pas céder à l’émotion contre l’analyse, ni au soupçon généralisé contre la connaissance validée.

Car le risque est celui de décrédibiliser notre capacité à produire dans le respect de l’environnement. Il ne s’agit pas seulement d’économie. Il s’agit aussi de notre capacité à exister dans un monde où la concurrence entre pays prend des formes parfois plus sophistiquées. Et sans industrie forte, pas de résilience, pas de maîtrise technologique, pas de capacité stratégique.

Nos usines, nos brevets, nos normes, nos récits économiques sont désormais des objets de rivalité. Aussi serait-il fâcheux de se satisfaire d’un face-à-face stérile entre militants écologistes et industriels inquiets. Ce serait surtout une erreur stratégique, pour la France comme pour l’Europe, à l’heure où le reste du monde avance à grande vitesse. Défendre notre industrie, ce n’est pas s’enfermer dans un camp : c’est refuser les simplismes. C’est choisir de comprendre, avant de normer ou d’interdire. Sans naïveté, de part et d’autre.

Olivier Klein est professeur d’économie à HEC.