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« Après la Covid : Mutualisme et Coopération, leviers d’une sortie de crise »

Mot d’accueil | Olivier Klein

« Bonjour à tous, ravi de vous recevoir et d’organiser ici, à la BRED, les sixièmes Assises de la coopération et du mutualisme dont nous sommes adhérents et dans lesquelles nous sommes engagés depuis la première année.

Pour cette introduction, je vais rapidement développer trois idées.

La première concerne l’évolution du capitalisme. On sait tous que le capitalisme a démarré sous une forme familiale, puis, parce que les familles évoluaient dans le temps, s’agrandissaient et que les fondateurs disparaissaient, il a fallu ouvrir le capital et se sont développées les sociétés par actions. Ainsi est née, particulièrement à la suite de la seconde guerre mondiale, une forme de capitalisme « managérial » dans laquelle les managers ont davantage pris le pouvoir, parfois au détriment de l’intérêt des actionnaires dispersés et de l’efficacité légitime. En conséquence, dans les années 1980 s’est développé un capitalisme « actionnarial » remettant la balle du côté des actionnaires, avec des formes plus efficaces mais également avec d’importantes dérives. Les innovations efficaces ont permis de faire venir de grands talents dans de petites sociétés en les associant à la réussite, par une participation au capital (sous une forme ou sous une autre), ce qui était difficile sous le capitalisme managérial. Cela a donc facilité l’innovation et les « start up ». Mais on en connaît bien les dérives. Il s’agit de tout ce qui a fait en sorte que les dirigeants d’entreprises soient plus attachés à l’intérêt des actionnaires qu’au reste des parties prenantes. Avec les dérives financières y attenant. Ainsi, selon moi, nous devons évoluer vers un capitalisme « partenarial » qui comprendrait davantage toutes les parties prenantes : les actionnaires, qui évidemment apportent de l’argent et le mettent en risque, mais aussi les salariés – qui eux aussi prennent des risques sous une autre forme –, les clients, les fournisseurs et la société dans son ensemble. Prendre en compte la société s’exprime certes à travers la RSE, mais plus largement par le fait que les entreprises sont engagées vis-à-vis de leurs territoires, de la transition climatique… Il se trouve que la forme mutualiste et coopérative,  même si ce n’est pas la seule, est l’une des formes qui s’appliquent bien au capitalisme partenarial. Il est évident que dans nos banques, par exemple, les clients sont au cœur même du système puisque l’actionnariat y est représenté par le sociétariat et que les sociétaires sont des clients. Il n’y a donc pas de sociétaire non-client. Selon les formes, tous les clients sont sociétaires ou tous les sociétaires sont clients (comme à la BRED), mais en tout état de cause ce sont les clients qui forment le Conseil d’administration, ce sont donc eux qui contribuent à forger la stratégie de l’entreprise. Une stratégie, par construction, très orientée client. Les salariés sont également depuis très longtemps au cœur du projet dans nos formes mutualistes et coopératives. Et, bien évidemment, la société l’est aussi. Bien avant que les questions RSE ne soient « à la mode », nous nous engagions déjà avec beaucoup de sincérité dans de nombreux domaines, aussi bien au niveau très local, en soutenant tel club de sport,  telle association ou tel événement culturel, qu’à un niveau plus large, comme à la BRED par exemple dans la diffusion du savoir ainsi que dans l’égalité des chances, facteurs très importants pour renforcer le lien social et favoriser la cohésion des territoires.

La deuxième idée que je souhaite développer est qu’un groupe bancaire comme BPCE est un groupe décentralisé de banques régionales coopératives, des banques de plein exercice. Le rôle de nos banques est par construction encore plus fort sur nos territoires que celui des banques centralisées. Car entre chaque territoire et sa banque il y a une osmose, une convergence d’intérêts. Si le territoire ne va pas bien, la banque n’ira pas bien. Et si la banque, par son rôle de facilitateur, ne va pas bien, il y a peu de chance que le territoire se développe bien. Cette osmose provoque donc des choses assez différentes de ce que l’on peut connaître dans d’autres modèles. Le jour où dans telle ou telle de nos régions l’activité de crédit dégage un peu moins de rentabilité, pour une raison de surcroît de risque par exemple, pour autant toute l’épargne collectée dans la région ira financer les développements de projets sur ces mêmes territoires. Elle ne sera pas affectée à une région permettant une meilleure rentabilité des crédits octroyés. C’est fondamental et ce n’est pas le cas partout.

Il y a bien chez nous cette équivalence entre l’intérêt du territoire et celui de la banque qui y travaille. La notion de RSE y est donc encore plus réelle, encore plus concrète. Et dans un monde qui a été fortement globalisé, même s’il se compartimente rapidement, on a vu apparaître depuis des années un besoin encore plus fort de proximité, un besoin auquel, je le pense, nos banques répondent. Lorsque l’on interroge les Français sur les banques, on note un attachement viscéral à nos formes de banques du fait de la proximité qu’elles développent.

Proximité géographique et proximité relationnelle avec les clients -quel que soit  le canal utilisé – qui lie le client à sa banque.

Proximité également décisionnelle. Je me rappellerai toujours la première fois où je suis allé à Lyon pour une banque qui était centralisée, les entreprises clientes nous laissaient prendre des parts de marché sur d’autres banques centralisées, mais jamais sur les banques régionales. La raison en est très simple : la banque régionale possède un accrochage local qui est indépassable, car elle a tissé une réelle relation avec le client.  Car celui-là connaît les responsables finaux de la banque, qui sont là pour longtemps. En outre, les décisions de crédit sont prises sur place et non à Paris.

Proximité enfin managériale, qui est aussi cruciale. Dans une banque de réseau, on a besoin de collaborateurs très motivés, très conscients de la valeur de nos clients et de l’importance de la relation avec eux. Cette motivation fait la différence. Ce n’est pas pour rien que les banques mutuelles et coopératives en France, depuis 30 ans, ne font que progresser pour aujourd’hui atteindre entre 65 % et 70 % des parts de marché de la banque de détail, y compris sur le marché des PME. Cette proximité managériale permet à tous d’être impliqués dans la stratégie, de la comprendre, d’en être acteurs et ainsi de se sentir bien davantage plus motivés. Parce que les managers sont proches des dirigeants qui sont là, bien présents sur leurs territoires. Et ces dirigeants responsables de leur banque sont attachés à leur région et travaillent dans des banques de plein exercice, ce qui leur donne beaucoup de responsabilité et ce qui développe des dynamiques entrepreneuriales considérables.

En outre, le fait d’avoir un actionnariat « collectif », composé de clients-sociétaires permet à nos banques, de  ne pas dépendre de la bourse,  de sa volatilité, de ses effets mimétiques,  comme de la pression de très court terme qu’elle organise.  Sans jamais exonérer nos banques de l’impératif d’efficacité et de rentabilité. Pouvoir penser à long terme et assurer une proximité forte avec ses clients sont ainsi deux atouts essentiels de notre mode de gouvernance.

Ma dernière idée concerne l’alliance de l’éthique et de l’efficacité, idée que je défends depuis plus de 20 ans. Je suis persuadé que notre modèle permet de lier éthique et efficacité de manière remarquable. Rien de tout ce que je viens d’énoncer ne se fait au détriment de l’efficacité, tout au contraire. Il n’y a pas d’efficacité longue sans éthique dans la relation client, comme vis-à-vis des salariés. Je demande toujours aux conseillers de se comporter de la façon suivante : « Accompagnez vos clients de manière à ce que dans 10 ans, lorsque vous les rencontrerez à nouveau dans la rue, vous n’ayez pas l’envie de changer de trottoir et que vous soyez fiers de ce que vous avez fait pour eux ». Et il n’y a évidemment pas d’éthique longue sans efficacité, car si l’on n’est pas efficace, on n’a pas les moyens d’être éthique, puisque tôt ou tard on n’existe plus. Il faut donc lier la morale à l’efficacité, l’une ne pouvant aller sans l’autre et réciproquement.

Pour conclure, cette proximité multidimensionnelle construit la performance, elle permet  même la surperformance. Aujourd’hui, les coefficients d’exploitation – rapport entre les charges et les revenus des banques – sont structurellement meilleurs dans les banques de détail des groupes décentralisés que dans l’activité de banque de détail des groupes centralisés. Dans un pays très centralisateur, j’ose dire que c‘est grâce à cette décentralisation bancaire que nous avons des coefficients d’exploitation plus bas, donc que nous sommes plus efficaces. Nous sommes ainsi des banques compétitives, efficaces, et cette efficacité permet de fait de bien mieux servir les clients. Le premier principe de l’éthique est d’être utile à ses clients. Puisque nos modèles mutualistes et coopératifs permettent ce mariage fructueux de l’efficacité et de l’éthique, j’ai la conviction que nous sommes là pour longtemps.

 Je vous remercie. »

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« L’entretien HEC » – replay

J’ai eu le plaisir d’être invité par Hedwige Chevrillon, Rédactrice en Chef du Grand Journal de L’Eco chez BFM Business et Vincent Beaufils, Directeur de la publication de Challenges en tant que Grand invité de l’émission « l’entretien HEC » diffusé sur BFM Business et le site internet du magazine Challenges.

Au sommaire de cette interview de nombreux sujets liés à la banque et l’économie en général.

Actualité : impact du conflit en Ukraine sur la bourse, sur les entreprises, dépendance au réseau SWIFT des banques, inflation, croissance, enjeux pour les banques centrales.

Echange avec Ada Di Marzo, Directrice générale de Bain & Company

Business : ma stratégie pour la BRED, l’investissement dans la valeur ajoutée et l’humain, le rôle du conseiller, l’intégration du digital, l’engagement pour l’égalité des chances.

Questions d’étudiants et alumni HEC dont Bertrand Badré, Fondateur du fonds Blue like an Orange et Jeremy Ghez, Professeur d’économie et d’affaires internationales : attentes vis-à-vis de la banque, économie durable, soutien à l’économie des DOM, évolution des taux d’intérêt, réglementation bancaire, enseignement, stratégie internationale.

Enfin j’ai pu présenter et partager mes réflexions sur mon essai « Crises et mutations : petites leçons bancaires » un essai publié par la Revue Banque associée aux éditions Eyrolles.

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La banque de proximité n’a pas dit son dernier mot

Pour un meilleur confort de lecture, retrouvez le texte de l’article ci-dessus :

A l’annonce des performances historiques des banques, les commentateurs évoquent déjà l’avènement d’un nouveau cycle, plus prolifique, et ne manquent pas de relever que la crise sanitaire leur a été plus que profitable. Cependant, ils s’interrogent encore sur la capacité des banques traditionnelles à opérer leur mue dans un monde où le digital a pris une part encore plus importante dans la société depuis la pandémie.

On en revient à la sempiternelle question de l’avenir de la banque traditionnelle, avec son réseau d’agences désertées par les clients, « disruptée », désintermédiée avec l’arrivée de nouveaux acteurs qui investissent les services bancaires.

Qu’en est-il vraiment ? Tour à tour transformatrice et transformée, la banque continue de faire mentir la chronique de sa mort annoncée !

Un rôle irréductible

Son utilité économique et sociale a été confirmée à la faveur de la crise. Outre son indispensable rôle de financeur de l’économie réelle, elle a aussi fait la preuve de sa capacité d’anticipation et d’adaptation en accompagnant le foisonnement de nouveaux usages et comportements de consommation. Sachant accompagner et même tirer avantage du fort développement de l’e-commerce et du commerce hybride ou encore de la digitalisation. Cela n’a été rendu possible que parce que les banques étaient prêtes, avec des technologies matures, des infrastructures bien dimensionnées, des organisations adaptées et des équipes agiles et bien formées. Ces qualités sont autant de preuves de sa propre capacité de transformation, en tant qu’industrie et en tant qu’institution.

Ajoutons que seule la banque, dans son activité singulière de transformation permettant de faire coïncider crédit et épargne, prend à sa charge les risques de crédit, de taux d’intérêt et de liquidité qui en résultent, permettant ainsi aux emprunteurs comme aux prêteurs de ne pas les prendre sur eux-mêmes. Cette fonction est elle aussi constitutive de l’utilité économique et sociale des banques commerciales.

Un tiers de confiance

Pressée par les néobanques, les fintechs et autres Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft, NDLR), elle a su conforter son rôle de tiers de confiance. Une confiance dans son aptitude à accompagner durablement ses clients dans leurs projets de vie ou d’entreprise, en répondant à leurs besoins de financement, à la demande de solidité des placements effectués en son sein et, enfin, à l’indispensable protection de leurs données.

Elle a su également réaffirmer son rôle de producteur et de distributeur de services financiers, en mettant à profit la technologie pour mieux développer encore ce qui fait sa spécificité et sa valeur ajoutée : le conseil. Si le numérique a ses avantages pour augmenter la praticité pour les clients et réduire les coûts sur les opérations transactionnelles, il ne sert réellement la compétitivité, dans le domaine du conseil, que lorsqu’il est mis au service de l’humain, pour multiplier les temps de contact avec les clients, assister les conseillers dans leur prise de décision et développer une organisation du travail souple et efficace.

La force de la proximité

C’est la stratégie de la Bred depuis 2012 : tout à la fois investir beaucoup dans le digital et donner toute sa place à l’intelligence humaine, seule à même de préserver le principal déterminant de l’intermédiation bancaire qu’est la confiance. Cette ambition humaine se double d’une nécessaire proximité relationnelle qui passe par le maintien d’un réseau d’agences, sur tout le territoire. La dernière étude en date de la Fédération bancaire française* le souligne : la proximité est, pour les Français, un enjeu déterminant de leur satisfaction et de leur confiance. Ils souhaitent avoir la possibilité de recourir aux services de la banque sur internet et en agence en fonction de leurs besoins. Seuls 8 % des répondants adhèrent au modèle du tout digital.

Les banques, comme toute autre entreprise, ne pourront justifier le maintien de leur utilité économique et sociale que par une adaptation intelligente et efficace aux évolutions du monde, en comprenant et préservant l’essence même de leur métier et de ce qui en fait leur caractère irréductiblement nécessaire.

Un capitalisme partenarial

Enfin, l’entreprise bancaire ou non, plus que jamais, se doit de bien prendre en compte l’ensemble de ses parties prenantes : clients, salariés, fournisseurs, actionnaires, la société dans son ensemble, y compris l’environnement. L’avènement d’un capitalisme partenarial est nécessaire à l’entreprise mais aussi à l’efficacité durable du système économique dans son ensemble. La banque coopérative ou mutualiste aura ici démontré une forme de modernité incontestable.

Aussi est-il nécessaire de continuer à mettre cette modernité toujours renouvelée au service de l’accompagnement des grandes transitions actuellement à l’œuvre.

*« Les Français, leur banque, leur attentes » (3e vague), FBF, décembre 2021.

« Crises et mutations : petites leçons bancaires » est disponible à la vente sur les sites suivants :

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« La Bred, la banque populaire pas tout à fait comme les autres, réfléchit à son expansion internationale » Tribune publiée dans La Tribune du 15 février 2022

La Tribune – Eric Benhamou
15 février 2022

La Bred a toujours su marquer sa singularité, non seulement au sein du groupe BPCE, mais aussi dans le paysage bancaire français. Imaginez en effet une Banque populaire, présente en région parisienne, mais aussi en Normandie et en Picardie, qui s’impose dans les D.O.M, affiche des ambitions dans des pays asiatiques émergents (Vanuatu, Cambodge, Laos…) et qui dispose toujours de ses propres filiales spécialisées, notamment dans la gestion d’actifs ou l’assurance-vie, et même sa propre salle de marché qui a su se faire une belle place sur le segment des billets de trésorerie !

La banque régionale vient de publier des résultats aussi bons que les autres banques. Son chiffre d’affaires est en hausse de 13,5% à 1,45 milliard d’euros et son résultat net s’envole de plus de 50% à 412 millions d’euros. Son coefficient d’exploitation (charges d’exploitation sur chiffre d’affaires) à 55 % est l’un des meilleurs de la place, et n’a pas à rougir de la comparaison avec les plus rentables banques européennes.

Mais, ce qui marque davantage la banque, c’est la régularité de ses résultats, notamment en banque de détail en France. Depuis 2012, le produit net bancaire de la banque commerciale en France s’est ainsi accru de 50% malgré l’effondrement, sur la période, des taux d’intérêt qui a ruiné les marges bancaires. Peu d’établissements peuvent afficher un tel exploit dans la banque de détail sur une aussi longue période, excepté sans doute le Crédit Mutuel.

Le rôle pivot du conseiller

Le modèle bancaire traditionnel, Olivier Klein, directeur général, y croit dur comme fer ! Le dirigeant vient même de publier un ouvrage (Crises et mutations : petites leçons bancaires, éditions Eyrolles) pour tordre le cou à bien des affirmations sur la disruption bancaire ou le règne inéluctable de la banque en ligne. De quoi d’ailleurs marcher sur les traces de l’un de ses prédécesseurs, François-Xavier de Fournas et de son pamphlet (Espèces de banquiers !), publié dans les années 90.

« J’ai toujours eu la conviction que la banque en ligne pure player ne pourra pas réussir, c’est-à-dire, être rentable », avance, un brin provocateur, Olivier Klein. « La banque en ligne est une banque low cost limitée au transactionnel, ce qui ne correspond qu’à une partie des attentes des clients. Il lui manque une ressource rare :
le conseiller. La réalité est qu’un client, petit ou grand, aura toujours besoin d’un conseiller. Mais, bien évidemment, pour les conserver, les banques traditionnelles se doivent d’améliorer la valeur ajoutée du conseil et de proposer des services digitaux de même qualité que les challengers numériques. C’est, globalement, ce qu’elles parviennent à faire aujourd’hui », explique Olivier Klein.

Agences sur rendez-vous

Pas question dès lors, d’envisager une diminution du nombre de conseillers, ni même, et surtout, des agences bancaires. « Le maintien de notre réseau d’agences comme de nos conseillers, appuyé sur la recherche continue d’une meilleure valeur ajoutée délivrée à chaque segment de clientèle, explique en grande partie la croissance de notre chiffre d’affaires dans la banque commerciale en France », affirme Olivier Klein.

Mais, maintenir son réseau ne veut pas dire de ne rien faire. Ainsi, la banque a généralisé son modèle, testé en 2019, soit avant la crise sanitaire, d’agences ouvertes uniquement sur rendez-vous. L’objectif est que le conseiller puisse préparer le rendez-vous, pris via l’application mobile et soit vraiment à l’écoute au moment de l’entretien. La crise sanitaire a également aidé à la prise de décision de généraliser cette approche.

« Nous avons transformé en profondeur l’organisation de notre réseau d’agences et la façon d’y travailler, avec des unités de gestion qui regroupe trois ou quatre agences, une segmentation plus fine de la clientèle et des conseillers spécialisés sur chaque segment, le recours de plus en plus systématique aux outils de l’IA (intelligence artificielle) », résume Olivier Klein.

Le budget formation s’est parallèlement envolé pour atteindre 6% de la masse salariale et des écoles de formation internes pour les conseillers ou le management ont été créées. En revanche, pas question de facturer le conseil qui doit rester, selon le patron de la Bred, au coeur de l’offre bancaire déjà payante. C’est vrai aussi que la Bred, plutôt positionnée sur les PME, les professionnels et la clientèle moyenne gamme, n’est pas forcément la moins chère du marché.

Cap sur des terres lointaines

La Bred est également « la » banque populaire des DOM depuis la reprise en 1999 des actifs sains, des clients et du réseau du Crédit Martiniquais, alors en faillite. L’activité est rentable, ce qui peut représenter une gageure alors que Société Générale a quitté les Antilles il y a deux ans, et elle est complètement intégrée à l’organisation et au système d’information de la banque commerciale en France. La banque revendique en moyenne 15 % de part de marché sur les particuliers, 25% sur les professionnels et 35% sur les entreprises.

Plus exotique est le pari fait sur les pays émergents, notamment en Asie. L’histoire a débuté avec la reprise de 50% du capital de la banque de Nouvelle-Calédonie puis, par capillarité, par la création d’une nouvelle banque au Vanuatu et des prises de participation aux iles Fidji et aux îles Salomon. La Bred est également la première banque étrangère à Djibouti et a ouvert ces dernières années une banque au Cambodge (où le projet blockchain de la banque centrale a eu un certain retentissement) et au Laos.

Toutes ces banques (hors Nouvelle Calédonie) sont gérées à partir d’un infocentre basé à Bangkok (200 informaticiens), et placées sous la responsabilité d’une direction international. Ce pôle (y compris les activités de négoce en Suisse) pèse environ 14 % du chiffre d’affaires de la Bred, qui a connu, l’an dernier, une forte croissance de 25%. La banque n’exclut pas d’ailleurs de nouveaux projets d’expansion à l’international dans ses zones d’implantation. Elle en a les moyens : elle vient à nouveau de lever 113 millions d’euros dans le cadre de son augmentation de capital auprès de ses sociétaires.

« Le poids relatif de la banque commerciale en France (environ 70%), de la salle de marchés (environ 10%) et de l’international (entre 14 et 15%) a peu varié dans le temps car tous nos métiers ont progressé progressent, peu ou prou, au même rythme », souligne toutefois Olivier Klein.

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Découvrez mon témoignage dans le nouvel épisode de « Haute Fréquence », le podcast de l’Agefi.

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Le risque d’instabilité financière peut-il venir des non-banques ?

Les pratiques, mais aussi les règles comptables, ont leur influence dans le comportement des banques et du secteur non bancaire, deux segments complémentaires tout en étant concurrents. La réglementation a aussi son rôle. D’où la nécessité de réfléchir à une réglementation pour les non-banques.

Faire correspondre les capaci­tés de financement des uns et les besoins des autres, telle est l’ambition du système finan­cier. Autrement dit, des banques et des marchés financiers. Ces deux composants ont des rôles pour partie identiques et pour partie distincts. Les deux contribuent au financement des acteurs économiques. La part de la finance de marché a fortement monté dans le monde depuis la grande crise financière. Elle atteint jusqu’à envi­ron 50 % des financements en géné­ral, et 30 % pour le segment des cor­porate. Il est d’ailleurs utile que les fonds de placements, les gestion­naires d’actifs et les investisseurs institutionnels – acteurs majeurs des marchés financiers – prennent leur part dans les financements. Car les banques ne peuvent suffire à elles seules à assurer la totalité à financer.

Les marchés acceptent des risques refusés par les banques

De plus, ils peuvent apporter des capitaux à des entreprises plus dif­ficiles à financer par les banques, notamment aux start-up ainsi qu’à l’innovation en général. Explication : le risque de crédit de ces secteurs est généralement trop élevé pour les banques, vu la contrainte de protection des dépôts qui leur sont confiés. Les fonds d’investissement peuvent accepter de perdre davantage si, en moyenne dans le temps, les gains en capital réalisés sur les entreprises qui survivront et réussiront sont supérieurs aux pertes et si leurs détenteurs acceptent de prendre ce risque.

Les deux types d’acteurs composant le système financier sont en outre différents du point de vue de la stabi­lité financière. D’une part, parce que les banques inscrivent à leur bilan la valeur historique des crédits accordés. Elles doivent provisionner le risque de façon statistique, mais aussi au cas par cas en fonction de leur appréciation d’une éventuelle dégradation com­promettante de la capacité de rem­boursement de chaque emprunteur. En revanche, les fluctuations des opi­nions moyennes sur la qualité du risque ne sont pas prises en compte et n’en­traînent aucune variation comptable.

Une appréhension différente du risque

L’approche est totalement différente du côté des fonds : ils doivent enregis­trer à chaque instant la variation de la valeur de marché de leurs investisse­ments financiers, en application des règles comptables de fair value. Cela induit une différence de comporte­ment considérable entre les banques et les fonds. Les banques choisissent de faire crédit en fonction de leur ana­lyse de la capacité de remboursement dans le temps de l’emprunteur. Les fonds, eux, choisissent d’acheter des obligations en fonction de ce qu’ils pensent de l’évolution de l’opinion majoritaire du marché quant à la valeur de la prime de risque affec­tée à l’emprunteur. Pourquoi prêter si l’on pense que la valeur de l’obli­gation s’abaissera prochainement même si l’on ne craint pas in fine un non‑remboursement ? Sauf à ce qu’il soit conditionné fortement par la perspective de la titrisation des crédits octroyés ou de la revente des risques par CDS[1], le comportement des banques est donc bien plus stable par construction que celui des fonds. Les mécanismes de valorisation de ces derniers sont en effet beaucoup plus volatils, car liés aux phénomènes auto-référentiels des marchés.

En outre, les fonds ne prennent pas les risques financiers sur eux-mêmes. Tant les risques de crédit, de taux d’intérêt que de liquidité sont effectivement laissés dans les mains des investisseurs finaux, ménages ou entreprises. Alors que dans le cas de l’intermédiation bancaire, les banques prennent à leur charge ces risques sur leurs propres comptes de résultats. Et elles le font de façon professionnelle, réglementée et supervisée. Permettant ainsi aux ménages et aux entreprises n’en ayant pas la compétence ou le désir de ne pas les prendre.

Prise de risque accrue des taux très bas

Les banques et les intermédiaires financiers non bancaires comme les fonds sont donc tous les deux très utiles, tout à la fois concurrentiels et complémentaires. Mais la proportion accordée à chacun dans le système financier global participe fortement à la stabilité ou l’instabi­lité d’ensemble. Ajoutons un point fondamental, sur lequel les grandes banques centrales sont en train de se pencher. Depuis la grande crise finan­cière de 2007-2009, la réglementation des banques s’est significativement renforcée, notamment via les ratios de solvabilité exigés (plus de capitaux propres pour des risques identiques) et l’établissement de ratios contrai­gnants limitant le risque de liquidité. Il n’existe pas de réglementation de ce genre pour les intermédiaires finan­ciers non bancaires.

Or, la politique monétaire de taux très bas très longtemps a conduit progressivement les acteurs finan­ciers, pour le compte des épargnants, à rechercher du rendement, en pre­nant de plus en plus de risque. En termes de risque de crédit – incluant des effets de levier de plus en plus élevés – avec des primes de risque écrasées. Comme en termes de risque de liquidité, en allongeant toujours plus les durées de titres de crédit et en abaissant le niveau attendu de leur liquidité. Les actifs des fonds sont ainsi devenus plus vulnérables dans une proportion non négligeable, ainsi que le sou­lignent toutes les études des orga­nismes chargés de la supervision de la stabilité financière dans le monde. Le risque peut ainsi être repoussé hors du système bancaire vers les agents financiers non bancaires, sans contrôle.

Attention à l’aléa moral !

Due à l’impact envisagé de la pan­démie, la violente crise financière de mars 2020 a été heureusement très vite maîtrisée par les banques cen­trales. Elles ont agi très fortement et très rapidement. Mais cette crise a aussi montré la résilience des banques et, parallèlement, la vulnérabilité de nombre de fonds. Les banques cen­trales ont dû acheter des montants très élevés de titres aux fonds en difficul­tés, y compris high yield. Il fallait évi­ter un enchaînement catastrophique, dû notamment à des retraits brutaux d’investisseurs finaux auxquels ne pouvaient pas faire face ces fonds sans accuser de pertes trop importantes ou sans crise de liquidité majeure.

La réglementation prudentielle et macroprudentielle ne peut pas tout, mais elle est essentielle pour atténuer la procyclicité naturelle de la finance et pour prévenir autant que possible le risque d’instabilité financière.

Elle doit impérativement aujourd’hui être étendue et adaptée aux intermé­diaires financiers non bancaires. Elle est en outre indispensable pour lutter contre l’aléa moral, car sans régle­mentation préventive et avec des sau­vetages lors des grandes crises, la prise de risque peut être toujours plus élevée, et ce sans limite ou presque, grâce à une option gratuite donnée par les banques centrales contre les accidents graves. Enfin, la propor­tion entre banques et non-banques dans le système financier pris dans son ensemble doit faire également l’objet d’une analyse et d’une poli­tique adéquates pour définir l’équi­libre le plus favorable, à la fois à la croissance et à la stabilité finan­cière.