Retrouvez ci-dessous le programme complet de ce rendez-vous, ainsi que la transcription de mon intervention.
Bruxelles, lundi 9 avril (soirée) et mardi 10 avril (journée entière) 2018
Le nouveau contexte politique en Europe continentale né à la suite du vote en faveur du Brexit, de l’élection présidentielle française et de l’amélioration de la situation économique a créé une dynamique dont l’Union européenne devrait profiter pour mettre en œuvre des réformes. La zone euro reste toutefois la principale source de préoccupation. Il lui faut en effet devenir plus résiliente et se montrer capable de résister à n’importe quel choc externe asymétrique afin d’éloigner la menace existentielle qui continue de peser sur la monnaie unique.
Parmi les nombreuses propositions, la Commission européenne a récemment présenté une feuille de route traitant de l’approfondissement de l’Union économique et monétaire européenne. La balle est désormais dans le camp du Conseil européen, dont la rencontre prévue les 28 et 29 juin prochains permettra de déterminer les décisions à adopter.
Cette réunion de l’Euro 50 Group, à quelques semaines du Sommet de la zone euro, se déroulera dans les locaux du Parlement européen et des responsables politiques y participeront. Elle constitue ainsi une excellente opportunité pour l’Euro 50 Group de contribuer au débat en analysant les principaux éléments manquants de l’architecture actuelle de l’UEM et, par conséquent, les réformes (y compris celles ayant une portée politique) absolument indispensables au cadre de l’UE pour que la zone euro soit pleinement développée et efficace.
Lundi 9 avril 2018 Lieu : BNP Paribas Fortis, 20 rue Royale, B-1000 Bruxelles
19 h 30
- Dîner de bienvenue
- Introduction : Alain Papiasse, Directeur général adjoint chez BNP Paribas
- Intervenant invité : Poul Thomsen, Directeur du département Europe du FMI
- Remarques par : Marco Buti, Directeur général des Affaires économiques et financières de la Commission européenne
Mardi 10 avril 2018 Lieu : Parlement européen – salle PHS3C050 60 rue Wiertz B-1047 Bruxelles
8 h 00 – 8 h 15 : Enregistrement
8 h 15 – 8 h 35 :
- Discours de bienvenue
- Edmond Alphandéry, Président de l’Euro 50 Group, ex-ministre de l’Économie de France
- Lucio Vinhas de Souza, Responsable de l’Équipe Économie du Centre européen de stratégie politique de la Commission européenne
8 h 35 – 8 h 55 : Échanges de vues avec Domenico Siniscalco, Directeur général et Vice-président de Morgan Stanley et ex-ministre des Finances d’Italie sur « La situation politique italienne et ses répercussions potentielles sur la zone euro »
8 h 55 – 10 h 25 : Séance I – Un Fonds monétaire européen : dans quel but ?
Cette séance traitera des missions qui devront être attribuées au Fonds monétaire européen proposé et, par conséquent, de sa gouvernance et de sa responsabilité politique. Seront également abordés les problèmes d’intérêt commun qui ne relèvent pas encore du MES et qui devraient être traités par le FME proposé.
Président : Daniel Gros, Directeur du CEPS
8 h 55 – 9 h 10 : Intervenant invité : Klaus Regling, Directeur général du Mécanisme européen de stabilité
9 h 10 – 9 h 25 : Panélistes (6 minutes par personne) :
- Laurence Boone, Économiste en chef, Responsable mondiale du département Multi Asset Client Solutions et Responsable de la recherche chez AXA IM
- Maria Demertzis, Directrice adjointe de Bruegel
9 h 25 – 10 h 25 : Table ronde
10 h 25 – 10 h 35 : Pause café
10 h 35 – 12 h 15 : Séance II – Les éléments manquants de l’Union bancaire
Cette séance portera sur les formalités et sur les aspects politiques et économiques de l’achèvement de l’Union bancaire, mais également sur la création d’une architecture bancaire plus résiliente.
Président : Stefano Micossi, Directeur général d’Assonime, Professeur honoraire du Collège d’Europe
10 h 35 – 10 h 50 : Intervenant invité : Andrea Enria, Président de l’Autorité bancaire européenne
10 h 50 – 11 h 15 : Panélistes (6 minutes par personne) :
- Dirk Cupei, Directeur général en charge de la stabilité financière de l’Association des banques allemandes
- Lars Feld, Membre du Conseil allemand des experts économiques et Président du Walter Eucken Institute
- Olivier Klein, Directeur général de la BRED, Professeur d’économie financière à HEC
- Gilles Noblet, Directeur général adjoint des relations internationales et européennes de la BCE
11 h 15 – 12 h 15 : Table ronde
12 h 15 – 13 h 25 : Buffet / Déjeuner
12 h 55 – 13 h 15 : Intervenant invité : Jyrki Katainen, Vice-président de la Commission européenne à l’emploi, la croissance, l’investissement et la compétitivité
13 h 15 – 13 h 25 : Questions-réponses
13 h 25 – 14 h 55 : Séance III – Une intégration budgétaire est-elle nécessaire ?
Cette séance traitera du degré d’intégration budgétaire nécessaire afin de renforcer la zone euro et de la rendre plus résiliente aux chocs externes, mais également de faciliter la convergence et ainsi de préparer les États non membres de la zone euro à la rejoindre.
Président : Niels Thygesen, Président du Comité budgétaire européen, Professeur émérite d’économie internationale à l’Université de Copenhague
13 h 25 – 13 h 40 : Intervenant invité : Marcel Fratzscher, Président de l’institut de recherche économique DIW Berlin pour une présentation de la proposition des économistes franco-allemands : « Reconciling risk sharing with market discipline: A constructive approach to euro area reform » (Réconcilier partage des risques et discipline de marché : approche constructive de la réforme de la zone euro)
13 h 40 – 13 h 55 : Panélistes (6 minutes par personne) :
- Pervenche Berès, députée européenne
- Otmar Issing, Président du Centre d’études financières à l’Université Goethe de Francfort
- Charles Wyplosz, Professeur d’économie internationale à l’Institut de hautes études internationales et du développement à Genève
13 h 55 – 14 h 55 : Table ronde
14 h 55 – 15 h 05 : Pause café
15 h 05 – 16 h 50 : Séance IV – Amélioration et renforcement de l’intégration financière
Cette séance abordera le problème de la mobilisation de l’épargne privée dans l’ensemble des États membres de l’UE, le sujet de la dette souveraine, y compris le traitement d’un défaut par le biais d’un mécanisme de restructuration de la dette souveraine, ainsi que la création d’un actif sans risque.
Président : Jakob von Weizsäcker, député européen
15 h 05 – 15 h 20 : Intervenant invité : Erik Nielsen, Économiste en chef mondial d’UniCredit, (sur la mobilisation de l’épargne privée dans l’ensemble de la zone euro)
15 h 20 – 15 h 35 : Intervenant invité : Lee Buchheit, Associé chez Cleary Gottlieb, (sur la restructuration de la dette souveraine)
15 h 35 – 15 h 55 : Panélistes (6 minutes par personne) :
- Elena Daly, Spécialiste du conseil sur la dette souveraine et les marchés émergents chez EM Conseil (sur la gestion efficace de la dette publique en Europe)
- Isabelle Mateos y Lago, Directrice générale du BlackRock Investment Institute
- Miranda Xafa, Associée principale du CIGI (sur l’Union des marchés de capitaux)
15 h 55 – 16 h 45 : Table ronde
16 h 45 – 17 h 00 : Conclusion
Jacques de Larosière, Gouverneur honoraire de la Banque de France et ex-Directeur général du FMI
UNION BANCAIRE EUROPÉENNE – LES ÉLÉMENTS MANQUANTS
Transcription de la présentation d’Olivier Klein
Nous avons distingué deux boucles de rétroaction négative qui se trouvent au cœur de la crise majeure de la zone euro :
- la première s’est nouée entre le déficit public et le taux d’intérêt de la dette publique ; et
- la seconde est née de l’interaction entre le risque bancaire et le risque souverain. En réalité, la seule option à ce jour pour le sauvetage d’une banque reste l’intervention de son État.
Afin de rompre ces deux cercles vicieux nous devions nous fier :
- principalement aux mesures de la BCE ;
- à la finalisation du Mécanisme européen de stabilité (MES) ;
- et, notamment pour ce deuxième cercle vicieux, à l’idée naissante de l’Union bancaire européenne (UBE), qui constituait également un moyen d’améliorer la durabilité de la zone euro.
Cette UBE a été créée en tenant compte de trois piliers :
- 1er pilier : un Mécanisme de supervision unique, car aucune solidarité transfrontalière n’est possible sans une discipline partagée et une supervision commune de cette discipline.
- Ce qui était, entre autres, nécessaire pour permettre le partage des risques transfrontaliers.
- 2e pilier : l’instauration d’un Mécanisme de résolution unique afin de définir un cadre réglementaire en vue de permettre les résolutions ordonnées.
- Notamment pour éviter que seuls les États soient en mesure de sauver leurs banques.
Ce pilier comprend :
- Une priorité : le renflouement privé.
Pour empêcher que les contribuables ne payent en lieu et place des créanciers et des investisseurs qui ont pris de mauvaises décisions.
Mais également pour lutter contre le risque moral.
Un élément qui devait s’accompagner de fonds propres supplémentaires pour les banques (TLAC et MREL). - La création du Fonds de résolution unique. Pour intervenir lorsque les solutions de renflouement privé ne sont pas suffisantes, et uniquement si elles ont déjà été mises en œuvre.
Ce Fonds permet d’introduire un degré de solidarité au sein du secteur bancaire de la zone euro. - Et pour finir, la Commission européenne a également proposé un soutien possible du Mécanisme européen de stabilité, c’est-à-dire la mise à disposition de fonds communs, en dernier recours pour finaliser la création du Fonds.
- 3e pilier : le Système européen de garanties des dépôts.
L’objectif était d’harmoniser les systèmes transfrontaliers de garantie des dépôts.
Dans ces conditions, l’UBE aurait été complète et efficace.
Toutefois, même si tous les économistes et la plupart des acteurs politiques s’accordent pour dire que le processus doit continuer, il est actuellement bloqué, car certains États et certaines banques, dont la santé n’est pas préoccupante, craignent de sauver des systèmes bancaires nationaux en détresse, afin de ne pas entacher leur héritage, un point de vue compréhensible.
Mais est-ce vraiment une bonne solution ?
En fait, l’Union bancaire est dans l’ensemble peu satisfaisante, du moins pour ce qui est de la rupture du second cercle vicieux par le partage des risques.
- Tout d’abord, le Système européen de garanties des dépôts reste bloqué au niveau national et le partage des risques est quasiment inexistant, contrairement à ce qui avait été initialement prévu.
- Ensuite, il n’y a toujours pas eu d’intervention efficace du Fonds de résolution unique, même dans le cadre de la résolution récente de Banco Popular en Espagne et de celles de Veneto Banca et Banca Popolare di Vicenza en Italie. Pour cette dernière, les autorités italiennes ont annoncé que le renflouement privé n’était pas envisageable, car les répercussions sur l’économie de la région auraient été terribles, ce qui a conduit à la décision d’un sauvetage par l’État.
D’une manière ou d’une autre, il semble que seules des solutions nationales aient été jusqu’à maintenant privilégiées. - Enfin, si un risque systémique important venait à se concrétiser, la mise en place d’un soutien final, si tant est qu’il y en ait un, reste incertaine.
Je crains qu’au lieu d’une Union bancaire claire et achevée, nous nous reposions sur la règle de « non-sauvetage », qui était souvent considérée, de façon dogmatique, comme l’unique solution :
- avec la ferme intention de lutter contre le risque moral ;
- mais également pour prendre en compte le véritable manque de solidarité.
Malheureusement, même si l’intention est louable, le fait de voir la règle de « non-sauvetage » comme la seule option possible présente un risque plus important. Pouvons-nous nous appuyer sur la règle de renflouement si la solidarité et le soutien final ne sont pas au rendez-vous ?
Je crains que non, mais pour quelles raisons ?
- Premièrement, la règle de « non-sauvetage » pourrait fonctionner pour les risques bancaires isolés, mais pas pour le risque systémique.
- Puis, même dans le cas d’un risque isolé, si l’UBE reste inachevée, la règle de renflouement privé peut entraîner un risque de contagion accru aux obligations bancaires voire aux dépôts.
- Mais également en raison de la complexité et la variété des définitions de la requalification de dette.
- Ensuite, est-il toujours préférable de faire payer les épargnants plutôt que les contribuables ? Les répercussions économiques et politiques sont-elles, dans tous les cas, moins importantes et moins douloureuses ? Les épargnants sont des particuliers ou des investisseurs institutionnels. Ces derniers cachent aussi des particuliers dans le rôle des investisseurs finaux.
- De plus, une perte importante causée par le processus de renflouement pourrait créer un sentiment de panique à l’encontre des investisseurs institutionnels et ainsi accroître le risque systémique
- En outre, le principe de renflouement augmente le coût de financement des banques, c’est-à-dire le coût des prêts.
- Enfin, cela accentue clairement la procyclicité du financement des banques, car lorsque le contexte devient défavorable, les coûts de financement des banques augmentent, et inversement.
Ainsi, sous pression, la règle de renflouement privé comme unique solution peut davantage fragiliser le système et non renforcer sa résilience.
Par conséquent, une UBE inachevée pourrait de nouveau déclencher l’intervention d’un État. Cela signifierait que l’interaction tristement célèbre entre le risque bancaire et le risque souverain serait de retour, alors que l’une des principales motivations de la création de l’UBE était d’éviter cette boucle de rétroaction négative.
Pire encore, si nous nous retrouvons bloqués par la règle du « non-sauvetage » et que par chance, aucun sauvetage national n’est mis en place, cela pourrait s’avérer catastrophique.
Les interventions non conventionnelles de la BCE, qui ont sauvé la zone euro et stabilisé le système bancaire, ne dureront pas éternellement.
Pour conclure, les points que je tiens à souligner sont les suivants :
1- Il est évident que la lutte contre le risque moral est une nécessité fondamentale. Toutefois, si nous ne parvenons pas à achever l’Union bancaire et que nous ne détaillons pas assez les différentes solutions, nous pourrions nous retrouver dans une situation délicate, notamment en raison du risque de contagion.
2- Des règles et des avantages doivent certainement être mis en place ex ante si nous souhaitons éviter le risque moral. Cependant, si, malgré ces mesures, une crise majeure se produit, se borner à appliquer uniquement la règle de « non-sauvetage » pourrait faire empirer la situation et avoir des conséquences désastreuses. Il est approprié de lutter contre le risque moral ex ante et non lorsque cette crise majeure sévit déjà.
3- Évidemment, la solidarité est liée à la supervision commune et à la compensation des actifs bancaires passés des banques en faillite, mais seulement dans la mesure du possible. Et si la volonté de parvenir à une certaine solidarité tarde à se concrétiser, les craintes d’une zone euro inachevée pourraient revenir nous hanter.