L’offre d’État et la demande d’État forment un système où le développement de l’une entraîne le développement de l’autre, et réciproquement. Il existe un enchaînement, insoutenable et très défavorable tant à la société qu’à l’économie, de causalités enchevêtrées qui conduisent sans cesse à la sur-administration et à la mise en dépendance de populations qui demandent de ce fait toujours plus de protection, cette demande légitimant en retour l’accroissement de la sur-protection.
Cette dynamique systémique qui s’auto-entretient amène à la situation d’aujourd’hui : un taux de dépenses publiques et de prélèvements obligatoires sur le podium mondial. Avec simultanément un déficit public sur PIB le plus élevé d’Europe et un tres fort taux d’endettement public dont la trajectoire est non maîtrisée.
Mais aussi paradoxalement -seulement en apparence- avec une qualité de l’enseignement qui s’est dégradée fortement, des salaires d’enseignants en moyenne, comme d’infirmières par exemple, qui sont inférieurs à ceux des pays comparables. Ajoutons cet exemple frappant d’inefficacité et d’injustice : un taux comparativement très élevé de jeunes sans formation et sans emploi. Plus généralement, nous avons des services publics mesurés comme étant de qualité seulement moyenne dans les comparaisons internationales, alors que notre taux de dépenses publiques est le plus élevé.
Cette sur-protection et sur-administration ne produisent ainsi ni bonheur, ni même satisfaction. Ni santé financière. Elles engendrent au contraire une dépendance toujours croissante, entraînant perte d’autonomie et inquiétude croissantes. Le tout s’accompagnant de la montée d’un dangereux individualisme et d’une incivilité destructrice, le sens de la responsabilité vis-à-vis des autres et de la société ayant été perdu, en s’en déchargeant sur l’État, dont on attend tout.
En ligne de fuite, le social, les relations interpersonnelles, y compris de solidarité, et les actions et les entreprises individuelles comme collectives, deviennent alors vides, l’État occupant tout l’espace. La société (civile) perdant ainsi de sa vitalité et de sa capacité de résilience.
Il ne s’agit en aucun cas de défendre une sous-protection, ni un État faible. Tout au contraire. Il est indispensable de re-proportionner le tout, afin de retrouver une efficacité globale et une viabilité de notre système. De veiller à ce que chacun soit responsabilisé quant à l’utilisation de la protection sociale, qui est un bien commun précieux, afin qu’il soit puissant et soutenable. Que la quantité de travail et la vitalité de l’économie qui en sont les conditions d’existence soient suffisantes à cet effet.
Il s’agit donc d’éviter l’entropie de notre système qui ne sait plus répondre de façon efficace et qui engendre, de par le poids croissant incontrôlé qu’il représente, une difficulté pour les ménages et les entreprises à trouver le travail suffisamment attractif pour les uns et à être suffisamment compétitives pour les autres.
Pour éviter les dérives fatales de notre État providence et lui permette de se perpétuer, il nous faut impérativement retrouver un équilibre responsable donc viable. Ce ne sera pas aisé. Mais c’est vital et dans l’intérêt de tous.
Olivier Klein
Professeur d’économie à HEC