Le seul moyen de maintenir notre protection sociale et notre niveau de vie, c’est plus de compétitivité et de travail

27.06.2025 3 min
Ci-dessous mon article publié le 27 juin 2025 dans Les Échos A l'heure où l'on commence à mieux saisir le poids insupportable prochain des intérêts sur la dette publique et à mieux appréhender la trajectoire très dangereuse des finances publiques françaises, ne nous trompons pas de diagnostic. Ni d'idées de solutions. L'évolution et le niveau actuel du taux de dette totale de l'ensemble des agents privés et publics français montrent bien l'insoutenabilité de notre modèle en l'état. Ce taux est passé, entre 2000 et fin 2024, en France, de 200 % du PIB à 328 %. Pour l'ensemble des pays avancés, il est passé de 207 % à 270 %. En zone euro, de 194 % à 246 %. Ces évolutions comprennent celles de la dette publique, passée en France de 20 % en 1980 à 113 % en 2024. Entre 1997 (année de confirmation des critères de convergence) et 2023, elle a augmenté de 50 points de PIB contre seulement 15 points de PIB pour la zone euro en moyenne. Comment ne pas voir dès lors que la France a eu besoin d'une telle croissance de la dette - bien davantage que tant d'autres pays - parce qu'elle ne s'est pas donné les moyens réels de son niveau de vie et de protection sociale ?

Olivier Klein , Les Échos le 27 juin 2025

A l’heure où l’on commence à mieux saisir le poids insupportable prochain des intérêts sur la dette publique et à mieux appréhender la trajectoire très dangereuse des finances publiques françaises, ne nous trompons pas de diagnostic. Ni d’idées de solutions. L’évolution et le niveau actuel du taux de dette totale de l’ensemble des agents privés et publics français montrent bien l’insoutenabilité de notre modèle en l’état. Ce taux est passé, entre 2000 et fin 2024, en France, de 200 % du PIB à 328 %. Pour l’ensemble des pays avancés, il est passé de 207 % à 270 %. En zone euro, de 194 % à 246 %.
Ces évolutions comprennent celles de la dette publique, passée en France de 20 % en 1980 à 113 % en 2024. Entre 1997 (année de confirmation des critères de convergence) et 2023, elle a augmenté de 50 points de PIB contre seulement 15 points de PIB pour la zone euro en moyenne.

Comment ne pas voir dès lors que la France a eu besoin d’une telle croissance de la dette – bien davantage que tant d’autres pays – parce qu’elle ne s’est pas donné les moyens réels de son niveau de vie et de protection sociale ?

N’augmentons pas les prélèvements obligatoires

Il est possible et souhaitable de préserver notre niveau de vie et notre modèle de protection sociale, mais ce ne peut être par une augmentation continue de notre taux d’endettement déjà dangereusement élevé. Ce ne sera pas non plus par une augmentation des prélèvements obligatoires que nous y parviendrons, alors que ceux-ci sont déjà supérieurs de 6 points de PIB à la moyenne de la zone euro. Et de 11 points de la moyenne de l’OCDE.

Cela a déjà conduit à une perte de compétitivité parfaitement visible. La part des exportations françaises dans les exportations totales de la zone euro est ainsi passée de plus de 16 % en 2000 à 11 % en 2024. Les cotisations sociales, employeurs, et les impôts sur la production réunis représentent encore en France 18 % de la valeur ajoutée, contre 10 % dans la zone euro. Et moins les entreprises sont compétitives, plus faible est le taux d’emploi et plus fortes sont les inégalités avant redistribution.

Rappelons, en outre, que la France est déjà championne de la redistribution en Europe et dans l’OCDE, et qu’elle connaît comparativement un niveau d’inégalité des revenus plutôt faible après redistribution. Augmenter encore le taux de redistribution affaiblirait davantage l’attractivité du travail, tout comme la compétitivité. Tout renforcement supplémentaire des prélèvements accélérerait donc le cercle vicieux dans lequel nous sommes déjà. Ne soyons pas contre-productifs et cessons de vouloir lutter contre les effets au lieu de lutter contre les causes !

Réformes structurelles

Il faut permettre le maintien de notre protection sociale et de notre niveau de vie par une meilleure compétitivité et plus de travail. Nous avons un taux d’emploi et un nombre d’heures travaillées en moyenne par emploi à temps plein bien insuffisants par rapport aux pays semblables. Le système de Sécurité sociale se doit aussi de davantage responsabiliser chacun dans sa « consommation » de ce bien commun.

D’autres pays européens ont des niveaux de protection sociale et un bien-être qui n’ont rien à envier au niveau français, avec des taux de dépenses publiques, de déficit public et d’endettement bien meilleurs.

Les clés de notre capacité à protéger notre modèle économique et social sont donc les réformes structurelles permettant d’augmenter notre potentiel de croissance (qualité de la formation, recherche et développement, augmentation du taux d’emploi comme de la quantité de travail annuelle de ceux qui travaillent, etc.), les investissements pour retrouver de nouveaux avantages compétitifs dans les industries d’avenir, et la recherche déterminée d’une baisse du taux des dépenses publiques, ainsi que de leur meilleure efficacité. Ce taux est en effet en France de 7,5 points de PIB supérieur à celui de la zone euro, et le premier de l’OCDE. Pourtant, d’autres pays européens ont des niveaux de protection sociale et un bien-être qui n’ont rien à envier au niveau français, avec des taux de dépenses publiques, de déficit public et d’endettement bien meilleurs.

Enfin, les pays comparables qui ont dû procéder à un redressement de leurs finances publiques ont démontré qu’une baisse du taux des dépenses publiques avait un effet moins défavorable sur la croissance qu’une hausse du taux de prélèvement. Voire un effet favorable dans certains cas. Analysons avec courage et pertinence notre situation et comparons-nous utilement pour agir juste. Loin des idéologies. C’est bien un manque d’efficacité globale de notre système qui le met en fort danger. Il y a urgence.

Olivier Klein est professeur d’économie à HEC et directeur général de Lazard Frères Banque.