
Le mythe des dépôts à vue
Mais si l’on a beaucoup parlé de l’assurance vie en euros pour rétablir la vérité sur son utilité économique, le mythe des dépôts à vue qui dorment dans les banques semble être tenace. Or, les dépôts bancaires, eux non plus, ne sauraient en aucun cas être qualifiés « d’improductifs ». L’encours des dépôts bancaires s’élève à mi 2025 à environ 2.600 milliards d’euros.
L’encours total des crédits distribués par les établissements de crédit aux résidents français s’élève environ à 2.900 milliards d’euros, dont 1.400 milliards pour les entreprises, 1.500 milliards pour les particuliers.
Une aberration économique
Les dépôts ne dorment pas ! Les banques financent ainsi massivement l’économie française. Et ce, précisément grâce aux dépôts bancaires quelle que soit leur forme : dépôts à vue, dépôts à terme, livrets, etc. Et, si les grandes entreprises et les ETI peuvent avoir accès direct aux marchés financiers, bien qu’elles aient également besoin de financement bancaire, les PME, les professions libérales, les commerçants, les artisans, comme les particuliers, n’ont accès au financement que via les banques. Les dépôts bancaires sont ainsi indispensables à l’économie française et intensément productifs.
Fiscaliser à 1 % les dépôts à vue, qui ne rapportent rien à leurs détenteurs mais qui sont indispensables à l’économie, serait donc une aberration économique et financière. La réaction rationnelle des épargnants serait de réduire au maximum possible leurs dépôts à vue. L’alternative pourrait être de déplacer l’épargne vers des supports bancaires rémunérés, provoquant une hausse du coût des ressources pour les banques et, de ce fait, un renchérissement du crédit. Ce mouvement pèserait sur la croissance de l’économie. Une autre conséquence logique serait le transfert d’épargne sur des supports non bancaires, contraignant alors les banques à réduire leurs crédits à l’économie. Là encore, cela freinerait la croissance et l’emploi.
L’effet serait le même sur les dépôts à terme. Ils rapportent en effet actuellement à 3-6 mois aux alentours de 2 % , voire moins. Cette rémunération dépend des taux directeurs de la banque centrale européenne. Taxer à 1 % les dépôts détenus par les ménages éligibles a l’impôt sur la « fortune improductive » (donc ayant un patrimoine global d’au moins 1 million d’euros) équivaudrait à effacer au moins la moitié de cette rémunération, calculée avant impôt sur les revenus de l’épargne. Or, les intérêts ainsi reçus sont déjà imposés à la « flat tax », les intérêts restants après cette double imposition seraient dans ce cas négligeables. La fuite serait donc certaine.
Evitons toute incompréhension des mécanismes de base de l’économie et de son financement ! Comme en beaucoup de choses en économie, l’essentiel est l’équilibre. Et il faut un bon équilibre efficace entre consommation et épargne pour que l’investissement puisse se faire et que l’ensemble donne une croissance saine et durable.
L’épargne placée dans les banques, dans les assurances-vie, comme dans les actions et obligations, finance l’investissement des ménages (en logement) ou des entreprises. Les dépôts bancaires comme l’assurance-vie ne sont donc pas seulement utiles, ils sont indispensables pour financer l’investissement et la croissance.
Les chiffres cités, comme la simple description des mécanismes economico-financiers, le montrent. Par ignorance ou par surenchère, ne créons pas de dommages pour l’économie française et la société tout entière !
Olivier Klein est professeur d’économie à HEC et dirigeant de banque.