
L’agence de notation S&P a dégradé très récemment la note souveraine de la France, et Moody’s vient de la mettre sous surveillance négative, les deux invoquant notamment une incertitude élevée sur la trajectoire de ses finances publiques. Ce signal d’alerte doit être entendu comme tel : notre pays, champion des prélèvements obligatoires, de la redistribution, de la dépense publique et des déficits budgétaires, n’est pas sur le bon chemin.
A force de tout vouloir corriger par l’impôt, la règle, la subvention et la redistribution, conduisant ainsi à la déresponsabilisation de chacun, nous avons engendré une inefficacité systémique, contraire au bien commun : un service public en déclin et un système coûteux et désincitatif au travail et à l’initiative. L’énergie de tous s’y dilue dans les contraintes et les taxes, comme dans l’opprobre porté aux bâtisseurs de croissance.
Nécessités démographiques
Sans réformes profondes, le pays continuera inexorablement à s’abaisser. Car il est illusoire de vouloir financer notre modèle social avec une croissance atone et une quantité de travail insuffisante. Allonger la durée du travail dans la vie, relever le taux d’emploi des jeunes, rationaliser et rendre plus efficaces les dépenses publiques ne sont pas des options idéologiques : ce sont des nécessités démographiques et économiques. Faute de quoi, la France se condamnera à une spirale de déficits, de dette et d’abaissement du niveau de vie.
Cette situation s’enracine dans une confusion entre égalité des chances et égalitarisme. L’objectif d’égalité des chances, d’équité, assure tout à la fois la cohésion de la société et la libération de l’énergie de tous les talents, quels que soient leur sexe, leur origine ethnique ou de milieu social, leur diplôme initial… L’égalitarisme forcené, dans lequel certaines forces politiques tombent, conduit tout au contraire à tout figer, y compris les situations individuelles, ainsi qu’au nivellement, au ressentiment, à la discorde, et potentiellement à la violence. Ce qui abîme l’envie d’entreprendre dans son pays et entraîne la fuite ou le découragement des bâtisseurs de croissance.
Cela se solde historiquement par une hausse insoutenable du taux d’endettement et par un effondrement du niveau de vie et de protection sociale.
Rétrécissement du gâteau
L’égalitarisme, en voulant sans limite partager le gâteau par des prélèvements sans fin, aboutit en fin de compte au seul rétrécissement du gâteau et à un malthusianisme mortifère. L’économie est une dynamique, non une statique ; l’ignorer conduit à l’atrophie et à la pauvreté.
Il faut redonner en France la place légitime qui lui revient à la création de richesse, sans renoncer au rôle régulateur, incitateur, protecteur et redistributeur de l’Etat. Ce n’est pas choisir le marché contre l’action publique, mais refonder leur complémentarité. Retrouver le bon équilibre.
La dégradation de notre note n’est pas un simple revers technique : c’est l’indicateur d’une longue dérive. Si les choix politiques se contentent de poursuivre la fuite en avant en alourdissant encore les impôts et en éludant les réformes de fond, la sanction de la notation ne sera que le prélude à un affaiblissement profond et durable de notre modèle économique et social. L’urgence est de retrouver bon sens, lucidité et courage.
Olivier Klein est professeur d’économie à HEC