Quelques vérités pour sortir de l’impasse française

16.06.2025 3 min
C’est l’emploi, allié à la croissance, qui constitue le levier le plus efficace contre la pauvreté, pour la mobilité sociale, pour la soutenabilité de notre niveau de vie comme de notre protection sociale.

L’opinion , le 16 juin

L’économique et le social ne peuvent être dissociés. Leurs interactions peuvent engendrer des effets positifs comme désastreux, parfois à rebours des intentions initiales. La France en offre une illustration frappante. Malgré un niveau de prélèvements obligatoires et de redistribution parmi les plus élevés de l’OCDE, la tentation persiste de les faire croître encore.
Pourtant, une telle trajectoire compromettrait l’emploi, la compétitivité, l’entrepreneuriat et l’incitation au travail. Or, c’est précisément l’emploi, allié à la croissance, qui constitue le levier le plus efficace contre la pauvreté, pour la mobilité sociale, pour la soutenabilité de notre niveau de vie comme de notre protection sociale. Le social ne peut ainsi être protégé ou s’améliorer durablement sans le développement d’une économie solide.

L’accroissement perpétuel du taux d’endettement ne peut que provoquer tôt ou tard une crise économique, sociale et financière majeure. Attention à la dynamique incontrôlée, donc très dangereuse, dans laquelle nous sommes aujourd’hui. De 1997 à 2024, le taux d’endettement de la France a cru de 50 points de PIB alors que celui de la zone euro ne progressait que de 15 points.

Il en va de même pour la relation entre l’offre et la demande. Si la croissance de la demande est nécessaire à une économie robuste, elle ne peut être durablement soutenue si l’offre nationale ne progresse pas en parallèle. La France affiche déjà un déficit commercial persistant, symptôme d’une compétitivité insuffisante. Augmenter la demande sans redresser l’offre aggraverait cette fragilité, creusant la dépendance financière vis-à-vis de l’étranger.

Ce n’est pas en augmentant encore les prélèvements que l’on sortira du piège français. Au contraire, il s’agit de relancer la dynamique productive
L’erreur serait de croire qu’un activisme budgétaire, financé par toujours plus d’impôts ou de dettes, permettrait de créer une prospérité durable. Tout au contraire. Le taux de croissance sur long terme au sein de l’OCDE est corrélé légèrement négativement avec le taux moyen de dépenses publiques sur PIB. Cela ne remet en aucun cas en cause l’intérêt réel d’une politique budgétaire contracyclique, mais interdit de penser, comme trop souvent en France, que tout problème doit et peut être résolu en permanence par davantage de dépenses publiques. Au-delà d’un certain seuil déjà dépassé chez nous, tout au contraire.

Il faut donc inverser la logique. Ce n’est pas en augmentant encore les prélèvements que l’on sortira du piège français. Au contraire, il s’agit de relancer la dynamique productive : investir dans l’innovation technologique et écologique, rendre le travail plus attractif, lever les obstacles à la mobilité sociale, encourager les entreprises à croître par moins de taxation et de sur-réglementations, améliorer l’efficacité de notre enseignement, augmenter le taux d’emploi tant pour les jeunes que pour les 60-65 ans, etc.

C’est cette stratégie, couplée à une baisse du taux des dépenses publiques et à une amélioration de leur efficacité, qui permettra d’augmenter notre potentiel de croissance et d’élargir la base imposable, donc les recettes publiques, sans avoir à relever les taux de prélèvements obligatoires. Tout autre choix ne ferait qu’accentuer le cercle vicieux : plus de charges sur une base économique fragilisée, donc moins de création de richesse, donc une nouvelle augmentation du taux de prélèvements pour tenter de compenser une base fiscale affaiblie, et ce dans une spirale sans fin. Abîmant ainsi tout à la fois l’économie et le social. Affaiblir l’économie, c’est fragiliser à brève échéance encore davantage le modèle social lui-même.

Olivier Klein est professeur d’économie à HEC.