Inégalités : ne nous trompons pas de diagnostic

10.04.2019 2 min
Retrouvez ma tribune parue dans Les Echos le 10 avril 2019

LE CERCLE – La France se place parmi les pays aux plus faibles inégalités de revenus, observe Olivier Klein, professeur d’économie à HEC. Mais l’inégalité des chances y est en revanche plus élevée que dans les pays de l’OCDE.

Les inégalités sont au coeur du débat dans de nombreux pays. Pour savoir comment agir de façon efficace et ne pas aggraver la situation par des politiques inappropriées, il faut établir un diagnostic juste.

Avant répartition, la France possède un fort taux d’inégalité de revenus en comparaison des pays comparables. Cependant, grâce à une politique de redistribution parmi les plus élevées des pays de l’OCDE, la France parvient à figurer, après répartition, parmi les pays à l’inégalité de revenus la plus faible.

Ce constat se confirme si l’on analyse la part du revenu national perçue par les 1 % les plus riches. Si elle a eu tendance à s’accroître un peu au fil des années (passant de 9 à 10,5 % en vingt ans), cette augmentation reste cependant bien plus contenue que chez nos voisins. Sur la même période, l’Allemagne est passée de 9 % à 13 %. Aux Etats-Unis, de 15 % à 20 %. De même, le pourcentage de la population française qui vit sous le seuil de pauvreté est non seulement inférieur à celui de la plupart des pays européens, mais en outre il suit une tendance baissière depuis vingt ans.

Inégalité des chances

Mais si la France se place parmi les pays aux plus faibles inégalités de revenus, l’inégalité des chances y est, en revanche, plus élevée que dans les pays similaires. Selon l’OCDE, il faut en France attendre en moyenne 6 générations pour qu’une famille partie du bas de l’échelle puisse atteindre le revenu moyen, lorsqu’il en faut seulement 2 au Danemark, 3 en Suède, 4 en Espagne et 5 aux Etats-Unis.

De ces constats, nous pouvons tirer deux analyses qui donnent à réfléchir dans le contexte social actuel. Dans un contexte de mondialisation et de révolution digitale, l’innovation apparaît comme un facteur crucial de compétitivité pour des pays développés. Le savoir et l’innovation sont ainsi directement liés à la réduction de l’inégalité des chances car l’innovation est facteur de croissance, donc permet de lutter contre la pauvreté. Elle permet aussi de créer des ruptures et de bousculer les situations figées. Ce qui favorise la progression et la mobilité sociale des plus talentueux, en assurant une meilleure fluidité sociale.

Cercle vicieux

En second lieu, si la redistribution est très honorable en tant que choix collectif, à ce niveau-là elle crée un cercle vicieux. Un niveau de cotisations sociales très supérieur à la moyenne européenne entrave la compétitivité. En France, cette situation contribue au faible taux d’emploi qui, à son tour, entraîne une inégalité de revenus élevée avant redistribution. Ce qui conduit en boucle à une très forte redistribution. Et le faible taux d’emploi et le chômage de longue durée, à une forte inégalité des chances.

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Professeur affilié à HEC en économie et finance