Eléments de réflexion pour le développement d’une banque de détail

06.11.2010 8 min

Le marché de la banque de détail est aujourd’hui saturé en Europe, et plus particulièrement en France avec un taux de bancarisation de plus de 98%. Ceci se traduit par une difficulté structurelle des banques à faire croître leur PNB et ceci d’autant plus dans un marché dont le taux de croissance tant économique que démographique est particulièrement faible.

La seule possibilité de croissance pour les banques de détail est alors de prendre des parts de marché les unes aux autres, exercice particulièrement difficile dans un marché bancaire qui restait assez figé jusqu’à maintenant.

Cependant, avec la crise de 2008 et ses effets sur l’image des banques auprès des consommateurs, ainsi qu’avec la généralisation des effets de la révolution technologique en cours, un mouvement autour du consommateur se met progressivement en place. Or tout mouvement en profondeur peut permettre de remettre en cause les positions acquises.

Au-delà des impacts de la crise financière, la révolution technologique induit deux révolutions qui touchent aujourd’hui profondément le métier de banque de détail en modifiant les relations entre banque et client et banque et fabricant de produits :

La révolution technologique donne au client un nouveau pouvoir dans sa relation avec sa banque

Mieux informé, plus exigeant, le client bancaire qui a trouvé une certaine facilité dans la consommation de produits et services bancaires avec les nouvelles technologies peut aujourd’hui plus facilement qu’hier comparer, utiliser plusieurs enseignes, voire changer de banque en fonction de l’image, des prix ou de la qualité de ces dernières.

La révolution technologique donne également un pouvoir au distributeur sur le producteur

Les nouvelles technologies modifient profondément l’équilibre des relations entre la banque et son client, mais elles modifient tout autant, la relation entre le producteur et distributeur de produits et services bancaires, en donnant un net avantage au distributeur sur le producteur.

Ces deux mouvements vont profondément bouleverser les équilibres du secteur, et l’intérêt de chacun des acteurs bancaires sera d’être en anticipation de ces mouvements, car ils offrent aux banques qui sauront les anticiper, une occasion unique de prendre plus facilement des parts de marché. Dans un environnement en mouvement fort et rapide, le risque de perdre des parts de marché est plus grand et l’opportunité d’en gagner n’a jamais été aussi forte.

D’où l’intérêt de bien prendre la mesure de ces deux révolutions et de bien prendre la crête de la vague.

1er mouvement de fond: la révolution client

Le client peut désormais, et de plus en plus facilement, acheter tous les produits et services bancaires de son domicile, sans se déplacer en agence. Il peut comparer les services offerts par chacun et les prix pratiqués. Il est encouragé dans ce choix par le développement rapide de l’e-commerce qui permet aujourd’hui d’acheter via internet tous les produits de consommation courante (vêtements, décoration …) mais aussi les loisirs (musique, livre,…) et même les services (ménage, cours des enfants, voyages…).

Il n’y a aucune raison que les produits et services bancaires restent en retrait de ce mouvement, alors même qu’ils sont dématérialisés. En outre, l’e-commerce est le seul secteur à ne pas subir les effets de la crise.

Dans ce cas, quelles seront les conséquences et impacts sur l’organisation, les métiers bancaires et la configuration et rôle des agences.

  1. Les clients ne viendront plus en agence pour des opérations simples et par conséquent, toutes les opérations transactionnelles et de flux ne se feront plus que depuis le domicile du client ainsi que par téléphone, ou par internet ou éventuellement directement sur les GAB. En conséquence, les métiers liés aux opérations transactionnelles et aux ventes simples se réduiront progressivement. Etre guichetier ou même commercial sans portefeuille dans une agence ne sera plus un métier demain. Seuls des métiers de responsables de clientèle (gestionnaire d’un portefeuille de clients), junior et senior, subsisteront.
  2. D’une part, l’agence traditionnelle devra être repensée comme étant également une e-agence, et chaque commercial devra développer les techniques et compétences pour être en mesure de réaliser des ventes simples, rapides, par téléphone avec des clients se déplaçant peu ou pas du tout. Les centres d’appel et autres banques multimédia n’ont pas la capacité de réaliser toutes les opérations distantes des banques et surtout n’offrent pas de relations personnalisées. Cela sera le rôle des agences, et de chaque commercial, d’être, chacun à son niveau et sur son fonds de commerce une petite e-agence, avec les impacts d’outils et d’organisation que cela nécessite.
  3. D’autre part, les besoins du client nécessiteront un développement rapide et important du niveau de compétence de chaque commercial. D’autant que de très nombreux clients montent leur niveau d’exigence, que certains sont de plus en plus informés et que tous attendent en l’exprimant de plus en plus fortement des conseils plus appropriés et personnalisés de leur banquier. Le client aura toujours besoin, à certains moments clé, de conseils à valeur ajoutée, c’est-à-dire pour les opérations patrimoniales importantes pour lui, à impacts financiers, juridiques ou fiscaux complexes, opérations qui nécessiteront un rendez-vous en face à face. De plus en plus, ces rendez-vous ne seront plus que les seules occasions du client de se déplacer dans une agence. Il sera donc essentiel de développer un niveau d’expertise en matière de montage et d’assemblage de produits et services très élevé. Les commerciaux devront alors être en mesure de trouver et proposer les montages ad hoc et de bien conseiller leur client, mais aussi au préalable d’avoir bien identifié et compris le besoin du client et de son foyer. De cette capacité à comprendre et proposer des ensembles de produits et services adaptés aux besoins de chaque client dépendra notre capacité à accompagner cette révolution client, et à faire la différence parmi les acteurs bancaires.
    Il s’agit ici de vendre mieux, et c’est en faisant mieux que l’on vendra plus, sans travailler davantage mais en travaillant autrement, avec plus de connaissance des clients, mais aussi de l’ensemble de la gamme des produits et services offerts, des assemblages et des montages possibles.
    Les liens entre producteur et distributeur peuvent ainsi se distendre, préfigurant ainsi dans certains cas la fin de l’intégration de tous les métiers dans un même groupe bancaire ou, pour un groupe bancaire intégrant banquiers-distributeurs et producteurs, l’organisation progressive de l’ouverture parallèle et négociée de son réseau banquier-distributeur à d’autres partenaires producteurs et de ses producteurs à d’autres banquiers-distributeurs.
    La fonctionnalité recherchée par le client prime ainsi peu à peu sur le produit à vendre, poussant le distributeur à assembler au mieux pour le client des bouquets composés des produits et services ad hoc, fabriqués, le cas échéant, par des producteurs divers et variés.
    Dans ces deux révolutions client et distributeur, les changements seront rapides et profonds. La capacité à nous adapter dépendra d’un maillon essentiel dans les entreprises de distribution à réseau comme les banques de détail. Ce maillon, c’est est le manager de proximité, le directeur d’agence. Pour qu’il réussisse pleinement son travail d’accompagnement auprès de ses équipes et d’adaptation des méthodes de travail à ces évolutions, il est nécessaire de renforcer son autonomie, ses capacités d’initiatives. Ces dernières sont d’autant plus nécessaires que le banquier-distributeur est encore davantage entrepreneur qu’auparavant. Il lui faut créer des solutions en « one to one », pour chaque client, mais en étant organisé de la façon la plus industrielle possible. Le taylorisme de la vente des produits aux clients par le distributeur cède ainsi la place aux équipes légères, habiles et entrepreneuriales, appuyés par des organisations elles-mêmes très industrialisées.
  4. La révolution client ne se traduira pas par une spécialisation produit des commerciaux, les clients en effet attendent de leur conseiller une relation globale et personnalisée.
    Au contraire, la révolution client développera une expertise de chaque commercial sur l’ensemble de la gamme pour pouvoir apporter une réponse complète et globale aux besoins des clients. Il s’agit ici de se rapprocher un peu des métiers de gestion de patrimoine, tout en concentrant ces derniers sur les clients à plus fort patrimoine. Il sera nécessaire de développer la formation des commerciaux des agences pour qu’ils deviennent d’excellents généralistes et de développer, en appui des commerciaux, de l’expertise produit ou solution à distance, au siège par exemple.
    L’enjeu de la révolution client pour une banque de réseau est de passer d’une approche centrée sur le produit à une approche centrée sur le client afin de ne pas perdre la bataille du « consom’acteur ». Il faudra donc être en mesure de lui apporter de la valeur ajoutée avec des généralistes, compétents, aguerris, appuyés par des spécialistes produits ou solutions en ligne au siège afin d’apporter le plus rapidement possible la meilleure combinaison possible au client. Tout en faisant converger simultanément les modèles d’agences physiques et ceux des e-agences, avec des commerciaux attitrés, en mesure de vendre, en tant que de besoin, à distance.

2ème mouvement de fond : la révolution distributeur

L’économie classique est une économie tirée par le produit. La chaîne de valeur classique est celle qui part du fabricant, qui propose ses produits à des distributeurs, qui eux-mêmes vendent ces produits à leurs clients.

La révolution technologique en cours entraîne une inversion de cette chaîne. On vend aujourd’hui, en effet, moins de téléphones portables que des solutions ou des forfaits donnant accès à des services qui comprennent les appareils. Dans le même esprit IBM s’est massivement retiré de la production des machines pour se concentrer sur la vente de solutions. Le cloud computing se développe. Le service du transport automobile tendra peut être à se substituer peu à peu à la détention en propre de véhicules.

Dans cette inversion de la chaîne, celui qui connaît et fidélise le client devient davantage maître du jeu. Cette révolution donne ainsi aux réseaux de distribution une place de choix, une place nouvelle, de par la maîtrise de la connaissance du client qu’offrent le savoir-faire et la technologie du distributeur.

En effet, les données clients, si prec1euses, sont maintenant non seulement stockées, mais analysées, transformées, et peuvent être de plus en plus traduites en trajectoires de consommation, attentes clients potentielles, événements de consommation. La maîtrise de ces données permet ainsi une véritable gestion de la relation client (Customer Relationship Management : CRM). Ce sont autant d’éléments dont ne disposent pas les producteurs et qui permettent d’équiper et de répondre aux attentes des clients dans de meilleures conditions. En passant d’une économie du produit, à une économie fondée sur la relation client, qui recherche la valeur client, la fonctionnalité pour le client, le distributeur fera la différence vis-à-vis de ses concurrents, mais aussi des fabricants. Pour cela il devra utiliser cette connaissance et se mettre en situation de proposer une offre spécifique et adaptée à chaque client. Les commerciaux bancaires, seront ainsi responsables de la mise en place, avec leur client, de la solution, de la combinaison de produits et de services, qui convient le mieux, en agissant en conseil avisé non pas pour le compte de, mais avec son client « consom’acteur » ici encore.

Cela implique de développer encore davantage les systèmes de connaissance clients, mais aussi et surtout se mettre en capacité de proposer les meilleurs combinaisons de produits et services en fonction de chaque client. Cela peut aller bien entendu jusqu’à proposer des produits non conçus par le Groupe bancaire auquel appartient le commercial. La fonction du distributeur est alors d’être un monteur de solutions adaptées, un assembleur intelligent et pertinent des produits et services co-choisis avec le client.

Les liens entre producteur et distributeur peuvent ainsi se distendre, préfigurant ainsi dans certains cas la fin de l’intégration de tous les métiers dans un même groupe bancaire ou, pour un groupe bancaire intégrant banquiers-distributeurs et producteurs, l’organisation progressive de l’ouverture parallèle et négociée de son réseau banquier-distributeur à d’autres partenaires producteurs et de ses producteurs à d’autres banquiers-distributeurs.

La fonctionnalité recherchée par le client prime ainsi peu à peu sur le produit à vendre, poussant le distributeur à assembler au mieux pour le client des bouquets composés des produits et services ad hoc, fabriqués, le cas échéant, par des producteurs divers et variés.

Dans ces deux révolutions client et distributeur, les changements seront rapides et profonds. La capacité à nous adapter dépendra d’un maillon essentiel dans les entreprises de distribution à réseau comme les banques de détail. Ce maillon, c’est est le manager de proximité, le directeur d’agence. Pour qu’il réussisse pleinement son travail d’accompagnement auprès de ses équipes et d’adaptation des méthodes de travail à ces évolutions, il est nécessaire de renforcer son autonomie, ses capacités d’initiatives. Ces dernières sont d’autant plus nécessaires que le

banquier-distributeur est encore davantage entrepreneur qu’auparavant. Il lui faut créer des solutions en «one to one», pour chaque client, mais en étant organisé de la façon la plus industrielle possible. Le taylorisme de la vente des produits aux clients par le distributeur cède ainsi la place aux équipes légères, habiles et entrepreneuriales, appuyés par des organisations elles-mêmes très industrialisées.

Président de la section française de la LECE