Les voies économiques étroites de l’après Covid

Retrouvez la version complète de ma tribune publiée dans l’édition des Echos du 16 Février 2021.

Une évidence : plus la pandémie dure, plus les dettes montent. Pour lutter contre les effets économiques des confinements en tout genre, les États et les banques centrales ont mené de puissantes et indispensables actions d’anesthésie. Après la pandémie, ils devront les réduire, puis les arrêter. Avec heureusement la perspective très positive apportée par les vaccins, c’est toutefois pendant cette phase que les difficultés économiques et sociales se manifesteront progressivement, avec la montée des faillites et des licenciements dans les secteurs touchés. Viendra ensuite le « piège de la dette ».  Soit les banques centrales se retireront peu à peu de leur politique de quantitative easing et les taux d’intérêt longs remonteront en pouvant provoquer l’insolvabilité de nombre d’entreprises et d’États, si ces derniers n’ont pas redonné une trajectoire crédible à leur dette. Soit, elles ne le feront pas et exacerberont les bulles financières et immobilières déjà bien présentes avec à terme leur éclatement et des conséquences économiques et sociales désastreuses. Et, in fine, une possible perte de confiance dans la monnaie. Quels sont donc les chemins envisageables pour échapper au mieux à cette « trappe de la dette » ?

Annulation de la dette, emprunt obligatoire ou hausse des impôts sont des non-solutions.

L’annulation de la dette publique est une idée qui n’a aucun sens – car le jeu est à somme nulle – et qui est très dangereuse pour la crédibilité des pays. Un emprunt obligatoire serait considéré comme confiscatoire. Cela entraînerait une baisse de la consommation pour reconstituer son épargne. Épargne qui de nos jours d’ailleurs n’est plus thésaurisée dans les bas de laine, mais mobilisée par les banques pour financer les crédits. Enfin, augmenter les impôts sur le patrimoine n’aurait pas plus de sens eu égard à la taille de l’enjeu et à l’absolue nécessité de valoriser les entrepreneurs et les innovateurs en ces temps de mutation. Augmenter les impôts en général, en France où les prélèvements obligatoires sont parmi les plus élevés du monde, jouerait en outre négativement tant sur la demande que sur l’offre.

Une « dette Covid » : Il serait nécessaire que la BCE refinance encore pendant un temps assez long les tombées successives du surcroît de dette publique dû à la pandémie, pour éviter une défiance des marchés s’ils devaient prendre en charge trop brutalement cette partie de la dette publique achetées par les banques centrales pendant la période.

Mais la solution de fond repose sur l’augmentation du potentiel de croissance. En espérant qu’une inflation maîtrisée vienne de plus contribuer à résoudre la question de la dette. L’indispensable réforme permettant d’améliorer l’efficacité de l’Etat devra être lancée ultérieurement. Celle des retraites est réalisable maintenant. Elle contribuerait largement à la réduction du déficit public. L’allongement de la durée de vie nécessite d’augmenter le nombre d’annuités. Ce qui augmenterait le potentiel de croissance, en augmentant le taux de population active, et inciterait les Français à moins épargner, avec plus de confiance quant à leur retraite future.

La réforme de l’assurance chômage : le nombre d’emplois non pourvus reste considérable. La formulation proposée actuellement, qui pourrait faire bouger le curseur des différents critères d’allocation en fonction des indicateurs du marché de l’emploi semble bien adaptée. Corollaire indispensable : la nécessité d’une protection individuelle via notamment une stratégie de formation professionnelle plus intense et plus efficace pour accompagner les salariés dans les fortes mutations en cours.

Finalement, en sortie de la période Covid, quel mix de politiques économiques ? Les politiques monétaire et budgétaire de soutien et de relance doivent persister tant qu’une croissance stabilisée ne sera pas retrouvée. Il faut éviter toute politique d’austérité. Mais il faudra vite que les États et les banques centrales s’engagent à suivre une trajectoire de retour à la « normale » sur plusieurs années pour donner confiance dans la dette et dans la monnaie. L’idée que les taux d’intérêt proches de zéro permettent de ne pas se soucier de la dette repose sur une théorie selon laquelle la monnaie et la finance sont neutres. L’histoire prouve le contraire. Les voies de sortie décrites ici sont étroites, mais probablement les seules jouables sans aggraver considérablement les risques encourus.

Directeur Général de la BRED et professeur de macroéconomie financière et de politique monétaire à HEC