« Le financement des entreprises : y-a-t-il insuffisance de crédit ? »

Présentation à l’institut de l’Entreprise le 27 août 2014

Y-a-t-il rationnement du crédit en France aujourd’hui ?

1/ La question peut légitimement se poser

Caractérisons le cycle financier

Dans phase euphorique :

  • Accélération de la croissance au fur et à mesure
  • Perception du risque à la baisse
  • Prime de risque diminue
  • Augmentation des prix des actifs patrimoniaux : actions + immobilier
  • Augmentation du crédit (dû à une perception du risque en baisse, à l’augmentation de la valeur des collatéraux et à l’augmentation de la demande de crédit)
  • Et bouclage avec soutien de la croissance en retour

Et symétriquement dans dépression, donc crise financière et rationnement du crédit.

Ajoutons qu’en pleine crise financière,

s’il y a une crise de liquidité :

  • Manque de liquidité
    • Renchérissement ou diminution de la ressource bancaire,
    • Effet sur taux de crédit
    • Limitation du volume des crédits
  • Le respect des ratios de solvabilité peut aussi être pro-cyclique et aggraver la crise :

Donc demande, pour respecter le ratio de solvabilité, de plus de capital par rapport aux engagements ou moins d’engagements pour un capital identique.

D’où

  • Soit augmentation de capital, mais peut-être très cher ou même impossible à ce moment là
  • Soit diminution des engagements, donc du crédit.

2/ Qu’en est-il réellement aujourd’hui en France ?

Clairement en France, il n’existe pas de rationnement aujourd’hui.

2 indicateurs :

  • Enquête BCE : % des entreprises pour lesquelles les conditions se durcissent – % des entreprises pour lesquelles les conditions du crédit s’améliorent
  • Enquête BdF : % des entreprises qui obtiennent 100% ou + de 75% des crédits demandés

Conditions de crédit en Zone Euro :

a)  BCE :

L’indicateur s’améliore.

France, Allemagne, Autriche : bon niveau d’octroi de crédit

Espagne, Italie, Portugal : moyen

Irlande, Grèce : mauvais

b) BdF : 2nd trimestre 2014

PME :

  • Pour les crédits d’investissement : 89 % des PME
  • Pour les crédits de trésorerie : 71 %

ETI :

  • Pour les crédits d’investissement : ~ 90 %
  • Pour les crédits de trésorerie : ~ 85 %

Enquête Banque de France : Baisse de la demande, pas baisse de l’offre. Excellent niveau de réponse à la demande de crédit.

c) Constatation d’une diminution des marges sur entreprises.

Ce qui signifie : Offre de crédit > Demande de crédit

d) Affaiblissement des critères d’octroi des crédits

La durée du crédit s’allonge, demande de garanties baisse, demande de collatéraux moins fortes.

3/ Pourquoi n’y a-t-il pas de rationnement du crédit en France ?

1/ Atteinte du ratio de solvabilité plus élevé exigé pour la réglementation Bâle 3 sans trop de difficulté, car bonne situation de départ. Bonne santé des banques françaises.

2/ Ratios de liquidité : pas favorables aux banques françaises. Liquidity Coverage Ratio (LCR) (2015-2019 : 60 à 100 %) et Net Stable Funding Ratio (NSFR).

Mais, malheureusement la conjoncture contribue beaucoup au respect des ratios réglementaires, car la demande de crédit est faible ; ce qui facilite également l’amélioration des ratios emplois-ressources clientèle, suivis par les analystes et les agences de notation.

Moins de crédit facilite un coefficient emplois – ressources clientèle de meilleure facture.

  • Pas rationnement de l’offre

3/ Attention ratio de transformation ! Règles d’écoulement des dépôts, en réflexion à Bâle, pourraient changer dangereusement pour entraver la possibilité des banques de prêter à taux fixe long avec un refinancement composé de dépôts clients stables.

Dangereux pour la capacité des banques françaises à prendre le risque de taux et de liquidité pour faire crédits longs à taux fixe aux entreprises et aux ménages. Si tel était le cas, soit les banques françaises titriseraient bien davantage leurs crédits par contrainte – et le risque de transformation (risque de taux et de liquidité) serait pris par les acheteurs des produits titrisés -, soit les banques françaises accorderaient essentiellement des crédits longs à taux variable, ce qui ferait prendre le risque de taux par les emprunteurs. Serait-ce un progrès ?

Conclusion

Les banques sont des centrales de risque.

Elles prennent des risques de crédit, de taux d’intérêt et de liquidité de par leur rôle économique d’intermédiation (prêts et emprunts auprès des clients) et de transformation (transformation des termes : emprunt auprès des clients essentiellement à court terme et crédits à moyen-long terme).

Ces risques sont réglementés et supervisés. C’est une nécessité pour ne pas laisser les banques prendre trop de risque, ce qui pourrait ruiner les déposants et déstabiliser la sécurité financière du système bancaire et financier dans son ensemble.En revanche, limiter trop les risques pris par les banque dans l’exercice de leur activité commerciale reviendrait à les faire prendre par d’autres qui ne sont ni réglementés, ni supervisés : clients eux-mêmes, investisseurs dans les produits titrisés ou « shadow banking », ou bien encore à entraver la croissance par manque de crédit.

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Directeur Général de la BRED, Professeur d’Economie et Finance à HEC