Édito – Lettre semestrielle de la section française de Ligue Européenne de Coopération Economique – janvier 2020

En six mois, beaucoup de choses se sont passées. Des espoirs sont nés. Avec toutefois de nombreux obstacles à franchir et des blocages persistants.

Quelques exemples :

  • Des élections européennes plutôt rassurantes.
    Le populisme n’a pas fait de percée. Et le nombre de votants n’a montré aucune désaffection pour ces échéances démocratiques. Mais d’une répartition bien réglée au Parlement européen entre deux grandes familles de députés, habituées à la recherche de compromis, a surgi un quatuor, nettement moins rompu à la discipline de la négociation européenne. Quatuor composé des conservateurs et des socio-démocrates, auxquels se sont ajoutés les verts et un groupe centriste, Renew Europe.
  • Une nouvelle Présidente de la Commission, Ursula Von Der Leyen.
    Une allemande très pro-européenne. Avec les membres de la nouvelle Commission, elle met en avant sa volonté de remettre l’Union en mouvement. Les fâcheuses péripéties des nominations sont a priori derrière nous.
  • Mais l’opposition Est-Ouest continue de se manifester entre autres sur le dossier de la défense, pourtant si important pour l’autonomie stratégique de l’Europe. Au sein de l’OTAN ou sans lui. Avec une déclaration du Président de la République française qui ouvre clairement et lucidement le débat, mais qui provoque la crispation ou l’opposition de tous ceux qui ont peur du vide et préfèrent croire que les Etats-Unis ne délesteront pas l’OTAN de son contenu.
  • Une vision divergente de la politique de concurrence et de la politique industrielle.
    D’un côté, les promoteurs de champions européens pour faire face, dans le domaine du big data, de la défense, des infrastructures et dans bien d’autres secteurs encore, aux géants américains et chinois. De l’autre, ceux qui pensent l’Europe comme union douanière, libre circulation des hommes, des marchandises et des capitaux. Et qui se méfient de l’interventionnisme étatique dans toute politique industrielle. Ils conçoivent la politique de la concurrence aux bornes des frontières de l’Union et non en regard des autres grandes zones économiques du monde.
  • L’opposition Nord-Sud sur la nécessité de poursuivre la construction de la Zone Euro.
    Pour certains, toute union monétaire dans l’histoire ne survit sur le long terme qu’avec un budget commun, permettant à l’échelle de la zone monétaire une politique contracyclique. Mais aussi avec une politique de soutien aux pays subissant des difficultés asymétriques. Pour ceux-là, les politiques de « risk sharing » et/ou les politiques structurelles d’aménagement des territoires sont indispensables pour éviter de laisser se dérouler la désindustrialisation ici et la polarisation industrielle là et, à la fin, mettre en péril l’Euro. D’autres, persuadés que l’effort et la discipline économiques, s’ils sont bien partagés par tous les pays, n’entraînent pas de besoin de transferts (de solidarité) entre les pays, qui risqueraient fort sinon de devenir permanents.
    D’où les difficultés actuelles à se mettre d’accord sur la nature et l’ampleur d’un réel budget européen, comme sur les modes d’action et la gouvernance du Mécanisme Européen de Stabilité ou sur la garantie des dépôts.
    Une évolution favorable : le Ministère de l’Economie allemand a accepté d’ouvrir des discussions sur ces sujets sans préalable, montrant ainsi une rupture avec la pratique antérieure. Même si les conditions mises en avant pour que soient actionnés les différents mécanismes à l’étude n’ont pas beaucoup varié.
  • La divergence enfin, qui pour bonne une partie englobe toutes les autres, entre deux visions de l’Europe. Celle d’une Europe stratège ou souveraine, construisant un projet et une capacité d’action dans le monde. Notamment pour se faire une place entre les deux hyperpuissances qui entament une guerre froide politique, économique et militaire, dans un tango à deux. Et celle d’une Europe pensée et vécue comme une union de pays liés par l’économie, des règles et des valeurs, mais ne tentant pas de se projeter comme acteur du monde en devenir, un acteur muni d’une stratégie propre.

Pour ce faire, il faut probablement partir de projets communs et concrets, industriels, de défense, de transition énergétique, numériques, etc. La Commission, les gouvernements et les chefs d’entreprise pourront ainsi redonner une dynamique à l’Europe. Le « Green deal », lancé par la nouvelle Commission en est un exemple.

Quelques projets de solidarité devraient aussi voir le jour. Une assurance-chômage de niveau européen mêlant « risk sharing » et « market discipline », est ainsi sérieusement à l’étude actuellement.

Tant des projets industriels européens qu’une assurance-chômage de l’Union pourraient améliorer l’image de l’Europe auprès des citoyens de l’Union, car ils seraient visibles et leur seraient directement utiles. Ils pourraient ainsi redonner une dynamique à l’Europe.


La possibilité de l’enlisement existe. Mais la ferme volonté de toutes les forces européennes de ne pas laisser se déliter une telle construction semble bien présente. Faire avancer l’Union semble ainsi une nécessité pour chacun. La nouvelle Commission et le Parlement renouvelé doivent partir de ces constats pour trouver les chemins du renouveau de l’Europe.

Faisons en sorte que notre Ligue Européenne puisse utilement porter ses réflexions et sa voix en ce sens !

Je vous souhaite une très belle et heureuse nouvelle année 2020, propice à tous, comme au renforcement du projet européen.

Président de la section française de la LECE